• TRADITION HERMÉTIQUE ET FRANC-MAÇONNERIE

    FEDERICO GONZALEZ

     

    Dans l’ancien manuscrit maçonnique Cooke (circa 1400) de la Bibliothèque Britannique, l’on peut lire aux paragraphes 281-326 que toute la sagesse antédiluvienne était écrite sur deux grandes colonnes. Après le déluge de Noé, l’une d’elles fut découverte par Pythagore et l’autre par Hermès le Philosophe, qui se consacrèrent à enseigner les textes qui y étaient gravés. Le manuscrit concorde parfaitement avec ce dont témoigne une légende égyptienne, déjà rapportée par Manéthon, et que le Cooke lui-même rattache aussi à Hermès.

     

    Il est évident que ces colonnes, ou ces obélisques, assimilées aux piliers J. et B., sont celles qui soutiennent le temple maçonnique tout en permettant d’y accéder, et qu’elles constituent les deux grands affluents sapientiels qui nourriront l’Ordre : l’hermétisme qui assurera la protection du dieu à travers la Philosophie, c’est-à-dire la Connaissance, et le pythagorisme qui donnera les éléments arithmétiques et géométriques nécessaires, réclamés par le symbolisme constructif ; il faut considérer que ces deux courants sont, directement ou indirectement, d’origine égyptienne. Notons également que ces deux colonnes sont les jambes de la Loge Mère, entre lesquelles naît le Néophyte, c’est-à-dire par la sagesse d’Hermès, le grand Initiateur, et par Pythagore, l’instructeur gnostique.

     

    En fait, dans la plus ancienne Constitution Maçonnique éditée, celle de Roberts, publiée en Angleterre en 1722 (et donc antérieure à celle d’Anderson), mais qui n’est que la codification d’anciens us et coutumes opératifs qui viennent du Moyen Âge, et qui seront développés par la suite dans la Maçonnerie spéculative, il est spécifiquement fait mention d’Hermès, dans la partie intitulée « Histoire des Francs-maçons ». En effet, il apparaît là dans la généalogie maçonnique sous ce nom, ainsi que sous celui de Grand Hermarines, fils de Sem et petit-fils de Noé, qui trouva après le déluge les colonnes de pierre déjà citées où se trouvait inscrite la sagesse antédiluvienne (atlantique) et lut (déchiffra) sur l’une d’elles ce qu’il enseignerait plus tard aux hommes. L’autre pilier fut, comme nous l’avons dit, interprété par Pythagore en tant que père de l’Arithmétique et de la Géométrie, éléments essentiels dans la structure de la loge, et par conséquent ces deux personnages constituent l’alma mater de l’Ordre, en particulier dans son aspect opératif, lié aux Arts Libéraux.

     

    Dans le manuscrit Grand Lodge nº1 (1583), seule subsiste la colonne d’Hermès, retrouvée par « le Grand Hermarines » (qui est fait descendant de Sem) « qui fut plus tard appelé Hermès, le père de la sagesse ». Notons que Pythagore ne figure plus en tant qu’interprète de l’autre colonne. Dans le manuscrit Dumfries nº 4 (1710) il apparaît également, comme « le grand Hermorian », « qui fut appelé ‘le père de la sagesse’ », mais dans ce cas, l’on a rectifié son origine d’après le texte biblique qui le fait descendre de Cham et non de Sem, par l’intermédiaire de Cusch ; comme le dit J,-F. Var dans La Franc-Maçonnerie : Documents Fondateurs, éditions de L’Herne, p. 207, n.33 : « Or, dans la Genèse (10, 6-8), Cusch est le fils de Cham et non celui de Sem. Le rédacteur du Dumfries a rectifié la filiation en conséquence. Dans le même temps, cette filiation résulte être celle que l’Écriture donne à Nemrod. De là l’assimilation de Hermès à Nemrod, contrairement à d’autres versions qui en font deux personnages bien distincts. » (traduit du castillan).

     

    C’est également ce que met en avant le manuscrit qui a été nommé Regius, découvert par Haliwell au Musée Britannique en 1840 et que reproduit J. G. Findel dans l’Histoire Générale de la Franc-Maçonnerie (1861), dans son ample première partie qui traite des origines jusqu’en 1717, bien que ce n’y soit pas Pythagore l’herméneute qui, avec Hermès, déchiffre les mystères dont hériteront les maçons, sinon Euclide, qui est fait fils d’Abraham ; à ce sujet, rappelons que le théorème du triangle rectangle de Pythagore fut énoncé dans la quarante-septième proposition d’Euclide.

     

    Findel lui-même, se référant à la quantité d’éléments gnostiques et opératifs qui constituent la Maçonnerie, et s’occupant concrètement des carriers allemands, affirme : « Si la conformité qui résulte entre l’organisme social, les usages et les enseignements de la Franc-Maçonnerie et ceux des compagnies de maçons du Moyen Âge indique déjà l’existence de relations historiques entres ces diverses institutions, les résultats des investigations menées dans les arcanes de l’histoire et le concours d’une multitude de circonstances irrécusables établissent de façon positive que la Société des Francs-maçons descend, directement et immédiatement, de ces compagnies de maçons du Moyen Âge. » Et il ajoute : « L’histoire de la Franc-Maçonnerie et de la Société des Maçons est ainsi intimement liée à celle des corporations de maçons et à l’histoire de l’art de construire au Moyen Âge ; il est donc indispensable de jeter un bref coup d’œil à cette histoire pour arriver à celle qui nous occupe. »

     

    Ce qui est intéressant dans ces références venues d’Allemagne, c’est que son Histoire Générale est considérée comme la première histoire (au sens moderne du terme) de la Maçonnerie, et dès le commencement l’auteur établit que : « L’histoire de la Franc-Maçonnerie, de même que l’histoire du monde, est fondée sur la tradition ».1 Il apparaît donc comme évident que les Anciens Us et Coutumes, les symboles et les rites et les secrets du métier, se sont transmis sans solution de continuité depuis des temps reculés et, bien sûr, dans les corporations médiévales, et le passage d’opératif à spéculatif n’a été que l’adaptation de vérités transcendantales à de nouvelles circonstances cycliques, en observant que le terme opératif ne se réfère pas seulement au travail physique ou de construction, de projection ou de programmation matériel et professionnel des travaux, mais aussi à la possibilité donnée à la Maçonnerie d’opérer la Connaissance chez l’initié, au moyen des outils que donne la Science Sacrée, ses symboles et ses rites. C’est précisément là ce qu’offre la Maçonnerie en tant qu’Organisation Initiatique, et se trouve confirmé par la continuité du passage traditionnel qui permet que l’on puisse trouver également dans la Maçonnerie spéculative, de manière réflexe, la vertu opérative et la communication avec la Loge Céleste, c’est-à-dire la réception de ses effluves qui sont les garants de toute véritable initiation, à plus forte raison lorsque les enseignements émanent du dieu Hermès et du sage Pythagore.2 De toutes façons, aussi bien l’une que l’autre sont des branches d’un tronc commun qui prend les Old Charges (Les Anciens Devoirs) comme modèle ; de ces derniers, ont été trouvés de très nombreux fragments et manuscrits sous forme de rouleaux, depuis le XIVe siècle, dans diverses bibliothèques.3

     

    Quant à Hermès, non mentionné dans les constitutions d’Anderson, en particulier l’Hermès Trismégiste grec (le Thot égyptien), c’est une figure aussi familière à la Maçonnerie des plus divers rites et obédiences qu’elle pourrait l’être pour les alchimistes, forgerons de l’immense littérature placée sous leur égide. Non seulement l’Hermétisme est le thème d’abondantes planches et livres maçonniques, et d’innombrables loges s’appellent Hermès, sinon qu’il existe des rites et des grades qui portent son nom. Il y a ainsi un Rite appelé Les Disciples d’Hermès ; un autre le Rite Hermétique de la loge Mère Écossaise d’Avignon (qui n’est pas celle de Dom Pernety), Philosophe d’Hermès est le titre d’un Grade dont le catéchisme se trouve dans les archives de la « loge des amis réunis de Saint Louis », Hermès Trismégiste est un autre grade archaïque que nous rapporte Ragon, Chevalier Hermétique est un niveau hiérarchique contenu dans un manuscrit attribué au frère Peuvret dans lequel l’on parle aussi d’un autre appelé Trésor Hermétique, qui correspond au grade 148 de la nomenclature dite de l’Université, où il en existe d’autres comme Philosophe Apprenti Hermétique, Interprète Hermétique, Grand Chancelier Hermétique, Grand Théosophe Hermétique (correspondant au grade 140), Le Grand Hermès, etc. Dans le Rite de Memphis également, le grade 40 de la série Philosophique s’appelle Sublime Philosophe Hermétique, et le grade 77 (9ème série) du Chapitre Métropolitain est nommé Maçon Hermétique.

     

    Dans l’actualité, les revues et dictionnaires maçonniques ne manquent pas non plus de références directes à la Philosophie Hermétique et au Corpus Hermeticum,4 auquel celle-ci se trouve liée, mais se retrouvent également des analogies avec la terminologie alchimique ; en voici un seul exemple, extrait du Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie de D. Ligou (p. 571) : « Nous citerons une interprétation hermétique de quelques termes utilisés dans le vocabulaire maçonnique : Soufre (Vénérable), Mercure (1er Surveillant), Sel (2ème Surveillant), Feu (Orateur), Air (Secrétaire), Eau (Hospitalier), Terre (Trésorier). L’on trouve ici les trois principes et les quatre éléments des alchimistes. »

     

    Ce qui fait qu’Hermès et l’Hermétisme sont une référence habituelle dans la Maçonnerie, comme l’est aussi Pythagore et la géométrie. D’autre part, ces deux courants historiques de pensée viennent, à travers la Grèce, Rome et Alexandrie, de l’Égypte la plus lointaine, et par son intermédiaire, de l’Atlantide et de l’Hyperborée, comme c’est en fin de compte le cas de toute Organisation Initiatique, capable de relier l’homme à son Origine. Et il va de soi que cette impressionnante généalogie qui compte les dieux, les sages (les prêtres) et les rois (aussi bien de Tyr et d’Israël que d’Écosse : la royauté ne dédaignait pas la construction et le roi était un maître opérateur de plus) constitue un domaine sacré, un espace intérieur construit de silence, lieu où deviennent effectives toutes les virtualités, et où l’Être Universel peut ainsi se refléter de façon spéculative. La loge maçonnique, comme on le sait, est une image visible de la loge Invisible, tout comme le Logos est le déploiement de la Tri-unité des Principes.

     

    L’influence du dieu Hermès et les idées du sage Pythagore n’ont pas totalement disparu de ce monde crépusculaire que nous habitons, elles sont en fait tout ce qu’il en reste y n’oublions pas que les alchimistes assimilent Jésus au Mercure Solaire, au moins en Occident. D’autre part, sans elles le monde ne pourrait pas même exister, aussi bien dans le domaine des énergies perpétuellement régénératrices attribuées à Hermès et à sa Philosophie, que dans celui des idées-force pythagoriciennes, dont l’ordre numérique (et géométrique) est aujourd’hui indispensable à la plus simple des opérations.

     

    La déité est immanente en tout être, et les Enfants de la Veuve, les fils de la lumière, la reconnaissent au sein de leur propre loge, faite à l’image du Cosmos. La racine H. R. M. est commune aux noms Hermès et Hiram, ce dernier formant avec Salomon un parèdre où se conjuguent la sagesse et la possibilité (la doctrine et la méthode), la Tradition (Kabbale) hébraïque, qui vît naître Jésus, se signalant comme le vecteur de cette révélation sapientielle, royale et artistique (artisanale) que constitue la Science Sacrée, apprise et enseignée dans la loge par les symboles et les rites, « livre » codé que les Maîtres déchiffrent aujourd’hui, ainsi que le firent leurs ancêtres dans les temps mythiques, puisque la Maçonnerie n’octroie pas la Connaissance en soi sinon qu’elle montre les symboles et indique les voies pour y accéder, avec la bénédiction des rites ancestraux, qui agissent comme les transmetteurs médiatiques de cette Connaissance.5

     

    Autrement dit que l’actualisation de la possibilité, c’est-à-dire l’Être, l’assurance que tout est vivant, que le Présent est éternel, la simultanéité du Temps, la notion de Tri-unité du Seul et Unique, constituent une Connaissance que les francs-maçons atteignent par l’expérience que procure un apprentissage graduel et hiérarchisé.

     

    Le Maître Constructeur emporte partout sa loge intérieure, c’est ce qu’il est lui-même, un Cosmos en miniature, conçu par le Grand Architecte de l’Univers. Mais l’œuvre est inachevée, sa pierre brute doit encore être polie (par la Science et l’Art) de même que le Créateur a ciselé son Œuvre. Les nombres et les figures géométriques symbolisent des concepts métaphysiques et ontologiques qui représentent également des réalités humaines concrètes et immédiates, aussi nécessaires que les activités physiologiques, et à partir de là toutes les autres. Le nombre établit la notion d’échelle, de proportion et de rapport, ainsi que de rythme, de mesure et d’harmonie, car ce sont les canaux percés par l’Unité vers l’indéfinité numérique, vers les quatre points de l’horizon mathématique et la multiplicité. Il est évident que Pythagore et Thalès de Milet n’ont rien « inventé », mais qu’ils ont reconnu, dans la série décimale qui retourne à son Origine (10 = 1 + 0 = 1), une échelle naturelle, une ascèse qui permettrait à l’être humain de compléter l’Œuvre et d’opérer ainsi la transmutation en Homme Véritable, paradigme de tout Initié, situé dans la Chambre du Milieu, entre l’équerre et le compas.6 Il n’y a pas eu de Tradition qui n’ait développé un système numéral qui lui serve de méthode de connaissance, en parfait accord avec les règles de la création. Rappelons que le toit de la loge est décoré par les astres, les Régents, qui gouvernent les sphères célestes et établissent les intervalles et les mesures de l’Harmonie Universelle.

     

    Les maçons n’ont cependant jamais cessé de reconnaître la phrase évangélique : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » (Saint Jean 14, 2), car s’ils savent que devant eux s’ouvre un sentier qui les conduira à leur Père, il ne rejettent pas d’autres chemins ni s’opposent à aucune voie, car ils croient que les structures invisibles sont les mêmes, prototypes valables pour tout temps et tout lieu, malgré la constante adaptation de formes distinctes aptes à différentes individualités, la plupart du temps déterminées par les cycles temporels dont tout être vivant pourrait donner l’exemple, comme l’être humain et ses modifications et adaptations au cours des années, cycles auxquels la Maçonnerie n’échappe pas non plus, comme cela peut se vérifier dans sa lente transformation qui se concrétise finalement au XVIIIe siècle. Et c’est par la même compréhension de ses possibilités métaphysiques et initiatiques que la Franc-Maçonnerie reconnaît d’autres Traditions, et laisse également la porte ouverte à la pratique de n’importe quelle croyance religieuse, ou pseudo religieuse, à ses membres, beaucoup desquels concilient leur processus de Connaissance ­lire Initiation­ avec la pratique de préceptes et cérémonies religieuses exotériques et légales qu’ils croient pouvoir enrichir leur passage et celui des autres dans ce monde. Il n’y a donc pas de conflit entre Maçonnerie et Religion, à condition de ne pas tenter d’en mêler les concepts ni de prétendre, comme cela est déjà arrivé, que certains fondamentalistes (religieux ou non) essaient d’accaparer les loges à leur profit personnel. De fait, de nombreux hermétistes, pythagoriciens et maçons ont été, et sont, des chrétiens accomplis, ou bien de grands kabbalistes, et tous ont considéré les symboles comme leurs maîtres. L’Église Catholique n’a jamais condamné l’Hermétisme ni Euclide, héritier de la science géométrique pythagoricienne et maître des francs-maçons, mais elle a en revanche eu des problèmes avec la Maçonnerie depuis le XVIIIe siècle, au point de la condamner et d’excommunier ses membres. Il s’est produit néanmoins ces derniers temps un rapprochement progressif entre les deux institutions, éclaboussé ici et là d’incompréhensions et d’interférences, souvent intéressées. Selon José A. Ferrer Benimelli, S.J., la revue La Civilittà Cattolica de Rome, publiée dès 1852 et qui a suivi le thème de la Franc-Maçonnerie jusqu’à nos jours, révèle dans sa propre évolution ce processus de rapprochement, ou au moins de respect mutuel. En effet, les premiers articles sont violents et condamnatoires, suit une période de transition, et ceux des dernières années sont assez conciliatoires et ouverts au dialogue.7

     

    Nombreux sont les maçons catholiques, beaucoup d’entre eux français, qui ont tenté depuis des années de concilier les deux institutions et de lever l’excommunication ; il y a cependant bien d’autres auteurs maçonniques qui intègrent complètement la Tradition Hermétique dans leur Ordre sans avoir besoin d’exotérisme religieux. Tel est le cas d’Oswald Wirth, directeur pendant de nombreuses années de la revue Le Symbolisme et maçon reconnu, qui a écrit sur les Symboles de la Tradition Hermétique et les symboles maçonniques : Le Symbolisme Hermétique par rapport à l’Alchimie et la Maçonnerie, montrant de nombreux aspects de leur Origine identique ; quant aux maçons qui ont publié ces dernières années, aussi bien sur les différents grades que sur les Nombres, nous voudrions citer tout d’abord Raoul Berteaux, parmi un groupe notable qui a amplement traité de l’Arithmosophie, pythagoricienne à la base.8

     

    Hermès, à qui est attribué l’enseignement de toutes les sciences, a joui d’un grand prestige au cours de diverses périodes de l’histoire de la culture d’occident. Cela a été le cas parmi les alchimistes et lesdits philosophes hermétiques, et les mêmes notions se sont manifestées dans l’Ordre des Frères Rose-croix, influences toutes recueillies par la Maçonnerie à tel point que l’on peut la considérer comme le dépôt de la sagesse pythagoricienne et responsable de sa transmission au cours des derniers siècles, ainsi que comme la réceptrice des Principes Alchimiques, tout comme des idées Rosicruciennes,9 ce qui est une évidence lorsque l’on peut vérifier facilement que l’un des plus hauts grades du Rite Écossais Ancien et Accepté, le 18, s’appelle précisément Prince Rosecroix. Des analogies et des connexions avec les Ordres de Chevalerie sont également réclamées par certains maçons, concrètement avec l’Ordre du Temple. Il existe de nombreux indices historiques qui prouveraient ces germes, ainsi que des rites et des traditions, en particulier l’un des mots de passage au grade 33, mais qui s’affaiblissent assez lorsque l’on se souvient que les templiers étaient à la fois moines et soldats (quoique grands constructeurs médiévaux), ce qui n’a aucun rapport apparent avec la Maçonnerie, dans laquelle l’on observe par ailleurs une très nette influence hébraïque que nous avons déjà signalée au sujet de Salomon et de la Construction du Temple, et qui se voit confirmée en vérifiant simplement que presque tous les mots de passage et de grade, secrets sacrés, sont prononcés en hébreu.10

     

    Dans le Dictionnaire Encyclopédique de la Maçonnerie (Ed. del Valle de México, Mexico D.F.), qui est peut-être le plus connu en langue espagnole, nous trouvons sous le titre « Hermès » l’entrée correspondante, dans laquelle l’on peut observer l’importance attribuée au Corpus Hermeticum qui, dans certaines loges sud-américaines, occupe la place de la Bible en tant que livre sacré. Le rapport entre Hermès et le silence est bien connu, et l’on qualifie d’hermétique se qui se trouve parfaitement clos, ou scellé. Le silence est également une caractéristique de la Franc-Maçonnerie ainsi que des pythagoriciens qui passaient cinq ans à le cultiver.

     

    Élias Ashmole est aussi un digne point de confluence entre l’Hermétisme et la Maçonnerie. Cet extraordinaire personnage, né à Lichfield, Angleterre, en 1617, semble avoir joué un rôle important dans la transition entre l’ancienne Maçonnerie, antérieure à Anderson-Désaguliers, et son ultérieure projection historique, en voie de récupérer la majeure partie du message spirituel-intellectuel, c’est-à-dire gnostique (au sens étymologique du terme), des authentiques organisations initiatiques, parmi lesquelles la Franc-Maçonnerie et l’Ordre de la Jarretière. Il fut reçu dans la loge de Warrington le 16 octobre 1646 bien que, d’après son journal, il n’assista que plusieurs années plus tard à sa seconde tenue. Il ne faut cependant pas s’étonné de ce comportement chez une personnalité comme la sienne, produit de l’ambiance de l’époque, où le culte du secret et du mystère était habituel pour des raisons évidentes de sécurité et de prudence. En 1650, il publia son Fasciculus Chemicus sous le nom anagrammatique de James Hasolle ; il s’agit de la traduction de textes d’Alchimie en latin (dont certains de Jean d’Espagnet) avec sa préface. En 1652, il édita le Theatrum Chemicum Britannicum, une collection de textes alchimiques anglais en vers, qui réunit beaucoup des pièces les plus importantes de celles produites dans ce pays, et, six ans plus tard, The Way to Bliss, tout en travaillant à des recherches documentaires littéraires en tant qu’historien et développant son activité d’antiquaire en réunissant dans un musée toute sorte de « curiosités » et « raretés » se rapportant à l’archéologie et l’ethnologie, ainsi que des collections d’Histoire Naturelle, comprenant des espèces minérales, botaniques et zoologiques en tout genre. En réalité, ce fut là l’objectif scientifique du musée (où l’on a même réalisé les premières expériences scientifiques d’Angleterre), dont l’on visite aujourd’hui les magnifiques installations d’Oxford davantage comme musée artistique que comme institution précurseur de la science et auxiliaire de l’Université. La vie d’Ashmole a été très liée à celle d’Oxford, et les fonds de ses donations d’objets et de manuscrits à l’institution qui porte son nom (où se trouvent également les volumes de son journal, rédigés dans un système chiffré et qui contiennent de nombreuses notes sur la Maçonnerie)11 ont été d’une immense importance pour cette ville en raison de son prestige universitaire. Ashmole joua un rôle considérable à Oxford ainsi qu’à Londres : produit de son époque, il s’est consacré à la science naturelle et expérimentale comme une forme de magie des transmutations, tout comme de nombreux philosophes hermétiques. Il a ainsi été en rapport avec des Astrologues, des Alchimistes, des Mathématiciens et toute sorte de savants et de dignitaires de l’époque, avec lesquels il formera la Royal Society de Londres et la Philosophical Society d’Oxford. Ses nombreux amis et compagnons de toute une vie portent des noms illustres, beaucoup desquels étaient liés à la Maçonnerie aux plus hauts grades, comme Christopher Wren, ou aux recherches et exercices sur les Arts Libéraux et la Science Sacrée, et constituaient un ensemble de personnalités qui jouèrent un rôle fondamental en leur temps, en particulier en ce qui concerne la diffusion et la pratique de la Tradition Hermétique et ses liens avec la Franc-Maçonnerie. Ainsi que le disait René Guénon au sujet du rôle d’Ashmole : « Nous pensons même que l’on chercha au XVIIe siècle à reconstituer à ce sujet une tradition qui s’était en grande partie perdue ». Le nom de E. Ashmole brille sur cet extraordinaire travail à deux aspects : comme l’un des reconstructeurs de la Maçonnerie quant à son rapport avec les ordres de Chevalerie et les corporations de constructeurs, ainsi que comme confluent avec la Tradition Hermétique. Ashmole se donnait lui-même le nom de fils de Mercure (Mercuriophilus Anglicus), et son œuvre la plus importante, que nous avons déjà citée, The Way to Bliss, 1658, recueille ses travaux sur la Philosophie Hermétique, ainsi qu’il l’indique lui-même au lecteur dans son introduction.

     

    Il faut également signaler que certains auteurs s’interrogent au sujet du catholicisme et du protestantisme dans le processus de passage de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative. Le propos est généralement simplifié en déclarant que les corporations opératives étaient catholiques et les spéculatives qui suivirent, protestantes. Il est évident que du point de vue historique, ces faits peuvent s’avérer plus ou moins « réels » puisque l’Ordre, comme toute institution, est sujet à certains va-et-vient cycliques qui se manifestent dans les sphères sociales, politiques, économiques, etc. Mais du point de vue de la Franc-Maçonnerie en tant qu’organisation initiatique, elle n’est pas assujettie au devenir, raison pour laquelle elle subsistera jusqu’à la fin du cycle.12 En réalité, la Tradition Hermétique (et Hermès lui-même) a subi d’innombrables adaptations au cours du temps, bien que n’ayant jamais cessé de s’exprimer, et il est évident que cette Tradition, tout comme les fondements de la Maçonnerie, elle-même identifiée comme la Science de Construire, est antérieure au Christianisme tout en ayant coexisté avec durant vingt siècles et que l’on ait même vu des hermétistes chrétiens et des chrétiens hermétiques (parmi lesquels de très hauts dignitaires, y compris des papes), ce qui n’empêche pas cette Tradition d’avoir des antécédents nettement païens, liés aux écoles de mystères ou, comme on les appelle aujourd’hui, les religions mystériques ; l’on pourrait donc affirmer que l’hermétisme possède un versant païen et un autre chrétien. Il faut à ce sujet préciser que le mot païen prend à nos oreilles, accoutumées aux aspects les plus superficiels des religions abrahamiques, la connotation de maudit, illégal, bâtard, ou au minimum de péché nébuleux. Ou encore d’ignorance attribuée au retard de peuples méconnus et qui n’intéressent même pas. L’on conçoit généralement le paganisme comme antagonique d’une opinion civilisée, souverainement primitif ou allant à l’encontre du christianisme ou de la religion, et par conséquent étranger à toute sorte d’ordre. Le paganisme est en somme éliminé d’avance par une censure intérieure, comme quelque chose d’un peu répugnant, avant que nous ne nous rendions compte qu’en réalité il ne s’agit que de la sagesse d’innombrables peuples traditionnels ayant habité ce monde avant et pendant les seulement vingt siècles qui caractérisent ce que l’on nomme la Civilisation contemporaine.13

     

    Nous supposons que de ce dernier point de vue, presque officiellement œcuménique, il n’y a pas d’injure à partager la pensée païenne, ainsi que l’ont vu des Pères de l’Église et de nombreux sages, prêtres et pasteurs contemporains.14

     

    En réalité, pour l’Hermétisme, historiquement antérieur au Christianisme, il existe une Cosmogonie Pérenne, qui se manifeste par sa philosophie et ses écrits de la même façon que pour le maçon, religieux ou non, elle le fait par ses symboles et ses rites.

     

    Quant à la relation entre les Francs-maçons et les corporations de constructeurs et artisans, il existe trois grands témoignages souvent cités en tant que sources documentaires sur la pratique de la construction au Moyen Âge.15 Nicholas Coldstream les recueille dans son livre sur la pratique de la construction au Moyen Âge,16 où il rejette la notion de filiation « fantomatique » de la Franc-Maçonnerie avec les constructeurs et les artisans médiévaux, (sa thèse, simple, est que les maçons étaient des ouvriers et non pas des hommes de cabinet) malgré que, paradoxalement, son étude le confirme de plusieurs manières ; ainsi, il nous dit à ce sujet : « Il s’agit du document, rédigé par l’abbé Suger, qui relate la construction du nouveau chœur de l’abbaye de Saint-Denis ; du manuscrit daté circa 1200, du moine Gervais de Canterbury, sur l’incendie et la réparation de la cathédrale de Canterbury, et de l’Album de Villard de Honnecourt, ensemble de dessins et de plans d’édifices, de moulures et de tours élévateurs. Des trois, le texte de Suger nous renseigne davantage sur l’homme et la décoration de son église que sur l’édifice, bien qu’il y ait, au passage, quelques précieuses allusions à sa construction. L’examen attentif de l’Album de Villard de Honnecourt nous permet de douter sérieusement que celui-ci ait construit quelque fois des églises et qu’il ait eu quelque connaissance en matière d’architecture ; quant à ses dessins, s’ils sont intéressants, ce ne serait cependant pas ceux d’un architecte ou d’un atelier de maçon. Le texte de Gervais, au contraire, est l’unique document médiéval qui décrive une équipe de maçons au travail ; il fournit de nombreuses informations sur la pratique des maçons et sur quelques méthodes de construction. »

     

    La référence à l’Album de Villard de Honnecourt nous intéresse tout spécialement. En effet, ce n’est pas la première fois que l’on signale certaines caractéristiques quant au fait que ce cahier n’est pas un manuel de technologie appliquée, sinon tout à fait autre chose, beaucoup plus en rapport avec les notions de la Philosophie Hermétique notées à l’usage des maîtres d’œuvre.17 Et le fait qu’il existe un document de ce type (document de cabinet plus qu’autre chose) est une preuve que la spéculation sur le symbolisme et le langage hermétique dans sa version chrétienne avait déjà des adeptes au début du XIIIe siècle, qui vit naître, entre autres, les cathédrales de Chartres et de Reims.

     

    L’on a beaucoup écrit sur ce thème et le débat demeure ouvert ; l’investigateur en tirera ses propres conclusions, mais ne pourra ignorer la Tradition Orale et sa filiation universelle avec le Symbolisme Constructif, qui peut se manifester aussi bien en Extrême-Orient qu’en Égypte ou en Méso-Amérique ; dans les « collegia fabrorum » romains, ou chez les corporations médiévales, que l’on considère généralement, faisant abstraction de toute référence initiatique ou ayant un rapport avec les Francs-maçons, comme fermées et en même temps dépositaires de connaissances relatives à « l’office », qui se transmettaient par le biais des symboles et des termes d’un langage chiffré.

     

    Il faut néanmoins tenir compte du fait que l’influence de la Philosophie Hermétique, d’une part, et celle des corporations de constructeurs chrétiens d’autre part (ainsi que d’autres déjà mentionnées, comme l’Ordre du Temple), n’est pas la même dans les différents Rites où, sur une base commune, l’on peut observer quelques filiations penchant vers l’un ou l’autre de ces aspects. Nous ne pouvons traiter ici le sujet vaste et complexe de la diversité des Rites maçonniques, mais nous pouvons en revanche signaler leur existence, ainsi que celle de différents aspects de la Science Sacrée qui inspirent à certains plus ou moins de sympathie. Puisque la Maçonnerie est une et seule, comme est une et seule la Construction Cosmique, et donc le Symbolisme Constructif, les interpénétrations d’influences diverses, leurs oppositions et conjonctions, forment part de l’ensemble de déséquilibres et d’adaptations auxquels doit faire face l’héritage maçonnique, véhiculé par la civilisation judéo-chrétienne. Cela a déjà eu lieu par le passé et explique le passage de la Maçonnerie opérative à la spéculative comme nous l’avons déjà dit, franchissement graduel qui fit que certaines loges « opératives » (antérieures à 1717) possédaient des éléments « spéculatifs » et que de nombreuses loges « spéculatives » (actuelles) sont en fait opératives. Il existe même des documents témoignant de la coexistence de toutes deux, thème que divers auteurs ont appelé Maçonnerie de transition.18 En effet, après la publication des Constitutions d’Anderson, un groupe de nombreux maçons écossais, irlandais et d’autres lieux d’Angleterre décident de se séparer de la Grande Loge fondée à Londres (et qui débuta avec quatre loges seulement), leurs différences portant en partie sur certaines altérations de signification, voire rituelles, auxquelles ne sont pas étrangères les distinctions religieuses, et créent même une espèce de Fédération de l’Ancienne Maçonnerie qui ne renouerait ses relations avec les Anglais qu’après plusieurs dizaines d’années, mais en conservant ses points de vue traditionnels plus en rapport avec le mode opératif ou initiatique qu’avec le spéculatif ou allégorique ; il faut ajouter à cela les problèmes de succession au trône d’Angleterre auquel prétendait Jacques, écossais et catholique, qui avait de nombreux partisans, non seulement dans les îles mais aussi sur tout le continent.19

     

    Quoiqu’il en soit, cette situation de diversité de Rites se retrouve dans les différents degrés, qui varient en nombre, appellation et condition, selon les différentes formes maçonniques. Ce sujet est intéressant mais il nous semble prioritaire de rappeler que ces grades (qu’ils soient au nombre de trois, sept, neuf ou davantage) représentent des étapes dans le Processus de Connaissance, ou d’Initiation, et que ces passages ou états sont synthétisés et désignés dans la Franc-Maçonnerie par les noms d’Apprenti, Compagnon et Maître, correspondant aux trois mondes : physique, psychique et spirituel. Ces trois grands degrés contiennent en synthèse tous les autres grades, dont la plupart n’en sont parfois que des spécifications ou des prolongations. Mais il est clair que la division est hiérarchique et qu’elle s’effectue au sein d’un ordre rituel qui correspond symboliquement à ces étapes de l’Initiation ou Voie de la Connaissance. Mais il n’y a pas non plus de pouvoir central regroupant toute la Maçonnerie, bien qu’il existe des Grandes Loges extrêmement puissantes avec tout un passé traditionnel, et les différentes Obédiences et Rites conservent une attitude de respect mutuel, puisque tous descendent d’un tronc commun.

     

    Cette espèce d’indépendance, si l’on peut la nommer ainsi, est également très nette au sein de chaque loge, où les symboles sont ou non opératifs, où les rites prescrits sont ou non pratiqués. L’Unité maçonnique se produit fondamentalement dans l’Atelier, projection du Cosmos, quelle que soit l’Obédience à laquelle il appartient.

     

    Il nous reste à mentionner que ces trois degrés constituent ce que l’on appelle la Maçonnerie Bleue ou Symbolique. Au-dessus se trouvent les Hauts Grades, système de hiérarchies qui n’est pas pris en considération dans certaines Obédiences ni accepté par certains Rites. Il faut également savoir que le passage d’un grade à l’autre signifie que l’on commence à s’initier au grade obtenu ; ainsi, si un Compagnon reçoit le grade de Maître, c’est qu’il débute son initiation à ce degré. De même, les grades sont permanents et l’on ne perd jamais ceux que l’on a acquis au cours d’une carrière maçonnique normale.

     

    Nous devons à présent mentionner un peu plus l’Alchimie en tant qu’influence présente dans l’Ordre Maçonnique. Nous avons déjà signalé que Soufre, Mercure et Sel, les principes alchimiques, se trouve directement incorporés dès les premiers degrés.

     

    L’Alchimie a en commun avec la Maçonnerie le développement intérieur, tendant vers la Perfection, que les alchimistes considéraient comme l’objet de leurs efforts (puisque la Nature n’avait pas achevé son Œuvre, que l’Artiste ou Adepte devait compléter), tout comme les Maçons les buts ultimes de la Franc-Maçonnerie, qui comprennent la mort et sa conséquence régénération à un autre niveau ou état de conscience.

     

    D’un autre côté, les amis de la Philosophie Hermético-Alchimique ont l’habitude de dire entre eux que le dernier grand Alchimiste (et écrivain en la matière) fut Irénée Philalèthe, au XVIIe siècle. Cela est assez vrai dans un sens, sauf que l’on n’observe pas très clairement que, dès lors et jusqu’à présent, cette Tradition ne s’interrompt pas, sinon qu’elle se transforme, et énormément de ses enseignements et symboles passent à la Maçonnerie à titre de transmetteur de l’Art Réel et de la Science Sacrée, aussi bien dans les trois degrés de base que dans la hiérarchie des hauts grades. D’après René Guénon, ces hauts grades sont une prolongation de l’étude et de la méditation sur les symboles et rituels (certains d’entre eux sont appelés philosophiques)20, nés de l’intérêt de nombreux maçons à développer et rendre effectives les possibilités qu’offre l’Initiation ; pour cette raison, l’utilité pratique de ces grades est indubitable et ils constituent la hiérarchie couronnant le processus de la Connaissance, toujours en fonction du caractère initiatique de l’organisation, comme nous le fait observer l’auteur, qui nous met aussi en garde contre le danger existant que ces grades se consacrent à des problèmes sociaux ou politiques, mutables par nature et donc distants des fondations du Temple maçonnique, construit en pierre. (Voir « René Guénon » : article « Les Hauts Grades »).

     

    Tout comme dans le symbolisme Alchimique, le soleil et la lune jouent dans le symbolisme maçonnique un rôle fondamental et on les retrouve en des endroits aussi essentiels que les tableaux et la décoration des loges (placés à l’Orient). Il s’agit bien sûr des principes actif et passif correspondant également aux colonnes Jakin et Boaz, qui signalent ainsi l’opposition de ces énergies en même temps que leur conjonction en un axe invisible d’où est tendu le fil à plomb du Grand Architecte de l’Univers. Sans laisser de côté la primauté de cette signification générale, il faut aussi tenir compte de la réalité de ces astres, car il existe un calendrier maçonnique dont les deux extrêmes représentent, comme presque toutes les Traditions, les solstices d’été et d’hiver, fêtes des deux Saint Jean, qui marquent les limites du parcours du soleil, signalant aussi les points intermédiaires correspondant aux équinoxes sur la roue du temps, et nous introduisent dans la doctrine des rythmes et des cycles. Il existe par ailleurs une prééminence entre ces deux luminaires, puisque la lune brille grâce à la lumière du soleil, notion qui n’est pas étrangère à la Tradition Hermétique et à la Kabbale, tous deux étant utilisés d’une façon générale pour désigner des degrés de Connaissance, ou des étapes du parcours initiatique. Jean Tourniac, dans le prologue du célèbre Tuileur de Vuillaume21 note, en faisant référence aux cycles, l’assimilation du parèdre lune-soleil à celui des symbolismes solaire et polaire. Cette association, qui possède d’infinies voies de développement, pourrait également se rapporter à deux aspects de la maçonnerie incarnés dans les figures mythiques de Salomon (solaire) et de Pythagore (polaire), lesquels auraient à leur tour, et cela Tourniac ne le dit pas, une certaine analogie avec les grades symboliques (Maçonnerie Bleue) et les Hauts Grades, ou c’est en tout cas ce que fut prétendu par ceux qui instaurèrent ces derniers.

     

    La littérature sur la Maçonnerie ou les investigations historiques portant sur l’Ordre comprennent généralement les auteurs, les milieux et les écrits antimaçonniques, le panorama au sujet de ses origines et ses buts étant si confus qu’il s’est créé une suite de « légendes » parallèles, faisant que certains investigateurs aient du mal à traverser une espèce de frontière « maudite » et invisible qui répond aux « légendes obscures » au sujet de la Franc-Maçonnerie, comme celles divulguées en France par Léo Taxil, beaucoup ayant leur origine dans le catholicisme. Un autre genre de critiques, ne se référant pas à son contenu spirituel, est fondé sur les agissements politiques et économiques de certaines loges qui, utilisant la structure maçonnique et s’abritant derrière l’indépendance des Ateliers, ont ainsi profité de l’Ordre et du public, projetant une image déformée de la Maçonnerie. Il faut bien reconnaître que cela a été le cas à plusieurs occasions, bien qu’en même temps cela arrive depuis des années à toutes les institutions, dont la décomposition est évidente. Dans quelques sociétés, l’Ordre jouit encore du prestige qu’il avait par le passé et, dans certains pays, sa force spirituelle, gestionnaire de grandes entreprises, a laissé des traces visibles qui sont suivies aujourd’hui. Il y a parfois des maçons qui ne connaissent pas encore la Maçonnerie, ou qui croient qu’il s’agit d’autre chose, de plus concret et plus matériel, mais tous assument leur devise : Liberté, Égalité, Fraternité, et accomplissent leur Rite en accord avec leurs Anciens Us et Coutumes. Si ce n’est pour la cohérence et le contenu spirituel-intellectuel que les symboles et les rites manifestent, la Maçonnerie serait une absurdité de plus, et ne serait en tout cas pas parvenue jusqu’à nos jours.

     

    Une autre chose qu’il faudrait remarquer, c’est la curiosité de savoir quel est le grade réel de Connaissance que possède tel ou tel maçon ou, plus généralement, tel ou tel Initié ; mais qui cela intéresse-t-il ? Cela a-t-il de l’importance et à qui cela importe-t-il ?

     

    Logiquement, cette question n’entre pas dans les limites d’une investigation basée sur la documentation et il est donc très difficile d’établir des origines claires et des séquences logiques sur un sujet qui ne l’est pas, en dépit des efforts pour le faire. L’un de ces investigateurs, que nous avons déjà cité, J. A. Ferrer Benimelli, qui a publié plus de vingt ouvrages d’intérêt sur la Maçonnerie et ignore systématiquement Hermès, nous informe : « Bernardin, dans son ouvrage Notes pour Servir à l’Histoire de la Franc-Maçonnerie à Nancy jusqu’en 1805, après avoir compulsé deux cent six œuvres portant sur les origines de la Maçonnerie, trouva trente-neuf opinions diverses, certaines aussi originales que celles qui font descendre la Maçonnerie des premiers chrétiens voire de Jésus Christ lui-même, de Zoroastre, des Rois Mages ou des Jésuites, pour ne pas citer les théories plus connues dites "classiques", qui font remonter la Franc-Maçonnerie aux Templiers, aux Rose-Croix ou aux juifs » et il ajoute en note : « De ces trente-neuf auteurs, vingt-huit ont attribué les origines de la F.-M. aux maçons constructeurs de la période gothique ; vingt auteurs se perdent dans la plus lointaine antiquité ; dix-huit les situent en Égypte ; quinze remontent à la Création, mentionnant l’existence d’une loge maçonnique au Paradis Terrestre ; douze, aux Templiers ; onze, à l’Angleterre ; dix, aux premiers chrétiens ou à Jésus Christ lui-même ; neuf, à la Rome antique ; sept, aux Rose-Croix primitifs ; six, à l’Écosse ; six autres, aux juifs, ou à l’Inde ; cinq, aux partisans des Stuart ; cinq autres, aux jésuites ; quatre, aux druides ; trois, à la France ; le même nombre les attribuent : aux scandinaves, aux constructeurs du temple de Salomon, et aux survivants du déluge ; deux, à la société « Nouvelle Atlantide », de Bacon et à la prétendue Tour de Wilwinning [Kilwinning]. Finalement, à la Suède, à la Chine, au Japon, à Vienne, à Venise, aux Rois Mages, à la Chaldée, à l’ordre des Esséniens, aux Manichéens, à ceux qui travaillèrent à la Tour de Babel et, pour finir, un qui affirme que la F.-M. existait avant la création du monde. »22

    Armes du Chapitre des Rose-Croix d’Heredom de Kilwinning, Paris 1776

     

    Une confusion des origines analogue échoit à la Tradition Hermétique, avec le mythe d’Hermès et Hermès Trismégiste, avec tout mythe et origine et, bien sûr, avec le Corpus Hermeticum, livres qui, comme nous l’avons vu auparavant,23 condensent et rappellent le savoir de cette Tradition. En effet, Jean-Pierre Mahé, spécialiste qui, avec P.-J.-A. Festugière, a consacré sa vie à l’étude de ces textes, croit que les fragments en arménien de cette littérature viennent du premier siècle avant notre ère, et que les versions postérieures ayant été conservées, en grec, latin et copte, dérivent de ceux-ci, de par leur contenu nettement païen, dégagé des influences gnostiques et chrétiennes qui lui ont été attribuées avec une certaine liberté. Il est intéressant d’observer de quelle façon ce spécialiste, au cours de son plus important travail à ce sujet, Hermès en Haute-Égypte24, où il confronte différentes versions du Corpus entre elles, à d’autres manuscrits trouvés à Nag-Hammadi et avec des auteurs antiques, etc., arrive à la conclusion qu’ils sont tous apparentés, qu’ils émanent d’une source unique, et qu’ils ont même un ton, un air, un esprit commun qui se manifeste aussi dans leur style, opinion que nous partageons. Mais ce savoir, propre au Corpus,25 que Mahé juge solennel, répétitif, contradictoire et sentencieux, comme de la mauvaise littérature, en somme (qu’est-ce qu’une bonne littérature et qui est capacité pour la définir, et par rapport à quoi ?), nous semble difficile à appréhender avec des paramètres logiques, quel que soit l’effort et le travail employés et malgré l’inappréciable contribution que représente l’établissement de ces textes, leur traduction et les commentaires, même vus de façon réitérée dans une perspective totalement étrangère à celle qu’ils possèdent. D’où le danger d’aborder les choses d’un ordre déterminé avec des moyens qui ne sont par nature pas ceux qui conviennent, puisqu’ils sont eux-mêmes constitués de séries de conditionnements appartenant au monde profane, que même une éblouissante érudition ne peut dissimuler, car ils apparaissent ici et là dans la littéralité des propos, l’infantilisme des conceptions, la disproportion vertigineuse entre le sens sapientiel-émotionnel du texte et la lecture « universitaire », c’est-à-dire profane, que l’on en fait.26 Il ne faut pas traiter une société initiatique exclusivement d’après ses actions humanitaires ou altruistes, car l’on court le risque de dénaturer son authentique raison d’exister.

     

    Un autre thème plus ou moins utilisé à titre de critique, aussi bien de la Maçonnerie que de l’Hermétisme, est leur caractère prétendument syncrétique. En premier lieu, l’abus de ce mot, qui équivaut pour certains à une disqualification, nous semble condamnable. Le Christianisme, l’Islam, le Bouddhisme, l’Antiquité Gréco-romaine, d’innombrables Traditions archaïques, et même la Civilisation Égyptienne et la Chinoise, pourraient aujourd’hui être jugées « syncrétiques » à la lumière des documents les plus anciens et sans mentionner la notion de Tradition Unanime, au-delà de telle ou telle forme. En effet, le terme était en vogue à une époque où l’investigation anthropologique et l’Histoire des Religions en étaient à leurs balbutiements, et l’on croyait à la « pureté », atout de certaines cultures et concept extrêmement dangereux, pouvant de plus dériver sur l’erreur de prendre les races comme des religions. Le terme est malheureusement resté en usage, et certains l’utilisent comme une arme brandie pour condamner ce qu’ils croient ne pas leur convenir, ou qui échappe à leurs simplifications élémentaires. L’Histoire de l’Église est encore bien proche avec ses Conciles, la formation de ses Dogmes, sa Théologie, l’Histoire de ses Papes, etc., pour que la Chrétienté puisse reprocher à la Tradition Hermétique et à la Franc-Maçonnerie une chose allant dans ce sens, et cela pourrait être étendu à d’autres religions ou influences spirituelles qui composent la Culture d’occident. D’innombrables courants ont formé cette Civilisation, la plupart desquels coexistent avec nous d’une façon ou d’une autre, et nous devons rendre grâces à Dieu, au nom de notre culture, car ces interrelations naturelles qui se déversent avec les migrations humaines d’un peuple, et sa langue, à un autre, ont existé depuis toujours, en dépit de l’acide accusation de syncrétisme émanant de soi-disant autorités se basant sur des structures imaginaires et caduques.

     

    En définitive, les diverses composantes de la Franc-Maçonnerie ne sont pas un obstacle pour que cette adaptation de la Science Sacrée et de la Philosophie Pérenne soit totalement Traditionnelle, sinon qu’elles démontrent le contraire dès lors que l’on en considère les doctrines, c’est-à-dire, en soi.

     

    En effet, les corporations de constructeurs médiévaux ont donné sa structure à la Franc-Maçonnerie, y compris les trois degrés initiatiques et leur symbolique fondamentale liée à l’Art de Construire. Cette influence découle, ou au moins a des antécédents chez les Collegia ou Scholae romains, qui se rattachent aux Religions de Mystères, lesquelles le sont à leur tour à l’Égypte, comme nous l’avons vu. D’autre part, dans l’Alexandrie greco-égyptienne des premiers siècles antérieurs et postérieurs au Christianisme, il se produit une résurgence aussi bien des religions mystériques, qui subsistaient encore, que des études néoplatoniciennes, pythagoriciennes et théurgiques-gnostiques, qui débouchent sur un courant où la Tradition Hermétique véhiculera ces énergies jusqu’à la Renaissance où elle refleuriront, en passant par le Moyen Âge, où elles revêtirent des formes chrétiennes, ce qui n’était pas difficile, vu l’identité de ces deux traditions quant à origines et finalités. C’est précisément au Moyen Âge que des milliers de temples se construisirent en Europe, et des châteaux, et des villes entières, aussi bien dans le style roman que gothique, par le biais de ces associations corporatives, intégrées à la cité médiévale en tant qu’éléments constitutifs de son ordre, assise de la gnose Hermétique par l’intermédiaire de Pythagore et de l’Arithmosophie, à savoir le véritable sens des nombres, des proportions, de l’orientation, des cycles, etc., c’est-à-dire les mystères de la Cosmogonie, les secrets du métier, manifestés par la Philosophie des Pères de l’Église et Denys l’Aréopagite, entre autres, et surtout par l’Évangile Chrétien, Saint Paul, et le fond traditionnel mythologique, religieux et agricole des cultures antérieures au christianisme.27

     

    Toutes ces influences spirituelles, ou intellectuelles, passent directement à la Maçonnerie, ce qui se trouve documenté dans des manuscrits allemands et anglais, et c’est sur cette structure que vont venir se greffer les autres éléments que nous avons mentionnés. Ainsi, l’Alchimie s’intègre à ce courant de pensée puisqu’elle n’est pas autre chose qu’une expression de plus, ou une adaptation, de ce savoir traditionnel, et les mêmes Adeptes se réclament de la filiation Hermétique et se regroupent sous son égide. L’on peut dire la même chose des Rose-Croix, héritiers de la pensée hermétique et historiquement liés aux Alchimistes et à la Maçonnerie. En raison de ses racines médiévales, il faut également considérer l’association de l’Ordre à d’autres Ordres constructeurs et de chevalerie.

     

    Joyaux maçonniques

     

    Quant à l’élément juif, nous serions fort étonnés qu’il ne soit pas présent dans un Ordre initiatique né en Europe, puisque, avec le christianisme qui en est un dérivé, il a véhiculé les divers éléments de ce que nous appelons aujourd’hui Occident, où ressort la figure du sage, roi et constructeur, incarné par Salomon. En effet, le symbolisme du temple maçonnique est fondamental dans la Franc-Maçonnerie, et il est reconnu comme le modèle et le dépositaire de toute science, opinion que partagent les sages ; ainsi, dans le manuscrit d’Isaac Newton intitulé « The Original of Religions », il est dit : « De manière que le but de la première institution de la religion véritable en Égypte était de donner à l’humanité, au moyen de la structure des temples antiques, l’étude de la structure du monde comme le véritable Temple du grand Dieu qu’ils adoraient ».28

     

    D’après ce qui précède, la Maçonnerie est l’heureux résultat de la relation et de la synthèse entre différentes façons d’accéder à la Connaissance, et l’unicité que ces formes réclament. Mais il est clair qu’une entreprise d’une telle envergure n’a pas été l’œuvre de quelques uns, ni un ensemble d’actions individuelles tendant à obtenir cette synthèse, malgré toute la reconnaissance que certaines personnes méritent à cet aspect. La Franc-Maçonnerie est ­et restera­ un dépôt de Sagesse Traditionnelle qui accorde la Connaissance à ceux qui sont capables de la recevoir, et qu’elle a généreusement répandu de manière spirituelle ­la loge est un condensateur d’énergies­, et divulguée culturellement au moyen de ses écrits et de la participation de ses membres dans diverses institutions, sans parler des lois publiques, d’œuvres sociales ou de bienfaisance. Il faut ajouter à tout ceci la pérenne dignification du travail, véritable objet de culte de sa discipline et instrument de connaissance pour un Maçon, donc activité humaine par nature.

     

    Remarquons que, quelles que soient les origines maçonniques, elles désignent toujours les artisans et les constructeurs médiévaux et non les prêtres et les nobles de l’époque. L’on sait que les rangs étaient bien définis au Moyen Age et qu’ils comprenaient essentiellement quatre catégories d’importance décroissante : a) l’Église, la Papauté et le clergé pour la sagesse, b) la royauté et la noblesse, en particulier dans son aspect militaire, c) les clercs, commerçants et professionnels (artistes et artisans), et d) la paysannerie, consacrée au service et à la production.29

     

    La Maçonnerie doit être considérée comme originaire de ce troisième corps, selon les lois cycliques, bien que son histoire mythique comprenne des rois constructeurs et des sages architectes, qu’au XVIIIe siècle elle ait été constituée par la noblesse et qu’au XIXe elle ait nettement joui de l’appui d’une bourgeoisie qui était déjà au pouvoir ; l’incorporation de l’Alchimie (Via Regia) est également significative, avec l’intégration de la Philosophie Hermétique comme composante de la sagesse sacerdotale.

     

    La doctrine des cycles nous indique qu’ils s’enchaînent les uns aux autres en une succession indéterminée, mais que chacun possède une organisation prototypale quaternaire commune, qui se développe selon un ordre invariable et fait qu’un élément constitutif déterminé du cycle prédomine sur les autres, ce qui est évident dans la quaternité des âges humains : enfance, jeunesse, maturité et vieillesse. L’histoire suit le même schéma, et chacune des composantes quaternaires de la société doit avoir une période de suprématie sur les autres. Ainsi, l’on a vu clairement dans l’Histoire d’occident la perte de pouvoir de l’Église en faveur de la noblesse, et de celle-ci pour la bourgeoisie, pour terminer chez les masses prolétaires qui détiennent aujourd’hui une grande partie du pouvoir, nonobstant la confusion qui règne à cet aspect, les contredisant au point qu’au sein d’une même famille, ou d’un milieu social identique, puisse naître un philosophe ou un ignare, un être noble ou une bête.

     

    En tout cas, la Tradition Hindoue accrédite elle aussi cette division en Castes (qui n’a rien à voir avec les « classes sociales »), qui se retrouve d’ailleurs dans d’autres cultures plus archaïques, castes fixées par le Destin, puisque c’est la naissance qui les détermine, bien que comme nous l’avons vu à l’époque actuelle, les états sont tellement mélangés que leur validité se désintègre, car l’humanité se trouve au dernier stade d’une période de dissolution qui, on le sait, est appelée Kali Yuga.

     

    Du point de vue historique, la Maçonnerie naît à une époque où les corporations d’artisans devenaient des institutions de pouvoir et le professionnalisme de ses intégrants occupait une fonction dans le cadre de l’État. Cette influence va de paire avec la perte d’importance de l’Église, et de la Monarchie, et trouve son écho dans la croissante prépondérance de la bourgeoisie formée par les professionnels, les marchands et les clercs, dans les siècles suivants. Et cette détermination qui fait les cycles historiques et les castes marquera en quelque sorte les maçons (malgré les prétentions mondaines de certains), qui appartiennent généralement à ces états sociaux professionnels et commerciaux, que protège aussi le dieu Mercure.

     

    Signalons que pour la Tradition Hindoue déjà mentionnée, ce sont les kshatriyas et plus particulièrement les vaishyas (caste qui peut aussi accéder à la libération comme celle des sages et des guerriers) qui pourraient être comparés aux états sociologiques et historiques de la Maçonnerie, également associée à Noé (et son bateau), à savoir comme dépositaire de la très ancienne Science Sacrée, émanation de la Tradition Hermétique.30

     

    Pour terminer, notons que même la Maçonnerie médiévale est nomade, ou plutôt semi-nomade, et que les constructeurs de cathédrales, de châteaux ou de bourgs, voyageaient d’une zone à l’autre suivant les besoins, semblables dans leurs mouvances aux tribus qui changent de parages selon les leurs. À un moment donné, ces constructeurs s’installent dans diverses villes et fondent des corporations de différents offices, car la cité a grandi et qu’elle se développe en même temps qu’eux ; ils sont donc à présent un personnel sédentaire et, ainsi établis, offrent d’une façon ou d’une autre leurs connaissances, indispensables à tout labeur ordonné et civilisateur. Comme nous le voyons, il est également possible de faire le parallèle entre l’évolution de la Maçonnerie et les différentes étapes par lesquelles est générée la culture, fondamentalement implantée dans les villes. Abel a laissé la place à Caïn, et les constructeurs changent leur façon d’agir, constituant le solide modèle des cités et, finalement, de l’état. Caïn a tué Abel mais, grâce à son sacrifice, le constructeur peut traverser la rigide voie des formes, d’essence non formelle, qui cependant les contient potentiellement. Le constructeur réalise alors, au moyen d’une industrie contingente, un commerce éminemment métaphysique et transcendant.

     

    Il est intéressant d’observer que Caïn, ancêtre des maçons comme on le sait, fut condamné par YHVH à être un vagabond errant sur la terre pour purger le crime commis contre son frère Abel. Mais tandis qu’il construisait une cité, son épouse donna le jour à son fils Hénoch (nom apparaissant dans l’Ancien Testament comme étant celui du fils de Caïn et celui du cinquième fils de Seth)31 dont le nom devint celui de la ville. Ceci (Genèse 4, 9 a 18) vient confirmer ce qui a été dit au sujet des errances permanentes et la postérieure fixation d’une famille, qui se projette sur une maison puis sur une cité, ou civilisation.

     

    Nous pensons que ce genre de symbolique liée aux phénomènes cosmiques ou cycliques, est à la base du passage de la maçonnerie opérative à la spéculative, c’est-à-dire de l’adéquation à de nouveaux modes d’expression de la Science Sacrée par rapport aux engouements de la pensée humaine.32 De toutes manières, le fait se reproduit toujours dans n’importe quelle transformation où quelque chose se perd et quelque chose se régénère ; il y a ceux qui préfèrent se lamenter sur ce qui a été perdu, d’autres se réjouissent du fait que la doctrine ait survécu, au-delà des procès plus ou moins politiques (Hanovre-Stuart) ou des formes de christianisme (églises réformées-églises soumises à Rome). Dans ce dernier cas, la vigueur des réformes entreprises par les « modernes » universalise la Maçonnerie qui ouvre ses portes aux juifs (1732) et aux islamiques (1738) de façon œcuménique au détriment d’une orthodoxie provinciale préconisée par certains agents du pouvoir ecclésiastique. Et si beaucoup de maçons, dont nous faisons partie, rejettent le pouvoir de Rome, ils ne le font pas en tant que membres de l’Ordre, sinon exclusivement en tant que chrétiens, compromis avec les textes évangéliques et donc également avec l’Ancien Testament, au désavantage de la nouvelle théologie de la libération.

     

    Et s’il est vrai que la Maçonnerie, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, a ses origines chez les tailleurs de pierre médiévaux, et donc dans les rigueurs religieuses des conceptions d’alors, il ne faut pas oublier que, dès cette époque et jusqu’au XVIIIe siècle, où elle prend sa forme spéculative, ces constructeurs ont vécu au sein d’un nouveau monde, celui de la Renaissance, inspiré par le Corpus Hermeticum, le Pythagorisme (les Hymnes Orphiques et les Oracles Chaldéens également) et surtout par Platon, les néoplatoniciens et Proclus, ce qui se voit reflété dans ses palais, ses églises, ses jardins et ses tours, son architecture intérieure, ses inventions mécaniques et autres merveilles de magie naturelle et d’expérimentation scientifique et artistique (peintures, sculptures, orfèvrerie et ébénisterie) dont fut à l’origine l’Académie des Médicis, dirigée par Marsile Ficin, dont l’influence se répandit dans toute l’Europe durant près de trois siècles, et qui fut du reste présente dans l’Angleterre élisabéthaine et ses successeurs, et qui ne débouche pas par hasard, seulement à titre d’exemple, sur la traduction du Corpus Hermeticum par Sir Walter Scott, maître maçon, à la même époque où les loges anglaises surgissent avec force dans l’Histoire moderne.

     

    Les divers Rites et Obédiences, malgré leur hétérogénéité, ont en commun le Grand Architecte de l’Univers, et un office partagé : l’Art et la Science de Construire, qui reconnaissent le Symbole comme leur expression la plus accomplie. Cette diversité pourrait en quelque sorte être comparée aux différentes « gnoses » des premiers siècles de notre ère, y compris la chrétienne, dont le but ultime était évidemment le même, malgré les malversations variées dans lesquelles peut se voir impliquée n’importe quelle association.

     

    Cette « atomisation » des Loges est, en fait, la forme prise historiquement par la Maçonnerie pour se multiplier, et nous ne devons donc pas nous surprendre si tel ou tel Atelier met l’accent sur un aspect des symboles ou un autre, ou sur les origines de l’Ordre, selon qu’il s’y sent plus ou moins identifié. De même, ceux qui se sentent plus en rapport émotionnellement avec une Religion déterminée, ou avec des notions humanistes d’un type différent.33

     

    Toutes ces idées, ou plutôt la convergence et exécution de ces courants maçonniques, peuvent également aujourd’hui avoir lieu dans un cadre plus vaste que celui des ateliers, où des questions d’ordre simplement personnel de sympathies et d’antipathies, ou des problèmes sociaux ou économiques et politiques, peuvent souvent créer des tensions, voire même des abîmes entre leurs intégrants. Il pourrait y avoir une solution à cela, qui en fait est déjà appliquée dans certaines loges d’études maçonniques, formées par des maîtres de différents ateliers, comme cela se passe ailleurs ; ces loges, qui se réunissent une ou deux fois par an, célébrant les solstices, s’occupent de travaux exclusivement doctrinaux et historiques sur les symboles, rites et antécédents initiatiques de l’Ordre, sans se laisser affecter par les influences diverses qui circulent entre les différents ateliers ; ainsi que nous l’avons dit, il s’agit de loges de Maîtres ayant déjà été Officiers ou Vénérables de diverses loges et ayant au cours des années prouvé en de nombreuses circonstances leur appartenance aux origines, us et coutumes et devoirs de l’Ordre.

     

    Mettant un point final à ce panorama sommaire, nous voulons souligner l’importance qu’a eu la Maçonnerie, et à travers elle la Tradition Hermétique, pour l’indépendance et l’organisation des républiques américaines (du Nord, du Centre et du Sud), où l’on peut remarquer parmi d’autres les figures de Francisco de Miranda, Simón Bolívar, George Washington, José de San Martín, Antonio José de Sucre, José Martí, Miguel Hidalgo,34 etc., non seulement fondateurs de pays, de constitutions, législations et institutions, mais aussi de villes, comme dans le cas de la métropole Washington D.C., capitale des Etats-Unis, qui porte le nom de son fondateur, et celui de la Ciudad de la Plata, province de Buenos Aires, fondée par le maître maçon Dardo Rocha.35 Signalons que tout cela se fit pour l’ordonnancement de ces peuples et promouvant la culture, l’éducation, l’art et les bonnes manières dans des pays où régnaient la désorganisation et la violence, la Franc-Maçonnerie accomplissant sans aucun doute une fonction civilisatrice qui subsiste sous une autre forme jusqu’à nos jours, car l’Amérique, ses institutions et son mode de vie, est née historiquement sous son égide.

     

     

    NOTES

    1 C’est Findel, dans l’Annexe de son Histoire, qui a publié le premier document dont nous disposons, daté de 1419, sur les carriers allemands.

    2 « Il nous paraît incontestable que les deux aspects opératif et spéculatif ont toujours été réunis dans les corporations du Moyen Âge, qui employaient d’ailleurs des expressions aussi nettement hermétiques que celle de « Grand Œuvre », avec des applications diverses, mais toujours analogiquement correspondantes entre elles. » R. Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome II, chapitre « À propos des signes corporatifs et de leur sens originel ». Éditions Traditionnelles, Paris 1986.

    3 Encyclopédie Britannique. Article « Freemasonry », édition 1947

    4 Voir Claude Tannery, « le Corpus Hermeticum (Introduction, pour des développements ultérieurs, à l’hermétisme et la maçonnerie) » ; revue Villard de Honnecourt nº 12, Paris 1986. Les références à Hermès et à la Tradition hermético-alchimique dans la littérature maçonnique sont extrêmement abondantes, comme nous l’avons déjà signalé ; pour ne pas parler de Pythagore, sujet traité dans une autre étude du même numéro de Villard de Honnecourt : Thomas Efthymiou, « Pythagore et sa présence dans la Franc-Maçonnerie ».

    5 Voir E. Mazet, « Éléments de mystique juive et chrétienne dans la Franc-Maçonnerie de transition (VIe-VIIe s.) » ; également de la revue Travaux de la loge nationale de recherches Villard de Honnecourt, nº 16, 2de série. L’auteur a publié dans cette revue, qui édite les travaux de la loge d’études du même nom, affiliée à la Grande Loge Nationale Française, d’autres collaborations tout aussi intéressantes sur des aspects documentaires de la Maçonnerie. Cette revue est réellement, avec la Ars Quatuor Coronatorum, également organe diffuseur d’une loge d’études homonyme (Quatuor Coronati lodge) qui a publié plus de 80 volumes en Angleterre depuis 1886, l’une des meilleures sources que l’on puisse trouver pour l’étude intégrale de la Maçonnerie.

    6 L’importance de la Tetraktys pythagoricienne dans n’importe quel type de connaissance métaphysique et cosmogonique est bien connue. D’autre part, le rapport des harmonies musicales avec les nombres, en particulier avec l’échelle des sept premiers, est également un thème pythagoricien que la Maçonnerie et le Corpus Hermeticum reprennent sous forme de degrés et touches de reconnaissance liés aux sphères planétaires et aux Régents qui les gouvernent. Il faudrait y ajouter les différents théorèmes pythagoriciens, sachant l’importance que l’art et la science de construire ont pour la Maçonnerie ; parmi eux, il suffirait de signaler celui du triangle rectangle, ultérieurement énoncé par Euclides, un autre ancêtre maçonnique, comme nous l’avons déjà mentionné. En 1570, John Dee, célèbre magicien élisabéthain et remarquable mathématicien, qui jouera un rôle si important dans l’Hermétisme anglais et dans l’européen, publia un fameux prologue aux Éléments de Géométrie d’Euclides. Comme on le sait, les enseignements de Dee furent repris par Robert Fludd, qui édita en 1619 son Utriusque Cosmi Historia, et à travers lui, par voie de conséquence, les futurs intégrants de la maçonnerie spéculative.

    7 J. A Ferrer Benimelli, Bibliografía de la Masonería. Fundación Universitaria Española. Madrid 1978, page 112. Ce prêtre jésuite, qui a donné une telle impulsion aux études maçonniques en langue castillane que certains auteurs sur la Maçonnerie, comme J. A. Vaca de Osma (La Masonería y el Poder), en sont venus à se demander s’il n’était pas réellement membre de l’Ordre, n’en a cependant qu’une idée assez sommaire, la prenant pour une société philanthropique et spiritualiste et ne lui accordant aucune catégorie initiatique, terme qu’il n’utilise jamais et dont il semble même ignorer la véritable dimension.

    8 La Symbolique au Grade d’Apprenti, La Symbolique au Grade de Compagnon, La Symbolique au grade de Maître, Edimaf, Paris 1986, id., et 1990 ; La Symbolique des Nombres, id. 1984. Nous voulons aussi remarquer ici les livres, amplement connus en espagnol, signés par Magister (Aldo Lavagnini) ; Manuel de l’Apprenti, du Compagnon, du Maître, du Grand Élu, etc. De fait, tous les manuels maçonniques possèdent des mentions arithmético-géométriques.

    9 Thomas de Quincey soulignait depuis 1824, dans un journal londonien, la conjonction de la Maçonnerie avec la Rose-Croix comme étant un sujet connu.

    10 La généalogie maçonnique est aussi biblique, bien qu’elle se combine également avec l’Égyptienne. Rappelons les relations d’Israël avec l’Égypte à l’époque de Moïse, voire même le symbolisme de l’Égypte dans les évangiles chrétiens. D’après le livre I des Rois, 3-1, il existe une filiation directe entre le Roi Salomon et l’Égypte, puisqu’il était gendre de Pharaon, son voisin.

    11 « The few notes on his conexion with Freemasonry which Ashmole has left are landmarks in the sparsely documented history of the craft in the seventeenth century ». C. H. Josten, Elias Ashmole. Ashmolean Museum and Museum of The History of Sciences, Oxford 1985. Ces journaux ont été publiés sous le titre : Elias Ashmole, His Autobiographical and Historical Notes, his Correspondence and other Contemporary Sources relating to his life and Work. Introd. C. H. Josten, 5 vol. Deny, 1967.

    12 En accord avec les changements que demandent les cycles et les rythmes, auxquels ne peut être soustraite aucune Tradition ou Organisation, toute Initiatique qu’elle soit, et qui marque les phases et les formes distinctes d’expression de la Cosmogonie Pérenne, et signalent donc également les adaptations historiques à celle-ci.

    13 Selon Joffrey de Monmouth, dans l’Histoire des Rois de Bretagne (1135-39), l’une des premières chroniques écrites sur l’histoire d’Angleterre, les insulaires viennent des Troyens qui arrivèrent sur leurs côtes, en passant par la France et en provenance de Grèce, où demeurent les descendants de ceux qui réchappèrent de la célèbre guerre.

    14 Quelque chose d’analogue quant à soupçons d’hérésie, de défaut, de fausseté, arrive avec les systèmes ou les religions d’orient. Sauf que ces derniers jouissent en général dans les milieux occidentaux d’un plus grand prestige, même s’ils n’évitent pas toujours le mépris ou la phobie du fait d’être polythéistes, encore un terme qui semblerait une insulte dans la bouche de certains.

    15 La croissance de la Maçonnerie est évidente avec la naissance des bourgeois et la culture de la ville, qui a toujours eu besoin de constructeurs pour être effective, ce qui fait qu’il ne soit pas difficile d’en déduire que toute ville plus ou moins importante d’Europe, ainsi que la construction de châteaux, fortifications, couvents et palais, furent réalisées par architectes, maîtres d’œuvre et ouvriers maçons, sans compter menuisiers et ébénistes, vitriers, sculpteurs et peintres, tous initiés aux secrets de leur office. Cela peut aussi être clairement observé à l’époque moderne (et a aussi quelque chose à voir avec le passage du mode opératif au mode spéculatif), en ce qui concerne l’incendie qui détruisit la ville de Londres y compris la Cathédrale Saint Paul, qui dut être complètement reconstruite par des spécialistes dirigés par l’architecte Christopher Wren, maçon haut placé dans la hiérarchie de l’Ordre et de réputation reconnue, qui dut effectuer ce labeur gigantesque dans le moins de temps possible. L’incendie de Londres est un thème fondamental dans l’histoire d’Angleterre et dans la Maçonnerie en général. Sa reconstruction, menée à bien par des maçons, est un symbole cyclique lié à la pérennité de la Science Sacrée qui, se manifestant en tout lieu, s’est exprimée dans une ville aussi magique que l’est la capital anglaise.

    16 Medieval Craftsmen, Masons and Sculptors. British Museum, 1991.

    17 Cf. Villard de Honnecourt, Cahier, XIIIe siècle. Présenté et commenté par Alain Erlande-Brandenburg, Régine Pernoud, Jean Gimpel, Roland Bechman. Ed. Akal, Madrid 1991.

    18 Il est important de faire constater, dès les commencements, la présence de militaires dans toutes les loges. Cela est arrivé à être si vrai que certaines de ces loges étaient exclusivement militaires, aussi bien celles qui s’organisèrent dans les bases que celle qui fonctionnaient sur les navires, que ce soit en haute mer ou dans les ports.

    19 Comme on le sait, un courant nombreux de maçons se relie plus spécialement à l’Origine Templière, Écossaise et Jacobite de l’Ordre, ce pour quoi ils exhibent de nombreux témoignages et faits, par ailleurs probables. Cela ne lui fait pas renier l’héritage Pythagoricien, Hermétique et Platonicien, pas plus que celui des corporations de constructeurs, les rosicruciens et l’influence juive représentée par le mythe d’Hiram et la construction du Temple de Salomon. Michael Baigent et Richard Leigh, dans leur ouvrage The Temple and the Lodge (Londres 1989), soutiennent la validité de cette origine qu’ils développent dans leur livre du Moyen Âge au XVIIIe siècle et affirment, page 187 : « Elle [la Maçonnerie] avait ses racines dans des familles et des associations liées par l’ancien serment de fidélité aux Stuart et à la monarchie Stuart. […] Jacques I, un roi écossais qui était maçon lui-même. » Dans l’œuvre de Robert Kirk, The Secret CommonWealth, (La Comunidad Secreta, Siruela, Madrid 1993) écrite en 1692 au sujet de « Les coutumes les plus notables du Peuple d’Écosse », cette érudit historien du plus ancien « folklore » écossais et de la culture celte, note dans le paragraphe « Singularités de l’Écosse » et comme caractéristique de ce royaume : « Le mot maçonnique, dont, bien qu’il y en ait certains qui en fasse mystère, je ne cèlerai pas le peu que je sait. C’est comme une tradition rabbinique, en guise de commentaire au sujet de Jakin et Boaz, les deux colonnes érigées du Temple de Salomon, à laquelle vient s’ajouter quelque signe secret, qui passe de main en main, grâce auquel ils se reconnaissent et se familiarisent entre eux. »

    20 Les autres se considèrent, dans le Rite Écossais Ancien et Accepté : « de perfection », « capitulaires », et « administratifs ».

    21 Vuillaume, Le Tuileur, Édition du Rocher, Monaco 1990, réimpression de celui de 1830. Manuel maçonnique qui contient les Rites suivants, pratiqués en France : Écossais Ancien et Accepté, Français, de la Maçonnerie d’Adoption, et Égyptien ou de Misraïm.

    22 José A. Ferrer Benimelli, la Masonería Española en el siglo XVIII. Siglo XXI de España Editores, Madrid 1986.

    23 "Los Libros Herméticos". SYMBOLOS Nº 11-12, 1996. ().

    24 Les Presses de l'Université Laval, Québec 1978-1982. 2 vol.

    25 Et qui est commun au reste de la littérature hermétique, y compris l’Alchimie.

    26 Le discours du Corpus est effectivement réitératif et certains axiomes et maximes se répètent sur un ton qui comporte certaine solennité, un « style » pour être identifié parmi d’autres styles, et aussi pour la cadence musicale qu’on lui imprime qui, tout en fixant la mémoire, est un agent « invocateur ».

    27 À titre de curiosité, remarquons que l’Ordre du Temple à lui seul, durant le premier siècle à partir de sa constitution (1128), a construit 80 cathédrales, 60 abbayes et 9000 commanderies.

    28 Isaac Newton, Le Temple de Salomon. Introduction de J. M. Sánchez Ron, p. XXIX. Traduction et étude philologique de C. Moreno. Ed. Debate/CSIC, Madrid 1996.

    29 En fait, les liens de la Maçonnerie avec les états au pouvoir sont signalés depuis les débuts de l’Ordre, y compris dans ses mythes, dans ses rapports avec les différents règnes européens, les princes et les nobles, et ultérieurement avec les milieux économiques et politiques caractérisés par l’incorporation d’une bourgeoisie croissante détentrice de pouvoir et influence dans la société moderne. Voir liste suivante et annexe.

    Liste

    En Angleterre : les rois Athelstan et Edwin (Xe siècle), Edouard III (1327-1377), protecteur des loges, des arts et des sciences, qui a puissamment favorisé l’institution. Jacques I d’Angleterre (et VI d’Ecosse), fils de Marie Stuart. De la maison Windsor : George IV (1762-1830), Guillaume IV (1765-1837), Ernest-Auguste, duc de Cumberland et roi de Hanovre (1771-1851), George V d’Hanovre (1819-1878), Edouard VII (1841-1910), George VI (1895-1952), et aussi Frédéric Louis, prince de Galles (1707-51), Guillaume Auguste, duc de Cumberland (1721-65), Edouard Auguste, duc d’York (1739-67), Guillaume Henri, duc de Gloucester (1743-1805), Henri Frédéric, duc de Cumberland (1745-90), Frédéric Auguste, duc d’York (1763-1827), Edouard Auguste, duc de Kent (1767-1820), Auguste Frédéric, duc de Sussex (1773-1843), Arthur, duc de Connaught (1850-1942), Léopold, duc d’Albany (1853-1884), Albert Victor, duc de Clarence (1864-1892), le prince Arthur de Connaught (1883-1938), Edouard VIII, dernier duc de Windsor (1894-1972), George, duc de Kent (1902-1942), jusqu’aux actuels prince Philip, duc d’Edimbourg, et Edouard, duc de Kent (1935).

     

    En Écosse, Robert Bruce, et après lui tous les rois Stuart, ainsi que les familles nobles d’où était issue la garde royale écossaise : Hamilton, Montgomery, Seton, Sinclair et les Stuart eux-mêmes. Parmi les précédents, il faut remarquer William Sinclair, comte d’Orkney et Caithness, Grand Amiral d’Écosse en 1436, ainsi que constructeur, nommé en 1441 par Jacques II patron et protecteur des maçon écossais, fonction héréditaire jusqu’en 1736, lorsque le William Sinclair d’alors (Saint-Clair) y renonça, car il ne pouvait assumer cette charge, ayant été élu premier Grand Maître d’Écosse par vote unanime des représentants des 33 Loges. En 1600 et 1630, ils sont nommés comme « patrons », « protecteurs » et « juges » dans les Chartes signées par l’Assemblée des Loges Écossaises, également signées de William Shaw (Statuts Shaw) Maître d’œuvre et Surveillant Général (Superviseur des ouvrages du Roi Jacques I d’Angleterre et VI d’Écosse). En 1812-13, c’est encore l’un de ses descendants, le deuxième comte James, qui deviendrait Lord Président au Conseil en 1834, qui fut Grand Maître d’Écosse.

     

    En Allemagne, Autriche et Prusse : Frédéric II de Prusse, le Grand, « l’une des plus grandes figures du XVIIIe siècle », roi en 1740, initié deux ans plus tôt sans que son père le sache, et avec lui le prince de Lippe Bückerburg et le comte de Warteuslebem ; ses trois frères, Guillaume, Henri et Fernand. Frédéric Guillaume II, neveu et successeur, lié aux Rose-Croix ; Frédéric Guillaume III, Guillaume I, roi de Prusse (1861) et empereur d’Allemagne (1871-88) ; Frédéric III, Grand Maître en 1860, initié comme le précédent, par son père, dans une loge spéciale formée par des dignitaires des trois Obédiences berlinoises ; il prit le titre de « Grand Protecteur de la Maçonnerie » lorsque son père monta sur le trône. À ceux-ci, il faut ajouter d’autres membres des branches collatérales de cette Maison de Hohenzollern (Brandebourg Ansbach, B. Bayreuth et B. Schwedt ; et la Maison de Brunswick). En Autriche, Franz, duc de Lorraine et grand-duc de Toscane (et futur empereur), initié en 1731, époux de Marie-Thérèse ; le comte Kaunitz, chancelier de l’impératrice et les conseillers de sa cour : la première loge (1742) fut créée par le comte d’Empire A. J. Hoditsch et le comte F. de Glossa sur les instances de l’archevêque de Breslau, comte Schaffgotsch, lui-même maçon et malgré la bulle de Clément XII (In Eminenti, 1738) ; en un an, il avait initié 56 membres des plus illustres familles nobles d’Autriche et d’ailleurs. Les landgraves (plus tard grands-ducs) régnants de Hesse, Louis VIII, Louis IX et Louis X, et le grand-duc Louis II (XVIIIe et XIXe siècles). Viennent s’y ajouter les membres d’autres maisons royales d’Europe, y compris la Norvège et la Suède.

     

    En France : les Grands Maîtres jusqu’à l’époque napoléonienne : le duc d’Antin, pair de France, 1738-43 ; le prince de Bourbon Condé, comte de Clermont, 1743-71 ; le duc de Chartres, puis d’Orléans, prince du sang, 1771-93, et Roettiers de Montalau, 1795-1804, Grand Vénérable de la Maçonnerie française. De même, les princes : de Condé, duc de Bourbon ; de Conti, prince du sang ; de Rohan ; de Pignatelly, maître des loges de Naples ; de Saint-Maurice ; les ducs : de Choiseul-Praslin, de Choiseul-Stainville, de Luybes, de Lauzun ; le duc Sigismond de Montmorency-Luxembourg, administrateur spécial de l’Ordre (Grand Orient et Grande Loge de France) de 1771 à 1789, d’illustre mémoire comme noble et maçon. En Belgique : Court de Gebelin se signale pour l’importance internationale qu’il eut dans la Maçonnerie ; il fut également membre du gouvernement de la monarchie belge dont Léopold I fut le premier roi, et qui était maçon, tout comme d’autres membres de cette famille.

     

    Nous devons aussi ajouter au personnel de France les plus hauts dignitaires de l’Empire napoléonien, à commencer par Napoléon lui-même et son délégué, le prince Jean-Jacques Régis de Cambacérès, duc de Parme, Grand Maître du Grand Orient (1806-15) et Grand Commandeur du Conseil Suprême du Rite Écossais sous l’Empire, ainsi que de trois autres Rites ; au moins 17 des 25 maréchaux du Premier Empire étaient également Francs-Maçons. Tout cela sans compter les moyens économiques et politiques de la bourgeoisie et le poids intellectuel de la noblesse d’empire et des intellectuels qui remplaçaient la noblesse. En voici quelques exemples : Voltaire, Montesquieu, Condorcet (encyclopédiste), La Roche Foucault ultérieurement, Gérard de Nerval (?), etc. Les savants La Cépède, Lalande, Montgolfier, têtes de file d’une génération qui comprenait des inventeurs, des médecins, des peintres et des musiciens, et toute sorte de chercheurs, la plupart desquels sont aujourd’hui oubliés mais qui contribuèrent en leur temps au développement de la culture actuelle, tous membres de l’Académie et du Lycée Français, de l’Académie des Sciences et de celle des Arts, etc. etc. L’on peut dire de même des autres pays mentionnés plus haut et de leurs figures intellectuelles, scientifiques (en particulier en Angleterre), politiques et économiques jusqu’au XXe siècle. Dans les capitales et les provinces, les autorités étaient maçonniques, et aujourd’hui encore il existe des familles entières de maçons qui ont accepté cet héritage avec orgueil.

     

    Annexe

    Nobles: Angleterre : Grands Maîtres, à savoir, sans compter ceux qui firent partie de l’Ordre, surtout a partir du XVIIe siècle: le comte de Bedford, Grand Maître du Nord (York), 1567; le comte de Pembroke, 1618 (époque où entrèrent des « personnes éminentes, sages et riches » : Dictionnaire Encyclopédique de la Maçonnerie); le comte de Saint-Alban, 1663 ; de Rivers, 1666 ; de Dalkeith, 1724 ; d’Inchingin, 1724 ; lord Colerane, 1727, qui constitua une loge à Madrid; le vicomte Kingston, 1729, Grand Maître d’Irlande en 1731; lord Lovel, futur comte de Leicester, qui reçu en 1731 celui qui serait plus tard l’empereur François Ier d’Allemagne ; lord vicomte Montagu, 1732 ; le comte de Strathmove, 1733 ; de Crawford, 1734; de London, 1736 ; de Darnleg, 1737, qui reçut le prince Frédéric de Galles ; lord Carnarvon, 1738; marquis de Carnarvon, 1754, durant le mandat duquel 49 loges furent fondées ; lord Aberdour, 1758-63; lord Blaney, 1764, (71 loges) ; entre cette année et 1767 (duc de Beaufort) les ducs de Gloucester, Cumberland et York furent reçus maçons (1765); en 1772, le duc d’Athol était Grand Maître de la Grande Loge des Anciens, et en 1773 et 1778-79, d’Écosse ; de même, le duc de Manchester, c. 1780; le duc de Cumberland et le comte d’Effingham, 1782. S’y ajoutent le duc de Wharton, Grand Maître d’Angleterre (1722) ainsi que de France (1728), fondateur de la première loge de Madrid (1728); lord Derwenwater, Grand Maître en France (1736-37); qui, avec d’autres, introduirent la Maçonnerie spéculative dans ce pays. Irlande: Grands Maîtres: les vicomtes Kingston, 1731; Kingsland, 1732; le vicomte lord Mountjoy, 1738 ; de Donneraile, 1740 ; le baron de Tullamore, 1741; le vicomte Alleau, 1744 ; lord Kingsborough, qui mourut en prison, incarcéré pour dettes après avoir payé la première grande édition des codex précolombiens.

     

    Écosse: après William Saint-Clair, 1736, le comte de Cromarty, 1737; les comtes: de Kintore, futur G. M. d’Angleterre; de Morton, 1739; de Leven, 1741; de Killmarnock; de Wemyss, 1743; lord Essquin, 1749; le comte d’Englenton, 1750; lord Aberdour, 1755-56; les comtes: de Galloway 1757-58; de Leven, 1759-60; d’Elgin, 1761-62; de Kellie, 1763-64; lord Provist, 1765-66; le comte de Dalhousie, 1767-68; le général J. A. Oughton, 1769-70 ; le comte de Dumfries, 1771-72; le duc d’Athol, 1773 et 1778-79; baron Forbes, 1776-77; comtes: de Balcanas, 1780-81; de Buchan, 1782-83.

     

    Autres nobles qui apparaissent en France dans les œuvres citées : les princes: Sapiéha (polonais), Kavauski; Galitzin; Bozotowski; les comtes de Buzençois; de Balbi; Stroganoff; de Saisseval; de Launay; le vicomte Le Veneur; les marquis de La Fayette, très lié à Washington et à l’Indépendance d’Amérique du Nord, de Saisseval, d'Arcambal; de Saint-Simon, de Lusignan; de Hautoy; de Gouy d'Arcy. Citons le livre de Le Forestier, Maçonnerie Féminine et Loges Académiques quelques noms en tête d’un ensemble de près de 200 membres et frères visiteurs, d’après les actes de la loge parisienne Saint Jean de la Candeur, constituée en 1775 et à laquelle se rattachait une loge d’adoption, seulement sept desquels n’étaient pas nobles, la plupart de ces derniers étant titrés et servant dans l’armée: le vicomte d’Espinchal, colonel de dragons; le comte de la Châtre, colonel de régiment; le chevalier de Fitz-James, colonel du régiment de Berwick; le comte de Rieux, colonel de cavalerie; le comte de Saint-Maime, colonel du régiment Soissonnais Infanterie; le baron de Salis, inspecteur de l’infanterie; le comte de Barbançon, colonel d’Orléans-Infanterie; le baron de Béthune, maréchal de camp de cavalerie; le comte de Bouffiers-Rouvel, colonel de Royal-Cravatte; le comte Maxime de Puységur, capitaine de la Légion Corse ; le vicomte de Puységur, capitaine de vaisseau du Roi; les comtes de Vauban, de Seuil, de Chatenoy, Duleau, d'Ambly, de Roquelaure, de Vassy, etc. etc., capitaines dans divers régiments, auxquels viennent s’ajouter vingt-sept autres comtes, le reste étant composé de vicomtes, marquis, barons et chevaliers, sans qu’il s’agisse de la seule loge militaire (à souligner : la Saint-Louis de l’Orient du Régiment du Roi : après s’être de nouveau installée à Nancy, elle possédait deux ans plus tard deux cent vingt-six membres).

     

    Tiré du même livre, citons des nobles de France, appartenant à des loges d’adoption : la duchesse de Bourbon, qui reçut en 1776 le titre de Grande Maîtresse de toutes les Loges d’Adoption de France: pour la tenue « le duc de Chartres présidait les travaux; six cents personnes étaient présentes, et parmi les sœurs se comptaient la duchesse de Chartres, la princesse de Lamballe, les duchesses de Luynes y de Brancas, la comtesse de Caylus, la vicomtesse de Tavannes, les marquises de Clermont et de Sabran. Une fois achevés les tâches maçonniques, l’assistance descendit dans les jardins brillamment illuminés., où des divertissements joints à de la musique et du chant précédèrent des feux d’artifice dont le bouquet représentait le Temple de l’Amitié et de la Vertu. Il y eut ensuite un banquet et un bal, et la fête se termina par une quête à des fins de bienfaisance » (page 87, traduit du castillan). D’autres Dames de la noblesse, appartenant à des loges rattachées aux loges masculines du même nom, : la Grande Inspectrice la marquise de Villervaudey, les comtesses de Durfort, Janey; les marquises de Felletan, de Germigney, de Molan; la barone de Glanc (Loge Sincérité de Besançon); la duchesse de Cossé-Brissac, les comtesses de Caumont, de Saint-Pierre de Pontcarré, la baronne de Beaumont (Saint-Louis de Dieppe); dans la Loge de la Parfaite Amitié de Toulouse « particulièrement élégante et aristocratique » les marquises de Crouzet, de Rességuier, de Montlaur, la vicomtesse de Rochemaure, la baronne de Panetier, Mmes de Saint-Victor, de Mahieu, de Rochefort, de Lacroix, etc. etc. outre les Officiers de la Loge, la plupart d’entre elles étaient épouses des membres de la loge masculine; la duchesse de Harcourt, les comtesses de Blagny, de Briqueville, de Faudoas, de Lestre, de Brassac, de Beaufort, la vicomtesse de Mathan, les marquises de Briqueville, de Bouthillier, de Molans (Loge militaire de Saint-Louis à Caen); la baronne de Viomesnil, Grande Inspectrice, la princesse d’Horns, la vicomtesse de Nédonchelle, les comtesses de la Valette, de Pestalozzi, de Marguerye, du Petit Thouars, de Messey, la marquise de Balivières (Loge Saint-Louis à Nancy). Autres loges d’adoption : La Véritable Vertu à Annonay, La Parfaite Union à Rennes, La Concorde à Rochefort, Les Neuf Sœurs à Toul, Philadelphes à Narbonne, la très importante Saint-Jean de la Candeur à Paris, etc.

    30 Voir « Los Libros Herméticos » ().

    31 Le Hénoch fils de Caïn est l’ancêtre du premier qui travaillait les métaux, bronze et fer : Tubalcaïn, bien connu dans la Maçonnerie. Hiram-Abi, fils d’Israël et de Tyr, le Maître Hiram des maçons, est artisan du bronze et du fer, mais aussi de l’or et de l’argent, de la pierre et du bois, des tissages et de la gravure (II Chroniques 2, 13). Le Hénoch cinquième fils de Seth est celui qui « disparut, car Dieu l’emporta » (Genèse, 5, 24). Le père de Tubalcaïn, Lamec, apparaît également dans la descendance de Seth, où il est père de Noé (Genèse, 5, 24).

    32 Il faut d’ailleurs préciser que la première version des Constitutions d’Anderson était incomplète et qu’il n’y avait que deux degrés initiatiques. À cette étrange omission, vint s’ajouter la suppression de la Maçonnerie du Royal Arch, prenant en compte seulement la maçonnerie de l’équerre (square masonry) sans être couronnée par la maçonnerie du compas, ces deux outils étant, on le sait, les symboles respectifs de la terre et du ciel. Les Loges véritablement opératives s’y opposèrent et, rejetant cette erreur, se mirent à défendre les Anciennes Constitutions avec à leur tête, en 1725, la Grande Loge d’York, ou en 1751 la Grande Loge des Anciens, qui n’acceptèrent de se réunir avec la Grande Loge de Londres (celle des modernes, pour lesquels Anderson avait écrit ses Constitutions) qu’en 1813, après que ces derniers aient accédé à inclure en leur sein ce qui avait été la Tradition de l’Ordre depuis des temps immémoriaux ; ainsi se reconstitua l’héritage antérieur sous la forme qui est parvenue jusqu’à aujourd’hui. Ce genre d’équivoques a fait que quelques auteurs maçonniques voient d’un œil soupçonneux certains aspects du travail du pasteur Anderson, qui semblait avoir voulu dévier les objectifs et les origines de la Maçonnerie, bien qu’il faille dire à sa décharge que, dans d’autres documents maçonniques tout aussi valides historiquement, seuls les degrés d’apprenti et de compagnon apparaissent également. Quoi qu’il en soit, s’il y eut ce genre d’intention, elle n’eut pas la prévalence, les Constitutions d’Anderson furent refaites et la Tradition s’imposa. D’un autre point de vue, toute adaptation d’une Tradition Antique aux temps modernes nécessite une profonde adéquation que seuls le temps et bien d’autres facteurs, parfois de signe contraire, peuvent promouvoir. L’Église de Rome pourrait être un modèle pratiquement caméléonienne d’adaptation : de la scholastique à la théologie de la libération, de la sophia à la science moderne, du sacré au religieux. Et ajoutons que la Franc-Maçonnerie, comme Institution Initiatique, a survécu à catholiques et protestants.

    33 Selon le diction : « Personne ne reçoit les héritages au bénéfice de l’inventaire ».

    34 Aux Etats-Unis, les noms liés aux futurs U.S.A sont extrêmement nombreux, aussi bien en qualité qu’en quantité ; les noms de Georges Washington, Benjamin Franklin, Thomas Jefferson (d’après F. M. Hunter, Research Lodge of Oregon, 1952), James Madison, sont évidents pour tous ceux qui ont étudié l’histoire de ce pays et son immense répercussion sur le reste d’Amérique latine et sur le monde entier ; voyez l’importance qu’eut l’indépendance et l’organisation politique des Etats-Unis pour l’indépendance et l’organisation hispano-américaine ; les premiers présidents d’Amérique du Nord comme ceux d’Amérique latine étaient maçons. Il existe des doutes sur l’appartenance à l’Ordre d’Adams, qui fut également une figure extrêmement importante d’Amérique du Nord ; il faut aussi citer Alexandre Hamilton bien qu’il n’ait pas été président (son livre Le Fédéraliste eut une grande influence), et également Monroe, Andrew Jackson, Polk, Buchanan, Andrew Johnson, Garfield, Théodore Roosevelt, Taft, Franklin D. Roosevelt, jusqu’à arriver à Truman et à la fin de la seconde Guerre Mondiale.

     

    Politiciens et Libérateurs : Simón Bolívar (Venezuela, Colombie, Bolivie), José de S. Martín (Chili et Pérou), Antonio J. de Sucre (Équateur), José Martí (Cuba), Francisco de Miranda (qui initia Bolivar, O’Higgins et S. Martín dans la loge Grande Réunion Américaine qu’il avait constituée en Angleterre), Les Frères O’Higgins, Carlos de Alvear, Bermúdez, Undarreta, A. Paez, O'Connor, D. Jiménez, J. M. de Alemán, Arizmendi, J. Tadeo Moragas, Rodríguez Peña, Pueyrredón, Maceo, M. Gómez, les géneraux A. Valero, D. de Tristán, etc. Présidents: Argentine: Justo J. de Urquiza, Bartolomé Mitre, historien et Grand Maître, Santiago Derqui, Domingo F. Sarmiento, qui fit la réforme et posa les piliers du développement éducatif, qui fut également Grand Maître du Grand Orient. Brésil : José Bonifácio de Andrada, Fco. José Cardoso, Luis A. Vieira da Silva, Joaquim de Macedo Soares, Eusebio de Queiroz (il abolit le commerce d’esclaves), Manoel Deodoro da Fonseca (République, 1889). Colombie : Léon Echeverría, le Général Mosquera, Francisco de Paula Santander, le Général A. Nariño. Venezuela : Diego B. Urbaneja (vice-président. du pays en 1847-48, président du Grand Orient National Colombien et de la Grande Loge de Colombie établis à Caracas en 1824, le premier comptant les plus grands artisans de l’indépendance de Colombie, du Venezuela, Équateur et Panama, tous 33º) ; Antonio Páez, José Tadeo Moragas, José Gregorio Moragas, (fin de l’esclavage); Antonio Guzmán Blanco, Joaquín Crespo, Andueza Palacio, Grands Maîtres. Pérou: José Rufino Echenique (1852), Miguel San Roman. Mexique: Miguel Hidalgo, Vicente Guerrero, Guadalupe Victoria, Guadalupe Gómez Pedraza, Javier Echevarría, Nicolás Bravo, Benito Juárez, Melchor Ocampo, Sebastián Tejada, Porfirio Díaz, Francisco Madero, etc. Grands Maîtres pour beaucoup d’entre eux.

    35 Dans les villes américaines, grandes, moyennes, et même petites, l’édifice de la loge maçonnique occupe toujours un emplacement de choix.





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