• Le cosmos est un être vivant

    Par Pierre Crepon

    On savait que selon la science russe, depuis le début du siècle, la vie est une force géologique colossale, qui s’est emparée de la planète Terre quand celle-ci fumait encore dans l’incendie originel et l’a modelée à sa guise, comme un animal fait son nid. Il y a quelques années, le congrès sur la « médecine du Troisième Millénaire » nous apprenait que les chercheurs de l’Est étendaient leur vision à tout l’univers : le cosmos entier, et même le vide sidéral, seraient vivants.

    Au début des années soixante-dix, parut un ouvrage qui fit sensation : "Fantastiques recherches parapsychiques en URSS" de Sheila Ostrander et Lynn Schroeder. On y découvrait que les très matérialistes pays de l’est - URSS principalement mais aussi Bulgarie et Tchécoslovaquie - s’adonnaient aux recherches sur les perceptions extra-sensorielles et qu’ils avaient apparemment acquis en ce domaine une sérieuse avance sur l’Occident. Depuis cette publication, peu d’ informations - tout au moins pour les non-scientifiques - avaient filtré depuis l’autre côté du mur mis à part le procédé de photographie des époux Kirlian, qui permet de fixer une certaine aura sur une plaque photographique, et qui s’est répandu dans les années quatre-vingts.

    Or voici qu’aujourd’hui, profitant de la liberté de communication consécutive à la chute du communisme, de nouvelles relations s’instaurent entre chercheurs de l’Est et de l’Ouest ; et on s’aperçoit que certains travaux menés dans les ex-pays marxistes, au niveau expérimental comme au niveau théorique, s’inscrivent tout à fait dans ce nouveau paradigme scientifique né entre autres de la conjonction de la physique quantique, de la prise en compte de la perception sensible du vivant et de la redécouverte des enseignements traditionnels. Nouveau paradigme qui relie science et spiritualité et dont Nouvelles Clés se fait régulièrement l’écho.

    C’est ainsi qu’à l’occasion du congrès « Ouverture pour une médecine du troisième millénaire », qui s’est tenu à Paris en 1995, le public français a pu découvrir les recherches menées dans le nouvel Institut international de cosmo-anthropoécologie (IICA) de Novosibirsk (Sibérie) avec les communications de son président, l’académicien Vlail Kaznatcheyev et de son directeur général, le professeur Alexandre Trofimov. Cet institut qui poursuit des travaux effectués depuis de nombreuses années dans le cadre de l’Institut de pathologie et d’écologie humaine du département sibérien de l’Académie des sciences médicales, se situe résolument dans la perspective de l’avènement d’une nouvelle science du vivant qui considère l’humain dans ses différentes dimensions - notamment sensitives ou plutôt extra-sensitives - et dans ses interactions avec son environnement, proche comme lointain.

    Quand il présente leurs recherches actuelles, le Pr Kaznatcheyev les replace toujours dans un courant de pensée qu’il appelle le « cosmisme russe » et dont des savants comme Metchnikov (prix Nobel 1908), Vernadsky, Tchijevsky et Kozyrev sont les plus éminents représentants. Cette tradition est pour lui profondément liée à la culture russe - « l’âme russe » - et se retrouve aussi dans la philosophie, la littérature (Dostoïevski) ou la musique (Tchaïkovski). Il s’agit d’une vision globale de l’Humanité et de l’Univers qui « souligne que l’ histoire des sociétés humaines n’est qu’une composante de l’évolution planétaire et cosmique de l’espace vivant du cosmos ». Ainsi « l’apparition de l’humanité sur la planète Terre fait partie d’une évolution universelle plus profonde » et la science se doit d’étudier les interactions entre l’homme, la Terre et le cosmos vivant. Cette « vision cosmique » de l’humanité et de son devenir n’est évidemment pas sans rappeler la pensée de Teilhard de Chardin, que le professeur Kaznatcheyev cite volontiers. De même, il affirme avec force qu’il est urgent de dépasser la fracture apparue au XVIle siècle entre science et métaphysique, et de consacrer les recherches scientifiques à la matière vivante et non plus à la seule matière inanimée, dont il estime qu’elle mobilise 95% des recherches scientifiques actuelles.

    Le « projet Jupiter »

    L’intérêt des russes pour l’étude du cosmos s’est manifesté longtemps dans la formidable qualité de leur recherche spatiale : n’oublions pas que Gagarine fut le premier homme dans l’espace et que cette prouesse n’était pas que la conséquence de la Guerre froide. Le premier projet scientifique mené à bien par le jeune Institut international de cosmo-anthropo-écologie est un autre exemple de cette passion.

    Le « projet Jupiter » avait pour objet de découvrir les réactions de la matière vivante sur notre planète Terre à un événement cosmique remarquable, à savoir la collision de la comète Shumaker-Lévy avec la planète Jupiter qui s’est déroulée essentiellement du 16 au 22 juillet 1994. Je ne sais si d’autres scientifiques de par le monde ont eu une idée semblable, mais la méthodologie et les résultats obtenus par les chercheurs russes sont tout à fait significatifs.

    Les sujets d’étude retenus pour enregistrer les effets possibles des événements sur Jupiter étaient en effet très diversifiés. Les Russes ont ainsi utilisé des études statistiques sur les demandes d’admission en urgence dans les hôpitaux, des observations de réactions de cultures cellulaires ou des tests sur des animaux en laboratoire (le cheminement de souris dans des labyrinthes) - expériences somme toute « classiques ». Mais leurs outils d’investigation comprenaient aussi des mesures des variations des champs magnétique et électrique de la Terre en certains sites particuliers préalablement identifiés (notamment dans les montagnes de l’Altaï), des estimations par radiesthésie de modifications des réseaux géobiologiques, des observations sur l’énergétique humaine par le biais des points d’acupuncture ou de la photographie Kirlian, et plusieurs types d’expériences avec des personnes « sensitives » (guérisseurs, magnétiseurs ), notamment des communications à distance. Les résultats de ces études ne sont pas encore tous publiés et demandent des investigations futures. Néanmoins il s’avère que les chercheurs ont constaté des changements qualitatifs et quantitatifs significatifs dans la plupart des cas. Ceci tendrait à prouver que des événements cosmiques tels que celui qui s’est déroulé sur Jupiter ont des répercussions sur le fonctionnement du vivant sur notre planète Terre. D’ailleurs, d’autres études qu’ils avaient menées auparavant en période d’éclipse ou de forte activité solaire aboutissaient à des conclusions comparables.

    La mise en évidence de ces interactions induit une réflexion plus générale sur l’ensemble du système solaire. Voici ce qu’écrit à ce sujet A.N. Dmitriev : « De nombreuses données [...] indiquent un accroisse ment de l’énergie dans la magnétosphère des planètes et dans les zones interplanétaires. [...] C’est pour cette raison que nous proposons une version des phénomènes explosifs qui se sont déroulés sur Jupiter au cours de la seconde moitié de juillet 1994, et de leurs conséquences pour le système solaire et pour la Terre en particulier, version fondée sur la présence de plasma (gaz porté à haute température, riche en ions et électrons libres). Dans ce scénario, ces événements sont considérés comme un maillon d’une série de phénomènes se déroulant au sein du système solaire et qui sont liés à l’augmentation du niveau d’énergie. »

    Matière vivante du cosmos et champs magnétiques

    De ce qui précède, apparaît peu à peu une compréhension renouvelée du cosmos.

    La vision d’un vide sidéral où se meuvent des planètes et astéroïdes sans vie, soumis à quelques lois de dispersion après un mythique big-bang, et avec le développement quasi- unique d’une vie née d’un hasard miraculeux sur notre planète, fait place à l’appréhension d’un cosmos riche d’une matière vivante partout présente et en constante interaction. Nous ne sommes pas seuls et perdus. Nous sommes des humains vivants, solidaires des vies animales et végétales qui nous entourent, solidaires d’une planète Terre tout aussi vivante, au milieu d’un cosmos bruissant de vie. L’une des manifestations perceptibles de cette vie des planètes et de ces interactions s’incarnerait dans les champs magnétiques.

    Dmitriev explique par exemple que les magnétosphères de Jupiter et de la Terre sont en correspondance et que par ce biais, les phénomènes énergétiques sur la magnétosphère de l’une a des répercussions sur celle de l’autre. Les variations du champ électromagnétique terrestre en certains sites au moment des « événements de Jupiter » vont dans ce sens.

    Les études sur le champ magnétique terrestre, ses anomalies, et ses influences sur le vivant constituent d’ailleurs l’un des thèmes d’autres scientifiques. Au congrès sur la « médecine du troisième millénaire », le Français Guy Thieux a par exemple montré d’étonnantes cartes des zones magnétiques et des courants électrotelluriques terrestres, cartes qui varient en fonction de nombreux paramètres cosmiques, montrant la complexité des interactions entre la Terre, phénomène vivant, et le cosmos.

    L’identification de zones présentant des anomalies des champs magnétique et électrique - la région de l’Altaï déjà citée mais aussi certains sites préhistoriques cultuels - a permis de définir des lieux « sensibles » aux sources d’énergie cosmique. Des expériences de perceptions extrasensorielles y ont été conduites montrant que ces zones influencent favorablement de telles perceptions. On constate ainsi que des changements significatifs se produisent au mètre près, ce qui n’étonnera pas les spécialistes des réseauxgéobiologiques.

    En revanche, ceux-ci apprendront avec intérêt que les Russes identifient une composante dynamique de ces réseaux en plus de leur composante statique. Cette partie dynamique varie au cours de la journée ou sur des intervalles de temps plus longs et a montré des modifications brusques au moment des événements sur Jupiter. Pour les auteurs d’une des communications, cela permet de concevoir l’existence de pulsations régulières du champ cosmique (la « respiration de la Terre » ) dont la variation de la composante dynamique des réseaux telluriques dits « réseaux Hartmann » sont la manifestation.

    Pour en revenir au champ magnétique terrestre, ajoutons que les Russes ont mis au point une chambre hypomagnétique qui permet de réduire considérablement ce champ et dans lequel ils mènent des expériences médicales (traitement de l’épilepsie) et de perceptions extrasensorielles. Enfin, le professeur Kaznatcheyev - qui est, comme Alexandre Trofimov, professeur de médecine - souligne l’importance de l’identification de ces zones « sensibles » aux propriétés bénéfiques pour la santé comme centres de traitement dans le futur. « Nous ne connaissons rien des propriétés salubres, vivifiantes de notre planète, dit-il, mais nous ne faisons que les détériorer par toutes sortes d’interventions. »

    Communication à distance et anticipation du temps

    Une autre série d’expériences, conduites et relatées par le professeur Alexandre Trofimov, concerne les communications « naturelles » à distance, ce que nous pourrions appeler « transmissions de pensées » - terme que justement, et à dessein, Trofimov n’ emploie pas. Ces expériences sont menées sur une grande échelle puisqu’elles ont concerné quatre mille deux cents personnes de juillet 90 à juillet 94. Les messages communiqués par les émetteurs sont des symboles (figures géométriques, chiffre, etc.) et les récepteurs, qui dessinent le message reçu, sont généralement situés à de grandes distances : divers lieux en Russie mais aussi en Europe, Asie, Amérique. Le nombre d’expériences est suffisamment élevé pour donner des résultats statistiquement significatifs.

    Trofimov et son équipe ont mené leurs études en divers lieux et diverses périodes. L’émetteur du message peut par exemple communiquer à partir d’un lieu « sensible » au niveau électromagnétique, ou bien à partir du site de Dickson situé au nord du 73e parallèle, près du nord magnétique, où les chercheurs russes constatent un « écoulement paradoxal du temps ». Ils émettent aussi depuis la chambre hypomagnétique ou au centre d’un appareillage spécifique, appelé « miroir de Kozyrev » et constitué d’un ensemble circulaire de feuilles d’aluminium, qui présente des « propriétés temporelles spécifiques » et provoque des phénomènes psychologiques particuliers chez les expérimentateurs.

    Outre l’ampleur de telles recherches avec l’intégration de ces différents paramètres et les résultats significatifs obtenus à des distances de milliers de kilomètres - résultats meilleurs dans les conditions spécifiques -, le plus étonnant est la prise en compte du facteur temps. Les images envoyées peuvent en effet être reçues à des moments différents du temps d’émission. Ce peut être plusieurs heures après, plusieurs jours après, mais aussi avant même qu’elles soient émises. Cette variation du facteur temps a pu être corrélée avec certaines situations cosmiques (éclipse, phases de la lune, événements sur Jupiter, etc.) et, dans le cas « d’anticipation du temps », avec les conditions d’émissions de l’image (système du « miroir de Kozyrev » situé dans l’extrême-Nord).

    Espace vivant, temps-énergie et champ informationnel

    Les expériences qui viennent d’être décrites impliquent une conception de l’univers différente du continuum espace-temps d’Einstein. Kaznatcheyev et Trofimov se réfèrent en particulier aux travaux de l’astrophysicien Nicolas Kozyrev (mort en 1983), reconnu internationalement par ses pairs et auquel l’ouvrage cité en début d’article consacrait un chapitre. Cette recherche d’un nouveau modèle de l’univers rejoint différentes hypothèses sur la structure du monde émises ces dernières années par des scientifiques qui essaient de rendre compte de différents phénomènes ne pouvant être intégrés dans l’univers einsteinien.

    Les chercheurs russes avancent l’ hypothèse d’un « espace vivant », un champ informationnel dont l’énergie-temps n’est qu’une propriété qui ne se propage pas, mais surgit partout instantanément. Le champ informationnel serait le vecteur de l’ interaction entre les phénomènes du cosmos dont la communication « naturelle » à distance est un exemple ; la nature de l’ énergie-temps permettrait l’ instantanéité des interactions dans l’espace, alors qu’une progression inversée du temps, comme notre monde réfléchi dans une glace, serait à l’origine des cas d’anticipation du temps.

    Je ne suis pas compétent pour situer le modèle de Kozyrev dans le contexte scientifique actuel. En revanche, je ne peux m’empêcher de le mettre en parallèle avec ce que disait le maître zen Dogen au Xlle siècle dans son chapitre « Uji », « L’être-temps » : « Ne pensez pas que le temps soit seulement ce qui passe. Ne considérez pas seulement l’aspect mou- vant du temps. Si le temps était vraiment mouvance, pure mouvance, il y aurait séparation entre le temps et nous. [...] La signification centrale de l’être-temps, c’est : chaque être vivant, dans le monde entier, est en relation avec tous les autres et ne peut être séparé du temps. [...] Néanmoins, il y a un moment du temps qui va d’aujourd’hui à demain, d’aujourd’hui à hier, d’aujourd’hui à aujourd’hui, de demain à demain. »

    Une pierre nouvelle à l’édifice de la connaissance

    Cet article est l’une des premières présentations des travaux de l’Institut international de cosmo-anthropo-écologie en France. Bien des points de ces recherches restent à approfondir. Cependant, il est certain que nous sommes à la veille d’échanges très fructueux, et que l’ouverture d’esprit dont font preuve les Russes dans leur prise en compte de la sensibilité humaine et de leur appréhension du cosmos aura des conséquences importantes dans l’évolution de modèles théoriques de l’univers et dans la pratique scientifique, notamment médicale. Concluons par ces mots du Pr Vlail Kaznatcheyev : « Selon notre conception de l’espace vivant, toute l’évolution de l’Univers, dès le big-bang, prend son origine dans l’espace vivant cosmique. [...] Ainsi nous sommes de plus en plus convaincus que le salut et la survie de l’humanité, son évolution ultérieure sur la planète Terre sont liés à la prise de conscience de sa coparticipation cosmique. »





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