géographiques de notre planète.Des connexions ont aussi été élaborées avec
les ovnis de Roswell. (La colline qui fait face à Rosslyn s’appelle Rosswell).
Récemment, le trop célèbre Da Vinci code a encore relancé les imaginations…
Les habitants de Roslin, le village de Rosslyn Chapel, se racontent entre eux une
bonne blague :
il suffirait maintenant de creuser une piscine sur le parvis de la chapelle pour enfin
retrouver Nessie,le monstre du Loch Ness.
On a tellement raconté de balivernes sur Rosslyn Chapel… que l’on oublie de parler
des véritables trésors de Rosslyn Chapel.
Parce qu’une fois de plus, la réalité est encore plus intéressante que la fiction…
La Collégiale Saint-Matthieu
La Chapelle de Rosslyn se trouve à peine à quelques kilomètres au sud d’Edimbourg.
Il s’agit
d’une magnifique construction de style gothique tardif, sûrement l’une des plus
« extravagantes »
que l’on connaisse en Ecosse.
Si l’architecture du bâtiment est assez conventionnelle, la profusion de sculptures
ornementales
(superbement réalisées) donnera lieu à toutes les interprétations symboliques
imaginables.
Même si la date de fondation officielle de la chapelle est donnée pour être 1446,
les travaux semblent
avoir commencé dès 1440. Ils dureront une cinquantaine d’années mais ne seront
jamais achevés.
En effet, l’édifice que l’on peut voir aujourd'hui n'est en fait qu'une partie du projet
initial, le choeur
d'une plus grande construction cruciforme avec une tour en son centre.
Le véritable nom de la Chapelle de Rosslyn: Collégiale Saint-Matthieu, nous indique
qu’elle était destinée
à devenir un centre d’enseignement. Près d’une quarantaine d’églises collégiales ont
été construites
en Ecosse entre les règnes de James I et James IV (1406-1513) et leur importance
comme leur facture
devront toujours beaucoup à la richesse comme à la personnalité de leur fondateur.
Il faut dire que fondateur de Rosslyn Chapel, William Sinclair, 1st Earl of Caithness,
3rd Earl of Orkney
(jusqu’en 1470), Baron of Roslin, n’est pas n’importe qui, puisqu’il est réputé avoir
été fait premier
Grand Maître des Maçons par James II en 1441, un titre héréditaire que fera valoir
en 1601 puis
en 1628 son descendant Sir William Sinclair of Rosslyn, ce, avec l’assentiment
de William Schaw,
l’auteur des Statuts Schaw.
(Les Statuts Schaw sont en cours d’étude par notre frère 1er surveillant et les
Chartes Sinclair vous seront
bientôt présentées)
C’est encore un William Sinclair of Rosslyn qui deviendra le premier Grand Maître de la Grande Loge d’Ecosse en 1736-1737…
La Famille Sinclair
Mais qui est donc cette famille Sinclair qui entretient de telles relations avec
la maçonnerie écossaise depuis près de six siècles ?
La famille Sinclair est depuis mille ans, l’une des plus grandes familles de la noblesse
écossaise. La famille Sinclair, ou Saint-Clair (St Clair, Santoclair, Sincler…) est d’origine normande. Elle tire son patronyme du village de Saint-Clair sur Epte situé entre Vernon et Gisors (une autre « coïncidence » à laquelle les « vendeurs de mystères » qui manquent souvent de culture n’ont pas pensé).
Le premier Sinclair à être arrivé en Ecosse s’appelait… William St Clair.
C’était en 1057, il était chargé d’accompagner de Hongrie en Ecosse, Margaret, princesse saxonne promise à Malcolm III alors roi d’Ecosse.
William se mettra au service du roi. Il sera tué en défendant les frontières écossaises
contre une attaque anglaise. Son fils Henry, premier St Clair né en Ecosse, recevra alors du roi les terres de Rosslyn en 1070.
Ce même Henry participera à la 1ère croisade et à la chute de Jérusalem en 1096.
Bien sûr, les tenants de la thèse Templière de Rosslyn ont vite fait de dire qu’il fut fait Chevalier du Temple, précisant même que ce fut à Balantrodoch en 1129.
Malheureusement, notre Henry St Clair, né en 1060, est décédé en 1110. Soit 8 ans
avant la création de l’Ordre du temple et 19 ans avant son initiation…
Les Sinclair prospèreront en Ecosse, toujours proches du pouvoir royal, donnant aussi
evèques et archevèques à l’église écossaise.
Et maintenant, une histoire d’amour et d’action à Roslin…
1296. Les Anglais ont envahi une partie de l’Ecosse. Edward I d’Angleterre envoie
John de Segrave pour gouverner l’Ecosse. Là, au cours de cette brève mission, il succombe à la beauté de l’écossaise Margaret Ramsey of Dalhousie. Il en tombe amoureux. Mais la belle Margaret s’est promise à Henry St Clair de Rosslyn.
En 1302, apprenant que le mariage de Margaret et Henry allait bientôt être célébré,
il convainc Edward I d’intervenir, arguant que ce mariage allait encore rapprocher l’Ecosse de la France (ce qui au passage montre, mais nous y reviendrons, à quel point la famille Sinclair était proche de la France).Segrave entre en Ecosse fort d’une armée de 30 000 hommes, avec comme destination les terres de Sinclair.
Ce sera la bataille de Roslin.
8 000 écossais viendront à bout de 30 000 anglais et Henry épousera Margaret… Henry, appelé Henry le Patriote, sera le compagnon d’armes de William Wallace et de Robert the Bruce dans les guerres d’indépendance de l’Ecosse. Il sera même l’un des signataires de la déclaration d’Arbroath, la déclaration d’indépendance écossaise.
Son petit-fils, Henry St Clair de Rosslyn (c1345 - c.1400) sera lui aussi un sujet
de légendes. Cet explorateur aurait voyagé non seulement vers le Groenland, mais il aurait été jusqu’en Amérique.D’ailleurs, quelques uns ont vu dans certaines décorations sculptées de Rosslyn Chapel des épis de maïs et des cactus aloe vera, prouvant ainsi la découverte de l’Amérique par Henry St Clair plus d’un siècle
avant Christophe Colomb.
Il s’agit bien sûr de théories très, très hypothétiques, basées sur des lettres publiées en 1558 (donc après les découvertes de Colomb) dont l’authenticité n’a jamais été prouvée.Ce qui n’exclue pas d’ailleurs que l’Amérique ait pu être « visitée » avant Colomb, mais il s’agit là d’une autre histoire.
Quant aux épis de maïs ou aux aloe vera à Rosslyn, il faut beaucoup d’imagination
pour donner à ces motifs floraux assez classiques dans le floréaire médieval une origine américaine.
William Sinclair of Roslin (1404-1482), fondateur de Rosslyn Chapel.
Mais venons-en au fondateur de Rosslyn Chapel, le petit-fils d’Henry l’exporateur, William, Sinclair of Roslin.
William Sinclair of Roslin sera l’un des lords –si ce n’est le lord- le plus puissant et
le plus fortuné d’Ecosse.Issu d’une famille au prestige reconnu de tous, ayant participé à toutes les batailles écossaises. C’est un proche du roi, sa sœur est même mariée au frère de James III.Il est rapporté que « in his house he was royally served in gold and silver vessels, in most princely manner » et que concernant sa seconde épouse, Elizabeth, « none matched her in all the country, save the Queen'sMajesty »
Il fut Lord High Admiral of Scotland et Lord Chancellor of Scotland
Sans doute à cause de ses origines familiales, mais aussi parce que nous sommes en pleine « Auld Alliance »,William Sinclair sera toujours très proche de la France. C’est d’ailleurs lui qui sera choisi par le roi pour accompagner la Princesse Margaret en France de 1454 à 1458.Sir William était un noble cultivé. Il possédait l’une des plus vastes bibliothèques d’Ecosse. Il détenait aussi un important scriptorium où l’on recopiait et traduisait des ouvrages venus de toute l’Europe.
Le fait est à souligner quand on sait que l’on retrouvera souvent dans la chapelle
des thèmes identiques à ceux que l’on peut voir sur les enluminures des livres de l’époque. Comme quoi il ne faudra souvent pas chercher très loin les significations des sculptures de Rosslyn…
La source documentaire principale que nous ayons sur les détails de la vie de William
Sinclair et de la construction de la Chapelle de Rosslyn est le Père Richard Augustine Hay, du Canon de Sainte-Geneviève à Paris et Prieur de Saint-Piermont. Il a examiné les registres historiques et les chartes des Saint-Clair et a
rédigé trois volumes d'études en 1700, quelques parties furent publiées en 1835
en tant que Généalogie des Sainteclaires de Rosslyn. Ses recherches sont capitales puisque de nombreux documents originaux ayant servi à sa rédaction ont disparu peu après.Voici ce que le Père Hay dit du fondateur de la chapelle:
"Le Prince William, son âge le faisant souffrir, vint à considérer les années qu'il avait
passées, et comment il allait employer ses jours restants (notons que William n’a à cette époque qu’une quarantaine d’années).C'est pourquoi, sur la fin de sa vie, afin qu'il apparaisse reconnaissant à Dieu pour les bénéfices qu'il avait
reçus de lui, il lui vint à l'idée de construire une maison au service de Dieu, du plus
curieux ouvrage; et afin qu'elle puisse être réalisée dans la plus grande gloire et splendeur il fit amener des artistes de toutes les régions et de tous les royaumes étrangers, et fit en sorte d'avoir grande quantité de maçons,
charpentiers, forgerons, terrassiers et tailleurs de pierres... Il démarra la fondation
de son oeuvre en l'an de Grâce 1446, et jusqu'à la fin, le travail fut des plus fins, il commença par faire faire des esquisses sur des planches à tracer de bois oriental, qu'il donna ensuite à sculpter par des charpentiers qui suivaient
les esquisses, sculptures qu'il donna ensuite aux maçons pour servir de modèles,
afin qu'ils puissent les faire apparaître tels quels dans la pierre; et parce qu'il trouvait que les maçons n'avaient pas d'endroit convenable où loger... il leur fit construire la ville de Rosline qui est aujourd'hui existante et donna à chacun une maison et des terres. Il récompensa les maçons suivant leur grade; ainsi au Maître Maçon,
il donna jusqu'à 40 livres de salaire annuel, et aux autres, 10 livres..."
Roslin, ville de maçons
William Sinclair pour faire face aux travaux ambitieux de ce qui devrait être une église collégiale
(et non une simple chapelle), mais aussi à la reconstruction de son château détruit par le feu en 1447,
cristallisera autour de Roslin le meilleur de la maçonnerie écossaise mais aussi européenne. Allant jusqu’à
créer le village de Roslin qui ne tardera pas à devenir « burgh of barony » dès 1456 par une charte
du roi James II.
L’activité du village dût être importante car comme le précise Hay, il tenait marché tous les samedis
et organisait même une foire annuelle à la Saint Simon.
Le lieu devint même très prospère « the chiefest town in all Lothian, except Edinburgh and Haddington,
and became very populous by the great concourse of all ranks and degrees that resorted to the Prince
at his Palace or Castle, for he kept a great Court.»
Il est clair que réaliser de tels travaux, en pleine campagne, sur près de 50 ans, imposa forcément la mise
en place d’une logistique importante comme la création d’une nouvelle communauté.
Jusqu’à cette période, les grands travaux de ce type étaient plutôt réservés aux villes importantes,
comptant déjà en leur sein leurs propres hommes du métier et structurées pour accueillir un certain flux
de population supplémentaire.
Ensuite, il semble évident que si de nombreux corps de métiers devaient êtres présents à Roslin, les maçons
devaient y êtres très majoritaires.
Rappelons aussi qu’à ce moment de l’histoire de l’Ecosse, nous sommes dans une phase de prospérité
de calme relatif avec le voisin anglais.
Et surtout, comme nous l’avons vu lors de nos précédents travaux, il s’agit là de la période ou les métiers
s’organisent, notamment, bien sûr la maçonnerie. Les incorporations de métier se développent
(The Incorporation of Masons and Wrights à Edinbourg en 1475).
C’est dans ce contexte que William Sinclair bâtira Rosslyn Chapel.
Un Wiliam Sinclair que l’on a vu très impliqué dans la construction, puisqu’il n’hésite pas à dessiner
lui-même.
Un William Sinclair que l’on dit avoir été nommé par James II Grand Maître des Maçons en 1441. Si l’on a pas de trace effective de cette nomination, force est de reconnaître que 160 ans plus tard,
les maçons eux-mêmes reconnaitront ce patronage à son descendant : « Qu'il soit connu à tous les hommes
par la présente, par nous diacres, maîtres, hommes libres des Maçons dans le pays de l'Ecosse, avec
le consentement exprès et l'assentiment d'Ilias Schaw, Maître des Travaux, que notre Lord Souverain
tel qu'a été observé pendant des siècles parmi nous, que les Lords of Roslin ont toujours été Patron et
Protecteur de nous et nos privilèges, comme nos prédécesseurs ont obéi et accepté comme Patrons et
Protecteurs… » Charte accordée par les Maçons de l'Ecosse à William Sinclair of Roslin en 1601.
27 ans plus tard, ces mêmes maçons ou plutôt leurs successeurs renouvelleront cette reconnaissance
« Qu'il soit connu à tout le monde par la présente, que nous, les diacres, maîtres, hommes libres
des maçons et marteleurs, dans le royaume d'Ecosse, comme pendant des temps il a été respecté parmi
nous et nos prédécesseurs, que les Lords de Roslin ont toujours été patron et protecteur de nous et
nos privilèges, comme nos prédécesseurs les ont obéis, révérés et reconnus comme patrons et protecteurs,
dont ils possédaient des lettres de protection et d'autres droits concédés par les progéniteurs bien
mémorisés et les plus nobles de Sa Majesté, qui avec beaucoup d'autres des Lords de Roslin, étant donné
que son document a été consumé et brûlé dans une flamme de feu dans le château de Roslin… »
La question qui se pose n’est pas tellement de discuter du bien fondé de ce patronage mais plutôt de son
contenu. Comment notre William Sinclair a-t-il exercé ce patronage des 1446 ? Et qu’a-t-il apporté à
la maçonnerie ?
On remarquera que la date donnée de sa nomination (1441) comme Grand Maître de Maçons coïncide
avec le tout début de premiers travaux de Rosslyn Chapel (1440).
A-t-il construit Rosslyn avec une telle ambition pour répondre à sa nomination ou a-t-il été nommé
Grand Maître de Maçons parce qu’il avait un tel projet ?
A quel point ses moyens financiers et politiques, mais aussi la personnalité d’un homme aussi puissant
ont-il pu influer sur le Métier ?
« William Sinclair s’est énormément investi dans la construction de Rosslyn » nous dit Hay. Ce sera l’œuvre
d’une vie, une œuvre qui s’arrêtera à sa mort d’ailleurs, puisqu’après son inhumation dans la chapelle,
son fils Oliver arrêtera les travaux après avoir fait la toiture des bâtiments construits.
Les mystères de la Chapelle de Rosslyn.
Passons maintenant aux fameux mystères de la Chapelle de Rosslyn…
Concernant l’édifice lui même.
On peut lire ici et là qu’il a été réalisé selon le plan du temple de Salomon. C’est faux. On connaît si bien le plan actuel que le plan général du projet initial. C’est simple. Rien à voir.
On se demande encore comment certains peuvent écrire de telles sottises alors que tout cela est clairement
vérifiable.
Le cœur que nous connaissons aujourd’hui est en fait très proche au niveau de la conception de celui de
la cathédrale de Glasgow, mais en plus petit. Le département d’histoire de l’université de Glasgow qui
a longuement étudié le sujet en donne toutes les preuves à celui qui veut bien se donner la peine de
se documenter un peu.
Certains détails architecturaux rappellent Melrose Abbey et il est fort probable que John Morrow
(dont nous avons parlé lors de notre précédente étude) ou ses élèves aient participé à la construction.
Concernant les décors sculptés de la chapelle.
Il est extraordinaire de voir ce que l’on a pu faire dire à ces sculptures. On est tellement choqué par
les inepties que l’on peut entendre que l’on en oublierait de relever le plus important : que ces décorations sont absolument magnifiques.
Qu’elles soient toutes d’un symbolisme particulier. C’est certain. Mais n’importe quel historien de l’art
roman et gothique, un peu averti, les décryptera assez aisément sans qu’il soit besoin de recourir à
des délires maniaco-symboliques ne reposant sur rien sinon sur des visées sensationalistes.
Les représentations sculptées de Rosslyn Chapel abordent des sujets très classiques que l’on retrouve
un peu partout en Europe comme sur les enluminures des livres que possédait William Sinclair.
Elles avaient pour mission selon une codification très précise et connue de tous à cette époque d’instruire le
Chrétien.
Ce n’est pas parce que nos contemporains, baignés dans une culture fort différente ne comprennent plus
rien à ce langage qu’il faut lui faire dire n’importe quoi….
Le Chapiteau de l’Initié
Nous n’aurons pas le temps ici de rentrer dans le détail de ces décryptages, ce qui est bien dommage.
Nous nous contenterons de prendre pour exemple un des chapiteaux de Rosslyn Chapel qui a fait couler
le plus d’encre et qui concerne plus directement la Franc-Maçonnerie.
Il s’agit d’un chapiteau situé à l’extérieur de la chapelle sur la première fenêtre (en partant du sud ouest).
Si la sculpture a subi l’érosion du temps, on y voit malgré tout assez clairement un homme à genoux,
les yeux bandés, la main sur la bible ( ?), une corde autour du cou tenue par un autre homme situé derrière
lui.
Bien sûr, la vision est des plus surprenantes pour un Franc-Maçon tellement elle rappelle un moment précis
de notre initiation.
Bien évidemment, certains comme le Dr Robert Lomas, auteur du trop fameux livre « La Clé d’Hiram »
ont plongé sur l’aubaine, annonçant la preuve faite de la connexion entre les Templiers et
la Franc-Maçonnerie.
Nous reviendrons tout à l’heure sur les Templiers, mais il est temps de dévoiler ici un mystère qui n’en
est pas un.
La Clé que Robert Lomas n’a pas trouvée était tout simplement dans la Bible. Elle n’était pas cachée et tout
chrétien du XVème siècle y aurait pensé immédiatement en voyant ce chapiteau, parce que, lui,
il connaissait la Bible :
Luc, Chapitre 22 versets 63 et 64 Un homme à genoux, les yeux bandés, une corde autour du cou… J’ai dû trouver une bonne dizaine de tableaux, de gravures ou… d’enluminures représentant ce sujet-là
entre le XIIème et le XVIème siècle. Des oeuvres signées Dürer, Fra Angelico, Grünewald ou Duccio
par exemple, exposées dans les plus grands musées du monde.
Mais qui a fait la recherche, en se plaçant dans la perspective culturelle de l’époque ?
Un homme à genoux, les yeux bandés, une corde autour du cou… est à l’évidence pour le Chrétien
du XVème siècle la représentation du Christ outragé et humilié. « Mocking the Christ ».
Bible anglaise de Wyclif en 1380 : 63 And the men that helden hym scorneden hym, and smyten hym. Et les hommes qui le tenaient, se moquèrent de lui et le frappèrent 64 And thei blynfelden hym, and smyten his face, and axiden hym, Et ils lui bandèrent les yeux et le frappèrent au visage et lui demandèrent and seiden, Arede, thou Crist, to vs, who is he that smoot thee? Et dirent, prophétise , toi Christ, qui est celui qui t’a frappé ? Bible de King James : 63 And the men that held Jesus mocked him, and smote him. 64 And when they had blindfolded him, they struck him on the face, and asked him, saying, Prophesy,
who is it that smote thee?
La preuve. Les preuves.
La question pour un Franc-Maçon du XXIème siècle, à la vue d’un tel chapiteau, ne devrait pas être
anachroniquement : s’agit-il d’une initiation d’un Franc-Maçon en 1450 mais bien plutôt : en quoi
cette scène a-t-elle pu inspirer nos prédécesseurs maçons ? Peut-il y avoir eu une transmission même
partielle et déformée de cette allégorie, et comment ? Enfin, peut-il y avoir une dimension christique,
de cet ordre, à ce moment de la cérémonie que nous pratiquons aujourd’hui ? Mais il s’agit là d’un tout
autre débat, sûrement plus difficile encore…
Le Pilier de l’Apprenti
Puisque nous sommes dans les allégories maçonniques, il est sans doute temps de parler ici du fameux
pillier dit « de l’apprenti » à Rosslyn Chapel.
Le Pilier de l’apprenti, ou plutôt Pilier du Prince puisque c’est sous ce nom qu’il est originellement désigné,
est l’une des pièces maîtresse de la chapelle. Son fût est le seul de la chapelle à être magnifiquement
ouvragé d’un décor floral torsadé.
La légende raconte que « … un modèle de ce pilier fut envoyé de Rome ou de quelque autre lieu à l’étranger
, à la vue de celui-ci, le maître-maçon refusa de travailler sur un tel pilier sans s’être rendu à Rome ou
en quelque autre lieu à l’étranger pour réaliser une inspection précise du pilier dont le modèle avait été tiré;
en son absence, un Apprenti finit le pilier tel qu’il est aujourd’hui : et le maître à son retour, voyant le pilier
si superbement achevé s’enquit de qui l’avait réalisé ; et poussé par la jalousie, tua l’apprenti. »
« …a model of this pillar had been sent from Rome, or some foreign place, the master-mason upon viewing
it, would by no means consent to work off such a pillar, till he should go to Rome, or some foreign part, to
take exact inspection of the pillar from which the model had been taken; that, in his absence, whatever
might be, the occasion of it, an Apprentice finished the pillar as it know stands: and that the master upon
his return, seeing the pillar so exquisitely well finished made enquiry who had done it; and being stung with envy, slew the apprentice. » « An Account of the Chapel of Roslin » Robert Forbes, 1774
On a bien évidemment vu ici une légende qui pourrait bien être un matériau ayant nourri la légende
d’Hiram…
Etrangement, cette légende n’est citée à aucun moment par le Père Richard Augustine Hay qui avait
eu accès aux documents originaux de la famille Sinclair. Elle apparaît en 1774 dans une petit opuscule édité
par l’évêque Episcopalien Robert Forbes « An Account of the Chapel of Roslin ». Elle sera aussi reprise
dans une version piratée par James Murray en 1778.
On se dit à ce moment que, si l’on considère que la légende d’Hiram telle que nous la connaissont semble
s’être formée aux alentours des années 1725/1730, c’est avec 50 ans de retard que surgit cette légende de
Rosslyn.
Pourtant, la lecture de l’ "Account of a Tour in Scotland" de Thomas Kirk daté de 1667 se révèle bien plus
surprenante : « …Deux miles plus loin, nous avons vu Roslen Chapel, d’une très jolie facture, mais qui
ne fut jamais terminée, le chœur seulement et une petite crypte… on nous a raconté cette histoire, que
le Maître constructeur partit sur le continent pour voir de bons dessins, mais avant son retour son apprenti
avait construit un pillier qui dépassait tout ce qui avait pu être fait, il le tua donc ; on nous montra la tête
de l’apprenti sur le mur avec sa blessure sur le front et la tête du maître à l’opposé »
"Two Miles Further on we saw Roslen Chapel, a very pretty design, but was never finished, the choir only
and a little Vault. The roof is all stone, with good imagery work; there is a better man at exact description
of the stories than he at Westminster Abbey: this story is told us, that the Master builder went abroad to
see good patterns, but before his return his apprentice had built one pillar which exceeded all that ever he
could do, or had seen, therefore he slew him; and he showed us the head of the apprentice on the wall with
a gash in his forehead and his master's head opposite him." Thomas Kirk, "Account of a Tour in Scotland"
1677.
Cette légende aurait donc très bien pu inspirer notre légende d’Hiram puisqu’elle est rapportée de façon
certaine environ 60 ans plus tôt.
Quelques recherches sur le sujet nous apprenent vite que de nombreuses légendes similaires existent
un peu partout. Celle du « Prentice Bracket », le crochet de l’apprenti à Gloucester Cathedral met aussi
en scène un Maître qui tuera son apprenti. Celle de Lincoln Cathedral nous rapporte comment un Maître
dépassé par son apprenti se tuera lui même. Bernard E. Jones cite celle du minaret de l’apprenti de
la Mosquée de Damiette en Egypte (dont, j’avoue, je n’ai trouvé aucune trace).
Mais la légende concernant le vitrail de l’apprenti de l’abbatiale St Ouen à Rouen est surement celle qui
suscitera pour nous le plus d’intérêt. La légende dit que, fou de jalousie, le Maître tua son apprenti
parcequ’il avait réalisé une rose beaucoup plus belle que la sienne. Outre la similarité de l’histoire,
il est surprenant d’apprendre aussi que la rose en question est celle qui inspira celle de Melrose Abbey
(Murray). Melrose Abbey dont de nombreux éléments architecturaux font penser que selon toute
vraissemblance, les constructeurs ont participé à l’édification de Rosslyn Chapel. Soulignons aussi que
les Sinclair sont originaires de Normandie (Saint Clair sur Epte est à 50 km de Rouen).
Quoi qu’il en soit, ce matériel mériteraient une étude plus approfondie. Puisqu’il faut bien le dire
l’apparition dans notre Franc-Maçonnerie de la légende d’Hiram reste encore bien peu claire.
Voir à ce sujet l’article fort documenté de Roger Dachez « Hiram et ses Frères » dans Renaissance
Traditionnelle
Tout cela ne doit pas faire oublier
que tout d’abord, Rosslyn Chapel est un véritable joyau architectural. Mais aussi, pour ce qui nous préoccupe plus directement, que les liens entre Rosslyn Chapel et
la maçonnerie écossaise sont certains. Et que notre Franc-Maçonnerie prend sans doute l’une de
ses nombreuses racines à Rosslyn.
Philippe Rivayrand
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Par metanoia1 le 19 Octobre 2011 à 17:47
Rosslyn Chapel
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