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    Souvent associée au Régime Féodal, la Chevalerie puise, en fait, ses racines au Néolithique où naquirent en effet : les notions de guerre et de guerrier.
    Dès l’âge de Fer, de par la valorisation : de l’arme, du cheval, et d’une élite se consacrant exclusivement à l’art de la guerre, apparaît un ordre aux droits, devoirs, rites et codes d’honneur bien déterminés.
    Ces principes associés à la remise des armes viriles de la coutume germanique, cérémonie au cours de laquelle l’adolescent né libre, reçoit la framée et le bouclier, complétée ultérieurement de préceptes chrétiens, seront les bases de la chevalerie médiévale.
    Jusqu’au 4 ème siècle, le Christianisme rejeta catégoriquement la guerre et les guerriers, mais à défaut de pouvoir supprimer ceux-ci, l’Eglise les incorpora progressivement dans un système de valeurs(la guerre juste et injuste de Saint Augustin :354 à 430) et finit par les canaliser en faveur de ses intérêts, la guerre est alors légitimée voire sacralisée.
    La légitimité augustinienne de la guerre autorise également la récupération des valeurs païennes glorifiant la Force, le culte du Héros, la mort transfiguratrice au combat, l’accent mis sur le « Dieu des Armées » et le développement du culte des saints militaires tels Saint Michel et Saint Georges, s’inscrit pleinement dans ce cadre. Ainsi au guerrier brutal, l’Eglise propose une voie l’autorisant par le métier des armes, et selon sa propre nature d’agir afin de réaliser harmonieusement sa double vocation temporelle et spirituelle.
    Idéalement, l’image du chevalier accompli comme des impétrants à l’initiation chevaleresque requiert une triple disposition :

    • Une disposition physique : le chevalier doit être bel homme car la beauté corporelle au Moyen Age ne peut être que l’expression de la beauté de l’âme et de la beauté morale.

    « …Toi, qui surpasses en beauté les enfants des hommes, ceins toi de l’épée… »

    • Une disposition d’âme : soulignant les valeurs héroïco-viriles d’honneur, de fidélité, de sacrifice, d’amour du combat, enrichies des apports chrétiens de pitié, de charité et de protection du faible. Cet ensemble devant participer à créer un genre d’homme aux rapports clairs et ouverts au goût marqué de la hiérarchie déjà soulignée par le lien féodo-vassalique et maintenu par la permanente angoisse de « faillir », ceci permettant de comprendre et d’apprécier tant d’actes héroïques :

    « …c’est à cette loi qu’obéit Foucart, l’orphelin qui ne permet pas à son seigneur, le Comte de Flandres de monter le premier à l’échelle, à la périlleuse échelle qui doit conduire les barons chrétiens jusque sur les remparts d’Antioche, mais qui après avoir dit sans amertume ces trois simples paroles :Si je meurs, personne ne me pleurera, s’offre comme victime, rejette son blason derrière ses épaules, empoigne à deux mains l’échelle, fait une longue prière à Dieu, s’élance et ne laisse que le second rang…à des héros tels que Bohémond et Tancrède… »(Léon Gautier).

    • Une disposition d’esprit :Soulignons avant tout qu’au Moyen Age, le monde est perçu comme un ensemble de symboles et de signes par lesquels, se manifeste l’action divine. La disposition intéresse donc « …les diverses attitudes vis à vis du monde spirituel…mythes et …symboles comme à la diversité de l’expérience religieuse elle même… »(JuliusEvola).

    Cette disposition a pour finalité : l’acquisition des valeurs de Liberté et de Vérité, celles là mêmes décrites dans l’Evangile de Saint Jean en ces termes : « …si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples et vous connaîtrez la Vérité, et la Vérité vous libèrera… », car seules la Liberté et la Vérité participent à l’éveil divin du chevalier, ne serait-ce qu’au travers de son engagement au service des réalités transcendantes comme :

    1. le Roi : représentant de Dieu sur Terre.
    2. la Dame :miroir de la Beauté divine.

    Dès lors, dans sa quête, en repoussant le mensonge, image de disharmonie et en reconnaissant pour unique loi, la Fidélité, reflet de l’esprit humain à l’essence divine, le chevalier se fait l’agent accompli des desseins de la Providence.
    L’investiture chevaleresque ne s’acquiert qu’au travers d’une phase de maturation où temps, travail, discrétion et discipline demeurent les maîtres mots.
    Ainsi, l’enfant à l’âge de 7 ans, damoiseau, s’il est de haute lignée, valet s’il est de plus petite naissance, reçoit les rudiments d’équitation, d’escrime, et de chasse.
    Vers l’âge de 12 ans, le jeune garçon débute son apprentissage sous la direction de son père, de son oncle, voire d’un protecteur. Pendant plusieurs années, il servira ce maître en qualité de valet de table ou d’écurie et l’accompagnera à la guerre où il porte ses armes.
    La majorité chevaleresque octroyée vers 15 ans au 12ème siècle, tient en fait à l’aptitude du candidat ainsi qu’au développement de sa force physique. Une fois celui-ci reconnu comme apte, l’écuyer entre en chevalerie selon un rite de passage spécifique : l’Adoubement.
    Au 13 ème siècle, la christianisation complète de ce rite, fait que cet Adoubement est assimilable à une véritable ordination allant se dérouler en trois temps :

    - La préparation : qui comprend elle même : le jeûne, la confession, la veillée d’armes dans la solitude d’une église par référence à la descente en la matrice dépouillant « le vieil homme », à laquelle fait suite au petit matin : le bain lustral, naissance et remontée vers la lumière du « nouvel homme », ainsi que la communion et la remise de vêtements neufs.

    -La consécration : qui a valeur de mutation individuelle marquant l’entrée dans la voie d’un perfectionnement initiatique.
    Concrètement, elle s’exprime par la bénédiction du futur chevalier, la remise de l’épée bénite, le baiser de paix ou transmission du souffle divin, la paumée : coup de poing porté sur la nuque afin que le chevalier puisse s’éveiller et veiller dans la Foi en Christ, la remise des éperons d’or et du cheval au symbolisme bien défini.

    - Les Festivités, où repas, danse, joute, clôturent la cérémonie.

    L’Adoubement, en fait, induit un ensemble de conséquences dans la vie du chevalier. Celui-ci, en effet, est maintenant tenu à des droits de Justice et de Protection ainsi qu’à des devoirs spirituels, temporels et personnels.

    Des devoirs spirituels :en tant que chrétien, il doit se soumettre aux seuls enseignements de l’Eglise, auxquels s’ajoutent :

    -La Défense de l’intégrité de la Foi, ou lutte contre toutes formes d’hérésie.

    -La Défense des biens de l’Eglise.

    -La Charité envers les faibles et les démunis.


    Des devoirs temporels :avec le respect du serment de « Foi et Hommage » envers son seigneur immédiat.

    Des devoirs personnels :à travers l’observance de ses propres valeurs, le chevalier exprime la voie chevaleresque tout en restant fidèle à lui-même et aux engagements acceptés le jour de son Adoubement.

    Devoirs spirituels, temporels, et personnels étant on ne peut mieux récapitulés par la Trinité :
    « Mon âme à Dieu, ma vie au Roi, l’honneur à moi… ».

    A côté de ces précédents purement descriptifs, la richesse première de la Chevalerie réside dans la puissance et l’omniprésence de son symbolisme exprimé au travers de la Voie Chevaleresque elle même, de l’armement propre du chevalier auquel on peut adjoindre la science héraldique sans faire abstraction quant au rôle de la Dame et de son archétype sublimé : la Vierge Marie.
    Qu’en est-il de la Voie Chevaleresque ?
    Celle-ci est pleinement réalisée par l’interaction entre elles de 2 assises, l’assise temporelle et l’assise spirituelle qui toutes deux, prendront leur sens entier à l’occasion des croisades.

    L’Assise Temporelle, exotérique apporte au chevalier, un ensemble de valeurs allant lui permettre de mettre pleinement en place son vis à vis spirituel, elle s’exprime principalement au travers :

    • Du Port des Armes, aussi bien de fer que symboliques placées sur l’écu, contre partie des servitudes morales dont le corps est le socle.

     

    • De l’acceptation de verser son sang, de faire don de sa vie pour expulser l’âme bestiale et libérer l’âme immortelle par une mort sereine et triomphale :

    « …la Voie Chevaleresque est toute entière centrée…sur une vision sacrificielle de la vie…au sens…de l’acte de rendre sacré…de réunir le moi au Soi et de là…de retrouver sa semblance divine… »(Gérard de Sorval).

    • De la bienfaisance envers tous ceux qui permettent de mettre l’épée au service de l’Ordre Divin car l’essentiel n’est-il pas de détruire l’ignorance et le chaos, de sauver la Création et de la recentrer sur le Principe ?

     

    • De la prouesse et de la loyauté soulignant l’Honneur, pièce maîtresse de « l’homme vrai ».

     

    • De la largesse par mépris du profit.

     

    • De la courtoisie, qui définit les rapports et devoirs de « l ‘homme vrai » à la Dame.


    L’Assise spirituelle de la Voie Chevaleresque, ésotérique par définition, en constitue la partie centrale par laquelle le chevalier accède à la plénitude de son état et se son être.
    L’Assise ou fondement spirituel s’articule autour d’un ensemble regroupant :

    • La quête et l’aventure : qui autorisent toutes deux, la rencontre avec soi même par les épreuves traversées car le chevalier doit s’éprouver lui même et garder une constante vigilance.

     

    • La double conquête : condition indispensable de la rencontre avec le Divin et impliquant :


    1. La petite guerre sainte ou confrontation aux forces extérieures, épreuve sanglante contre l’infidèle, par exemple.

    2. La Grande Guerre Sainte, combat mené contre l’ennemi intérieur, il s’agit ici à l’image de Saint Michel ou de Saint Georges de « …vaincre le Dragon… », sans pour autant le détruire mais en le canalisant à l’aide de cet objet opératif que demeure : la lance, élément fécondant et solaire. En s’enfonçant dans le monstre, symbole de la matière hostile au Divin, celle-ci marque alors autant la fixation et l’orientation positive du chaos que sa spiritualisation.

    • La maîtrise de sa monture, c’est à dire de son moi pour accéder au Soi. Le chevalier est un cherchant qui se réalise dans l’action pour une cause supérieure, ce qui le conduit à spiritualiser la guerre, l’amour et la mort, qu’il doit vivre avec la même intensité afin de les accomplir intégralement.

     

    • Le culte de la Beauté, en tant qu’image de Dieu.

     

    • La soumission à la Dame, image de l’âme pure et de la perfection spirituelle.


    Quid du symbolisme de l’armement du chevalier ?
    Celui-ci s’ensource dans l’épître aux éphésiens de Saint Paul :

    « …Tenez vous donc debout avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse et pour chaussures le zèle à propager l’Evangile de Paix, ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre les traits enflammés du Mauvais, enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est à dire : la Parole de Dieu… ».

    A chaque attribut du chevalier, correspond une valeur propre, au casque : celle de l’Intelligence, à la cuirasse : la Prudence, aux gants : l’Honneur, à l’écu : la Foi, aux éperons d’or : la Tempérance, à la lance : la Sagesse, à l’épée : la Parole de Dieu qui ordonne la Création, détruit l’ignorance et maintient la Justice comme la Paix.
    L’épée est aussi le lien vertical entre le ciel et la terre par lequel communiquent le Principe et les hommes. Ainsi donc porteur de l’épée croix, le chevalier est la vivante figuration du Christ dont il prépare le retour sur Terre.
    Comment dès lors, ne pas voir en cette épée un être vivant en symbiose avec son porteur et ne pas lui attribuer un nom comme Durandal ou Excalibur dont le pouvoir créateur s’exprimera à la moindre prononciation de nom en question ?

    Quant au cheval, « …véhicule de la quête spirituelle… », dont la maîtrise n’est que le reflet de la maîtrise intérieure du cavalier, il se confond dès l’obtention de la dite maîtrise en l’image parfaite de la puissance dominée par la raison.
    C’est alors Pégase, maîtrisé par Bellérophon, s’élevant vers le monde céleste.

    Que dire de la science héraldique ?
    Pour le chevalier, l’écu armorié demeure le support à l’aide duquel l’initiation va se réaliser en lui-même, ainsi le contenu symbolique de ses armes est l’ossature intime et spirituelle du cherchant, de même que sa vocation dévoilée dans le plan divin.
    Le mode opératif des armes se déploie selon deux éléments :

    • L’écu, divisé en neuf parties, 9 étant le symbole du « nouvel homme » que demeure tout chevalier dont l’âme est régénérée par l’effusion du Saint Esprit.

     

    • Les éléments qui prennent place sur l’écu, dont la disposition et la nature expriment « le programme » que le chevalier se propose de mettre en action pour accomplir sa quête graalique.


    Qu’est-ce que le Graal, néanmoins ?
    Tantôt vase sacré ayant servi à Jésus pour l’Eucharistie et à Joseph d’Arimathie pour recueillir le sang du Christ, tantôt livre, tantôt pierre verte, le Graal se présente comme l’image du Centre Royal de soi-même ou Centre Primordial, qui seul conduit au Centre Suprême où réside le Principe.
    Ainsi, la Quête du Graal est la seule à conduire à la restauration androgynale de « l’Age d’Or », état premier et sacré où l’homme et Dieu, vivaient en équilibre harmonieux.

    Dernier élément de la symbolique chevaleresque et non des moindres :
    La Dame, au rôle magistral de par l’obligation qu’elle impose au chevalier à maintenir sa quête dans la juste voie, lui permettant ainsi d’espérer devenir : modèle de Victoire et de Justice, à l’image du Christ.
    La Dame, dès lors, renvoie à la Vierge Marie vénérée jusque sur le bûcher par Jacques de Molay, dernier maître de l’Ordre du Temple car la Vierge, image voilée de la Schekinah kabbalistique, apparaît comme le lien absolu qui relie les mondes supérieur et inférieur, comme la médiatrice sublime qui fait communiquer Dieu et les hommes.

    Fraternité guerrière d’hommes libres épris de Vérité et d’Absolu, la Chevalerie se démarque par ses nobles idéaux qui ont pour noms : Courage, Epée, Cheval, Graal et Dame, qu’il importe de poursuivre et de défendre car la mort dans la juste voie ne peut être que sublimée :

    « …il est là, gisant le Comte Roland et a voulu se tourner du côté de l’Espagne, il se prit alors à se souvenir de plusieurs choses, de tous les pays qu’il a conquis, et de douce France, et des gens de sa famille, et de Charlemagne don seigneur, qui la nourri ; il ne peut s’empêcher d’en pleurer mais il ne veut pas se mettre lui-même en oubli et réclame le pardon de Dieu, il lui a tendu le gant de sa main droite et Saint Gabriel l’a reçu. Alors sa tête s’incline sur son bras et il est allé mains jointes à sa fin, Dieu lui envoya deux de ses Anges Chérubins : Saint Raphaël et Saint Michel, Saint Gabriel est venu avec eux, ils emportent l’âme du Comte au Paradis… »(Chanson de Roland)





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