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Par metanoia1 le 23 Octobre 2011 à 19:35
LES MEGALITHES DU MONT-SAINT-MICHEL
PREMIER ZODIAQUE
Classée patrimoine mondial de l’UNESCO, la baie du Mont-Saint-Michel recèle des trésors : la
nature, d’une rare beauté, est ici magnifiée par l’architecture de la célèbre abbaye. L’arrière-pays
n’est pas en reste, servi notamment par un dispositif mégalithique exceptionnel, objet de la présente
étude.
PREMIERE PARTIE : Inventaire
Si la Bretagne mégalithique est souvent associée aux incontournables alignements de Carnac, au
tumulus de Gavrinis, au dolmen de la Roche-aux-Fées près de Rennes, la région du Mont-Saint-
Michel se démarque par la diversité de ses monuments (menhirs, dolmens, cromlechs) et plus encore
par leur implantation particulière.
Le nombre d’entités mégalithiques est ici limité, ce qui facilitera l’analyse de la structure d’ensemble.
Un inventaire s’impose tout d’abord.
Sur la carte IGN au 25000ème (Top 25 Dol-de-Bretagne) qui nous servira de référence tout au long de
cette étude figurent les principaux mégalithes de la région : une allée couverte (la Maison des Feins à
Tressé) et quatre menhirs de grande taille (le Champ Dolent près de Dol, la Pierre du Domaine en
Plerguer, la Roche Longue à Saint-Marcan et La Butte près de Combourg). A cette liste s’ajoute le
Cromlech (cercle de pierres levées) du Mont-Dol et les deux menhirs disparus au sommet du Mont-
Saint-Michel. Faisons plus ample connaissance avec les protagonistes de notre histoire, car le
légendaire qui accompagne ces pierres ne manque pas d’intérêt.
Les trois monts
Au néolithique, les habitants de la baie ne peuvent que remarquer trois monts dont le caractère sacré
ne s’est jamais démenti au fil du temps : le Mont Tombe, devenu le Mont-Saint-Michel ; son
inséparable compagnon légendaire, Tombelaine, rocher situé au nord du précédent ; enfin, occupé dès
le paléolithique, le Mont Dol à la mythologie systématiquement liée aux deux autres sites. Les trois
monts sont implantés sur un sol n’excédant guère celui du niveau actuel de la mer. Ainsi, par temps
clair et malgré la distance, les monts Dol et Saint-Michel sont réciproquement aisément repérables à
l’oeil nu.
Des mégalithes aujourd’hui disparus sont attestés jusqu’au huitième siècle (709, date du premier
sanctuaire chrétien, fondé par l’évêque d’Avranches Aubert) au sommet du Mont-Saint-Michel.
Citons un ouvrage de référence de l’historien Marc Déceneux, Le Mont-Saint-Michel, Histoire d’un
Mythe, aux éditions Ouest-France (1997) :
« Pour ce qui est du Mont-Saint-Michel même, la plupart des auteurs ont admis l’idée de l’existence
d’un monument mégalithique près du sommet ; ils se sont pour cela basés sur le texte de la revelatio
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qui nous donne la plus ancienne version des événements survenus sur le rocher au début du VIIIe
siècle. » (Lire pages 57 et suivantes)
L’auteur émet l’hypothèse d’un monument mégalithique funéraire sur le mont Tombe. Quoiqu’il en
soit, deux pierres levées sont attestées, ainsi qu’un espace circulaire. On retiendra l’empreinte de
l’homme sur le rocher au néolithique.
Et l’éminent historien de conclure : « Tout se passe donc comme si le Mont-Saint-Michel, sinon une
structure monumentale couronnant son sommet, se trouvait au centre de toute une géographie
mégalithique couvrant une large frange du littoral normano-breton et de son arrière-pays. Cette
hypothèse est d'autant plus plausible que des cas comparables existent : il s'agit alors d'ensembles
groupés autour d'une éminence ou d'un monument spécialement remarquable. J'ai cité plus haut les
trois menhirs organisés autour du Menez-Bré. Plus spectaculaire encore est le complexe monumental
mis en place autour du grand menhir brisé de Locmariaquer (Morbihan) ; ce géant (20,30 mètres de
long et 350 tonnes : record du monde absolu pour un mégalithe !) était entouré d'un réseau de
monuments secondaires, disposés en alignement sur des distances de plus de vingt kilomètres, sur huit
axes correspondant aux moments extrêmes de la déclinaison lunaire. Un système identique aurait
existé autour du grand menhir du Manio à Carnac. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à voir le centre
d'un vaste système mégalithique dans le Mont-Saint-Michel et à l'imaginer sommé d'un monument de
premier plan. »
La revelatio décrit la fondation du premier sanctuaire chrétien sur le Mont : les apparitions de
l’archange Michel décident l’évêque Aubert à construire le premier temple au lieu « foulé par les pieds
d’un taureau ». Il suit en cela le modèle du Mont Gargano en Italie où Saint-Michel apparaît pour la
première fois en occident en l’an 493, date après laquelle un rituel chrétien y remplace le culte de
Mithra et les sacrifices du taureau. On verra plus loin l’importance de ces allusions au taureau,
d’autant qu’un autel taurobolique, voué au sacrifice de l’animal, a été découvert au sommet du Mont-
Dol où se pratiquait donc également le culte de Mithra aux premiers siècles après Jésus-Christ.
Ceci nous amène tout naturellement à évoquer le Mont Jovis, qui deviendra le Mont Dol et dont le
légendaire est intimement lié à celui du Mont-Saint-Michel. L’archange et le Diable s’y affrontent dans
d’épiques combats célestes. La présence de l’homme y est attestée dès le paléolithique, faisant de ce
lieu le plus ancien territoire peuplé de la région. Là encore, le néolithique laissera son empreinte : un
cromlech y est attesté, dont les traces demeurent, sur le flanc sud du mont, près du grand calvaire.
Spécialiste de la Bretagne Mégalithique et auteur d’un monumental ouvrage portant ce nom (au Seuil),
Gwenc’hlan Le Scouëzec donne cette description (Guide de la Bretagne Mystérieuse, 1966, Tchou,
p.395) : « Au milieu d’affleurements rocheux, on reconnait les restes d’un ensemble, peut-être
circulaire, de pierres levées. Le calage de certaines d’entre elles est encore en place. L’une d’elles,
debout et de petite taille, a reçu le nom de mitre de saint Samson. Une source, dédiée elle aussi au
premier évêque de Dol, complétait le lieu sacré. »
Evangélisé au VI° siècle par le gallois saint Samson, le Mont-Dol voit s’affronter les forces du bien et
du mal. Une légende locale retient notre attention : furieux de voir le saint construire la cathédrale de
Dol, le Diable lance un rocher sur l’ouvrage mais manque sa cible, qui endommage l’une des tours de
l’édifice avant de se planter, au sud, près de la fontaine de Carfantin. La pierre est le menhir du
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Champ-Dolent.
Le Champ-Dolent et le menhir de La Butte
Le plus haut menhir d’Ille-et-Vilaine avec 9 mètres de hauteur, et l’un des plus beaux mégalithes
bretons, semble le gardien de la fontaine Saint-Samson à Carfantin, espace sacré autour duquel le saint
gallois va fonder son premier monastère sur le sol armoricain. La légende d’une pierre lancée par le
démon est d’autant plus troublante que la cathédrale de Dol est édifiée sur une source, un puits
intérieur récemment mis en valeur, et que les trois sources sont rigoureusement sur un même axe.
Ainsi, le cromlech du Mont-Dol, le puits au coeur de la cathédrale et la fontaine de Carfantin sont très
précisément alignés, conformément au légendaire local. Mieux : en prolongeant l’axe (on utilise une
carte très précise, l’IGN au 25000ème), on vise exactement un autre menhir, lui aussi de grande taille,
dit de La Butte, près de Combourg (6,50 mètres de hauteur). Curieusement, le légendaire répond là
encore au concept de pierre du Diable. Ce dernier voulant utiliser le menhir pour construire son
temple, la croix qui le surplombe (christianisation tardive) aurait déjoué ce plan démoniaque. Lutte
éternelle du bien et du mal, dans l’axe des sources sacrées...
Trois mégalithes sur un même axe
L’examen minutieux de la carte IGN de Dol-de-Bretagne nous permet de recenser encore trois
mégalithes (et trois seulement, les pierres datant du néolithique présentes ci et là, de moindre
importance, ne sont pas mentionnées sur la carte). Le menhir de la Pierre du Domaine en Plerguer, le
menhir de la Roche Longue à Saint-Marcan, et l’allée couverte dite maison des feins (ou des fées) dans
la forêt du Mesnil, près de Tressé.
Le dolmen de la maison des fées est constitué d’un long couloir qui débouche sur une chambre,
l’ensemble étant à l’origine probablement recouvert de terre (tertre). La présence de seins gravés sur
les pierres de la chambre est une particularité que l’on trouve dans d’autres dolmens en Bretagne.
Citons l’allée couverte de Kerguntüil en Trégastel, datant comme Tressé du néolithique final, vers
2000 ans avant Jésus-Christ. On en trouvera une description dans l’ouvrage Bretagne Mégalithique de
G. Le Scouëzec. Ces sanctuaires étaient consacrés à la déesse-mère protectrice des défunts.
Symboliquement, nous sommes dans le monde de la nuit, avant la renaissance des premières lumières
passé le solstice d’hiver ; à l’ouest du dispositif (soleil couchant)… Alors que le Mont-Saint-Michel, à
l’est de la zone, est diurne, solaire, masculin, l’allée couverte est quant à elle nocturne, lunaire,
féminine. L’un est solstice d’été (jour le plus long), l’autre solstice d’hiver (nuit la plus longue).
L’axe qui va du dolmen de Tressé au Mont-Saint-Michel exprime l’idée d’une lente montée vers la
lumière, en six mois, du solstice d’hiver au solstice d’été. Le retour du Mont vers l’allée couverte,
d’est en ouest, symbolise les six mois suivants durant lesquels les jours raccourcissent.
Il se trouve que les deux menhirs qu’il nous reste à traiter sont précisément sur cet axe ; ainsi que le
village de Carfantin et la fontaine Saint-Samson, point crucial au croisement des deux lignes que nous
traçons. Les légendes locales, là encore, nous viennent en aide, car le même récit concerne le Champ
Dolent et la Pierre du Domaine : le menhir tombe du ciel pour séparer deux frères qui s’apprêtaient à
se livrer un duel sans merci. Les deux axes croisent le fer : du Mont-Dol émane la ligne de l’eau, celle
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des sources sacrées. Du Mont-Saint-Michel, joyaux visible depuis les hauteurs de Saint-Marcan, se
dessine l’ascension vers la lumière, vers le feu du Soleil levant.
Le troublant alignement dans l’axe du feu est bien connu des érudits locaux et de quelques historiens.
Tony Le Montreer le mentionne en 1947 dans « Les Curiosités du Pays de Dol ». A propos de
Carfantin, cet auteur écrit : « Qui nous dira pourquoi le Mont-Saint-Michel, le menhir de la Roche
Longue, en Saint-Marcan, la Pierre du Champ-Dolent, le menhir de la Pierre du Domaine en Plerguer,
et le dolmen de la Maison des Feins sont sur la même ligne droite ? »… A ce propos, Marc Déceneux,
docteur en histoire de l’art et archéologie, écrit : « si cet alignement était confirmé avec un taux
suffisant de précision cartographique, il y aurait là un argument sérieux pour affirmer l’importance du
Mont-Saint-Michel dans la cartographie sacrée de la région au néolithique » (op. cité). Nous avons
procédé à des relevés très précis sur les cartes IGN placées bord-à-bord, complétés par une simulation
informatique : oui, la précision cartographique de l’alignement est bien là, sous réserve que l’on
prenne soin de remplacer le menhir du Champ-Dolent par la fontaine qu’il garde. En effet, le plus haut
mégalithe du département, s’il joue un rôle de repère central, n’est à proprement parler aligné sur rien,
ni mont ni mégalithe. Les cinq points très savamment placés sur un même axe révèlent en revanche
une implantation mûrement réfléchie, une structure dont nous allons découvrir la richesse.
DEUXIEME PARTIE : Une orientation astronomique
« Voilà donc ce fameux champ de Carnac qui a fait écrire pus de sottises qu’il n’a de cailloux. »
Gustave Flaubert.
L’inventaire des principaux mégalithes dans l’arrière pays du Mont-Saint-Michel nous met en présence
de deux axes dont le point de croisement est une fontaine sacrée signalée par le plus haut menhir du
département. L’association d’un mégalithe de première grandeur à une source est d’ailleurs assez
fréquente en Bretagne.
Nous avons pris soin de contrôler minutieusement la précision des lignes, en utilisant en complément
des cartes IGN au 25000ème, les moyens qu’Internet met à la disposition de chacun : cartographies et
photos satellites de Google Earth et de Géoportail, le site web de l’IGN. A titre d’exemple, le calvaire
sud du Mont-Dol occupe aujourd’hui la place du cromlech néolithique. Nous publions la carte IGN
montrant la ligne reliant ce calvaire à la fontaine Saint-Samson (Carfantin, centre du dispositif). La
cathédrale de Dol-de-Bretagne est traversée au niveau de la croisée des transepts, c'est-à-dire à
l’emplacement du puits sacré. Une modélisation informatique permet de constater que la ligne reliant
le calvaire au menhir de la Butte, à 18 km de distance, passe à seulement 40 mètres à l’est de la
fontaine Saint-Samson, soit une précision de 2 pour mille. La même rigueur s’applique à la seconde
ligne, Tressé/Mont-Saint-Michel, qui fait avec l’est un angle de 32,0°.
Des alignements mégalithiques aussi précis sont rares à cette échelle (31 km entre la Maison des Fées
et le Mont-Saint-Michel), sauf à considérer des zones peuplées de centaines de menhirs dans
lesquelles, par la force des choses, certains forment des lignes droites (nous pensons notamment à la
région de Carnac et de Locmariaquer). On a souvent prêté une structure linéaire aux mégalithes de
Bégard/Menez-Bré (Côtes-d’Armor). Les menhirs de Kerguézennec, Pédernec et de Pergat seraient
alignés (7 km). L’éminent préhistorien Pierre-Roland Giot note que « de ces trois sites, il n’y a aucune
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difficulté à voir le sommet de la colline du Menez-Bré (302 mètres) qui peut très bien être le centre
d’un ensemble ». Voilà qui évoque pour nous la structure rencontrée au Mont-Saint-Michel.
Malheureusement, les trois menhirs ne sont pas alignés ! Si l’examen rapide d’une carte Michelin à
vocation touristique le laisse penser, la vérification sur l’IGN au 25000ème dément formellement : le
menhir de Kerguézennec fait avec les deux autres un angle de 8°. Nous avons exclu le Champ-Dolent
de notre axe principal pour un écart de bien moindre importance.
D’une division en six…
La précision des tracés une fois contrôlée, une autre recherche s’impose. Sur l’axe naturel Mont-Saint-
Michel/Carfantin (fontaine sacrée), les hommes du néolithique placent trois mégalithes (Tressé, Pierre
du domaine, Roche Longue). Comment se répartissent les distances ? Là, une surprise nous attend, que
le tableau suivant résume…
MEGALITHES * UNITE = 5,2625 km Valeur réelle Différence Dif/31,5 km
Tressé - Beaufort 1 unité = 5,2625 km 5,350 km 0,087 km 2 pour 1000
Mt St Michel – St Marcan 2 unités = 10,525 km 10,225 km 0,300 km 9 pour 1000
St Marcan - Beaufort 3 unités = 15,787 km 16,000 km 0,212 km 6 pour 1000
St Marcan - Tressé 4 unités = 21,05 km 21,350 km 0,300 km 9 pour 1000
Mt St Michel - Beaufort 5 unités = 26,312 km 26,225 km 0,087 km 2 pour 1000
Mt St Michel - Tressé 6 unités = 31,575 km 31,575 km 0 0
Si nous choisissons pour unité 1/6ème de l’intervalle Tressé/Mont-Saint-Michel, toutes les valeurs de
distance sont entières, de 1 à 6 unités. Les écarts mesurés se comptent en pour mille, ce qui laisse très
peu de place au hasard. En particulier, on note que, en partant de la Maison des Fées (Tressé) et en
allant vers le Mont-Saint-Michel, le menhir de la Pierre du Domaine (Beaufort) se situe à 1/6ème du
parcours, et le mégalithe de Roche Longue (Saint-Marcan) aux 2/3.
Quelle est la signification de cette singulière division en 6 ? Celle-ci nous rappelle tout d’abord le
chapitre de conclusion de l’ouvrage majeur de G. Le Scouëzec, Bretagne Mégalithique. L’auteur se
livre à une analyse approfondie de 18 haches du dolmen de Gavrinis, réparties en quatre groupe de
3,4,5 et 6 unités. Le produit 3X4X5X6 égale 360. Si le triangle pythagoricien 3-4-5 est bien connu au
néolithique, ce que de nombreux indices laissent effectivement supposer, 6 serait la base d’un système
de numération dont les traces se perpétuent jusque dans la langue bretonne. Son origine se perd, elle,
dans la nuit des temps.
… à la division en 12 : un proto-zodiaque
Revenons à notre image d’un parcours solaire allant symboliquement de Tressé au Mont-Saint-Michel,
du solstice d’hiver au solstice d’été. La division en 6 de cet axe induit une année de 12 « mois », deux
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fois 6 entre les deux extrêmes que sont les solstices. Il est alors tentant de voir là un proto-zodiaque,
l’ancêtre des douze signes chers à nos astrologues. Avant de poursuivre notre exploration, la vocation
astronomique des mégalithes est-elle crédible ? L’hypothèse n’est pas neuve : au début du XX° siècle,
le capitaine de frégate Alfred Devoir montre que les files principales de menhirs sont fréquemment
orientées, en Bretagne, selon les levers de Soleil aux solstices et aux équinoxes. Plus tard, un
ingénieur écossais, Alexander Thom, étudie les sites de Carnac et Locmariaquer, développant une
théorie selon laquelle les ensembles mégalithiques sont des observatoires destinés à suivre les
mouvements du Soleil et de la Lune. Ainsi, le Grand Menhir de Locmariaquer devient le point de mire
d’un système permettant de prévoir les éclipses. S’il est vrai que les déclinaisons lunaires atteignent,
comme en 2006, leur maxima tous les 18,6 ans (à Carnac, les levers et couchers de la Lune font alors
un angle de 45° avec l’est) et que ce cycle, dit de Samos, est lié aux éclipses, nous pensons qu’il est
pour autant absolument impossible de prévoir une éclipse visible à Carnac, fut-elle de Lune, sur la
base de l’observation du terrain. Mais c’est là un vaste sujet !
Quoiqu’il en soit, la fonction astronomique de certains groupes mégalithiques est évidente. Ainsi, près
d’Evora au Portugal, le grand menhir d’Almendres, isolé, est placé de telle sorte qu’il indique, vu du
célèbre cromlech du même nom, la direction du lever de Soleil au solstice d’été. Nous sommes là dans
le berceau du mégalithisme atlantique, né au cinquième millénaire avant Jésus-Christ. Le plus souvent,
les dolmens sont ouverts au sud-est, la chambre étant orientée vers le nord-ouest. Ainsi, le célèbre
tumulus de Newgrange (vers 3200 avant J.C.) a la stricte orientation du lever de Soleil au solstice
d’hiver : le 21 décembre, les rayons du Soleil levant viennent frapper le fond de l’allée couverte. Le
même phénomène se produit à Gavrinis (nous avons eu le loisir de l’observer il y a une vingtaine
d’années) ainsi qu’à la Roche aux Fées au sud de Rennes.
L’allée couverte de Tressé, point de départ de notre axe à 32°, n’échappe pas à la règle avec son
orientation Sud-Est/Nord-Ouest. La symbolique du solstice d’hiver se confirme ici pleinement. A l’est
du dispositif, le Mont-Saint-Michel représente très bien le rayonnement solaire de l’été. Mais dans le
cadre d’une division en douze de l’année, quel rôle jouent les deux menhirs dressés sur cet axe ? Pour
répondre à cette question, il nous faut nommer les douze « mois » pris en compte à partir du solstice
d’hiver. Par convention, nous retiendrons le découpage moderne adoptés en astrologie : les douze
signes du zodiaque saisonnier, le Capricorne ouvrant le bal au solstice d’hiver tandis que le Cancer
voit, au solstice d’été, la croissance des jours devenir décroissance jusqu’au prochain solstice. L’entrée
du Soleil en Bélier (les astronomes disent le passage au point vernal) ou en Balance correspond à une
période de l’année ou jour et nuit ont sensiblement la même durée (équinoxes). Si le zodiaque est
probablement inconnu des peuples néolithiques, du moins sur la côte atlantique, son langage convient
parfaitement à la description d’un processus annuel en 12 temps.
Ainsi, la Maison des Fées symbolise le solstice d’hiver, le menhir de la Pierre du Domaine, au 1/6ème
de la course, l’entrée du Soleil dans le signe du Verseau ; au 2/3 du parcours, la Roche Longue à Saint-
Marcan est liée au Taureau, signe de renouveau au printemps. Le Mont-Saint-Michel tient lieu de
solstice d’été, tandis que le processus s’inverse mais va suivre la même logique : le retour progressif
vers Tressé est balisé d’abord par l’entrée du Soleil en Lion au 1/6ème de la course, puis par le passage
en Scorpion (symboliquement la mort de la nature au coeur de l’automne, processus opposé à celui du
Taureau) au 2/3 du parcours. Nous avons donc 6 temps forts dans l’année : les deux solstices et le
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passage du Soleil dans les quatre signes de milieu de saison : Verseau (hiver), Taureau (printemps),
Lion (été) et Scorpion (automne). Ce découpage quaternaire a survécu au mégalithisme, marquant les
dates des grandes fêtes celtiques traditionnelles dans l’ouest de l’Europe. La répartition des mégalithes
sur l’axe Tressé/Mont-Saint-Michel évoque donc un processus saisonnier cohérent, ou plus
exactement, le symbolise. Mais place, maintenant, à la réalité astronomique et à l’observation…
Coucher de Soleil au Mont-Saint-Michel
Nous sommes le 1er novembre, au début du XXI° siècle. La Toussaint prend ici, au Mont-Saint-Michel,
la dimension d’une spiritualité hors du commun. Il émane une magie particulière de la Merveille et de
l’église abbatiale au coucher du Soleil. De la nef, les portes ouest étant ouvertes, on assiste aux
derniers feux de l’astre diurne qui se couche ce jour-là exactement sur le Mont-Dol. Les fondations de
l’église s’appuient sur le sanctuaire érigé au X° siècle, Notre-Dame-sous-Terre, qui a de ce fait
strictement la même orientation vers le Mont-Dol. Il en était probablement de même du premier
oratoire fondé par Aubert. Depuis la nuit des temps, les deux Monts se regardent, se font face et
s’accouplent, unis par une magie solaire commune. Les druides ne pouvaient ignorer que, vu de ce lieu
sacré, le Soleil se couche sur le Mont-Dol le jour du nouvel an celtique, le 1er novembre. Ce jour est
nommé Samain et marque le début de la saison sombre. Le Soleil est alors dans le signe du Scorpion
qui, dans le zodiaque, fait face au Taureau. La première occurrence d’une symbolique opposant la
force vitale du Taureau au passage vers l’autre monde du Scorpion nous semble être la représentation
du Roi Scorpion en Egypte (vers 3200 ans avant J.C.), lequel porte un vêtement orné d’une queue de
Taureau et fait face à un Scorpion. Si l’opposition mort et renaissance est évidente, rien ne prouve
cependant qu’on soit là en présence d’une allusion au zodiaque. Reste que les forces vives du
printemps se manifestent lors du passage du Soleil dans le signe du Taureau. C’est le sens de la fête
celtique Beltaine célébrée aux alentours du 1er mai, qui fait pendant au nouvel an, Samain, le 1er
novembre. L’orientation de l’axe Mont-Dol/Mont-Saint-Michel, à 21° par rapport à l’est, permet
d’observer le coucher du Soleil sur le Mont Dol le 1er Novembre (Curieuse facétie du destin ou projet
délibéré, la cathédrale de Dol, du XIII° siècle, a exactement la même orientation de 21° nord-est).
C’est très précis : A Dol-de-Bretagne, le lever de Soleil le 1er novembre a un azimut de 111°21’ nord
qui induit un angle de 21° par rapport à l’est, au lever comme au coucher. La veille, le 31 octobre
(Halloween), le Soleil se couche en effet avec un azimut de 248°57’, ce qui induit une différence de
seulement 3’ d’arc avec les 21° de notre axe.
Symétriquement, on va observer au Mont-Dol un lever de Soleil sur cet axe (21° Est-Nord-Est) lors du
passage du Soleil dans le signe du Taureau (du 21 avril au 21 mai). L’alignement est exact le 25 avril.
Ce jour-là, un observateur placé à l’est du plateau qui surmonte le Mont-Dol, à l’emplacement actuel
de la tour de la Vierge, va voir se lever l’astre diurne exactement sur le Mont-Saint-Michel, dont nous
rappelons qu’il est ici visible à l’oeil nu. C’est là que se situait une chapelle dédiée à Mithra, dont
l’autel taurobolique (sacrifice du Taureau) a été retrouvé. Rapporté à notre axe voué à l’opposition
Taureau-Scorpion, ce détail prend tout son sens. Le 1er mai, jour de la fête celtique Beltaine qui
marque le début de la saison claire, l’observateur placé au Mont-Dol va voir le Soleil se lever entre le
Mont-Saint-Michel et Tombelaine (au nord du rocher voué à l’archange). Enfin, le 10 mai, le Soleil se
lève sur Tombelaine, marquant la fin des festivités de Beltaine. Toujours en Taureau, le Soleil a franchi
les deux tiers du signe. Là, nous avons découvert une confirmation de l’unité prise en compte dans le
découpage en 6 de l’axe Tressé/Mont-Saint-Michel : symboliquement, nous avions associé au signe du
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Taureau le menhir de Saint-Marcan, aux 2/3 de la course, c'est-à-dire une distance de 21,05 km. Or,
c’est exactement la valeur que nous mesurons entre la tour de la Vierge, au Mont-Dol, et le sommet de
Tombelaine. La différence n’est pas mesurable sur nos cartes IGN. Le tableau suivant résume nos
relevés, prenant aussi en compte les 5 unités entre le Mont-Saint-Michel et le menhir de la Butte,
distance soulignée par notre ami et collaborateur Yvo Jacquier.
MEGALITHES * UNITE = 5,2625 km Valeur réelle Différence Dif/31,5 km
Mont Dol – Tombelaine ** 4 unités = 21,05 km 21,05 km 0 Sans object
Mt St Michel - La Butte 5 unités = 26,312 km 26,500 km 0,188 km 6 pour 1000
** La mesure est effectuée de la tour de la Vierge au sommet du Mont-Dol.
A ce stade, nous constatons déjà une étonnante survivance des observations faites au néolithique, de
5000 à 2000 avant Jésuis-Christ. Lorsque les celtes arrivent en Bretagne, vers 500 avant J.C., ils
perpétuent le découpage mégalithique avec les quatre fêtes principales de leur calendrier (Samain le 1er
novembre, Imbolc le 1er février, Beltaine le 1er mai, Lugnasad le 1er août, ces dates étant
nécessairement approximatives car les festivités durent une dizaine de jours). Aux premiers siècles
après J.C., le culte de Mithra reprendra le sacrifice du Taureau (Beltaine), célébré ici sur un même axe
de lever et coucher du Soleil. Et que dire de la Chandeleur, fête de purification le 2 février, ou de la
Toussaint le 1er novembre ? Le système astrologique des signes fixes (Verseau, Taureau, Lion,
Scorpion) semble à l’honneur depuis les civilisations à mégalithes, quel que soit le nom qu’on lui
donne.
Un proto-zodiaque
L’axe symbolique Tressé/Mont-Saint-Michel, avec ses six étapes solaires, a pris au Mont-Dol une
dimension tangible, observable. Qu’en est-il du Lion, lié au Lugnasad celtique, fête du dieu suprême ?
L’examen des azimuts du soleil au lever va, là encore, nous fournir la réponse. Selon les années, le
Soleil entre en Lion le 22 ou le 23 juillet, typiquement dans la nuit du 22 au 23 (1). A Dol de
Bretagne, le lever du Soleil le 23 juillet se fait avec un azimut de 57°55’ (référence : le Nord), soit à
seulement 5’ d’arc près 32° par rapport à l’Est. Or, c’est très exactement l’orientation de l’axe
Tressé/Mont-Saint-Michel. Nous avons là une belle confirmation de l’hypothèse d’un proto-zodiaque
sur cet axe. Comment observer, sur le terrain, le lever du Soleil entrant en Lion ? Le menhir de Saint-
Marcan nous donne la clé : placé à flanc de colline, ce mégalithe donne accès à une hauteur de laquelle
un paysage grandiose se dévoile sur la baie. Le Mont-Saint-Michel est aisément identifiable, vers
l’est… et le lever du Soleil, à l’aube du 23 juillet. Le Lion, signe solaire par excellence et symbole du
Dieu suprême, trouve là son expression juste. Et la fête celtique de Lugnasad battra son plein jusqu’au
10 août.
Symétriquement et sur le même axe, on note la fête de purification Imbolc, liée au Verseau. Le Soleil
entre en effet dans ce signe du zodiaque le 19 ou le 20 janvier, selon les années. Le 19, l’azimut du
coucher de Soleil à Dol est de 239°, correspondant à notre axe (32°) à 1° près.
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Après l’axe Taureau-Scorpion, nous découvrons l’opposition Lion-Verseau : le quaternaire celtique est
au complet, aisément observable aux levers et couchers du Soleil. Reste le solstice d’été, référence
incontournable. Nous retiendrons le rôle central joué par la fontaine de Carfantin, gardée par le
Champ-Dolent au croisement des deux alignements… Avec un azimut de 38° par rapport à l’est, le
lever de Soleil au solstice se fera précisément sur l’axe Carfantin-Tombelaine. Et là encore, on utilisera
pour l’observer un relai, rigoureusement placé sur cette ligne : les falaises de Saint-Broladre, qui
révèlent un horizon dégagé vers Tombelaine et la baie du Mont-Saint—Michel. Un lieu à la beauté
envoutante qui clôt notre relevé des points d’observations solaires. Ainsi, le proto-zodiaque exprimé
symboliquement sur l’axe Tressé/Mont-Saint-Michel, trouve sur le terrain une application concrète.
L’observation des mouvements saisonniers est possible, ouvrant la voie, sans doute, à des pratiques
rituelles dont nous ignorons aujourd’hui les détails.
Une géométrie sacrée ?
Les moyens mis en oeuvre pour évoquer ou célébrer un zodiaque laissent rêveurs. Pourquoi une telle
débauche de technicité, de mesures, de tailles et de déplacements des pierres, alors que des repères
simples, deux menhirs par exemple, suffisaient à rendre visibles le déroulement des phases
saisonnières ?
A l’évidence, une subtile géométrie s’invite dans l’édifice mégalithique du Mont-Saint-Michel.
Qui nous dira pourquoi le mont de l’archange et le menhir du Champ-Dolent, le plus haut du
département et gardien de la fontaine sacrée, font avec l’Est un angle de 33,69° qui ne répond ici à
aucune échéance saisonnière marquante ? Une orientation que les archéologues savent être celle, en
autres, des célèbres alignements de Kermario à Carnac. On les dit orientés vers le solstice d’été… Oui,
mais lequel ? Car cet angle, qui semble reporté d’un site à l’autre, est né d’un rectangle de 3 sur 2 (par
exemple le tertre du Manio à Carnac), lequel indique bien le solstice… mais au Portugal ou, mieux, en
Galice, berceaux du mégalithisme atlantique ! Notre ami Yvo Jacquier, dont la géométrie sacrée nous
semble être la langue maternelle, a montré comment cette approche a pu fonctionner, de manière
différente, en Egypte et jusqu’en Bretagne. Son étude complète à merveille notre propos.
Christophe de Cène
(1) Dans cet article, le zodiaque est toujours tropique, c'est-à-dire saisonnier, commençant en Bélier au
point vernal ou équinoxe de printemps. Ce zodiaque des signes est insensible au phénomène de
précession des équinoxes, lequel concerne les constellations. Ainsi, au néolithique comme
aujourd’hui, le jour le plus long est celui du solstice d’été : le Soleil entre alors dans le signe du
Cancer. Le Soleil entre en Balance quand, à l’équinoxe, les durées du jour et de la nuit sont égales.
Notre étude montre ainsi que le premier zodiaque est tropique et non sidéral : en d’autres termes, sa
logique se fonde sur les saisons et non sur les étoiles.
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