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Par metanoia1 le 12 Février 2011 à 20:17
Jésus dans l’islam
Yahya Pallavicini
« Lorsque nous avons conclu l’Alliance avec les Prophètes,
avec toi, avec Noë, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie ;
nous avons conclu avec eux une alliance solennelle, afin que
Dieu demande des comptes aux véridiques de leur sincérité ;
mais Il a préparé, pour les incrédules, un châtiment
douloureux ».1
Nous voudrions témoigner que l’on peut, à travers quelques aspects
de la Tradition islamique souvent ignorés ou mal interprétés,
bénéficier de certains des innombrables enseignements et
manifestations de la Divine Providence. C’est justement par le
moyen de tels signes qu’il est possible de mieux connaître et de
mieux approfondir la réalité dans laquelle nous vivons et la Vérité
qui se cache en chacun de nous.
Peu nombreux sont, en effet, ceux qui savent que le Saint Coran,
manifestation de la Parole de Dieu pour les musulmans, recèle
de nombreux passages se référant à Marie, vierge aussi pour
l’islam, et à son fils Jésus, en arabe ‘Isâ , alayhi-s-salâm, sur lui
la paix.
Nous nous limiterons essentiellement à trois moments de la
fonction spirituelle et eschatologique de Jésus : la naissance, la
crucifixion et la seconde venue. Nous citerons en premier lieu les
1 Coran XXXIII, 7-8, traduction de Denise Masson
Jésus dans l’islam
versets relatifs à la naissance de Jésus, tels qu’ils ont été révélés
dans la Sourate de Marie :
« Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se
retira en un lieu vers l’Orient. Elle plaça un voile entre elle et
les siens. Nous lui avons envoyé notre Esprit : il se présenta
devant elle sous la forme d’un homme parfait. Elle dit : “Je
cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux;
si toutefois tu crains Dieu !” Il dit : “Je ne suis que l’envoyé
de ton Seigneur pour te donner un garçon pur”. Elle dit :
“Comment aurais-je un garçon ? Aucun mortel ne m’a jamais
touchée et je ne suis pas une prostituée”. Il dit : “ C’est ainsi :
Ton Seigneur a dit : ‘Cela m’est facile’. Nous ferons de lui un
Signe pour les hommes ; une miséricorde venue de nous. Le
décret est irrévocable.”
« Elle devint enceinte de l’enfant puis elle se retira avec lui
dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du
tronc du palmier. Elle dit : “Malheur à moi ! Que ne suis-je
déjà morte, totalement oubliée !”
« L’enfant qui se trouvait à ses pieds l’appela : “Ne t’attriste pas !
Ton Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers
toi le tronc du palmier ; il fera tomber sur toi des dattes fraîches
et mûres. Mange, bois et cesse de pleurer. Lorsque tu verras
quelque mortel, dis : ‘J’ai voué un jeûne au Miséricordieux ; je
ne parlerai à personne aujourd’hui’.”
« Elle se rendit auprès des siens, en portant l’enfant. Ils dirent :
“Ô Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! Ô soeur
d’Aaron ! Ton père n’était pas un homme mauvais ta mère
n’était pas une prostituée”.
« Elle fit signe au nouveau-né et ils dirent alors : “Comment
parlerions-nous à un petit enfant au berceau ?” Celui-ci dit :
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YAHYA SERGIO YAHE PALLAVICINI
“ Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ;
Il a fait de moi un Prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a
recommandé la prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la
bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent, ni malheureux.
Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je
mourrai ; le jour où je serai ressuscité”. Celui-ci est Jésus, fils
de Marie. Parole de Vérité dont ils doutent encore. Il ne convient
pas que Dieu se donne un fils ; mais Gloire à Lui !... Lorsqu’Il
a décrété une chose, Il lui dit : “Sois !”... et elle est. Dieu est, en
vérité, mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-le ! Voilà la
voie droite ! »2
Certains commentateurs interprètent l’éloignement de Marie
au désert, pour s’isoler des siens, comme une hégire, un exode,
un exil ou une retraite spirituelle voulus par Dieu pour ceux qu’Il
a choisi comme modèles de servitude parfaite. D’autres personnages
des Saintes Ecritures qui sont proches de la figure de Marie ont
aussi pleuré et souffert dans l’abandon et la solitude du désert.
La première d’entre tous, Agar, servante de Sarah, épouse
d’Abraham et mère du peuple arabe, qui reçoit une première fois,
dans le désert, l’annonce de la naissance de son fils Ismaël, chef
de lignée des arabes. Et c’est en fuyant une fois encore dans le
désert et au désespoir devant les larmes de son fils Ismaël assoiffé,
que lui viennent à nouveau le réconfort et le secours d’un ange.
Dans la tradition islamique, l’ange Gabriel est aussi appelé
l’Esprit fidèle (ar-Rûh al-amîn), et c’est proprement en tant que
tel qu’il peut transmettre, à la vierge Marie, la parole et l’esprit
divins. Rûhunâ, le terme arabe traduit généralement par « notre
Esprit », signifie plus exactement l’Esprit de Dieu qui donne la
vie, et qui est insufflé, à la Vierge Marie, par l’intermédiaire de
Son ange fidèle manifesté sous la forme d’un homme parfait.
Seul le réceptacle immaculé de la Vierge, exemple de pureté
et de dévotion sublimes, peut être digne de recevoir l’esprit de
11
2 Coran XIX, 16-36,
Jésus dans l’islam
Dieu. En ce sens, l’annonce de cette bonne nouvelle a ici valeur de
transmission de la parole de Dieu et de Son ordre, afin que Marie
puisse non seulement s’ouvrir à une nouvelle connaissance plus
élevée de la Réalité de Dieu, mais qu’en en comprenant aussi la
profondeur, elle soit aidée à intégrer et préserver la parole de Dieu
qui vient de lui être insufflée. Par là même, elle se trouve en mesure
d’apprendre à nourrir vraiment cette forme qu’elle-même va devoir
engendrer. L’ange a donc pour fonction d’être l’ « Esprit fidèle »
de la Volonté de Dieu qui a décrété la providentielle nécessité de
se voiler à nouveau, de se re-voiler (révéler), en se manifestant, cette
fois, sous la forme d’un homme parfait. C’est précisement cet
aspect de perfection humaine que revêt l’ange, comme pour
anticiper l’aspect extérieur, nécessairement parfait, qu’aura le
nouveau message divin.
La déclaration de l’ange révèle que la conception de Jésus est
un pur mystère de l’omnipotence de Dieu, et de Sa miséricorde. La
réaction (a‘udhu birRahmâni) de Marie à la vue de l’homme —
« Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ;
si toutefois tu crains Dieu ! » —, est celle d’une personne pure qui
craint Dieu. C’est bien en raison d’une telle crainte qu’elle se tourne
vers Dieu et qu’elle peut aussi exhorter l’homme, en réalité l’ange,
à faire de même. Il n’y a d’ailleurs rien de fortuit à ce que tout
musulman soit tenu d’utiliser exactement cette même parole,
prononcée par Marie, avant toute lecture coranique, comme une
nécessaire purification avant de pouvoir être le récitant de la
parole de Dieu, et comme une protection contre les immenses
dangers qu’il y aurait à approcher du sacré sans crainte et sans
intention droite.
Considérons maintenant avec un peu plus d’insistance le passage
coranique montrant Jésus comme un « signe » (ayah), comme un
acte de miséricorde (rahmatan) et comme un « ordre décrété »
(amran maqdiyyan). Dans la perspective de tout croyant, ne peut
être mis en doute le fait que chaque chose soit directement reliée à
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YAHYA SERGIO YAHE PALLAVICINI
la Suprême Volonté de Dieu, et qu’ainsi l’ordre véritable ne puisse
que participer des règles et lois transmises en toute miséricorde par
Dieu, en des temps et des modalités connus de Lui seul et à travers
l’expression de signes évidents. Jésus représente parfaitement tout
cela puisqu’il est un signe évident de la Volonté divine de rétablir
l’ordre, en confirmant la loi précédemment révélée. Par le plus grand
miracle, il est lui-même instrument agissant de la présence de Dieu
en lui. Ainsi, comme à aucun autre prophète avant lui, il lui est
permis non seulement de rappeler aux mécréants, grâce aux miracles,
le souvenir de Dieu, mais d’être aussi l’agent opératif de la Volonté
de Dieu, qui seule peut rendre la vie.
S’agissant de Marie et des douleurs qu’elle endura, on peut
remarquer combien il semble que ce soient précisément celles-ci
qui l’amènent au lieu de la nativité, tandis qu’il appartient
clairement à Dieu, et à Dieu seulement, de la conduire, dans les
tourments et les efforts nécessaires, au lieu le plus juste et de la
meilleure façon qui soit. En effet, même une femme d’exception
comme Marie obéit à l’ordre divin des temps d’Eve, qui est celui
de devoir enfanter dans la douleur. Elle transmet ainsi
l’enseignement que la possibilité de mériter et de recevoir la grâce
n’est pas donnée sans souffrances.
Ces dernières considérations trouvent une certaine
correspondance avec ce que dit Marie, quand elle souhaite être
morte ou oubliée Il semble que l’on puisse aussi interpréter ces
expressions comme la nécessité de devoir vraiment mourir à nousmêmes,
et comme l’exigence de devoir vivre uniquement dans le
souvenir de Dieu qui seul peut faire renaître à une nouvelle vie.
Cette nouvelle vie est comme l’eau du ruisseau qui coule aux pieds
de Marie, et il nous semble reconnaître dans la voix qui la
réconforte, la même voix que celle de Jésus naissant et donnant
la vie, comme une « source d’eau vive »3.
13
3 Jean, 7, 37 ; 4, 14, Apocalypse 22, 1
Jésus dans l’islam
Dans l’injonction de manger (fa-kulî) des fruits du palmier
(nakhla) et de boire(wa-shrabî), nous voyons également comment
Marie obéit à l’ordre divin de goûter les bienfaits du palmier et
en reçoit immédiatement les avantages qu’elle manifeste dans la
beauté naturelle et dans le signe de la splendeur et de la fraîcheur
de ses yeux (qarri’ainan). C’est investie de cette force nouvelle
que Marie se prépare à offrir un sacrifice particulier, celui du jeûne
spirituel du silence (çawman) consistant, selon beaucoup de
croyants sincères, à ne pas parler et à ne pas écouter les hommes
afin d’être plus libre d’entendre Dieu. Et cette parole de Dieu ne
tarde pas à se faire entendre, puisque c’est juste en vertu de ce
silence que Jésus nouveau-né, encore au berceau, répond
miraculeusement à ceux qui offensent l’honneur et la sainteté de
sa mère. Il dit :
« Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m’a donné le Livre ;
Il a fait de moi un prophète ; Il m’a béni, où que je sois. Il m’a
recommandé la prière et l’aumône — tant que je vivrai — et la
bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent, ni malheureux.
Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je
mourrai ; le jour où je serai ressuscité. »4
La première présentation que Jésus fait de lui-même nous
indique quelle est la station initiale du chemin spirituel ; celle de
la connaissance de la condition de parfaite servitude à l’égard de
Dieu (Innî ‘AbduLlâh), dans la plénitude et la totalité de ses aspects
intérieurs et extérieurs. Il y a, au-delà même de la sincérité et de
l’intention droite implicites dans l’expression « serviteur de Dieu »,
une référence aux aspects essentiels de la prière rituelle (bi-ççalâti),
entendue aussi comme action sacrée dans le quotidien,
et à l’aumône rituelle (wa-z-zakâti) qui se réfère aussi à l’aumône
de purification en vue d’obtenir la pureté du coeur. Cet état, inné
en Jésus, lui confère naturellement toute autorité pour l’enseigner,
14
4 Coran XIX, 30-32
YAHYA SERGIO YAHE PALLAVICINI
soit dans son aspect rituel de charité, soit dans son aspect intérieur
et profond, en relation avec la station de pauvreté spirituelle qui
résulte de l’abandon des attachements matériels à ce monde.
Jésus est pieux (barran) depuis le jour où il naquit, et il donne
la paix éternelle (as-Salâm) le jour de sa mort. Le jour où il sera
ressuscité vivant (ub’athu hayyan), il viendra juger tous les êtres,
y compris ceux qui auront oeuvré seulement pour les biens de ce
monde ou pour une paix sans Justice, oubliant par la-même Dieu
et Sa parole de Vérité (qawl al-Haqq). « Oui, il en est de Jésus
comme d’Adam auprès de Dieu : Dieu l’a créé de terre, puis Il lui
a dit : “Sois”, et il est (Kun fa-yakun) ».5
Ce passage est très symbolique de la toute puissance divine
puisqu’il montre comment il a suffi à notre Créateur, le Créateur
de toute chose, de dire « Sois » (Kun) pour que cela « fût » (fayakun).
On peut peut-être, si Dieu le veut, en méditant sur sa
Majesté, mieux comprendre ainsi le véritable sens de notre propre
naissance.
Par ailleurs, les versets de la Sourate des Femmes apportent
d’autres éléments sur le mystère de la crucifixion :
« Nous les avons punis parce qu’ils n’ont pas cru, parce qu’ils
ont proféré une horrible calomnie contre Marie et parce qu’ils
ont dit : “Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie,
le Prophète de Dieu”. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas
crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi.
« Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute ;
ils n’en ont pas une connaissance certaine ; ils ne suivent
qu’une conjecture ; ils ne l’ont certainement pas tué, mais
Dieu l’a élevé vers Lui, (bal rafa’ahu -llâhu ilayhi) : Dieu est
puissant et juste.
15
5 Coran III, 59
Jésus dans l’islam
Il n’y a personne, parmi les gens du Livre, qui ne croie en lui
avant sa mort et il sera un témoin (shahîdan) contre eux, le
Jour de la Résurrection (yawm al-qiyâmah). »6
Il parait important que la révélation coranique, qui clôt le cycle
des révélations, présente la scène de la dernière manifestation du
Christ aux hommes dans le jugement universel.
Ces versets présentent Jésus dans sa fonction de témoin des
croyants au jour de la résurrection, jour dans lequel il redescendra
du lieu où Dieu l’a élevé. La langue arabe sacrée du texte donne :
« bal rafa’ahu-llâhu ilayhi » qui peut être traduit par : « mais
Dieu l’a élevé à Lui ». Une telle élévation peut être comprise comme
l’élévation que Dieu accorde à Jésus dans l’accomplissement, ou
mieux, dans la réalisation de sa fonction prophétique qui doit,
relativement, d’un point de vue spatial et temporel, nécessairement
se terminer pour qu’il puisse être réuni à sa nature vraie et à son
essence spirituelle ; cette essence qui lui a donné naissance comme
elle a donné naissance à toute chose.
C’est précisément dans cette perspective qu’il faudrait interpréter
l’autre passage coranique : « Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont
pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi. » Il est sans nul
doute bien impossible à la volonté humaine de s’opposer à la
volonté de Dieu, et nul ne peut assurément tuer ou crucifier ce
qui représente proprement l’Esprit de Dieu, en Soi nécessairement
immortel. Seul peut être mortel ce qui est soumis à l’espace et au
temps, comme la forme du symbole qui ne doit pas être confondu
avec le Principe Ordonnateur de l’essence divine.
Dans la particularité miraculeuse et bénite de la fonction de
Jésus, se trouve la mort providentielle du corps purifié qui assume
une image semblable à celle de Jésus aux yeux de ceux qui en sont
les témoins. Ces derniers peuvent non seulement bénéficier des
grâces attachées au sacrifice symbolique de Jésus, mais aussi du
16
6 Coran IV, 156-159
YAHYA SERGIO YAHE PALLAVICINI
souvenir de la vision de celui qui doit mourir pour pouvoir donner
la Vie et surtout laisser au monde la Vérité et la Voie. En d’autres
termes, s’il apparaît impossible de mettre à mort l’Esprit de Dieu,
la fin spatio-temporelle de Jésus, directement reliée au miracle
de sa naissance, apparaît tout autant miraculeuse. En effet,
quelqu’ait été son pouvoir de rendre la vie, c’est proprement en
mourant qu’il réussit à accomplir l’ultime et la plus élevée des
volontés de Dieu : devenir pour ses témoins nourriture spirituelle
de la Vie Eternelle.7
En jetant un rapide coup d’oeil aux biographies de certains
saints musulmans, comme l’émir Abd-al-Qâdir ou le Cheikh Ahmad
al-‘Alawi (radiyallâhu ‘anhumâ), on ne s’étonnera pas de
remarquer combien, dans les descriptions de rencontres avec ces
maîtres, certaines personnalités occidentales ont été frappées par
la ressemblance de leurs visages avec les représentations du Christ.
Une telle ressemblance exprime la proximité de leur station
spirituelle., au degré de connaissance de la présence de Dieu dans
le Christ. Cela vient confirmer l’universalité de la présence
christique dans une fonction spirituelle que l’on retrouve, même
sous des formes différentes, dans les diverses communautés
religieuses et particulièrement dans l’islam, où Jésus est attendu
comme annonce de l’Heure et juge à la fin des temps.
Le dernier aspect de la fonction de Jésus que nous voulons
aborder ici est celui du Christ (al-Masîh) comme annonce de
l’Heure.
17
7 Du Vème siècle jusq’au début duXème, les artistes byzantins représentèrent
presque toujours le Christ vivant sur la croix. La pensée orientale se fixait
principalement sur la divinité du Christ, et la croyance générale était qu’il ne
pouvait véritablement s’agir d’une mort, entendue comme séparation de
l’âme et du corps, puisque tant l’âme que le corps du Christ demeuraient
unis dans la nature divine. En conséquence, certains théologiens affirmaient
qu’après avoir rendu le dernier soupir, le corps de Jésus resta, d’une façon
providentielle, encore en vie afin d’accomplir l’union hypostatique ( cfr.
Grondijs L.H. in L’iconographie byzantine du Crucifié mort sur la Croix,
Utrecht, 1945 ).
Jésus dans l’islam
« Lorsque le fils de Marie leur est proposé en exemple, ton
peuple s’en détourne ; ils disent : “Nos divinités ne sont-elles
pas meilleures que lui ?” Ils ne t’ont proposé cet exemple que
pour discuter. Ce sont des amateurs de disputes. Lui n’était
qu’un serviteur auquel Nous avions accordé notre grâce et
Nous l’avons proposé en exemple aux fils d’Israël. Si Nous
l’avions voulu, Nous aurions fait, d’une partie d’entre vous,
des anges, et ils vous remplaceraient sur la terre. Jésus est,
en vérité, l’annonce de l’Heure. N’en doutez-pas et suivez-
Moi. Voilà un chemin droit ! Que le démon ne vous écarte pas.
Il est votre ennemi déclaré. Lorsque Jésus est venu avec des
preuves manifestes, il dit : “Je suis venu à vous avec la Sagesse
pour vous exposer une partie des questions sur lesquelles vous
n’êtes pas d’accord. Craignez Dieu et obéissez-moi ! Dieu est,
en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le ! Voilà
un chemin droit !” »8
Nous croyons en vérité, mais Dieu est plus Savant, que certains
signes avertisseurs comme l’absence de foi, l’oubli, l’infidélité,
l’indifférence coupable, le désordre, le manque total de sincérité,
de sérieux, d’intégrité, de cohérence, pour n’en citer que quelques
uns, ne sont que les conséquences de l’absence de référence à
Dieu, Lui qui est véritablement le seul et unique point de référence
vers lequel nous devons nous tourner.
Cela nous ramène à ce que le métaphysicien français Abd-al-
Wâhid Yahyâ, plus connu en Occident sous le nom de René
Guénon, rappelle dans son oeuvre qui rassemble cet héritage de
sagesse nécessaire pour reconnaître les signes de la fin des temps.
Force est de constater que ces signes de l’endurcissement des
coeurs correspondent très exactement à ce que lui-même appelle
la « solidification » ; cette fermeture aux influences bénéfiques
du Très-Haut qui est suivie de la « dissolution », dans un
nivellement parodique des vertus spirituelles.
18
8 Coran XLIII, 57-64
YAHYA SERGIO YAHE PALLAVICINI
Du reste, comme il est rapporté de diverses façons dans tous
les textes sacrés, l’un des sombres présages de l’Apocalypse est
précisement l’inversion de la perspective orthodoxe du sacré qui
distrait les hommes par les illusions confuses du Prince de ce
monde et les rend esclaves du « faux Messie », l’antéchrist, addajjâl,
celui qui précède le Christ de la seconde venue. La
conséquence de ces influences néfastes est déjà manifeste pour
ceux qui veulent bien ouvrir les yeux et qui ont des oreilles pour
entendre.
Dans l’islam, Jésus est considéré comme le prototype du saint
contemplatif en qui prédomine l’aspect de l’amour pour Dieu.
L’amour est le symbole de la tension de l’aspiration spirituelle
qui vise à l’union avec l’objet de son désir, en l’occurence Dieu.
En Jésus, l’union des aspects complémentaires est particulièrement
évidente, de sorte qu’il est lui-même le symbole de l’amour de la
créature pour le Créateur et de la miséricorde de Celui-ci pour
celle-là. Il est avant tout ‘abd, serviteur de Dieu, et en même temps
Rûh Allah, Son Esprit, sans que ces deux aspects, unis en lui, y
soient pour autant confondus.
De même, ses deux venues sont complémentaires : la première
comme rasûlAllah, envoyé de Dieu porteur d’une nouvelle forme
de la Révélation divine, la seconde comme Sceau des Saints,
englobant tout, et annonce que l’Heure est venue de
l’accomplissement du Pacte contracté par les créatures à l’égard
de leur Créateur.
Suivant une tradition, s’il subsiste encore dans la volonté de
Dieu encore une raison pour que le monde existe, c’est seulement
pour la présence effective, ici-bas, de quelque saint. C’est
précisément à cette sainteté qu’il faut aspirer pour bénéficier
encore de cette miséricorde divine toujours présente, et se
préparer de la meilleure façon au jour du jugement, ce jour qui
verra justement redescendre le Christ de la seconde venue pour
juger toute l’humanité. Jésus a élevé la relation entre Dieu et
19
Jésus dans l’islam
les hommes et rappelé à la parfaite adoration en esprit
et en vérité.
Qu’il nous soit permis de conclure par un verset du Saint Coran,
où Jésus, parlant lui-même, dit :
« Craignez Dieu (fattaqu Llâh) et obéissez-moi ! Dieu est, en
vérité, mon Seigneur et votre Seigneur : Servez-Le : c’est là le
chemin droit (sirâtun mustaqîm) »9
20
9 Coran III, 50-51Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique