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    <o:p>La Rose Croix Jonnanite </o:p>

     

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    Préface

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    Hospitaliers - Templiers  Teutoniques

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    Jean Trithème et la Rose+Croix

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    Pas à pas vers la Vérité

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    Le Document insoupçonné

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    Les Hypothèses se confirment

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    PRÉFACE

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    Quand on remonte à travers les siècles et qu'on voit d'une façon globale l'histoire de l'Europe, on ne tarde pas à reconnaître que celle-ci n'est pas aussi confuse et incohérente qu'elle le paraît.

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    Au temps des anciens Romains, il n'y a pas d'Europe, il y a seulement Rome.<o:p></o:p>

    C'est une ville - Urbs - qui a pris de l'extension. L'Orient grec et le pays des Gaules sont uniquement ses dépendances. L'oeuvre a un caractère pléthorique ; elle se subdivise forcément. La décadence, toujours fatale, l'atteint.<o:p></o:p>

    Après Charlemagne, il y a une reprise de l'évolution politique. L'Europe naît au traité de Verdun en 843. Dès lors, il semble bien que le but, mystérieux sans doute et toujours inavoué, soit de rassembler, en une unité de civilisation, les peuples que la ruine de la cohésion romaine a éparpillés. L'Eglise s'y applique, et, pour cette raison, fait de la politique. L'Italie espère trouver là un moyen de reprendre une autorité ancestrale ; elle accepte la direction de l'Eglise. La Germanie s'y oppose, ses Empereurs s'efforcent de restaurer la conception de Charlemagne, et de la réaliser définitivement. Mais la France s'en mêle, elle tient à maintenir la situation que le traité de Verdun a créée.<o:p></o:p>

    Les Britanniques cherchent d'abord à absorber la France, et, après un siècle, ils se voient obligés de changer d'idée.<o:p></o:p>

    C'est que parallèlement à cette fermentation politique, il y a une évolution sociale. Celle-ci se traduit par une lutte pour la liberté de penser --incontestablement la première des libertés sociales. Car l'Église, en prenant une position politique, a dû s'affirmer et donner à son pouvoir spirituel une forme péremptoire. « Le Dictatus Papae » de Grégoire VII en est le point de départ ; les canons du Concile de Trente en marquent le point d'arrivée. On voit donc, mais sourdement, précautionneusement pour ainsi dire, se propager une réaction contre cette tendance de l'Eglise. Dès le temps de Charlemagne elle existe, encore latente, avec Gottschalk. Lorsque l'Église commet la faute de laisser condamner les Templiers - qui, jusqu'alors, l'avaient indirectement et secrètement soutenue -- cette réaction prend une forme violente, au grand jour. Wiclef apparaît. Plus tard c'est Luther, Zwingli, Calvin.<o:p></o:p>

    L'Angleterre aussi, avec Henri VIII, devient protestante. En cela, elle suit le courant qui peut amener l'Allemagne à diriger l'Europe. Cependant sa position insulaire ne lui permet pas -- puisqu'elle n'a pas absorbé la France - de songer à gouverner politiquement l'ensemble du continent. Ce sera donc d'une autre manière - sur un autre plan, soit dit sans préciser - qu'elle cherchera à y parvenir.<o:p></o:p>

    Or, l'Amérique est « redécouverte ». La colonialisation commence. La masse d'or métal que, jadis, Alexandre le Grand, après s'être emparé du trésor des rois de Perse, avait lancée sur le monde, et qui, jusque-là avait suffi, s'accroît soudainement, dans des proportions considérables, par l'exploitation des mines du Pérou. L’Angleterre, puissance maritime, fait un commerce intense, devient une force financière, et entraîne l'Europe dans un tourbillon d'affaires.<o:p></o:p>

    Le monde, alors, perd de vue toute idée de lutte spirituelle. La politique semble uniquement motivée par des considérations économiques. On ne pense plus qu'à l'argent.<o:p></o:p>

    Cependant, sur le plan financier, puisqu'elle n'a pu envisager le plan politique, l'Angleterre gouverne, plus ou moins directement, l'ensemble de l'Europe. On s'en est rendu compte, finalement !<o:p></o:p>

    Mais qui donc, dans ce drame si complexe, a été l'âme de la lutte pour la liberté de penser ? Qui donc s'est servi de l'Angleterre, quand besoin était, pour conduire l'Europe à des fins que les Anglais, eux-mêmes, n'apercevaient pas ? <o:p></o:p>

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    Hospitaliers  -  Templiers  -  Teutoniques

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    Pour bien comprendre le caractère que l'Organisation initiatique a dû prendre au XIIe siècle, sous la forme de l'Ordre du Temple, il convient d'observer attentivement les circonstances dans lesquelles s'opérèrent la création et l'évolution de cet Ordre.

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    Il y a d'abord lieu de noter que chronologiquement apparurent<o:p></o:p>

    1) Les Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem en 1099 ;<o:p></o:p>

    2) Les Templiers en 1118 ;<o:p></o:p>

    3) Les Teutoniques en 1190.<o:p></o:p>

    Entre la fondation de St-Jean de Jérusalem - dit plus tard - Ordre de Malte - et celle de l'Ordre Teutonique, se placent ainsi 72 ans.<o:p></o:p>

    Si l'antériorité pouvait présenter une valeur en l'espèce, on devrait attribuer à l'Ordre de Malte une prééminence incontestable ; il a, en effet, le droit de revendiquer une ancienneté de 19 ans de plus que l'Ordre du Temple. Il ne s'en fait pas faute d'ailleurs ; aussi de nos jours, il aurait tendance à vouloir donner le change en établissant une priorité de fondation et une antériorité doctrinale, sinon initiatique. N'oublions pas que lors de la liquidation des biens de l'Ordre du Temple, au XIV° siècle, du temps de Philippe-le-Bel, les Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem se trouvèrent mis en possession des propriétés situées en France et qu'ils intriguèrent alors pour qu'elles leur fussent adjugées - à bon compte assurément - selon la comptabilité actuellement connue. Mais ce fait indique que, déjà, à cette époque, cet Ordre des Hospitaliers, avait une position « antagoniste » à l'égard. de l'Ordre du Temple - position bien connue et, au surplus, affirmée par la suite - en raison du fait qu'après la cession de l'île de Malte par Charles-Quint, les Hospitaliers prirent le nom de « chevaliers de Malte », qu'ils furent depuis des pourfendeurs d'hérésies, - en cela, auxiliaires des Jésuites - ennemis avérés par conséquent de tout ce qui, de près ou de loin, pouvait se rattacher à l'occultisme, l'hermétisme, le symbolisme, sinon au gnosticisme, en tout cas au Rosi-Crucianisme, à la Franc-Maçonnerie, donc au « souvenir » des Templiers.<o:p></o:p>

    L'ancienneté de l'Ordre de Malte ne se discute pas.<o:p></o:p>

    Doit-on en inférer qu'il est l' « ancêtre » de l'Ordre du Temple, si bien que celui-ci devrait passer pour son imitation ou contre-façon ?<o:p></o:p>

    C'est la seule question importante.<o:p></o:p>

    Elle se posera également lorsqu'il s'agira des Teutoniques -- car il faudra dégager aussi nettement que possible leur relation avec les Templiers.<o:p></o:p>

    D'abord il convient de voir à quelle évolution correspond la vingtaine d'années qui sépare la fondation de l'Ordre de Malte - désignons-la, désormais, ainsi - et la fondation de celui du Temple.<o:p></o:p>

    En 1099 se crée en Terre Sainte, le Royaume de Jérusalem. C'est le temps de la Première Croisade conduite par Godefroy de Bouillon.<o:p></o:p>

    Le fondateur de l'Ordre de Malte s'appelle Gérard Tom. Il est né à Martigues, en Provence. Mais la Provence qui a son histoire particulière depuis qu'au Ve siècle, Euric, roi des Visigoths, s'est emparé de cette partie de l'Empire Romain - et qui dépendait, alors, du Royaume d'Arles - faisait partie du Saint Empire Romain Germanique depuis 1032 - Conrad II étant empereur.<o:p></o:p>

    Gérard Tom, provençal, n'est donc pas de nationalité française, mais allemande.<o:p></o:p>

    Godefroy de Bouillon, chef des premiers croisés, né à Bézy, près de Nivelle en Flandres n'a pas lui-même la nationalité française. Héritier d'une petite seigneurie érigée en duché qui se situe entre le Luxembourg, la Champagne et le Gouvernement de Metz et qui provient d'un démembrement du Comté de Bologne, il se trouve le vassal du Comte de Flandre - à l'époque, Robert II.<o:p></o:p>

    Il est ainsi flamand.<o:p></o:p>

    Hugues de Payan - ou Payens - fondateur de l'Ordre du Temple, appartient à la maison des Comtes de Champagne - mais à la deuxième dynastie de ceux-ci qui, tout au moins par les origines, est française. En effet, si la première dynastie des Comtes de Champagne était issue de la maison de Vermandois lorsqu'elle s'éteignit en 1020, le fief devint le partage d'Eudes II - ou Odon II - petit-fils de Thibault-le-Tricheur, mort en 978, qui était Comte de Blois, Chartres, Tours, Beauvais et Meaux. Certes, à l'époque, la Champagne n'était pas réunie au domaine de la Couronne de France,. - elle ne le fut qu'avec Philippe le Bel - ainsi Hugues de Payan n'était pas plus français que Gérard Tom, néanmoins, on peut dire que par ses attaches de famille, il pouvait revendiquer une origine incontestablement française.<o:p></o:p>

    Or Hugues de Payan était un compagnon de Godefroy de Bouillon, faisant partie du corps de langue d'oïl en cette Première Croisade, alors que Gérard Tom appartenait au corps de langue d'oc, commandé par Raymond de SaintGilles - Saint-Gilles près de Nîmes - marquis de Provence et de Gothie, comte d'Alby, de Rouergue et de Quercy.<o:p></o:p>

    Immédiatement on aperçoit une différence nette entre la fondation de l'Ordre du Temple et celle de l'Ordre de Malte. La première étant effectuée par un homme du Nord et la seconde par un homme du Midi. Si, plus tard, cette différence prendra - du moins chez les membres de l'Ordre de Malte - l'allure d'une rivalité, celle-ci n'aura lieu de surprendre personne. La rivalité entre le Nord et le Midi de la France fut très aiguë au XIIIe siècle - la guerre contre les Albigeois en est la meilleure preuve ; on la voit se perpétuer quoique d'une autre façon, lors de la Guerre de Cent Ans, quand le duché d'Aquitaine appartenait au roi d'Angleterre ; on pourrait la croire atténuée après le règne de Charles VII, quand ce duché fut définitivement réuni à la couronne et qu'on ne parla plus que d'une Guyenne et Gascogne qui englobait le Midi tout entier mais les guerres de religion montrèrent par la suite que ce n'était qu'une apparence. A vrai dire, après la Révolution, après les Girondins et le parti politique qu'ils représentaient, il a fallu toutes les guerres de Napoléon 1er pour, que cette révolte n'apparaisse que diluée dans de vagues souvenirs ancestraux, lesquels, cependant, marquent encore de nos jours, certaines manières de voir.<o:p></o:p>

    Au XIe siècle, il faut en tenir compte. Les différences entre le Midi et le Nord sont très tranchées ; les langues respectives sont au reste si éloignées que celui qui parle l'une ne comprend pas l'autre.<o:p></o:p>

    Alors dans la vingtaine d'années qui sépare la fondation des deux Ordres, peut-on vraiment considérer que les deux corps de croisés sont, à Jérusalem, tellement confondus qu'ils ne forment qu'une seule armée ? C'est une armée d'occupation d'ailleurs - autrement dit prête à toutes les brutalités vis-à-vis de la population - mais composée de deux groupes de moeurs et de mentalité différentes, et commandée (chacune) par un chef distinct.<o:p></o:p>

    Quand Gérard Tom est déclaré fondateur de l'Ordre de Malte, cela veut simplement dire que les premiers Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem étaient des gens du Midi, de langue d'oc.<o:p></o:p>

    Or, nous voyons qu'en 1121 - c'est-à-dire vingt-deux ans à la suite de cette fondation et deux ans après l'apparition de l'Ordre du Temple, un autre Grand Maître des Hospitaliers de St-Jean succède à Gérard Tom et change le caractère de son ordre : de simplement charitable qu'il était jusque-là, celui-ci devient militaire. Mieux encore, à partir de ce moment, les Hospitaliers se rangent en trois classes - chevaliers, servants et chapelains.<o:p></o:p>

    Est-ce que l'Ordre de Malte a enseigné aux Templiers cette division par trois avant de l'adopter lui-même ; ou bien a-t-il attendu deux ans pour s'apercevoir qu'un Ordre « de bon genre » devait être ainsi réparti et au surplus, devait être militaire ?<o:p></o:p>

    Pour ce qui est d'une répartition par trois catégories dans un Ordre, chacun sait, à notre époque, après toutes les divulgations qui ont été répandues, que le fait caractérise une Organisation initiatique, Organisation dite secrète, parce que ceux qui en font ou en ont fait partie, en tout temps, ne racontent pas sinon évasivement, ce qui s'y passe.<o:p></o:p>

    On connaît à peu près, aujourd'hui, l'Organisation des Templiers. On sait qu'elle comprenait trois catégories : celle des Chevaliers, celle des Ecuyers et celle des Valets, on ne saisit pas bien néanmoins à quoi chacune correspondait, mais on comprend parfaitement comment elles se comportaient sur le champ de bataille.<o:p></o:p>

    Le Chevalier bardé de fer, monté sur un cheval pareillement cuirassé, représentait une sorte de tank, un peu lent, sans doute, car jamais son cheval ne pouvait trotter avec un pareil poids. Cette masse invulnérable pénétrait dans les rangs ennemis en opérant des trouées profondes grâce à une énorme et lourde lance fixée sur l'arçon de la selle ou appuyée au côté du cavalier. Le tank était servi -- pour employer une expression militaire - par des Ecuyers qui, comme leur nom l'indique, avaient des boucliers - écus - de rechange et aussi des lances neuves qui pouvaient remplacer celle qui était faussée ou perdue. Un tel service - quiconque a vu manoeuvrer une batterie d'artillerie le sait - ne peut avoir d'efficacité que s'il y a, très proche, un soutien d'infanterie : c'était le rôle des Valets.<o:p></o:p>

    Mais cela ne nous indique nullement quelle gradation il faut entendre, entre le Valet-fantassin, l'Ecuyer-ravitailleur et le Chevalier-tank ; ni comment ni surtout pourquoi, de fantassin on passe ravitailleur et enfin Chevalier ; celui-ci étant considéré comme évidemment supérieur puisque, fortement cuirassé, mobile, il a tous les autres pour adjoints.<o:p></o:p>

    Les Hospitaliers de St-Jean ont constamment cherché à le savoir et ne l'ont jamais su car leur répartition comprenait des chevaliers et des servants, d'abord parce que sans doute, ils avaient apprécié le rôle des adjoints au Templier monté ; mais elle comportait aussi la catégorie des chapelains.<o:p></o:p>

    Ceci devait, à coup sûr, amuser les Templiers de l'époque !<o:p></o:p>

    Car il y eut très vite des chapelains, c'est-à-dire des moines, parmi les Templiers. Cependant personne n'a jamais su et ne sait pas encore comment cette catégorie de non-combattants était intégrée dans l'organisation de l'Ordre.<o:p></o:p>

    En tout cas « l'ordre militaire » des Hospitaliers de St-Jean date de 1121 et du magistère de Raymond du Puy.  <o:p></o:p>

    Ce Grand Maître était d'une famille noble, du Dauphiné, toujours du Midi, comme, de juste. La réforme qu'il a opérée présente assurément une grande valeur car tout le lustre dont a été empreint par la suite l'Ordre de Malte, provient de son caractère militaire.<o:p></o:p>

    Néanmoins, si nous : parlons d'antériorité pour un ordre militaire, nous nous trouvons obligés de convenir qu'à ce propos ce sont les Templiers qui ont le plus d'ancienneté.<o:p></o:p>

    Ils datent de 1118 et furent constitués militairement, dès le début. Ils formaient un « Ordre militaire et religieux », selon l'expression qui les a caractérisés immédiatement. Ils étaient donc des combattants et considérés comme tels en 1118, alors que les membres de l'Ordre de Malte ne le furent que deux ans plus tard. Mais les uns comme les autres passaient pour « religieux ».<o:p></o:p>

    Cela veut-il dire que les Templiers et les Hospitaliers étaient des moines faisant partie d'une association suivant une « règle » dans le genre de celle qu'avait déjà établie St Benoît de Nurcie au Mont-Cassin au Ve siècle et que réforma en 780 l'autre St Benoît d'Aniane, compagnon de Pépin-le-Bref et de Charlemagne ? Car on appelle « Ordre religieux » le groupement dont la vie en communauté dans un monastère rassemble, sous, une règle sévère, des personnes dont le but principal consiste en des pratiques religieuses, entremêlées d'occupations profanes mais utilitaires. Or cette définition est assez vague pour autoriser - actuellement du moins - toutes sortes de confusions. Il suffit, en effet, que les personnes groupées vivent en commun dans un immeuble quelconque pour qu'on lui attribue un caractère religieux, celui-ci se trouvera avéré si elles observent une règle que l'on déclare établie par un véritable religieux, dûment sanctifié ou bien qui procède de la doctrine d'un saint considéré comme Père de l'Eglise - St Augustin, par exemple. - Certes, en général, toute communauté dont la règle est telle, a pour but principal d'observer des pratiques de la religion et peut, à bon droit, être religieuse. Mais les Hospitaliers, et surtout les Templiers, dont le but principal consistant, au contraire, dans ces occupations profanes que les ordres religieux considèrent comme accessoires, ne  font-ils pas exception ? Il est admissible que les Hospitaliers - qui suivaient la règle de St Augustin - aient donné à leurs devoirs religieux une très grande importance, ceux-ci correspondant au rôle charitable envers les pélerins qu'ils s'étaient assigné. Il devient logique de penser qu'à partir du moment où leur ordre prit le caractère militaire, ces derniers se trouvaient primés par les nécessités du métier des armés. On ne voit pas bien un factionnaire quittant son poste de garde pour aller chanter matines ; il était donc excusé, - mais dès que l'on peut enfreindre même légitimement une observance, on conviendra que celle-ci n'est plus aussi stricte ; elle ne concerne plus le principal puisque celui-ci, passant avant tout, on autorise l'infraction<o:p></o:p>

    Donc si l'Ordre de Malte fut religieux, il ne conserve ce caractère que vingt-deux ans après qu'il fut militaire comme les Templiers.<o:p></o:p>

    Et ceux-ci qui se rassemblèrent pour constituer une communauté militaire n'ont jamais en rien ressemblé à des moines. C'étaient des soldats, tout simplement.<o:p></o:p>

    Mais quelle différence y a-t-il entre une caserne et un monastère ?<o:p></o:p>

    Ce sont là deux communautés dont la règle est très stricte, où la discipline est très sévère. Si l'on ne sait pas que les soldats font des exercices qui n'ont rien de religieux et les moines des exercices qui n'ont rien de militaire, il n'y aurait pas moyen de retenir une distinction.<o:p></o:p>

    A Jérusalem, au XIIe siècle, ne pouvait-il y avoir confusion, étant donné surtout que les casernes n'existèrent que lorsque les Templiers les créèrent sous forme de Kraal et de Commanderie ?<o:p></o:p>

    A cet égard, la règle des Templiers était conservée. Beaucoup, qui n'avaient pas la moindre idée de ce que peut être un Ordre initiatique », l`ont prise pour la règle sur laquelle reposait l'organisation même. Elle n'est cependant que la réglementation militaire, celle des casernes, des camps, des marches, des batailles. La preuve en est que toute réglementation militaire actuelle en dérive au point que, par exemple, les rations, suivant les grades, sont toujours attribuées conformément à cette règle militaire des Templiers.<o:p></o:p>

    Si Gustave Adolphe qui au XVIIe siècle, lors de la guerre de 'Trente Ans, montra à l'Empire étonné, une armée modèle que chaque état s'empressa d'imiter depuis, tout son génie consista à appliquer la règle militaire des Templiers qu'on avait oubliée !<o:p></o:p>

    Donc militaires avant tout, les Templiers furent les premiers qui, en Palestine, vécurent en caserne et suivirent une discipline. Les pèlerins qui n'avaient jamais vu que des moines se comporter de cette façon, ont pu fort bien les prendre pour des religieux. Lors du procès de 1307, cependant, on ne se fit pas faute de reprocher à ces prétendus moines d'avoir été si peu religieux !<o:p></o:p>

    Disons - pour conserver le langage militaire - que lors de cette expédition, portant le nom de Première Croisade, on pensa d'abord à créer un « service de santé » et qu'on attendit ensuite près de vingt ans pour imaginer les « casernements ». Les Hospitaliers de l'Ordre de Malte réalisèrent assez bien la première idée. L'organisation des Templiers correspondit en un sens à la réalisation de la seconde, toutefois, si l'on regarde de près, d'une façon si parfaite, qu'au lieu de rassembler simplement des hommes d'armes sans une discipline dans des casernes et des camps, ce fut aussitôt une véritable armée régulière qu'ils constituèrent. En cela d'ailleurs, comme en maintes autres choses, les Templiers apparaissaient, à l'époque, comme des novateurs, mais des novateurs spontanés qui fort étrangement, atteignent du premier coup le summum désirable.<o:p></o:p>

    En observant superficiellement les faits, on ne s'en est guère aperçu.<o:p></o:p>

    Or cette Première Croisade fut d'ailleurs, autant que toutes les autres, une expédition aussi incohérente que possible. On partit assez à la légère, mêlant à l'idée d'accomplir un pèlerinage, celle de faire la guerre - confondant un peu le mysticisme avec les nécessités matérielles. L'armée féodale - du moins ce que les historiens ont appelé ainsi - divisée en deux groupes, comme il a été déjà dit, se composait de gens d'armes, équipés à leurs frais, suivis de leurs vassaux plus ou moins immédiats, mais tous indépendants, sans aucune discipline, n'observant en fait d'ordre de marche que le but assigné, c'est-à-dire l'Orient de l'Europe ; pour les uns par la Hongrie, pour les autres, par l'Italie, pour tous vers Constantinople. Il y avait trois corps au départ dont deux se joignirent en un seul, ceux qui prirent la route du Nord. Ce n'était pas là l'indice d'une grande cohésion. Lors du rassemblement qui fut effectué en Chalcédoine, on put penser que les croisés constituaient enfin une armée. Mais, une armée comme on la concevait en ce temps-là ; c'est-à-dire une troupe qui pouvait foncer sur l'ennemi agissant plus par sa masse que par ses qualités tactiques. Car si la stratégie était totalement ignorée - passe encore - la tactique - ce qui est pis -- ne se concevait nullement. On le vit bien, plus tard, pendant la guerre de Cent Ans, lorsque la gendarmerie française se trouva aux prises avec la chevalerie anglaise - celle-ci quoique inférieure en nombre, triompha à Crécy, à Azincourt, à Poitiers, grâce â une tactique rudimentaire effectuée avec un ensemble ordonné.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions, il y a tout lieu de s'imaginer que l'occupation de Jérusalem et de la Terre Sainte, ne fut pas mieux organisée.<o:p></o:p>

    Mais néanmoins on fit la guerre ; il y eut donc des blessés, des malades. Les croisés n'avaient bien entendu aucun service d'intendance. Ils se ravitaillaient individuellement. Cela pouvait encore se faire attendu que les troupes se trouvaient en pays conquis. Mais ils n'avaient pas davantage de service sanitaire et celui-ci ne s'improvise pas individuellement. D'où l'idée de créer l'Ordre des Hospitaliers ; c'est en effet la première qui s'imposait.<o:p></o:p>

    Ainsi cet Ordre est né positivement des nécessités du moment.<o:p></o:p>

    L'Ordre des Templiers, à vrai dire, n'apparaissait pas autant indispensable. On peut même alléguer qu'il n'a en rien modifié la constitution des armées féodales, étant donné qu'on retrouve, après sa disparition et pendant longtemps encore, la même conception d'une armée composée d'invidualités combattantes et non pas de troupes régulières.<o:p></o:p>

    Alors, à quoi répond exactement la fondation de l'Ordre du Temple ?<o:p></o:p>

    Si l'on réfléchit bien, elle ne peut répondre qu'à l'idée de constituer une Elite parmi la tourbe confuse des combattants de l'époque. Car il est certain que pour les esprits avisés - et il y en avait assurément parmi les premiers croisés - l'utilité d'une élite a dû apparaître dès que le Royaume de Jérusalem se constitua.<o:p></o:p>

    Ce royaume, rappelons-le, fut conçu selon le régime féodal. Les vainqueurs des « Infidèles » ne se préoccupèrent nullement des conditions dans lesquelles ils se trouvaient ; ils oublièrent qu'ils étaient en Palestine et transportèrent sur ce morceau de territoire asiatique les institutions européennes. Ils constituèrent des fiefs à la manière des grands fiefs de leurs pays. Or le système féodal n'a jamais eu que théoriquement le caractère d'un régime - pratiquement c'était une monarchie. - Il est né, ainsi qu'on l'a fait justement remarquer, de la confusion entre la propriété et la souveraineté. Si les relations de vassalité eussent été strictement observées par chacun, le système eut paru excellent - les chefs défendaient le peuple et le peuple travaillait à l'abri d'une armée hiérarchisée. Mais tout vassal d'un seigneur était souverain lui-même, fatalement il se considérait comme indépendant et irresponsable sinon devant Dieu, mais quand ses vices ou simplement ses fantaisies lui donnaient la mentalité d'un potentat, il faisait bon marché de Dieu, de ses saints et de tout ce qui en dérive.<o:p></o:p>

    Alors, pour que le système féodal devint pratique, il fallait en améliorer les cadres, car tout dépendait évidemment de la façon dont chaque seigneur aurait compris son rôle. Autrement dit, il fallait constituer une élite et attribuer à celle-ci les postes féodaux.<o:p></o:p>

    Notez qu'avec la confusion de la propriété et de la souveraineté on ne pouvait déplacer un seigneur pour lui substituer un autre préférable comme l'on fait aujourd'hui d'un fonctionnaire dont on est mécontent. Le problème n'était assurément pas commode à résoudre. Il n'a d'ailleurs pas été résolu  (Guillaume le Conquérant avec son Desmond Book créa une nouvelle féodalité qui remplaça la féodalité anglo-saxonne. C'est un cas à signaler.)<o:p></o:p>

    Mais il a pu se poser. Et on a tout lieu de croire qu'il s'est posé à Jérusalem lors de la Première Croisade. Car, à ce moment, Godefroy de Bouillon s'est efforcé, tout en féodalisant la Palestine, de perfectionner les institutions européennes qu'il y introduisait. Les Lettres du Sépulcre qu'on appela plus tard les « Assises de Jérusalem » sont un témoignage éclatant. Ce recueil législatif tiré des coutumes d'Orléans et de Paris, que rédigea une assemblée de « barons et des plus sages hommes qu'on put trouver » et qui de la sorte correspond à un texte délibéré à la façon démocratique, n'existait pas alors en Europe. Grâce aux commentaires législatifs qui le constituaient, malgré toutes les altérations et modifications qu'on y apporta, les villes chrétiennes de l'Orient conservèrent un pouvoir économique malgré les troubles de toutes les croisades et les Vénitiens au XVe siècle furent fort aisés d'en trouver assez de traces pour en profiter.<o:p></o:p>

    Donc vers 1100 on pensait déjà en Palestine à donner à la féodalité un caractère meilleur que celui qu'elle présentait. A cette date, Baudouin 1er succéda par élection à Godefroy de Bouillon, mort emprisonné. C'était son propre frère. On l'appelait ordinairement Baudouin de Boulogne et il convient de lui conserver ce nom afin de ne pas le confondre avec l'autre Baudouin 1er, comte de Hainaut et de Flandre, qui fut le premier empereur latin de Constantinople lorsqu'en 1204, avec la Quatrième Croisade, fut substitué. un empire catholique à celui des grecs orthodoxes, dans l'ancienne Byzance.<o:p></o:p>

    Baudouin de Boulogne prit le titre de roi de Jérusalem, alors que son frère s'était contenté de celui, plus modeste, de baron du Saint-Sépulcre. Il mourut en 1118 et son cousin Baudouin du Bourg, déjà comte d'Edesse dans l'organisation féodale de la Palestine, fut élu connue son successeur. Les dix-huit ans de son règne avaient été assez glorieux pour accroître le royaume de Jérusalem et inquiéter fortement le Sultan de Perse ainsi que le Khalife de Bagdad.<o:p></o:p>

    C'est donc sous le règne de Baudouin II et dès la première année de ce règne que fut créé l'Ordre du Temple.<o:p></o:p>

    En 1118, Hugues de Payan, accompagné de huit autres Chevaliers se présenta devant le Patriarche de Jérusalem et en fit la déclaration. Baudouin II accorda pour domicile la partie méridionale de son palais, celle-ci confinait, paraît-il, avec les ruines du Temple de Salomon ; c'est pourquoi assurent les historiens, ces Chevaliers furent appelés Templiers.<o:p></o:p>

    Ici il faut se rendre compte de la façon dont se fonde, en n'importe quelle époque, un Ordre initiatique. Il convient donc de ne pas se fier uniquement aux données de l'histoire ordinaire - celle-ci ignore nécessairement ce que les initiés n'ont pas à révéler en l'espèce, et elle n'enregistre que les faits publiquement connus,<o:p></o:p>

    Or, quand il s'agit d'Ordre initiatique, nul ne peut vraiment savoir si une création a ce caractère quand aucun intéressé n'en fait mention.<o:p></o:p>

    Les Templiers n'ont rien dit à ce sujet surtout en faisant leur déclaration première et si on a soupçonné que leur Ordre était initiatique, ce ne fut que bien plus tard, après leur disparition, deux siècles environ à la suite de leur fondation.<o:p></o:p>

    Mais pour quiconque est averti, la seule note historique qui relate le premier fait les concernant, suffit. Il y est indiqué que l'Ordre du Temple fut fondé par neuf personnes.<o:p></o:p>

    On apprendra que les Ordres initiatiques se sont jamais fondés que par trois ou neuf personnes, - du moins les notes mentionnant une telle institution ne désignent, jamais qu'un nombre de trois ou neuf fondateurs. Ces nombres ne sont sans doute pas toujours véridiques, car ceux qui se réunissent en ce premier début peuvent être plus de trois ou de neuf, comme moins de neuf mais, non, moins de trois.<o:p></o:p>

    Mais ces nombres, qui, en somme, ne sont que symboliques, ont pour but de faire entendre à quiconque se trouve assez instruit de pareilles méthodes hermétiques que l'Ordre fondé a un caractère défini, initiatiquement parlant.<o:p></o:p>

    S'il s'agit de trois fondateurs, leur réunion forme un triangle et l'Ordre institué est de ceux qui ne présentent pas un caractère complet, - de ceux qui perpétuent des traditions antérieures ou les conservent soigneusement mais bornent là leur rôle, au lieu de répandre autour d'eux l'application des principes dont ces traditions ne sont que le reflet ou le revêtement.<o:p></o:p>

    S'il s'agit au contraire de neuf fondateurs, ils se répartissent suivant trois triangles qui, composant une même figure, forment un ennéagone régulier- qui, soit dit en passant, se construit uniquement avec le compas ; - alors l'Ordre créé peut se dire complet en ce sens que son rôle consiste à utiliser des traditions conservées afin d'en appliquer lés principes qu'elles dissimulent et doter ainsi l'humanité d'un progrès réel, socialement, artistiquement, philosophiquement.<o:p></o:p>

    On voit là qu'une création par trois doit nécessairement précéder toute création par neuf ou lui succéder. - Un exemple frappant se remarque de nos jours de l'application  de ces principes : La fondation de cette démocratie pure qu'est la Suisse, en 1291, le 1er août, par un triangle de 3 Frères, et ceci 16 ans avant l'arrestation des Templiers ! - De plus ce pays est constitué par 22 cantons et malgré les guerres, il a toujours été épargné.<o:p></o:p>

    Néanmoins on peut toujours se demander si l'Ordre du Temple qui a neuf fondateurs, doit se considérer comme complet. Car après tout, ces distinctions paraîtraient bien arbitraires à tel sceptique qui ne pourrait comprendre pourquoi les initiés ont de telles subtilités dès leur début.<o:p></o:p>

    Pour dissiper à cet égard le moindre doute, il n'y a qu'à examiner la période de 190 ans durant laquelle l'Ordre du Temple a existé. C'est le plus beau temps de la Chevalerie. Il commence par cette splendide renaissance du XIIe siècle, caractérisée par le compagnonnage corporatif qui a donné à l'Occident un bel essor économique, manifesté par ce style, dit gothique que l'on admire toujours dans les cathédrales, signalée en progrès sur les époques immédiatement précédentes par la floraison des universités, inexistantes jusque là ; par la recherche de la scolastique qui malgré ses défauts, la pensée naguère endormie par la préoccupation métaphysique qu'on négligeait auparavant. On est obligé de reconnaître, en tout cas, que le but assigné théoriquement à un Ordre initiatique dit complet se trouve rempli. Mais la période envisagée se termine avec Philippe Auguste qui fait de Paris une ville surprenante pour l'époque, avec St Louis qui est la gloire de la Chevalerie ; et après ces monarques dont l'éclat rayonne conjointement avec celui de Papes illustres, par leur savoir comme par leur autorité ; la période finit avec le règne de Philippe le Bel et de ses fils dans une série de difficultés où sombre la splendeur du Moyen Age.<o:p></o:p>

    Ne dirait-on pas effectivement que l'Ordre du Temple a soutenu les Capé-tiens ? Et si cela est, cet Ordre ne remplissait-il pas une mission qui - il faut encore l'avouer - correspond à celle qu'une Association initiatique paraît bien, en tout temps, assumer politiquement ? Car si les historiens n'ont pas toujours souligné le rôle politique de ces associations, aucun d'entre eux ne l'ignore.<o:p></o:p>

    Alors l'Ordre du Temple, dès 1118, a ce caractère initiatique complet et c'est incontestablement là, la raison pour laquelle son extension fut si rapide. <o:p></o:p>

    Neuf ans après sa fondation, en 1127, il est reconnu par le Saint-Siège. Désormais il a une existence officielle.<o:p></o:p>

    Mais, si déjà la déclaration de fondation a un caractère ecclésiastique - comme ayant été fait au Patriarche de Jérusalem - cette reconnaissance officielle par le Pape l'accentue encore. On paraît donc bien en droit de donner aux Templiers le qualificatif de religieux -- nonobstant ce qui a déjà été dit à cet égard.<o:p></o:p>

    Toutefois réfléchissons. Quelle autorité pouvait recevoir la déclaration de fondation de l'Ordre du Temple ? Quelle autorité pouvait reconnaître officiellement cet Ordre ?<o:p></o:p>

    De nos jours, avec une législation concernant les associations, en un pays civilisé, toute déclaration de ce genre doit être faite à un agent de l'État - puisque l'Etat est organisé de telle façon que la société qu'il gouverne se trouve soumise aux lois qui le régissent - et ainsi l'Etat seul, par un de ses représentants qualifiés, est susceptible de reconnaître, ipso facto d'ailleurs, la nouvelle association. - (En France la loi du 1er juillet 1901 prévoit une déclaration préfectorale.)<o:p></o:p>

    Au temps de la Première Croisade, qu'est-ce que l'Etat ?<o:p></o:p>

    Nous sommes en système féodal, - en une sorte de régime où la notion de souveraineté est vague parce que les nations n'existent pas et qu'il y a, en somme, autant d'états que de fiefs. D'autre part nous sommes à Jérusalem, hors d'Europe, en un royaume qui non seulement a le genre féodal, mais encore, disons-le ouvertement, est factice, car la façon dont il se trouve constitué ne paraît pas autre, même à ceux qui en bénéficient, - la manière dont s'institue l'indépendance de la Principauté d'Antioche, le donne largement à penser.<o:p></o:p>

    Alors à qui faire la déclaration de l'Ordre ?<o:p></o:p>

    On peut alléguer qu'une pareille déclaration, n'étant prévue par aucune loi, devait être considérée comme superfétatoire. Certes, s'il n'y a pas, alors, de loi à cet égard, une coutume remplace la loi. Or il n'y a pas davantage de coutume en l'espèce, parce que l'es associations civiles n'existent pas et un seul « usage » doit s'observer, celui qui consiste à faire une déclaration à l'autorité ecclésiastique, étant donné que seules des associations religieuses - les ordres monastiques - se sont, jusqu'alors, constituées. <o:p></o:p>

    Le Patriarche de Jérusalem représente en Palestine l'autorité ecclésiastique, c'est donc à lui qu'on s'adresse. Le Pape ensuite détient cette autorité, ainsi c'est lui qui peut reconnaître officiellement l'association:<o:p></o:p>

    Voilà assurément pourquoi Hugues de Payan est allé trouver en 1118 le Patriarche de Jérusalem et pourquoi aussi il a sollicité en 1127, la reconnaissance officielle du Pape.<o:p></o:p>

    Si donc - en cette époque - une organisation initiatique devait s'instituer, on était obligé de se conformer aux exigences suivantes :<o:p></o:p>

    1° Lui donner l'allure militaire parce qu'on était au temps où la force des armes donnait seule à l'individu une valeur sociale et que toute association ne pouvait alors s'imposer que si elle groupait des hommes d'armes.<o:p></o:p>

    2° La faire reconnaître par l'autorité ecclésiastique parce qu'avec la féodalité, seule cette autorité était admise comme supérieure aux chefs d'Etat, ceux-ci se trouvant multipliés presqu'à l'infini, tandis que les supérieurs n'exerçaient aucun pouvoir réel sur leurs vassaux.<o:p></o:p>

    Ceci explique dans quelles conditions l'Ordre du Temple a pu se développer.<o:p></o:p>

    S'il a acquis une ampleur aussi considérable, celle-ci a donc été dûe à la façon dont il a pu se rendre indépendant de toute autorité - même de l'autorité ecclésiastique, car il demeure avéré, ne serait-ce que par l'affaire des Albigeois, que les Papes n'ont jamais gouverné à leur guise les Templiers.<o:p></o:p>

    Au surplus, l'Ordre du Temple a été presque immédiatement, après sa fondation, très riche. La richesse donne toujours une grande indépendance, mais lorsqu'elle atteint des proportions qu'on peut bien dire bancaires elle assure une liberté absolue. Or on sait que les premiers Capétiens étaient  redevables à l'Ordre du Temple de sommes importantes qu'ils lui empruntaient.<o:p></o:p>

    Il y a sans doute un mystère dans cette richesse quasi spontanée. Et si l'on ne suppose pas que l'Ordre a été secrètement doté de sommes tenues en réserve à l'effet de lui donner toute sa puissance capitaliste désirable, comment expliquer l'origine de cette fortune ? On ne suppose pas qu'avec les legs qui ont pu lui être faits, - legs territoriaux et non pas mobiliers - qui d'ailleurs n'ont jamais pu être prouvés, - les Templiers ont pu édifier rapidement neuf mille commanderies, dont celle de Paris et de Londres comprenant de multiples constructions sur une vaste étendue ; qu'ils ont pu armer des flottes, non dénombrées il est vrai, mais importantes ; équiper en outre et constituer une armée régulière de 30.000 Chevaliers, donc 300.000 hommes en comptant les Ecuyers et les Valets, tous équipés et entretenus puis réaliser une circulation de capitaux entre l'Orient et l'Occident, la plus considérable pour l'époque, dont le montant d'après les estimations correspondaient à celles de nos grandes banques actuelles - réunies en une seule. Ce sont là des résultats pratiques qui démontrent une véritable richesse, surtout aux XIIe et XIIIe siècles.<o:p></o:p>

    Avec cela se remarque une parfaite discipline dans les rangs des hommes d'armes autant qu'une rigoureuse -honnêteté dans les transactions bancaires. La première a surpris les historiens, lors du procès final. La seconde a stupéfait les juristes lorsque beaucoup plus tard, de nos jours, l'épuration des comptes du trésor français a été faite par des érudits compétents. Pas la moindre somme ne fut détournée, pas la moindre erreur ne fut constatée dans les comptes.<o:p></o:p>

    Or ceci n'est possible que par l'existence d'une règle de l'Ordre qui, alors, extrêmement sévère au civil, n'aurait plus rien de religieux et, en tout cas, serait bien différente de celles qu'on pourrait rapprocher.<o:p></o:p>

    Mais quel est l'auteur de la règle de l'Ordre du Temple ?<o:p></o:p>

    Saint Bernard, sollicité dit-on, de la rédiger, se serait récusé. Or si l'on avait quelque idée de ce que peut être la règle d'un Ordre initiatique, on comprendrait le refus de Saint Bernard.<o:p></o:p>

    Il faut pour pouvoir établir une telle règle, non seulement une masse de connaissances énormes que l'on n'acquiert qu'avec beaucoup d'efforts, mais encore, avec ce savoir, une vingtaine d'années pour mettre au point tous les détails dont on doit tenir compte. Saint Bernard, si savant qu'il fut, ne possédait pas, assurément, ce savoir qui est « spécial » - et de toutes manières, lorsqu'on le sollicita en 1127, il ne pouvait décemment faire perdre autant de temps aux fondateurs.<o:p></o:p>

    Saint Bernard cependant paraît bien avoir su quelque chose de cette règle qu'il refusa de rédiger. Il a écrit à propos des Templiers « O l'heureuse vie dans laquelle on peut attendre la mort sans la craindre, la désirer avec joie et la recevoir avec intrépidité ! »<o:p></o:p>

    C'est bien là l'expression de bienfaits qu'un initié peut retirer personnellement de l'existence d'un Ordre constitué à la façon de celui qui porte le nom d'Ordre du Temple.<o:p></o:p>

    A ce propos, une question se pose incidemment, est-ce vraiment parce que Baudoin II attribua aux fondateurs cette partie de son palais confinant aux ruines du Temple de Salomon, que l'Ordre dont Hugues de Payan fut le premier Grand Maître, prit le nom d'Ordre du Temple ?<o:p></o:p>

    Il y a là ou bien une coïncidence ou bien une simple apparence ; coïncidence si l'on s'en tient au fait que le Temple de Salomon, en ruines, s'est trouvé à point en Jérusalem pour que le Temple des Templiers en prit le nom ; apparence si l'on ne veut pas se reporter au Chapitre III du Livre des Rois, si significatif pour quiconque connaît un peu la matière initiatique ; et si l'on croit alors naïvement que les Templiers n'ont été ainsi dénommés que par un fait de pur hasard.<o:p></o:p>

    Ne pourrait-on pas plutôt supposer qu'Hugues de Payan demande à Baudoin II la permission de loger près des ruines dont on disait - à tort ou à raison - qu'elles étaient celles du Temple de jadis, du Temple de Salomon ?<o:p></o:p>

    Certes nous n'en savons rien, mais les initiés sont tellement malins que la supposition risque fort d'être juste.<o:p></o:p>

    Toujours est-il que ces Templiers paraissent bien s'être ingéniés à tromper leur monde. Ils avaient adopté pour emblème sigillaire un cheval monté par deux cavaliers armés ; on en a inféré qu'ils étaient si pauvres qu'ils n'avaient qu'une monture pour deux<o:p></o:p>

    Personne n'a vu que cet emblème représentait la réunion de deux signes zodiacaux opposés ; les Gémeaux et le Sagittaire, le premier toujours représenté par deux hommes jeunes, le second, un seul cheval<o:p></o:p>

    Ces Templiers si pauvres achetaient en 1192 de Richard Coeur de Lion, l'île de Chypre - rien que cela ! - pour la somme, soldée en or, de sept millions, valeur qui, au XXe siècle, de nos jours, dépasse le milliard, - rien que cela encore !<o:p></o:p>

    Mais tout ceci démontre quel crédit il faut accorder à ceux qui, inconsidérément ou méchamment ont parlé de l'Ordre du Temple !<o:p></o:p>

    Néanmoins, avec Richard Cceur de Lion, nous sommes à la Troisième Croisade. 71 ans ont passé depuis la fondation de l'Ordre du Temple lorsque l'expédition débute en 1189 avec le départ de Frédéric Barberousse.<o:p></o:p>

    Le Grand Maître des Templiers est alors Gérard de Riderfort que quelques-uns appellent Gérard de Badefort. On le dit d'origine flamande sans que l'on ait sur sa personnalité beaucoup de détails - comme en ce qui concerne la plupart des Grands Maîtres du Temple. On assure qu'il était un vaillant capitaine - ce qui certainement demeure exact, car on doit bien s'imaginer que le chef élu d'un Ordre combattant aussi militarisé, ne pouvait pas être un pleutre. Il se fait tuer dans une bataille contre les « Infidèles » en 1.191, trois ans après sa nomination.<o:p></o:p>

    Robert de Sablé, issu de la maison angevine de Craon bien français celui-là, lui succède. Il est le onzième Grand Maître, en comptant Hugues Payan comme premier. C'est lui qui traita l'acquisition de l'île de Chypre et qui eut, ensuite, à assurer la possession contre les insulaires grecs eux-mêmes. Ce fait dégoûta les Templiers qui se refusant à s'imposer par la force à une population « aussi perfide que lâche », s'empressèrent d'annuler leur achat. Guy de Lusignan en profita.<o:p></o:p>

    Or la fondation de l'Ordre Teutonique se place entre la fin du magistère de Gérard de Riderfort et celui de Robert de Sablé, en 1190. Elle est attribuée au chevalier allemand Henri de Waldpott.<o:p></o:p>

    Cet ordre a, lui aussi, son mystère. Les historiens s'en sont principalement occupés par la part qu'il prit au XIIIe siècle, à la colonisation de la Prusse et pour le rôle qu'avec son Grand Maître Albert de Brandburg - de la maison des Hohenzollern - il tint dans l'extension de la Réforme en 1525. Les chevaliers Teutoniques présentent ainsi un très grand intérêt. La Prusse, les Hohenzollern, occupent une très large place dans l'évolution de l'Europe, l'Allemagne, dont l'Empereur Guillaume II de Hohenzollern succèda à son créateur Guillaume I, en 1871 est, en somme, issue, après la grande guerre de 1914-1918, de ces chevaliers qui, les premiers convertirent et germanisèrent le pays prussique.<o:p></o:p>

    L'Ordre Teutonique est lui-même né en Palestine. Il ne quitta l'Asie Mineure qu'après la Cinquième Croisade, au temps de Saint Louis en 1126, avant le départ de ce roi de France pour la dernière des expéditions orientales. C'est alors, qu'il déclara se consacrer désormais à combattre le Prussiens idolâtres et se transporta vers la Vistule.<o:p></o:p>

    Mais jusque-là, que fit-il ?<o:p></o:p>

    Et, d'abord, à quoi correspond sa fondation ?<o:p></o:p>

    Henry de Waldpott était Templier. Ceci va expliquer bien des choses. Car, alors, on peut voir dans l'Ordre Teutonique une dissidence de l'Ordre du Temple.<o:p></o:p>

    Il demeure entendu que l'Ordre du Temple n'a pu se subdiviser régulièrement et que, si un autre ordre apparaît à côté de lui - surtout au même endroit - celui-ci n'a pas le caractère d'une obédience mais d'une dissidence. Une obédience dans un Ordre initiatique est une subdivision naturelle, rendue obligatoire par l'éloignement géographique ou la différence de conception métaphysique, mais elle ne rompt pas l'unité, elle ne se distingue que par certaines pratiques, ordinairement rituelles.<o:p></o:p>

    Or les chevaliers Teutoniques, dès leur début, se montrent nettement séparés des Chevaliers du Temple. Ils étaient donc dissidents.<o:p></o:p>

    Pourquoi?<o:p></o:p>

    Nous avons noté que la création de l'Ordre du Temple répondait à l'idée de constituer une élite parmi la chevalerie confuse et indisciplinée de la Première Croisade. On sait que cette élite montra aussitôt, en Palestine, toute sa valeur. Dans les 71 ans que nous envisageons, elle a acquis une haute réputation sur les champs de bataille. Mais on a remarqué aussi -- Henri Martin a bien insisté sur ce point - que, plus les chevaliers, surtout français, prenaient contact avec le monde musulman, plus ils estimaient les compagnons de Saladin, si bien que, dans les intervalles des combats, ils les fréquentaient, se divertissaient avec eux, commerçaient même et finalement en acquéraient diverses notions dont ils firent ensuite profiter l'Occident d'Europe. D'aucuns ont même voulu voir que tout le bénéfice social que la France, notamment, retira des Croisades venait de ce contact avec la civilisation arabe.<o:p></o:p>

    Il est certain que la question de race a dû se poser dans les conseils supérieurs de l'Ordre du Temple.<o:p></o:p>

    Si élite il y a, celle-ci ne doit-elle pas être uniquement réservée à la race occidentale ? autrement dit - tous les sémites, donc les Arabes qui sont des sémites, ne doivent-ils pas être tenus à l'écart ?<o:p></o:p>

    Les chevaliers Teutoniques - contrairement aux Templiers - ont toujours été « racistes » comme on dit aujourd'hui.<o:p></o:p>

    Voilà le noeud du mystère<o:p></o:p>

    Les Templiers n'admettaient pas évidemment les Juifs dans leurs rangs, ils ne le pouvaient pas, étant chrétiens, mais ils entretenaient avec eux les meilleures et les plus amicales relations. Ils firent, à plusieurs reprises, des ententes avec les Arabes et même, en admirent quelques-uns parmi eux - ce fut un des griefs du procès qu'on leur fit !<o:p></o:p>

    On peut penser qu'Henry de Waldpott était opposé à cette manière de voir. Notez qu'une telle opposition se trouvait parfaitement soutenable du point de vue croisé - alors que la façon templière concordait plutôt avec les principes humanitaires dont toute organisation initiatique ne peut se départir.<o:p></o:p>

    Ceci laisse à penser qu'Henry de Waldpott n'était pas complètement empreint de l'esprit initiatique et que - par conséquent - son grade dans la hiérarchie secrète de l'Ordre n'était pas des plus élevés !<o:p></o:p>

    Mais une autre considération intervient.<o:p></o:p>

    Frédéric de Souabe, fils de Frédéric Barberousse, qui commandait une partie des croisés allemands et mourut devant Ptolémaïs en 1191, s'est particulièrement occupé de l'organisation des Teutoniques. Ce fait indique que des préoccupations politiques se mêlèrent à l'idée raciste dans la création de l'Ordre nouveau et comme, en somme, l'idée raciste n'a qu'un caractère qu'on peut appeler philosophique, si l'on ne veut pas le qualifier de théorique, il s'en suit que les préoccupations politiques - éminemment 'pratiques par définition - ont dû passer au premier plan.<o:p></o:p>

    L'Empereur Frédéric Barberousse fut un grand lutteur au cours de la fameuse querelle entre la Papauté et l'Empire. Dès son élection en 1152, il se mêla de discuter entre Guelfes et Gibelins qui troublaient l'Italie au point qu'une révolution d'allure républicaine, avait éclaté à Rome avec le célèbre Arnauld de Brescia. En 1154 Frédéric Barberousse avait passé les Alpes, ravagé le Tessin et le Milanais. Ayant ensuite repoussé l'ambassade des romains républicains, il fit pendre en 1155 Arnauld de Brescia et, entré triomphalement à Rome, il reçut du Pape Adrien IV, la couronne de Roi des Romains qui rituellement depuis Othon le Grand confirmait le titre d'Empereur du Saint Empire romain germanique. Mais, depuis, il avait rompu avec la Papauté.<o:p></o:p>

    Adrien IV, reprenant le ton de Grégoire VII, lui avait rappelé dans une lettre catégorique, à propos de la nomination de l'évêque de Lunden - en Suède méridionale - que ses prérogatives impériales étaient limitées en fait d'investiture. Son légat avait prononcé ces paroles qui mirent hors de lui Frédéric Barberousse : « De qui donc l'Empereur tient-il l'Empire, si ce n'est du Pape ? »<o:p></o:p>

    Une diète réunie à Ronarglia par Frédéric Barberousse, le11 novembre 1158 où des jurisconsultes bolonais avaient examiné la situation respective du Pape et de l'Empereur, s'était plu à proclamer que « la volonté du prince constituait le droit et que tout ce qui lui plaisait avait force de loi ». La discorde, envenimée par la levée de certains impôts de la part de l'Empereur et le refus que celui-ci opposait à restituer l'usufruit des biens dépendant de la succession de la non moins célèbre comtesse Mathilde, duchesse de Bavière, mais souveraine de Toscane, se poursuivit en des révoltes populaires dans toute l'Italie et en des efforts armés de la part des garnisons allemandes.<o:p></o:p>

    A la mort d'Adrien IV, en 1159, la lutte prit un caractère religieux. Le parti impérial, avait opposé. à l'élection pontificale d'Alexandre III, celui e Victor III, tout dévoué à Frédéric Barberousse. Il y avait schisme et pour terminer celui-ci, Frédéric Barberousse convoqua de sa propre autorité un concile à Pavie où les deux pontifes furent sommés de comparaître. Alexandre III, fort de son droit, refusa naturellement et excommunia l'Empereur.<o:p></o:p>

    Dès lors, la guerre entre l'Allemagne et l'Italie devint acharnée - Frédéric Barberousse fit six expéditions en Italie. Enfin en 1177 était intervenue la trêve de Venise qui reconnaissait Alexandre III comme Pape légitime et en 1183 la paix définitive de Constance qui assurait, sinon l'indépendance de l'Italie, du moins la liberté des villes lombardes.<o:p></o:p>

    Frédéric Barberousse avait subi des échecs cuisants en Italie. Il chercha à les réparer, en mariant son fils aîné qui fut ensuite l'Empereur Henri IV, avec Constante, tante du roi de Sicile, Guillaume II, et héritière de sa couronne. La Papauté avait bien cherché à empêcher ce mariage qui menaçait l'indépendance italienne ; elle n'y est pas par venue, mais afin sans doute, d'éloigner cet Empereur si dangereux, elle l'avait engagé dans la Troisième Croisade. Il y trouva la mort en 1190, l'année même d'où date la fondation de l'Ordre Teutonique.<o:p></o:p>

    Cette histoire très compliquée par ses détails, mais très simple, si l'on ne veut y voir que la politique allemande, fait comprendre l'intérêt que pouvait avoir Frédéric, second fils de Barberousse, à créer un ordre militaire qui, entre les mains des Empereurs, contrebalancerait la puissance des Templiers.<o:p></o:p>

    Car ceux-ci, jusque-là, avaient soutenu la Papauté - sans toutefois prendre parti dans la querelle des investi tures - et de leurs deniers autant que de leur ascendant moral, lui avaient indirectement procuré le moyen de résister aux prétentions impériales. Plus tard, ils eurent des différends avec certains Papes, néanmoins,  uniquement pour des questions de principe.<o:p></o:p>

    En tout cas, lors de la Troisième Croisade, ils passaient, assurément, pour une force que l'on ne pouvait négliger dans les compétitions politiques.<o:p></o:p>

    D'ailleurs, Philippe Auguste fit partie de cette Troisième Croisade et il est avéré que le Temple de Paris lui rendit les plus signalés services.<o:p></o:p>

    Donc, que Frédéric de Souabe se soit employé à organiser l'Ordre Teutonique, il n'y a là rien de surprenant. Fils d'un grand politique, frère de l'Empereur Henri IV, son idée politique fut incontestablement de doter l'Allemagne d'une élite. On sait, par l'histoire, que cette élite a fait la Prusse et contribué aussi à faire l'Empire allemand, substitué, au XVIIIe siècle, au Saint Empire romain germanique.<o:p></o:p>

    L'idée était donc bonne.<o:p></o:p>

    Mais, par le fait qu'elle a un caractère très différent de celle qui a présidé à la fondation de l'Ordre du Temple, on doit la considérer comme éloignée de toute initiation.<o:p></o:p>

    Opérer une dissidence dans une organisation initiatique ne donne jamais à la création effectuée, la valeur ressortant de l'Initiation même. Car l'Initiation est indivisible. On l'a ou on ne l'a pas. Si on l'a, on ne peut invoquer aucune raison de se séparer de l'organisation sur laquelle elle repose collectivement et qui la confère individuellement. Si on ne l'a pas, il est loisible de le prétendre, mais les prétentions à la vérité n'ont jamais donné la Vérité.<o:p></o:p>

    Ce que vaut, alors, du point de vue initiatique, l'Ordre Teutonique ; on le comprend immédiatement. Ceci toutefois n'enlève nullement toute valeur politique.<o:p></o:p>

    Mais alors, on ne sera pas sans retenir que l'histoire de l'Europe se trouve soutenue, occultement, pour ainsi dire, par ces trois ordres de croisés.<o:p></o:p>

    L'Ordre de Malte, dont la position antagoniste s'est révélée après Philippe-le-Bel et s'est de plus en plus accentuée par la suite.<o:p></o:p>

    L'Ordre du Temple qui jusqu'à Philippe-le-Bel a donné aux Capétiens et à la féodalité française son plus bel éclat - éclat qui set ternit dès que cet Ordre n'exista plus.<o:p></o:p>

    L'Ordre Teutonique qui depuis Saint Louis, grand-père de Philippe-le-Bel a donné à l'Allemagne toute son importance, continuant jusqu'au XIXe siècle son oeuvre, sourdement politique.<o:p></o:p>

    Or, l'Ordre de Malte chassé de son île en 1798 par la puissance de Bonaparte, exista encore longtemps nommément, car en 1.831 son siège était à Ferrare.<o:p></o:p>

    L'Ordre du Temple avait été dissous en 1312, mais définitivement, par décision de l'autorité ecclésiastique qui l'avait reconnu.<o:p></o:p>

    L'Ordre Teutonique disparut en 1809, encore par l'effet de Napoléon, du moins il n'eut plus depuis, d'existence patente.<o:p></o:p>

    De ces trois Ordres, seul l'Ordre du Temple n'a plus jamais fait parler de lui. D'un seul coup et bien singulièrement d'ailleurs, ses 300.000 adhérents, si ce nombre est exact, disparurent comme par enchantement !<o:p></o:p>

    Les deux autres, le premier et le dernier créé n'ont, en fait, jamais été dissous, que sur le papier. Sournoisement, tout au moins d'une façon dissimulée, leurs traces se retrouvent encore si l'on cherche bien !<o:p></o:p>

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    Jean  Trithème  et  la  Rose + Croix

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    La recherche d'une Tradition - d'où procèderaient les conceptions appelées communément occultistes - fait ressortir. au XVe siècle, l'existence d'un personnage, auquel on accorde parfois une certaine attention.

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    Nous l’appelons en France, Jean Trithème. Les Allemands disent : Johann von Trittenheim.<o:p></o:p>

    Il était le fils de Jean Heidelberg, né en 1462, à Trittenheim, près de Trèves, dans ce pays qui devint plus tard la Prusse Rhénane, et que, maintenant, on désigne sous le nom de Rhénanie.<o:p></o:p>

    Il fut moine bénédictin au monastère de Spanheim, non loin de Mayence. Il y devint abbé à l'âge de 22 ans. Il mourut en 1516, dans la Bavière, ayant assumé la direction d'une abbaye à Wurtzbourg.<o:p></o:p>

    Tous les dictionnaires biographiques signalent que, de son temps, il acquit une haute réputation de savant. Mais, sans doute, celle-ci provenait-elle de l'éclat de son enseignement. Car il n'a laissé aucun traité, condensant une doctrine, dont on puisse faire état. On sait qu'il eut des élèves qui devinrent célèbres, notamment Cornélis Agrippa et Paracelse.<o:p></o:p>

    Ses oeuvres ont pu être rassemblées en quatre volumes, assez copieux cependant, dont les deux premiers contiennent des études de caractère historique, et dont le troisième n'est qu'un recueil de « Lettres Familiales ». Quant au dernier, qui a pour titre « La Stèganographie », il présente une allure mystérieusement ésotérique, par le principal qu'il traite, mais il se complète de la « Polygraphie », dont l'intérêt dérive de la méthode d'écriture secrète, suivant le titre même du volume, et il comprend aussi un petit travail qu'on appelle généralement « Les Causes Secondes », dont on a fait grand état.<o:p></o:p>

    Si Jean Trithème occupe une place notoire parmi les auteurs qu'on doit qualifier de « Maîtres », quand il s'agit de Tradition, c'est en raison de ces ouvrages contenus dans le quatrième volume.<o:p></o:p>

    Là, plus encore que dans certains passages de sa correspondance privée, l'auteur laisse entrevoir la place prépondérante qu'il tient dans la transmission de certaines doctrines, inexprimées, dont on suppose que postérieurement, elles sont attribuables aux Rose+Croix.<o:p></o:p>

    Ce n'est pas sans intérêt qu'on remarque que « La Stéganographie » parle d'une écriture secrète, alors que Francis Bacon - qui vivait un siècle plus tard, parle aussi d'une manière spéciale de cette écriture dans son « Advancement and Proficience of Learning ».<o:p></o:p>

    Jean Trithème doit assurément être considéré comme un hermétiste. Ses illustres élèves le furent. Quant à Francis Bacon, sa qualité de Rose+Croix est indéniable.<o:p></o:p>

    Dès lors, il convient de savoir si le rôle du Maître ne fut pas de transmettre les préceptes qui ont fait de la Rose+Croix, le pivot, pour ainsi dire, d'une tradition ésotérique.<o:p></o:p>

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    Toutefois, alors, une question se pose : qu'est-ce que la Rose+Croix ?

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    Sur ce sujet, les opinions varient tellement qu'on ne peut éluder quelques réflexions.<o:p></o:p>

    Il y a des historiens de la Rose+Croix. Les documents qui les ont guidés sont d'origines si diverses, et de valeurs si différentes, qu'une définition précise ne ressort pas de leurs travaux.<o:p></o:p>

    Pour les uns, la Rose+Croix est un Ordre constitué, mais très secret, qui perpétua longtemps une philosophie dont la métaphysique demeure très spéciale.<o:p></o:p>

    Pour les autres, c'est plutôt un groupement d'alchimistes, plus ou moins cohérent, plus ou moins uni dans une même pensée, qui recherchait, ou appliquait certaines lois inconnues de la matière.<o:p></o:p>

    Les occultistes, ceux qui ne craignent pas, dans les temps actuels, d'aborder l'étude des sciences longtemps délaissées et méprisées, estiment que les Rose+Croix détenaient des vérités profondes.<o:p></o:p>

    Les profanes, c'est-à-dire ceux qui trouvent ce même patrimoine intellectuel trop éloigné de la manière moderne pour s'y intéresser, n'hésitent pas à déclarer que les anciens Rose+Croix n'étaient que des farceurs.<o:p></o:p>

    De nos jours, on constate l'existence de plusieurs associations qui se prétendent encore rosicruciennes à des titres divers. Si les unes possèdent des parchemins ou des documents leur permettant d'affirmer une descendance légitime, la plupart se bornent à certifier qu'elles perpétuent d'anciennes doctrines philosophiques.<o:p></o:p>

    Cependant, de l'Ordre primitif de la Rose+Croix, il n'y a aucune trace certaine. Il semble même qu'à toute époque, les fausses Rose+Croix aient pullulé. On a généralement beaucoup de peine à distinguer celle qui pourrait être la véritable. Aussi les historiens de ce sujet spécial ont ils tendance, soit à les considérer toutes comme des variantes d'une Rose+Croix primitive, soit à prendre l'une d'entre elles pour la plus authentique, d'après la doctrine qu'elle paraît pratiquer, ou d'après la filiation qu'elle prétend détenir. Certes, ces historiens ne sont pas dénués d'esprit critique, et, ainsi, ils font parfaitement ressortir les irrégularités qu'ils rencontrent. Mais ils sont eux-mêmes doctrinaires et ne peuvent s'empêcher de manifester quelque faiblesse à l'égard de toute apparence conforme à leur manière de voir. Il s'ensuit de là, que l'histoire de la Rose+Croix se caractérise comme toujours diffuse et souvent contradictoire .<o:p></o:p>

    Ce qui l'entache d'erreurs, c'est son point de départ. Il faut, d'ailleurs, se hâter de dire, pour excuser tous ces chercheurs, que ce point de départ a été imaginé, de telle façon que l'erreur initiale ne puisse pas être évitée.<o:p></o:p>

    Il y a donc un mystère dans ce qu'on appelle la Rose+Croix.<o:p></o:p>

    L'expression a été connue vers 1614, par un petit opuscule intitulé « Fama Fraternitatis Rosae Crucis » qui, dit on, circula d'abord en manuscrit, avant d'être imprimé. Le texte fut publié en plusieurs langues, notamment en allemand. Il ne mentionne pas explicitement le fondateur de la Rose+Croix, mais parle du « Frère R+C ». Un autre écrit, le « Confessio Fratum Rosae Crucis » qui était joint au précédent, indique la date de naissance du personnage, dénommé alors « Père Christian ». De là est issue la légende de « Christian Rosencreutz » - suivant la lettre R.+C.<o:p></o:p>

    D'après la « Fama », le personnage accomplit une série de voyages avant de se fixer définitivement en Allemagne. D'après la « Confessio » il serait né en 1378, et mort 106 ans après.<o:p></o:p>

    Il est évidemment très difficile à un historien de la Rose+Croix, voulant paraître documenté, de ne pas prendre au sérieux de pareilles indications - sans quoi tout ce qui a un caractère rosicrucien devrait être aussi rejeté par lui,<o:p></o:p>

    Toutefois, si l'on supposait un instant que les assertions concernant Christian Rosencreutz soient uniquement présentées pour égarer les chercheurs, on pourrait s'en demander la raison. Et alors, le problème se poserait peut-être d'une façon différente.<o:p></o:p>

    Quel intérêt y a-t-il, en effet, à faire connaître au XVIIe siècle, par quelques lignes d'impression, l'existence d'un homme qui a vécu, ignoré de tous, deux siècles auparavant ?<o:p></o:p>

    Serait-ce seulement pour apprendre que l'appellation de Rose+Croix, est tirée de Rosencreutz ?<o:p></o:p>

    Logiquement, il semble bien que Rose+Croix vienne de Rosencreutz.<o:p></o:p>

    Néanmoins, si c'était l'inverse - Si Rosencreutz n'a été dénommé ainsi que parce qu'il fallait expliquer le terme de Rose+Croix ? Dans ces conditions on se trouverait obligé d'admettre que Christian Rosencreutz, non seulement n'a jamais existé, mais encore a été inventé de toutes pièces pour les besoins de la cause. Et quels seraient ces besoins de la cause ? Simplement qu'il fallait attirer l'attention sur le début réel d'une sorte d'association, à une date indiquée comme étant celle de la naissance du personnage - date qui est 1378.<o:p></o:p>

    Cette sorte d'association peut bien porter le non de Rose+Croix -- puisqu'il indique, alors, qu'elle se confond manifestement avec Rosencreutz. Et il demeure légitime de lui conserver l'appellation. Mais c'est tout ce que les documents du XVIle siècle révèlent. Rien ne dit qu'avant 1378, on lui donnait ce nom. Cependant tout porte à croire que ses adhérents se désignaient sous les initiales R.+C.<o:p></o:p>

    Or, R+C, peut vouloir dire bien des choses, - par exemple « Respectables Chevaliers ». Au XIVe siècle, alors que le moyen-âge avait pris fin, que ses coutumes, dont la fantaisie artistique étonne toujours, étaient tant regrettées ; il n'est pas impossible que certains aient voulu se dire encore des Respectables Chevaliers. Il ne faut pas confondre, quand on parle du « moyen-âge ». D'une façon littéraire, cette expression se rapporte à tout un passé, qui englobe une série de siècles où l'on combattait revêtu d'armures pittoresques. Mais les historiens - avec beaucoup de raisons, surtout juridiques et politiques - marquent la fin du « moyen-âge » à l'avènement des Valois en France. La guerre de Cent Ans n'est plus de cette époque -- à vrai dire, très brillante du point de vue artistique, ce que prouvent les cathédrales dites gothiques. Lors du règne des trois fils de Philippe-le-Bel, les peuples commençaient à entrevoir que la société n'avait plus le même caractère. On regrettait, déjà, cette prospérité générale, qui avait donné tant d'éclat aux règnes de Philippe Auguste et de Saint Louis. Le temps de la «Chevalerie » était fini. - La chevalerie de papa était morte ! - Ce n'est, en somme, que par habitude et aussi, sans doute, dans l'espoir de voir renaître, ce qui avait disparu, qu'on perpétuait l'attribution du titre de « Chevalier » - sans bien se rendre compte des qualités requises naguère pour y avoir droit. Il devient donc tout naturel de penser que ceux qui se rappelaient en quoi consistaient les dites qualités, aient désiré constituer une élite de véritables, c'est-à-dire de « Respectables Chevaliers ».<o:p></o:p>

    C'est l'époque où Froissart écrivait ses « Chroniques ». On n'a qu'à feuilleter ce livre admirable, rempli d'illustrations si curieuses, pour comprendre, à quel point, le moyen âge pouvait conserver d'attrait. - Une édition abrégée des Chroniques de Froissart, splendidement illustrée par la reproduction des enluminures de l'époque, a été publiée par Mme de Witt, née Guizot, en 1881, à la Librairie Hachette.<o:p></o:p>

    Des traductions du français, si alerte, de Froissart, existent en divers pays - notamment en Angleterre. L'imagerie en est, à la fois, artistiquement délicate et étrangement prenante, - au point que, pour accompagner une relation ironique de la Guerre des Boers, un dessinateur anglais s'est amusé à les imiter. « Ces Froissart's Chronicles » où l'on voyait les Lords modernes et les businessmen de la Cité, combattant à la manière de la Guerre de Cent Ans parmi des fortifications compliquées, dans un paysage de l'Afrique du Sud, eurent un très grand succès vers 1902. Le fait prouve que l'humour de Froissart pouvait se transposer, malgré les siècles ; mais il démontre aussi que le but de la Conquête du Transvaal, était bien compris du public anglais.<o:p></o:p>

    Quel est l'enfant qui n'a pas rêvé d'être un beau chevalier ?<o:p></o:p>

    Pourquoi alors, des hommes faits, dont la Guerre de Cent Ans troublait nécessairement les conditions d'existence, n'auraient-ils pas cherché à se réunir en tant que « Respectables Chevaliers ».<o:p></o:p>

    Chevaliers, ils pouvaient l'être - s'ils avaient reçu, de la part de personnes qui détenaient régulièrement ce titre, l'instruction et l'investiture nécessaires.<o:p></o:p>

    Respectables, ils le devenaient, par le fait qu'ils étaient capables de transmettre cette instruction, et, au besoin, de conférer la même investiture.<o:p></o:p>

    Mais ils étaient à cette époque, des exceptions.<o:p></o:p>

    La véritable Chevalerie avait disparu avec les derniers Capétiens. En 1378, on était à 66 ans de l'abolition de l'Ordre du Temple. Il y a lieu de penser que le dernier des Templiers était mort, où en tout cas bien près de la tombe, s'il avait échappé à l'arrestation de 1307 et s'était rigoureusement conformé aux décisions du concile de 1312, supprimant l'association. Certes, l'Ordre de St-Jean de Jérusalem - dit généralement Ordre de Malte - existait bien puisqu'il persiste encore ; et il rassemblait des chevaliers dont le titre présentait une régularité incontestable.<o:p></o:p>

    Néanmoins qui oserait alléguer que « les Respectables Chevaliers » de 1378 - ceux qu'on doit dénommer Rose+ Croix - détenaient leur investiture de l'Ordre de Malte ? La contradiction est flagrante, car le titre de Chevalier implique non seulement une investiture régulière, mais encore une certaine instruction. Or l'instruction rosicrucienne - que l'on devine aisément par le symbolisme qui en a été conservé - se montre entièrement opposé à l'esprit dont fut toujours animé l'Ordre de Malte. Dès le XII' siècle, d'ailleurs, on constate une rivalité, nettement marquée, entre les deux ordres.<o:p></o:p>

    Alors, il devient facile d'apercevoir la filiation des R+C en question. Aucune preuve matérielle ne se découvre cependant pour étayer l'hypothèse.<o:p></o:p>

    Celle-ci demeure plausible, et, à la réflexion, elle doit être juste.<o:p></o:p>

    Mais on chercherait vainement un document qui démontre l'exactitude du raisonnement dont elle dérive.<o:p></o:p>

    On peut donc dire que le mystère de la Rose+Croix, serait considérablement élucidé si l'on admettait cette hypothèse concernant ses origines.<o:p></o:p>

    Or il y a un mystère, aussi, dans l'existence de Jean Trithème. Pareillement, on doit y réfléchir.<o:p></o:p>

    La biographie de Jean Trithème tient en deux lignes. On sait qu'il fut moine, devint très vite abbé ; acquit une belle réputation ; eut quelques contestations, assez mal définies, avec ses subordonnés ; changea d'abbaye ; puis mourut.<o:p></o:p>

    Néanmoins, nul ne conteste qu'il ait tenu un rôle considérable, sinon dans la transmission, du moins dans l'établissement des doctrines que l'on attribue, directement ou indirectement, à la Rose+Croix. Ses élèves - Agrippa et Paracelse -, sont trop connus par leurs écrits célèbres, pour ne pas inciter à penser qu'ils ont puisé auprès de lui les éléments constituant une tradition rosicrucienne.<o:p></o:p>

    Cornélis Agrippa von Nettesheim - appelé Cornélis ou Cornélius ou Corneille Agrippa, ainsi que Bombast von Hohensheim, dit Paracelsius ou Paracelse -- étaient allemands, comme Jean Trithème qui signait Trithemius.<o:p></o:p>

    La nationalité des uns et des autres semble bien, ainsi, donner le caractère germanique à la Rose+Croix, quand on prend, pour point de départ des doctrines qui la caractérisèrent, l'enseignement donné par l'abbé de Spanheim. Ce caractère s'accentue, dans la suite des temps, avec Henrich Kunrath, Jacob Boehme, Valentin Andreae, Michel Maïer, celui-ci comme palatin.<o:p></o:p>

    Or il y a deux façons de considérer la Tradition. Il y a la conception d'une unité doctrinale, transmise depuis la plus haute antiquité à travers les âges. Puis il y a celle d'une pluralité d'apports, venus successivement de divers côtés, qui se joignent peu à peu pour constituer un ensemble dont la cohésion est sans doute relative, mais d'où l'on peut dégager une doctrine. C'est à cette dernière que se sont rangés les chercheurs modernes. Pour eux, la Rose+Croix germanique constitue un « courant » d'idées auquel se relièrent, par la suite, les Rose+Croix anglais tels que Francis Bacon et Robert Fludd. Le « courant » anglais, tout autant spontané que le précédent, aurait alors complété celui-ci, en le modifiant plus ou moins profondément, pour produire cet ensemble doctrinal qu'ont exposé, au XIXe siècle, les Français Eliphas Lévi ou Stanislas de Guaïta, et que certains Américains, comme Spencer Lewis, assurent perpétuer de nos jours - quoique avec quelques variantes. Spencer Lewis s'intitulait en 1925 « Imperator Rosae Crucis ». Il cherchait avec grand enthousiasme à faire parler de lui. Il raconta qu'en 1916, il avait opéré une transmutation d'étain en or, devant une assistance nombreuse, dans les locaux de « l'Américan Rosae Crucis Society », à New York. Cette association possédait cependant un organe particulier intitulé « The Triangle », qui ne fit que de très légères allusions à cette expérience alchimique. Mais le fait ayant été répété devant un reporter du « New York Word », cet important journal lui donna une publicité retentissante. A la suite de quoi, les Rose+Croix américains assurèrent, à qui voulait l'entendre, que certains d'entre eux avaient rapporté, d'Egypte, le sarcophage contenant le corps de Christian Rosencreutz ! Après tout, comme personne ne sait rien de ce personnage symbolique, sinon ce qu'en dit la « Fama Fraternitatis » il pouvait bien être enterré sur les bords du Nil !<o:p></o:p>

    La théorie est séduisante parce qu'elle permet la discussion. Il devient loisible, en l'admettant, de ne prendre dans l'ensemble doctrinal que ce qui paraît conforme à sa manière de penser. On laisse ainsi de côté ce qui pourrait gêner.<o:p></o:p>

    Cependant, dans ces conditions, on remarquera qu'il ne s'agit d'une Tradition, mais bien de plusieurs traditions<o:p></o:p>

    Et, alors, croit-on être positivement dans le « vrai de la vérité » ?<o:p></o:p>

    Dire qu'il existe diverses vérités demeure évidemment commode. Chacun peut avoir « sa vérité ». S'il n'y en avait qu'une, on serait forcé de s'incliner et, - à beaucoup de personnes - cela paraîtrait très désagréable !<o:p></o:p>

    Ainsi la conception d'une pluralité d'apports traditionnels laisse à chacun une liberté de penser qui semble un bien précieux, parce qu'on veut y voir l'expression de toute liberté humaine.<o:p></o:p>

    Cette conception, pourtant, se heurte à une objection difficilement réductible. Elle présuppose la génération spontanée à chaque « courant » d'apport traditionnel.<o:p></o:p>

    D'où viendraient - par exemple les préceptes profonds enseignés par Jean Trithème à Agrippa et à Paracelse, s'ils n'avaient pas, alors, surgi soudainement dans un cerveau ?<o:p></o:p>

    On est obligé de convenir qu'en ce cas, Jean Trithème a eu un éclair de génie - mais un éclair si lumineux qu'il lui a permis de voir, dans sa plénitude, le fonctionnement général de l'univers. Or rien n'est plus complexe. Une telle vision implique la totalité du savoir humain. Elle ne se résume pas en quelques phrases d'allure doctrinale.<o:p></o:p>

    Seuls, par conséquent, des esprits superficiels peuvent s'imaginer que « l'apport traditionnel », en l'espèce, n'a pas été acquis, tout au moins dans l'essentiel, par le moyen d'un prédécesseur quelconque. Il y a trop de choses qui ne s'inventent pas - que le travail séculaire est uniquement susceptible d'approfondir, pour ne pas comprendre que Jean Trithème, comme tant d'autres, a été seulement le transmetteur d'un patrimoine intellectuel, constituant le « noyau » de la Tradition.<o:p></o:p>

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    Nous n'apercevons pas le prédécesseur immédiat de Jean Trithème. Mais si nous examinons attentivement l'époque où vécut le personnage qui nous occupe, nous pourrons nous figurer quelle fut sa « formation ».

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    Lorsque Jean Trithème fut élu abbé du monastère de Spanheim, il avait 22 ans. On était en 1484. A ce moment, Charles VIII, fils de Louis XI, régnait en France, sous la régence d'Anne de Beaujeu, sa soeur.<o:p></o:p>

    A Rome, Sixte IV, venait de mourir ; Innocent VIII lui succédait sur le trône de St Pierre.<o:p></o:p>

    En Angleterre, la dynastie des Plantagenets allait s'éteindre l'année d'après, en 1485, avec la mort de Richard III, à la bataille de Bosworth, terminant la guerre des DeuxRoses ; et Henri VII Tudor, dès 1486, mettait fin à la rivalité des familles d'York et de Lancaster, en épousant Elisabeth d'York, fille du roi Edouard IV.<o:p></o:p>

    En Allemagne, Frédéric III, de la maison de Habsbourg, était empereur déjà depuis 40 ans. - Il avait été élu en 1440. - On lui reprochait d'être assez indifférent aux progrès des Turcs en Europe, et de s'adonner avec une passion absorbante à l'alchimie et à l'astrologie. - Il convient de rappeler que la « Pragmatique Sanction Germanique », qui donnait, par ses 26 propositions, satisfaction à presque tous les griefs des princes allemands contre la Papauté, fut l'oeuvre du Concile de Bâle en 1439. Frédéric III fut élu empereur l'année d'après et conserva le pouvoir durant 53 ans.<o:p></o:p>

    Ses électeurs avaient songé un instant à le déposer, pour cette raison, en 1461, c'est-à-dire à peu près au moment où Jean Trithème venait au monde.<o:p></o:p>

    Ajoutons - pour fixer les idées - que l'Amérique ne fut edécouverte » par Christophe -Colomb qu'en 1492, donc lorsque Jean Trithème atteignait l'âge de 30 ans.<o:p></o:p>

    Mais Cornélis Agrippa était né en 1486 - deux ans après que celui qui devait être son professeur avait pris la direction de l'abbaye de Spanheim. On a, ainsi, tout lieu de croire que le précieux enseignement traditionnel commença à être donné dans le moment même où Christophe Colomb effectuait son quatrième et dernier voyage vers le Nouveau Monde, et qu'il « redécouvrait » la Martinique ainsi que le cap Gracias a Dios, sur un territoire qui, depuis, porte son nom - la Colombie. C'était en 1503 et Agrippa avait 17 ans.<o:p></o:p>

    Ces coïncidences historiques ne doivent point être négligées. Elles ont plus d'importance qu'on ne se l'imaginerait au premier abord. Outre qu'elles situent l'existence d'un personnage et le placent, comme on dit, dans son « atmosphère », elles permettent d'apprécier, à sa juste valeur, la somme des connaissances qu'il pouvait, en son époque, recueillir. Tout homme est de son temps - quel que soit son génie.<o:p></o:p>

    Quand nous apercevons que l'empereur germanique, Frédéric III, s'occupait ardemment d'alchimie et d'astrologie, quand nous savons que le pape Sixte IV passait pour un grand protecteur des savants, à la même époque, et quand. nous reconnaissons que le savoir, alors, prenait, dans l'examen de la Nature, cette forme particulière qui a fait des alchimistes des « philosophes de la matière », comme l'a justement noté Marcellin Berthelot, et, des astrologues, des « philosophes de la vie », ainsi qu'on peut le dire également, nous sommes en droit de penser que l'enfance et la jeunesse de Jean Trithème se sont écoulées en un temps où les tendances, qu'on appelle en un certain sens ésotériques, étaient de mode.<o:p></o:p>

    Car, si les grands de ce monde ne donnent pas positivement le ton, du moins ils s'affirment, parce que nul ne peut gouverner sans se montrer à l'unisson de son époque.<o:p></o:p>

    Dès lors, quoi d'étonnant dans le fait que Jean Trithème fut accusé de magie ? En ce siècle, selon la remarque de Marcelin Berthelot, « on était accusé de magie, quand il était établi que l'on s'était efforcé sciemment, par des moyens diaboliques, de parvenir à quelque chose ». Mais toute personne qui employait des moyens insolites, qui parlait un langage quelque peu différent de celui qu'on comprenait couramment, qui émettait des idées assez hardies, qui peut-être avait des relations avec certains individus suspects, socialement, pouvait passer pour faire de la magie<o:p></o:p>

    Louis XI ne fut-il pas incriminé d'avoir auprès de lui Olivier le Daim, et Tristan l'Ermite, personnages bien suspects ? Sixte IV, avant d'être pape, ne fut-il pas Général des Frères Mineurs, autrement dit des Franciscains, dont beaucoup sont encore accusés d'avoir émis des idées subversives, tels que Roger Bacon et Raymond Lulle, deux grands savants du XIIIe siècle ?<o:p></o:p>

    Jean Trithème, lui-même, n'est-il pas l'auteur de cette fameuse « Stéganographie » dont le nom tiré du grec veut dire « écriture mystérieuse », et n'a-t-il pas été le maître d'Agrippa, qui écrivit une « Philosophie Occulte » traitant de la magie, comme il fut aussi le professeur de Paracelse, que chacun reconnaît, à divers titres, comme un précurseur ?<o:p></o:p>

    Maintenant, reste à savoir ce qu'on entendait par « moyens diaboliques ». Car on peut facilement voir le diable en quelque chose quand on ne comprend pas de quoi cette chose est faite !<o:p></o:p>

    D'ailleurs - il faut se hâter de le dire - l'accusation de magie ne paraît nullement avoir gêné Jean Trithème. Il, n'a pas été inquiété de ce chef. S'il a dû quitter l'abbaye de Spanheim pour celle de Wurtzbourg, ce n'est pas pour cette raison. C'est parce qu'il ne s'entendait plus avec ses moines. Il voulait leur appliquer certaines « réformes » et ils refusaient.<o:p></o:p>

    Ici apparaît le rôle qu'il a tenu, en son temps.<o:p></o:p>

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    On ne sait pas exactement, mais on soupçonne, quelles furent les « réformes » qu'avaient conçues Jean Trithème.

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    Les bénédictins n'ont jamais passé pour des esprits subversifs. Ces « moines noirs », comme on les appelle parfois, à cause de leur costume, s'occupèrent plutôt d'histoire. Ils étaient laborieux et modestes ». Ils ont contribué beaucoup à préciser certains points de la chronique civile ou ecclésiastique. Ils ont patiemment rassemblé et collationné des documents. Ils ont effectué, dans cet ordre d'idées, ce « travail de bénédictin » qui est demeuré légendaire ! Mais, trop absorbés par leurs recherches, ils ne montrèrent pas de tendances à en tirer parti ; ils ne s'adonnèrent pas à ces réflexions qui engendrent les idées nouvelles. C'est en quoi on dit qu'ils étaient « modestes ».<o:p></o:p>

    Or Jean Trithème a bien publié la « Chronique d'Hirsauge » qui relate des événements historiques ayant eu lieu jusqu'en 1513, c'est-à-dire, trois ans avant sa mort, - éditée à Saint-Gall en Suisse, en 1690 - et aussi le « De scriptoribus ecclesiasticis » - édité à Paris en 1497 - qui sont des travaux conformes à ceux des bénédictins.<o:p></o:p>

    Mais il est, d'autre part, l'auteur de la « Stéganographie »    éditée à Cologne en 1635.<o:p></o:p>

    Le fait qu'il ait pu établir la « Stéganographie » - laissons de côté les « Lettres Familiales » qui furent connues en 1536, vingt ans après qu'il eut quitté ce monde, - démontre qu'il n'avait pas l'esprit bénédictin. S'il a donc pensé à réformer ses moines, c'est qu'il se trouvait en contradiction avec eux.<o:p></o:p>

    On pourrait penser que cette idée lui vint tout naturellement, à la suite de ses études et de ses réflexions. Néanmoins on ferait ainsi abstraction de l'époque à laquelle il vivait.<o:p></o:p>

    N'oublions pas qu'au moment de sa naissance, l'Europe sortait à peine du Grand Schisme d'Occident. En effet, l'anti-pape Félix V était déposé depuis 13 ans, en 1449. Les perturbations de l'Eglise pouvaient, sans doute, paraître apaisées ; -- politiquement elles l'étaient, - toutefois moralement elles troublaient encore les consciences. L'enseignement de Wiclef en Angleterre, avait été contemporain du Grand Schisme. On sait qu'il a laissé, dans ce pays, des racines si profondes que, sous Henri VIII, quand survint la rupture ecclésiastique avec Rome, en 1520, tous les historiens ont voulu y voir la floraison des doctrines que cet enseignement avait semées.<o:p></o:p>

    Les conceptions de Wiclef avaient eu un grand retentissement. Elles avaient dépassé l'Angleterre. Luther peut, ainsi être considéré comme le fils de Wiclef.<o:p></o:p>

    Or Luther est à peine plus jeune de 20 ans que Jean Trithème, en sorte qu'en l'année même où celui-ci mourait, en 1516, Luther, âgé de 33 ans, prenait déjà position contre les théologiens scolastiques et émettait, en certaines thèses, des opinions où, suivant l'avis de Bossuet qui est fort averti à cet égard, on trouve les germes de cette éclatante séparation d'avec le catholicisme, dont la date se place, quatre ans plus tard, en 1520.<o:p></o:p>

    Luther fut ordonné prêtre en 1506. Il acquit rapidement aussi de la réputation. Ceci prouve qu'à l'époque, on arrivait vite quand on sortait de l'ordinaire : vers la 25e année, on pouvait être « quelqu'un ».<o:p></o:p>

    A cause de cette réputation, Luther obtint une chaire de philosophie puis de théologie à l'université, récemment fondée de Wittemberg. Aussitôt il partit en guerre contre l'idole des universités d'alors, Aristote. Une telle nouveauté le rendit célèbre dans le monde savant.<o:p></o:p>

    Il est donc impossible que Jean Trithème l'ait ignoré. Il est même fort possible que, par certaines personnes interposées, sinon par un « moyen épistolaire », il soit entré en relation avec Luther.<o:p></o:p>

    Tous deux étaient allemands, et quoique la Saxe se trouve assez éloignée de la Rhénanie, il demeure admissible que deux savants réputés aient pu correspondre.<o:p></o:p>

    Toutefois - chose curieuse - le fait n'a même pas été jusqu'ici envisagé.<o:p></o:p>

    Rien ne le prouve.<o:p></o:p>

    Mais la devise même de Luther jette un trait de lumière. Cette devise, qui accompagnait des armoiries composées d'un coeur percé d'une croix dans une rose, était constituée par ces deux vers<o:p></o:p>

    « Das Christen Herz auf Rosen geht<o:p></o:p>

         Wenn's mitten unterm Kreuse steht. »<o:p></o:p>

    Ce qui veut dire en français :<o:p></o:p>

    « Le coeur du Christ vient sur les roses<o:p></o:p>

        Quand la croix se trouve au milieu et en-dessous. »<o:p></o:p>

    Si l'on ne veut pas voir là un indice rosicrucien, c'est qu'on a du parti-pris !<o:p></o:p>

    Cette devise est citée par Sédir dans son ouvrage posthume « Histoire et Doctrines des Rose-Croix ».<o:p></o:p>

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    Mais alors, de semblables rapprochements deviennent troublants. Si la Rose+Croix constitue le « truchement » de Luther et de Jean Trithème, le « mouvement » d'une haute importance dans l'histoire de l'Europe et du monde, qu'on appelle « La Réforme », dont Luther, sans conteste, fut l'instigateur, n'est pas davantage surgi spontanément. Il serait le produit lent mais énorme de cette singulière et « mystérieuse association » que caractérisent les initiales R. +C. Ceci renverserait bien des idées

    <o:p></o:p>

    Certes, le fait expliquerait, d'abord, la nature des « réformes » que Jean Trithème voulait introduire dans son abbaye. On comprend immédiatement pourquoi les moines se refusèrent à les adopter. C'étaient des bénédictins, peu enclins nécessairement, ne serait-ce que par habitude d'esprit, à envisager des nouveautés en matière religieuse. On saisit, ainsi, pourquoi Jean Trithème ne peut conserver son poste. Il reconnaît trop de légitimité - de logique peut-être, et même de nécessité dans une réformation théologique, pour céder aux objections de ses subordonnés. Il préfère quitter son poste. Il s'en va à Wurtzbourg. - Le couvent actuel des Bénédictins, en France, à Solesme (Sarthe) possède à l'égard des habitudes d'esprit, une réputation caractéristique ; il passe pour avoir conservé intact le chant liturgique.<o:p></o:p>

    Néanmoins, Jean Trithème mourut sans rompre ouvertement avec l'Eglise de Rome. C'est que les modifications qu'il envisageait ne présentaient sans doute pas un caractère aussi accusé que celles de Luther. D'ailleurs, la rupture solennelle de celui-ci avec le catholicisme n'eut lieu qu'en décembre 1520, quatre ans après la mort de Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Cependant, une fois ce point éclairci et dès qu'on admet une certaine relation, assez imprécise, à vrai dire, parce que bien mystérieuse, entre la Rose+Croix et les réformateurs, on ne s'en demande pas moins quel pouvait être le but de la perpétuation d un rassemblement - plus ou moins cohérent - dont l'origine remonterait à la belle époque de la Guerre de Cent Ans.<o:p></o:p>

    Près d'un siècle et demi sépare la date où, selon la naissance symbolique de Christian Rosencreutz, on peut placer la création du rassemblement « chrétien R.+C. » et celle où, sur la place de Wittemberg, en présence de la foule, des étudiants et docteurs de l'université, Luther brûla la bulle du pape, avec toutes les décrétales des pontifes. Ce feu de joie qui marque la naissance du protestantisme, aurait donc couvé, pour ainsi dire, pendant exactement 142 ans.<o:p></o:p>

    C'est bien long. Aucun historien consciencieux, observateur de l'évolution des idées de ce monde, ne peut consentir à voir entre ces deux faits une relation quelconque - à moins qu'on n'attire son attention sur un troisième qui, alors, laisse apercevoir un fil conducteur, permettant de suivre, durant quatre générations, un travail souterrain dont nul document ne témoigne.<o:p></o:p>

    Ce troisième fait est ce qu'on appelle « l'Hérésie de Wiclef ».<o:p></o:p>

    Wiclef vivait au temps d'Edouard III. Il était né dans le Yorkshire vers 1324. Il fut, en 1366, l'énergique défenseur des droits de la couronne d'Angleterre contre les prétentions du Pape Urbain V qui réclamait d'Edouard l'hommage pour ses royaumes d'Angleterre et d'Irlande. C'était là, de la part de la Papauté une affirmation des prérogatives du pouvoir temporel, dont, à Rome, on estimait toujours ne pas devoir se départir, bien que la fameuse Querelle des Investitures se fut terminée par le concordat de Worms avec le Saint Empire Germanique, en 1122, et que le point de vue féodal parut abandonné par les Papes.<o:p></o:p>

    A vrai dire, Rome ne délaissait aucune de ses prétentions. A Worms on avait simplement réglé quelques questions - on avait trouvé un « modus vivendi ». La Querelle des Investitures avait bien pris fin ; mais la lutte entre le Sacerdoce et l'Empire se continue avec l'hostilité des Guelfes et des Gibelins.<o:p></o:p>

    Encore cela ne concernait-il que l'Allemagne Le royaume d'Angleterre - dont le roi, par effet d'une des curieuses anomalies féodales, se trouve déjà le vassal du roi de France en tant que duc de Normandie et duc d'Aquitaine -- était revendiqué en vassalité par le Pape à cause de l'excommunication de Jean-Sans-Terre datant de 1209 - quatre-vingtsept ans après le concordat de Worms. - Le pape Innocent III avait, alors, chargé le roi de France, Philippe Auguste, de châtier le monarque, dont le royaume était frappé d'interdit ecclésiastique, et avait transféré en 1213, à perpétuité, pour lui et ses successeurs, la souveraineté de l'Angleterre. Philippe Auguste, prudent politique, sans doute aussi bien conseillé, se contenta de tirer parti de cet acte de la Papauté pour effacer toute domination anglaise dans la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine et le Poitou ; provinces qu'il avait libérées depuis 1204. Il fit bien mine de préparer un débarquement en Angleterre ; mais il attendit que la colère véhémente de Jean-Sans-Terre fut apaisée devant la perspective de perdre une couronne précieuse. Cela ne tarda pas. Le monarque excommunié, se voyant abandonné par la plupart de ses sujets, fit une soumission des plus humiliantes. Il rendit l'hommage au pape, et s'en déclara, par le fait, le vassal.<o:p></o:p>

    Jean-Sans-Terre était le petit-fils de Guillaume-le-Conquérant. Son père, Henri II, ne lui avait point laissé d'apanage, parce qu'Etienne de Blois avait, un instant, usurpé la couronne d'Angleterre. Richard Coeur de Lion, son frère, succéda d'abord naturellement à Henri II, étant l'aîné des survivants de la famille. Mais, durant qu'il était à la Troisième Croisade, Jean-Sans-Terre - qu'on appelait correctement Jean de Mortain - soutenu par le roi de France, Philippe-Auguste, usurpa le trône. Richard, à son retour de Terre Sainte, le reconquit, puis mourut. Ce fut, alors, que Jean-Sans-Terre put se dire légitimement roi, en 1199.<o:p></o:p>

    C'est ce qu'Innocent VI rappelait à Edouard III, un siècle et demi plus tard ! Mais il ne s'agissait pas seulement d'effectuer un geste, somme toute, symbolique ; il était question aussi des arrérages du tribut que Jean-Sans-Terre avait souscrit jadis, lorsque, pour conserver la couronne, on l'eut vu accepter n'importe quoi. Or, la somme réclamée était considérable, et le roi d'Angleterre ne voulait pas verser un sou.<o:p></o:p>

    Wiclef - qui portait le nom de son village, situé dans le Yorkshire - défendit Edouard III, en attaquant vigoureusement le pape. Il prit la question de très haut : il attaqua la Papauté elle-même. - Il traita le pape « d'antéchrist » ! - Il le fit avec un « génie audacieux » comme le dit Bossuet, s'affirmant ainsi « le plus grand sectaire » qui eut paru depuis les temps des Pères de l’Eglise, touchant à tout, ébranlant tout. Et un autre historien ajoute : « Au point de vue politique, Wiclef est le fils de Valdo et d'Arnaud de Brescia et l'aïeul de Rousseau ; au point de vue théologique et ecclésiastique, il procède à la fois de Gottschalk et de Bérenger, et il annonce Luther et Calvin ». - Jean-Jacques Rousseau est considéré comme l'un des ancêtres immédiats de la Révolution française. Il était de Genève. Il se fixa à Paris en 1741. Il émit sur l'éducation et les questions sociales des idées qui furent accueillies avec enthousiasme et eurent beaucoup d'influence sur son époque. En religion il se montra déiste, et fonda la morale sur les seules inspirations de la conscience. - Quant à Calvin, il naît quatre ans après la mort de Luther, en 1509. Son père, qui était tonnelier à Noyon, s'appelait plutôt Cauvin. Il étudia à Orléans, puis à Bourges, où professait André Alciat, le jurisconsulte italien protégé de François ter. C'est là qu'il connut des disciples de Luther.<o:p></o:p>

    On s'est donc bien aperçu qu'il y avait un troisième fait reliant l'époque d'Edouard III à celle de Luther, et que, du point de vue politique, - tout au moins pour ce qui concerne la Papauté, l'hérésie de 'Wiclef avait des racines: profondes comme des conséquences lointaines.<o:p></o:p>

    Mais la politique de la Papauté est inséparable du mouvement des idées en Europe. Il convient de rappeler que la Papauté fut transférée à Avignon en 1305 après la mort de Benoît XI, successeur de Boniface VIII, qui avait eu des démêlés fameux avec Philippe-le-Bel. Le séjour des papes à Avignon a été appelé « la captivité de Babylone », du fait que le Saint-Siège se trouvait, depuis Clément V soumis à la pression des rois de France. Il donna lieu, dès le pontificat d'Urbain VI, en 1378, au Grand Schisme d'Occident. Alors, deux papes existèrent, l'un à Rome, l'autre à Avignon ou à Bologne. Ce schisme est reconnu comme engendré depuis 1330 par la politique de Jean XXII à l'égard de l'empereur Louis de Bavière. Il y eut, à ce moment, déjà, l'antipape Nicolas V, c'est-à-dire Pierre de Corbière. L'Eglise ne retrouva sa tranquillité qu'à la mort de Félix V, autre antipape, en 1432 car le Concile de Bâle, sous les papes Martin V et Eugène IV, se montrait récalcitrant, et ne céda qu'à Nicolas V, en déposant Félix V en 1449.<o:p></o:p>

    Celui-ci était le duc de Savoie, Amédée VIII, élu par les Pères du Concile en 1339 il demeura à Bâle jusqu'à sa déposition comme pape, soit durant dix ans ; il ne renonça à la tiare qu'à la condition de conserver l'autorité pontificale dans ses états. Par constquent, la déposition de 1449 ne marque pas exactement la fin du Grand Schisme d'Occident ; la date de la mort d'Amédée VIII est, en tous points, préférable. Ainsi, depuis l'élection de Clément V en 1305, jusqu'à la mort de l'anti-pape Félix V en 1452, les troubles de l'Eglise durèrent près d'un siècle et demi !<o:p></o:p>

    Lorsque Wiclef vient au monde vers 1324, le pape est Jean XXII, le successeur immédiat de Clément V, celui qui, avec Philippe-le-Bel, fit le procès des Templiers, et mourut la même année que le roi de France et le Grand Maître de l'Ordre du Temple. Jean XXII est français, comme son prédécesseur du reste ; il est fils d'un cordonnier de Cahors : il s'appelle en réalité, Jacques Deuse, ou plutôt Dosse, si l'on prononce à la manière locale. Il est établi à Avignon. Il a le sentiment très net de l'autorité qu'il détient. A ses yeux, Clément V semble avoir été un peu trop soumis à la politique du roi de France ; les prérogatives pontificales en ont été perdues de vue. Alors , il les reprend avec énergie, il veut régenter l'empire germanique, et attaque Louis de Bavière. Or les Franciscains - n'oublions pas ce détail - soutiennent contre lui l'empereur Louis de Bavière ; leur Général Michel de Césène, les a entraînés vers des « idées nouvelles ». - (La ville de Césène se trouve à 47 kilomètres de Fosti, dans les anciens Etats Pontificaux.) Si les Franciscains se sont tournés assez facilement contre le pape, en prenant - à cette époque - parti pour Louis de Bavière, il faut y voir la conséquence d'un état d'esprit qui, chez eux, provenant de l'impulsion donnée antérieurement par de hardis savants tels que Roger Bacon et Raymond Lulle. Ils avaient donc une certaine propension pour les « idées nouvelles ». Mais le fait que leur Général d'alors, Michel de Césène, était italien - alors que Jean XXII était français, et résidait à Avignon - donnait une tournure politique à leurs tendances. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir surgir, au même moment, un anti-pape franciscain et italien, Pierre de Gorbière, natif des Abbruzzes, qui prit le nom de Nicolas V.<o:p></o:p>

    Le pape qu'attaque Wiclef est Innocent VI, encore un français : Etienne Aubert, originaire du Limousin. Il réside, bien entendu, lui aussi, à Avignon. Deux pontificats séparent le sien de celui de Jean XXII, deux pontificats troublés, pendant lesquels l'Allemagne est en désordre, l'Italie en anarchie. La puissance de l'Eglise est bien déconsidérée alors dans l'esprit des peuples le grand Schisme d'Occident s'annonce à grands pas. Pourtant le pape tient tête à l'orage. Il revendique ses droits féodaux, il réclame son argent. Son prédécesseur immédiat, Clément VI - qui n'était autre que Pierre Roger, l'ancien garde des sceaux du roi de France, Philippe VI de Valois - continuant la lutte contre l'empereur Louis de Bavière, en était arrivé à exaspérer d'abord presque tous les princes allemands. Il avait ensuite semé la discorde, usant de l'excommunication, déposant les évêques qui lui étaient opposés, achetant les autres, pour obtenir finalement la déposition de Louis de Bavière, et faire élire, à sa place, Charles de Luxembourg.<o:p></o:p>

    C'est le père de celui-ci, Jean de Bohême, qui alla se faire tuer à la bataille de Crécy. - La bataille de Crécy demeure dans toutes les mémoires. Elle ne marque pas cependant le début de la Guerre de Cent Ans. Celle-ci eut, d'abord, pour théâtre la Flandre, après la révolte de Jacques Arteweld à Gand. La première affaire fut la prise de l'île de Kadsand en Zélande par la flotte anglaise, en 1337. La bataille de Crécy eut lieu neuf ans après, en 1346 – à la suite d'une trêve. Il convient de noter, à ce propos, que la question de la Loi Salique, lors de l'avènement de Philippe VI de Valois, n'est que le motif diplomatique de la Guerre de Cent Ans. Il y a des motifs politiques que les historiens font bien ressortir et dont il faut tenir compte. La loi Salique, en effet, fut ratifiée par les Etats Généraux - donc par les représentants de la Nation - pour légitimer l'accession au trône de Philippe le Long, second fils de Philippe le Bel, en 1316. Charles IV, son frère en profita en 1322. Or ce n'est que 12 ans après la promulgation de cette loi, en 1328, à l'avènement de Philippe de Valois, que se remarque chez Edouard III, roi d'Angleterre depuis un an, et âgé de 15 ans, l'idée de revendiquer la couronne de France. Ce monarque était le fils d'une fille de Philippe le Bel. Il eut toutes sortes de difficultés intérieures, auxquelles sa mère fut mêlée. Il dut même l'emprisonner. Philippe de Valois n'était pas étranger aux bouleversements de la Grande Bretagne, et pendant qu'Edouard III cherchait à assurer son trône, on le voyait saisir la Guyenne et la Gascogne. Philippe de Valois faisait une politique de regroupement de la France - au détriment, bien entendu, d'Edouard III. Alors, celui-ci reprit l'idée qu'il avait eue, de revendiquer ses droits à l'héritage des Capétiens. Il leur donna, la forme d'une contestation juridique. Mais on est, alors, en 1333, c'est-à-dire seize ans après la promulgation de la Loi Salique.<o:p></o:p>

    Or, Clément V avait commencé à réclamer la vassalité du roi d'Angleterre, Edouard III. On voit pourquoi : Edouard III réclamait la couronne de France, et excipait du droit féodal. La Loi Salique n'était, somme toute, qu'une interprétation juridique d'un texte de droit coutumier, assez incertain. Le pape français soutenant le roi de France, jetait à la tête du roi d'Angleterre un acte - assurément valable d'après le droit féodal, mais tout autant contestable par la façon dont il avait été signé.<o:p></o:p>

    Innocent VI se lançait à corps perdu dans cette politique. Wiclef rétorquait en attaquant la Papauté - mieux, en suspectant le Dogme de l'Eglise. Ses idées eurent un grand retentissement, et elles furent victorieusement combattues par les princes de la maison de Lancaster. En Angleterre, l'anglicanisme de l'époque de Henri VIII est néanmoins sorti de là. Ses idées trouvèrent un écho en Bohême. Jean Huss en est reconnu comme le continuateur. Or l'empereur d'Allemagne, depuis Charles de Luxembourg, est, en même temps, roi de Bohême. Si on le voit, comme le fait Sigismond, c'est qu'il lui faut à tout prix affermir son autorité. Et s'il en pressent la nécessité, c'est qu'une sourde opposition existe partout dans ses états.<o:p></o:p>

    Pourquoi ? Parce que l'Allemagne est prête, depuis longtemps, à accepter la Réforme, que Luther exposera un jour; parce que déjà, bien avant Jean Huss bien avant même Wiclef, l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen, le fils de Frédéric Barberousse, en conflit avec la papauté, a songé à constituer une autre Eglise, indépendante, retrempée aux sources primitives, et régénérée dans son chef, comme dans ses membres.<o:p></o:p>

    Wiclef avait, en Angleterre, un précurseur, Walter Lollard. Mais celui-ci prêcha surtout en Allemagne. Il fut brûlé vif à Cologne, en 1322. Donc les tendances à une réforme dogmatique avaient pénétré.<o:p></o:p>

    On aperçoit le fil conducteur qui rattache la date de 1378, où, - par hypothèse - Christian Rosencreutz serait venu au monde ; - à cette autre date de 1380 qui marque<o:p></o:p>

    - indubitablement - le début de la Réforme de Luther. Christian Rosencreutz peut n'avoir jamais existé. Il demeure cependant un symbole - celui de la constitution d'un groupe caractérisé comme « chrétien » à cause du nom de Christian, non pas déclaré « catholique » ce qui voudrait dire, à cette époque, partisan du Pape. Ce groupe se distingue par les initiales R.+C., à cause du nom de Rosencreutz et c'est la raison pour laquelle on l'appelle Rose+ Croix, par tradition de nom.<o:p></o:p>

    Luther entoure ses armoiries - déjà fort singulières - d'une devise qui évoque visiblement cette Rose+Croix.<o:p></o:p>

    Jean Trithème est le contemporain de Luther. Il donne ses leçons à Cornélis Agrippa qui crée à Paris, puis, à Lyon, un « sodalitium » - c'est-à-dire un groupe de camarades - qui paraît bien quelque chose dans le genre de la Rose+Croix.<o:p></o:p>

    Luther réforme, mais Jean Trithème essaye aussi de réformer.<o:p></o:p>

    Or voici où tout s'enchaîne. Cornélis Agrippa a eu, comme élève en Sorbonne, Ignace de Loyola ! Et Ignace de Loyola est le fondateur de la Compagnie de Jésus, dont le rôle consiste précisément à. combattre le protestantisme, autrement dit toute réforme religieuse.<o:p></o:p>

    On serait tenté de s'égarer si l'on ne connaissait pas Agrippa. C'est un esotériste au premier chef - mais un ésotériste qui, la plume à la main, ne sait plus comment faire pour ne pas se trahir.<o:p></o:p>

    Certes, il n'est pas commode d'exprimer des vérités de telle façon que, seuls, comprendront ceux qui sont qualifiés. On risque de composer des ouvrages inintelligibles, Agrippa écrit pour ses « élèves » : ceux du « sodalitium ». Il faut que ceux-ci retiennent les leçons, de manière qu'elles leur soient profitables. Alors, il fait des tableaux, - très clairs - où il donne la liste des planètes, des anges, des figures géomantiques, de ce qui est nécessaire aux études. Mais il feint de se tromper par endroits ; il commet des erreurs grossières, faciles à rectifier, - comme le seraient des lapsus. Les élèves, au courant par l'enseignement, corrigent sans peine. Les autres s'y laissent prendre, et c'est ce que l'auteur désire : la « Tradition » paraît embrouillée, quiconque n'est pas en état de la démêler, finira bien par la croire en contradiction avec elle-même. Le Père Kircher en 1652, avec son « Idipus Aegyptiaticus » est bien tombé dans le panneau, en copiant Agrippa. - Kircher (1602-1680) était allemand né à Geysen près de Fulda (en Hesse-Cassel). Il fut d'abord professeur de philosophie et de langues orientales à Wurtzbourg en Bavière ; puis, à cause de la Guerre de Trente Ans, il se retire" en France, chez les Jésuites, à Avignon. Il enseigna ensuite les mathématiques à Rome, vers 1636, et finalement, ayant abandonné tout enseignement, se consacra à ses propres études. On lui attribue l'invention de la lanterne magique. Il fut un des premiers à étudier, en Europe, la langue copte. Il essaya même d'expliquer les hiéroglyphes égyptiens. Il voulut aussi reprendre les travaux de Raymond Lulle. Il mourut à Rome.<o:p></o:p>

    Mais le Père Kircher fut un jésuite - disciple par conséquent de Loyola. Ce simple fait prouve que Loyola n'était pas dans le secret du « sodalitium » sans quoi il eût averti, dès son début, la « Compagnie qu'il fonda sur la butte de Montmartre, en 1534 exactement quatorze ans après le geste de Luther à Wittemberg. Cependant, Loyola - cela se voit par les décisions du Concile de Trente que gouverna dès 1558, son grand ami Lainez -, était un adversaire acharné non seulement de tout ésotérisme, mais encore de ce qui pouvait, de près ou de loin, se rattacher à la Rose+Croix. - Lainez (1512-1566) fut du groupe initial de la Compagnie de Jésus, sous la présidence d'Ignace de Loyola, avec Salmeron, Bobadilla, Françoix-Xavier, Rodriguez, - tous les six espagnols - auxquels s'était joint Pierre Favre, originaire de la Savoie. Lainez rédigea les constitutions de la Compagnie. Il succéda à Loyola comme Général des Jésuites en 1558. Il prit une part active au Colloque de Poissy que Catherine de Médicis avait eu l'idée de réunir en 1561, dans le but d'arriver à une entente entre catholiques et réformés ; mais qui dégénéra en disputes si violentes que les deux partis en devinrent plus ennemis que jamais. On reconnaît que les principales décisions du Concile de Trente - terminé en 1563 - furent prises sous son inspiration.<o:p></o:p>

    Ceci démontre, alors, que les leçons d'Agrippa en Sorbonne, étaient du même genre que ses écrits ; il les noyait, peut-être, dans une phraséologie absconse, mais il laissait percer de telles vérités qu'elles pouvaient paraître bien dangereuses au premier des jésuites.<o:p></o:p>

    Là, on touche au drame. Il serait hors de propos d'insister pour le moment, dans ce livre.<o:p></o:p>

    On devine cependant le rôle de Jean Trithème. Le personnage semble avoir vécu une existence fort simple. Nul ne peut le soupçonner d'avoir été une de ces chevilles ouvrières du mouvement des idées à travers les siècles.<o:p></o:p>

    Et pourtant !<o:p></o:p>

    Les faits sont là, patents, indéniables, contrôlés par l'histoire. Luther et lui ont dû être en relation. Wiclef avait annoncé Luther, avant même que ces mystérieux R.+C. ne songent à se rassembler. Mais Lollard a précédé Wiclef. Est-ce donc que les R.+C. existaient antérieurement à la date indiquée dans la « Fama » ?<o:p></o:p>

    Si le fait se trouvait démontré, cela deviendrait grave. Lollard fut brûlé vif à Cologne en 1322, huit ans après que Jacques Molay, le dernier Grand Maître des Templiers, l'avait été lui-même à Paris.<o:p></o:p>

    Alors ces R.+C. - tous protestants, tous allemands jusqu'à ce que Robert Fludd se fasse connaître - n'avaient-ils pas sur le cœur quelques ressentiments ?<o:p></o:p>

    Là, aussi, on touche au drame. Il serait, aussi, déplacé d'insister.<o:p></o:p>

    Assurément on peut penser que des « Respectables Chevaliers » dont la première association est allemande - si l'on se fie à la description de Rosencreutz - peuvent appartenir à quelque Ordre germanique de Chevalerie. Il y en a deux, dans ce temps-là : celui des Teutoniques et celui des Porte-Glaives. Le premier se trouve en Prusse, le second dans les Pays-Baltes. Ils sont en relations constantes. Ils sont prospères - surtout l'Ordre Teutonique. Pour eux, le moyen-âge persiste. Ils n'ont rien à regretter. On ne voit donc pas la raison qui les inciterait à créer, dans leur sein, une élite spéciale. Au surplus, s'ils pensent à l'avenir, ce n'est pas pour démolir quoi que ce soit, mais plutôt pour construire. Leur histoire le prouve.<o:p></o:p>

    L'hypothèse, à la réflexion, est à abandonner.<o:p></o:p>

    Ce qui l'anéantit, c'est la simple considération du mot entraînant la pensée vers l'Allemagne, quand il s'agit des origines de la Rose+Croix. En latin, Allemagne se dit « Germania ». Mais pourquoi les peuples, résidant dans le, centre de l'Europe, étaient-ils dits « Germani » par les anciens Romains ? Parce que, si on leur demandait qui ils étaient, ils répondaient « Nous sommes Frères ». Ils vivaient en tribus, et dans une tribu, tout le monde est parent. Les latins traduisaient « Germani » -- car c'était leur mot, pour dire « Frères ».<o:p></o:p>

    Dès lors la Germania dont parle le texte latin de la « Fama », veut dire uniquement « La Fraternité ». Il n'y a donc pas lieu de considérer plus spécialement l'Allemagne au début de la Rose+Croix. C'est plus tard que celle-ci devient allemande. Néanmoins, maintenant, avec la réaction contre l'Eglise romaine qu'on constate dans le déroulement des siècles, le fait apparaît logique.<o:p></o:p>

    Et puis - il faut bien le dire aussi - la question de nationalité n'a pas, aux époques qui nous occupent, le même sens qu'aujourd'hui. Au temps des Valois, ce qu'on appelait la France ce n'était qu'un duché. Au-delà de Pontoise, Saint Louis sortait déjà de son royaume ; il prenait l'air de l'étranger. L'Allemagne n'existait pas ; c'était l'Empire Germanique, féodal, donc composé d'une multitude de nationalités diverses.<o:p></o:p>

    C'est qu'il convient de se mettre dans l'atmosphère d'une époque quand on en parle. On commet beaucoup d'erreurs lorsqu'on raisonne du passé en conservant l'esprit du temps présent.<o:p></o:p>

    A vrai dire, il faut avoir une âme de détective pour comprendre l'histoire. Mais, si on l'a, l'histoire devient le plus passionnant des romans policiers ! Avec des comparaisons, avec des rapprochements, on voit dans les six derniers siècles, poindre une émouvante aventure - tragique à tous égards, et véridique en tous points - qui dépasse en intérêt ce que la plus belle imagination peut inventer.<o:p></o:p>

    Ainsi, qu'est-ce que Jean Trithème ? Un modeste écrivain, si l'on ne considère que les ouvrages qu'il a laissés. Un homme assez important, si l'on retient qu'il a été le maître de Cornélis Agrippa et de Paracelse. Cela ne justifie pas encore la réputation que ses contemporains lui ont attribuée.<o:p></o:p>

    Cependant l'enquête fait ressortir un rôle. Alors on voit ce personnage d'une façon bien différente. Jean Trithème apparaît comme le chaînon indispensable du grand drame de l'Humanité<o:p></o:p>

     

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    Pas à pas vers la Vérité

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    Il y a un drame dans l'humanité. Tous ceux que préoccupe la recherche de la « Tradition ésotérique » s'en sont bien aperçus. Le patrimoine intellectuel qu'ils explorent - dont diverses sciences d'un caractère exceptionnel constituent le principal - leur apparaît, à travers les âges, attaqué par les uns, défendu par les autres. La lutte, en certain moment, est âpre : on méprise les astrologues réputés visionnaires, on dédaigne les alchimistes traités de rêveurs, on condamne les magistes qualifiés de sorciers. Cependant l'astrologie donne souvent des résultats ; elle étonne et surprend. On la voit passionner des esprits éminents. Kepler par exemple. On constate que l'astronomie la plus officielle a largement profité des travaux auxquels elle a donné lieu. Pareillement l'alchimie, malgré son "aridité, malgré ses bizarreries, intrigue beaucoup de savants. Ses conceptions sont abandonnées puis reprises ; il en sort la chimie moderne. Mais la magie demeure à l'écart, très énigmatique, très étrange. On ne paraît pas la comprendre ; elle dégénère en pratiques extravagantes ; à elle seule, elle justifie le mépris dont on couvre l'astrologie et l'alchimie ; rien n'en sort.

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    Ce patrimoine des « sciences occultes » est le domaine éloigné du champ de la vie courante, où s'élève la Tour d'ivoire dans laquelle s'exilent les âmes soucieuses d'indépendance.<o:p></o:p>

    Les persécutions - sournoises ou violentes - n'arrivent jamais à abattre cette Tour. Là, se conserve la « Tradition ésotérique ».<o:p></o:p>

    Est-ce que cette ronde enfantine intitulée « La Tour prends garde », n'exprime pas naïvement la lutte sans cesse renouvelée de certaines tendances, qu'on peut appeler profanes, contre le secret de la Tradition ?<o:p></o:p>

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    Aussi loin qu'on remonte dans les siècles, une pareille lutte est constatée. L'élite, qui a la garde de la Tradition, n'a que de rares moments de triomphe ; et même lorsqu'elle semble les avoir, elle n'en profite pas.

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    Il y a des périodes brillantes, - en Egypte, en Grèce, à Rome, avant le christianisme ; en Occident durant le moyen âge - où l'humanité s'épanouit ; où, sans aucun doute, des conceptions élevées se manifestent dans l'art, dans la littérature, dans la philosophie, dans la forme sociale aussi, et où il est indéniable qu'une élite intellectuelle exerce une influence prépondérante. Néanmoins cette élite ne se révèle pas. Il faut la deviner.<o:p></o:p>

    On reconnaît qu'elle existe lorsqu'on la voit persécutée. En Egypte, arrivent les Hicsos ravageurs ; en Grèce il y a la réaction et les lois de Dracon ; à Rome c'est la révolution avec le triumvirat de César, Crassus et Pompée ; au moyen âge et en Occident, les Templiers sont brûlés vifs et les Capétiens s'effondrent, fauchés par la mort.<o:p></o:p>

    Chaque fois le progrès s'arrête, le bonheur des peuples s'évanouit. Il apparaît bien que quelque chose a été anéanti. Néanmoins il y a une reprise. On dirait que le courage dans l'avancement civilisateur ne se perd jamais. Petit à petit le progrès reprend et - de nouveau, toutefois d'une façon différente - la prospérité revient.<o:p></o:p>

    A ce propos le mythe grec de Sisyphe est juste. L'Humanité remonte inlassablement avec beaucoup de peine son rocher au sommet des possibilités et, quand celles-ci sont atteintes, le fardeau retombe soudainement !<o:p></o:p>

    Voilà le drame !<o:p></o:p>

    Les bouleversements du monde ne sont donc que des périodes de sommeil, durant lesquelles l'intellectualité cède la place aux préoccupations matérielles, pour retrouver, plus tard, avec le réveil, un plus bel essor.<o:p></o:p>

    Si, dans un coin retiré, - en une sorte de Tour d'ivoire, miraculeusement intangible, - ne persistait pas toujours une Tradition, conservée jalousement secrète, comment serait-il possible d'assister, chaque fois, à une semblable reprise du progrès intellectuel ?<o:p></o:p>

    La Genèse de Moise attire tout particulièrement l'attention sur ce point. Chacun se rappelle qu'il y est raconté que Noé planta la vigne. D'où venait la vigne, après le Déluge qui avait recouvert la terre, sinon d'une graine de raisin que l'inondation n'avait pas désagrégée ? C'est de cette graine soigneusement préservée, qu'est sortie la tige qui a produit une grappe, d'où Noé a tiré le vin. Or le vin est précisément la substance dont Melchisédech se servira quand il enseignera à Abraham un « mystère » considéré, encore aujourd'hui, comme celui qui relie l'Humanité au Divin. Car le Christ a eu soin .. ainsi que St Jean le fait remarquer - de dire à ses apôtres qu'il était « La vigne » et cela avant même de pratiquer, à son tour, le « mystère du vin ».<o:p></o:p>

    La Genèse et l'Evangile montrent bien que la Tradition demeure impérissable. Une graine en existe toujours quelque part.<o:p></o:p>

    Cependant, lorsque les conceptions secrètes ont permis de donner à la civilisation une allure éclatante, que les temples et les cathédrales s'élèvent avec splendeur dans une ambiance artistiquement ordonnée, ceux qui cultivent ces doctrines si utiles, - « les ouvriers de la vigne » comme dit l'Evangile - qui travaillent pourtant en silence, - qui ne se mettent jamais en avant et demeurent généralement peu connus, - ceux-la se trouvent en butte à d'atroces persécutions.<o:p></o:p>

    Il y a des gens qui s'acharnent à détruire le beau et le bien. Probablement parce que le beau et le bien ne veulent pas vivre sans le vrai.<o:p></o:p>

    Jadis, on voyait là l'antagonisme irréductible d'Ormuzd et Arhiman, - la lutte entre l'esprit du bien et l'esprit du mal ; le combat des forces blanches et des forces noires. En un sens, c'est ainsi que se présente le drame de l'Humanité.<o:p></o:p>

    Or si nous considérons qu'en tout temps la Tradition se conserve dans une « graine », nous pouvons dire que l'enchaînement reliant la pensée civilisatrice se compose, à travers les âges, d'une succession de graines de même genre. Jean Trithème est, alors, si l'on veut, une de ces graines.<o:p></o:p>

    D'après le cours de son existence, il n'a pas d'histoire. Il naît, il est moine puis abbé, il meurt. C'est bien une graine » qui se forme dans un fruit, qui représente même pour la Nature, le principal dans ce fruit et qui finalement disparaît. Mais la graine est génératrice ; Jean Trithème aussi. L'un et l'autre constituent donc un point de départ.<o:p></o:p>

    Ce n'est cependant pas si l'on regarde attentivement les choses, un véritable point initial. Car la graine a une origine : le fruit, où elle se trouve, a été produit par une autre plante, préalablement. On a donc le droit de se demander d'où Jean Trithème tient ce qui - en lui - a un « caractère générateur » et puisqu'on considère une descendance intellectuelle » on a lieu de rechercher une ascendance du même genre.<o:p></o:p>

    Etant donné qu'il y a un drame et que, dans les péripéties de ce drame, on a reconnu la nécessité de préserver la « lignée » dont il s'agit, en la tenant soigneusement à l'écart et dans l'ombre, ce n'est certainement pas devant soi et au grand jour qu'on trouvera cette ascendance.<o:p></o:p>

    Il ne faut donc pas faire de l'histoire à la manière ordinaire - collationner les faits de la vie du personnage et compulser les documents.<o:p></o:p>

    Il convient, au contraire, de procéder comme le font les détectives,           de relever les moindres indices, de repérer une piste et de la suivre tout doucement avec une attention perspicace.<o:p></o:p>

    On connaît la « lignée descendante » de Jean Trithème c'est la Rose+Croix. Quoi qu'on pense de la Rose+Croix, on la prend nécessairement pour un « mouvement intellectuel ». Par conséquent il ne peut être question, en l'espèce, que d'intellectualité, - et encore d'une forme spéciale de penser. La Rose+Croix implique ce que l'on appelle « l'occultisme ». Si, alors, il y a une ascendance à découvrir, la piste qu'on doit suivre à cet effet sera celle qui révélera des indices de ce genre.<o:p></o:p>

    Mais on n'aura que des indices - parce que, du moment où il devient nécessaire de procéder à une « enquête », on ne trouvera plus de faits patents et seulement une série de connexités qui conduiront à des présomptions.<o:p></o:p>

    Si les présomptions constituent un faisceau important dûment lié par la logique impeccable, elle produisent dans l'esprit une clarté telle que la conviction s'imposera.<o:p></o:p>

    La conviction ne suffit pas, sans doute, pour établir une vérité. Celle-ci doit se fonder sur des documents. On reconnaîtra toutefois que - la plupart du temps - les documents utiles eussent passé inaperçus si la conviction n'avait pas attiré l'attention sur eux.<o:p></o:p>

    Il n'y a que de cette façon qu'on peut débrouiller l'histoire de la Rose+Croix et, par le fait, comprendre le rôle,de Jean Trithème. Car on est en présence d'un « mouvement intellectuel » extrêmement secret, déjà fort mystérieux dans la descendance de Jean Trithème, mais plus encore énigmatique dans son ascendance.<o:p></o:p>

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    Les historiens de la Rose+Croix se sont surtout occupés de la descendance de Jean Trithème. Ce qu'on a lieu de leur reprocher c'est précisément qu'ils l'ont étudiée comme si ceux qui y avaient été mêlés n'avaient rien à dissimuler dans leurs actes. Ils ont bien compris que les doctrines rosicruciennes étaient secrètes et, à cet égard, ils ont fait des suppositions dont plusieurs ne manquent pas d'une certaine justesse. Mais ils ont perdu de vue que, si les Rose+Croix étaient si secrets dans leurs écrits, il pouvait en être de même dans leurs actes et que, par conséquent, les documents qui les concernent, sont aussi fallacieux que leurs assertions doctrinales.

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    En France, Sédir s'est montré beaucoup occupé de la question. Il a rassemblé et compulsé un très grand nombre de documents. Finalement, après avoir émis une opinion, assez enthousiaste d'ailleurs, sur les tendances rosicruciennes, il a laissé un fort intéressant ouvrage intitulé « Histoire et Doctrines de la Rose+Croix ». Le docteur Marc Haven avait été, avec lui, un chercheur consciencieux dans le même ordre d'idées et dans le même esprit. Tous deux appartenaient à cette école dite « occultiste » qu'on avait vu apparaître avec Papus, à la fin du XIXe siècle.<o:p></o:p>

    En Belgique, Wittemans a écrit une « Histoire de la Rose+Croix » publiée à Paris en 1925 par les éditions Adyar. Le point de vue adopté est différent ; mais le travail est tout autant remarquable. En Angleterre, Waite a publié . « The Brotherhood of Rosy-Cross » qui a non moins de valeur. L'un et l'autre professent à l'égard du « mouvement rosicrucien une réelle admiration. Ils le parent un peu de leurs propres conceptions.<o:p></o:p>

    En Allemagne et antérieurement au XIXe siècle, des érurits, sans parti-pris ni idée préconçue, tels que Gottlieb Buhle et Salomo Semler ont cherché à donner une physionomie de la Rose+Croix. Ce sont eux qui ont rassemblé les documents avec d'autant plus de facilités et même d'intérêt que, depuis Jean Trithème avec Cornélis Agrippa, Paracelse et leur suite, toute la Rose+Croix apparaît allemande. Sédir, Wittemans et Waite n'ont fait q'utiliser leurs travaux.<o:p></o:p>

    Cette documentation allemande a un défaut, qui est capital en l'espèce. Elle met en parallèle les écrits d'auteurs divers, les admettant à égalité de valeur, sans faire beaucoup de discrimination entre ceux qui sont des adversaires dissimulés de la Rose+Croix et ceux qui en sont des partisans non moins secrets. Les dires des uns et des autres demeurent suspects ; mais pour s'en apercevoir, il eut fallu remonter dans l'ascendance de Jean Trithème et découvrir l'origine du « mystère rosicrucien » ; or ceci n'est pas commode et, en tout cas, ne peut se faire qu'en suivant une « piste » en sens inverse de la descendance.<o:p></o:p>

    D'où une série de contradictions dans l'historique de la Rose+Croix et tellement de vague qu'on ne voit plus bien la filiation directe.<o:p></o:p>

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    Cornélis Agrippa avait fondé au XVIB siècle, en France, à Paris, un « sodalitium ». Ce groupement, très restreint ainsi que son appellation l'indique, doit évidemment se rattacher - du moins par les doctrines qu'il pratique à Jean Trithème, puisque Cornélis Agrippa est L'élève de celui-ci.

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    Mais, depuis le XVIe siècle, qu'est devenue la Rose+Croix , en admettant que ce « sodalitium » en soit le noyau initial<o:p></o:p>

    Il y a de quoi se perdre en conjectures, parce qu'on rencontre des associations rosicruciennes de tous les côtés. Quelles sont les vraies, quelles sont les fausses ? On n'en sait rien.<o:p></o:p>

    On trouve « l'Ancienne Confrérie de la Rose+Croix », fondée en Bavière vers 1541, c'est-à-dire sept ans après la mort de Cornélis Agrippa à Grenoble. On voit aussi « la Rose+Croix d'Or » en Prusse, qui daterait de 1570 ; la « Militia Crucifera Evangelica » à Nuremberg remontant en 1598 ; « l'Asiatische Bruder », « les Frères Moraves », « la Fraternité Rosicrucienne de Hollande ».<o:p></o:p>

    Au XIXe siècle apparaissait la « Societas Rosicruciana in Anglia » en 1877 et sa réplique la « Societas Rosicruciana in America », créée en 1880. Cependant des Allemands avaient, dès 1875, fondé à Chicago la « Fraternitas Hermética ».<o:p></o:p>

    On a connu en France, « l'Ordre Kabbalistique de la Rose+Croix », imaginé en 1888, par Stanislas de Guaïta à l'imitation des Rose+Croix allemands et ainsi teinté de Martinisme, d'où est sorti « l'Ordre de la Rose+Croix du Temple et du Graal », sous l'impulsion de Josephin Peladan, ainsi que le « Groupe rosicrucien de Sédir ».<o:p></o:p>

    Actuellement c'est en Amérique qu'on rencontre le plus de sociétés de ce genre : « Hermetic Order of Golden Daw Templum Rosae Crucis » - en Illinois ; « Hermetic Brotherhood of Light » - en Californie ; « Fraternitas Thesauris Lucis » d'où est issue la « Christian Science » ; « Rosicrucian Fellowship » - à Seattle, à Mount Ecciesia (Oceanside)    , « American Rosae Crucis Society » et aussi « Ancien Mystical Order Rosae Crucis » toutes deux à New York.<o:p></o:p>

    On relevait néanmoins en Hollande et à Hambourg, avant l'établissement du IIIe Reich, le groupement rosicrucien des Frères de Luxor ». En Angleterre Lord Lytton avait fondé l'Ordre des « Frates Lucis », qui eut une scission sous le nom de « Ordo Rosis et Lucis ». En Suisse, Rudolf Steiner avait créé la « Société Anthroposophique » en dérivation de l'Ordre de la « Rose+Croix Esotérique » qui existait en Allemagne. Annie Besant avait eu l'idée en 1912, d'instituer une annexe de la Société Théosophique qui s'appelait à l'origine : « Ordre du Temple de la Rose+Croix » et qui devint ensuite, après la première Guerre Mondiale, l'ordre de « l'Etoile », puis fut dissous en 1929.<o:p></o:p>

    Comment s'y reconnaître ?<o:p></o:p>

    La descendance rosicrucienne de Jean Trithème - ou d'autres - est bien éparse, bien diffuse. Elle ne ressemble nullement à un arbre généalogique. Encore - puisqu'il s'agit d'une filiation intellectuelle et non pas d'une véritable famille - un arbre généalogique ne ferait-il jamais apparaître des ramifications certaines, mais seulement des divergences dans un apparentement assez factice.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions, ce qu'on appelle l'Histoire de la Rose+Croix prend plutôt l'allure - soit dit pour parodier Bossuet - de l' « Histoire des Variations des Sectes rosicruciennes » !<o:p></o:p>

    C'est une multitude de « sectes » sans cohésion entre elles. Leur ensemble représente cependant un « mouvement » mystérieux dans ses tendances comme dans ses origines. - Certains ont même été tentés par les apparences d'englober dans ce « mouvement » la Franc-Maçonnerie. Cette institution n'a rien à voir avec la Rose+Croix. On peut bien admettre que quelques-uns de ses fondateurs au XVIe siècle passaient pour Rose+Croix. Ceci ne prouverait rien, car nul ne sait si la secte rosicrucienne à, laquelle on les suppose appartenir était authentiquement descendante d'un ancien Ordre que, par hypothèse, on dit avoir existé. Le fait qu'un grade maçonnique implique le titre de « Chevalier Rose+Croix » n'est, après tout, qu'un trompe-l'oeil.<o:p></o:p>

    Les tendances rosicruciennes ont leur mystère, parce qu'elles impliquent des doctrines en corrélation avec l'inconnu de la Nature, qu'elles se rapportent ainsi à l'astrologie et au secret des déterminations humaines, à l'alchimie et à l'énigme de l'intimité de la Matière ; à la magie enfin et à l'arcane obscur qui relie la Création au Divin. Ce sont, pour tout dire, des tendances « occultistes ».<o:p></o:p>

    Les origines ont tout autant de mystère, parce qu'elles comportent un symbolisme dans lequel chacun, selon le point de vue qu'il adopte, peut trouver à satisfaire ses conceptions ou ses sentiments.<o:p></o:p>

    Aucun symbolisme n'est clair. Tout symbole cependant est précis. Mais il faut savoir comprendre le sens indiqué, et pour cela, il devient indispensable de n'avoir aucune idée préconçue, aucune conception préalable aucun sentiment a priori.<o:p></o:p>

    L'appellation de Rose+Croix date du XVIIe siècle. Donc de deux cents ans après Jean Trithème. Il demeure indéniable qu'elle a un caractère symbolique, tout le monde s'en est aperçu. D'abord il apparaît inutile d'y chercher une évocation quelconque des doctrines que Jean Trithème a pu inculquer à Cornélis Agrippa et que celui-ci a probablement enseignées dans son « sodalitium ».<o:p></o:p>

    Le document initial, en l'espèce, est la « Fama Fraternitatis Rosae Crucis ». Peu importe son auteur, Valentin Andreae ou un autre, il existe, c'est le principal il est écrit d'une façon invraisemblable dans un style méandreux ; il raconte la vie extraordinaire d'un personnage problématique ; on peut donc - à bon droit - en inférer qu'il est symbolique.<o:p></o:p>

    Si cela est, Christian Rosencreutz constitue un symbole dont il s'agit de dégager le sens.<o:p></o:p>

    On doit retenir, avant tout, que Valentin Andreae a bien été soupçonné d'être l'auteur de la « Fama Fraternitatis » mais qu'il s'en est énergiquement défendu et que, toutefois, malgré cela, il demeure celui qui a popularisé le nom du personnage principal de ce livre par « Les Noces Chimiques de Christian Rosencreutz », ouvrage célèbre à cet égard, indéniablement écrit par lui.<o:p></o:p>

    Déjà on se heurte à quelque chose qui n'est pas clair.<o:p></o:p>

    L'ouvrage de Valentin Andreae porte le titre de « Chymishe Hochzeit Christiani Rosencreutz, anno 1456 ».<o:p></o:p>

    Il est allemand. Il fut publié à Strasbourg en 1616 et eut la même année, trois éditions. Une traduction anglaise parut en 1690 et une traduction française en 1928 chez l'éditeur Chacornac à Paris.<o:p></o:p>

    Valentin Andreae était natif d'Herrenberg dans le Wurtemberg. Sa réputation comme théologien protestant lui valut le surnom de « second Luther ». Il fit connaître la « Fama Fraternitatis » et « la Confessio » en les publiant en 1614 à Ratisbonne. Mais il affirma aussitôt que ces opuscules réunis étaient l'ceuvre de trente philosophes anonymes du Wurtemberg, sous la direction d'un certain Christoph Hirsch, pasteur à Eisleben.<o:p></o:p>

    Plusieurs érudits allemands, Herder, Sperber, Kazauer, assurent que la « Fama » et la « Confessio » circulaient en manuscrit dès 1610, donc six ans, au moins, avant l'impression.<o:p></o:p>

    L'attitude de Valentin Andreae, à l'égard de cette Rose+Croix dont il a bien l'air d'être le révélateur, paraît assez étrange. Après avoir publié ses « Noces Chimiques de Chris han Rosencreutz » et la même année, 1616, il fit paraître sous le pseudonyme, positivement translucide de « Andreas de Valentia » un livre curieux où il attaquait avec une extrême violence les Rose+Croix ! Ce livre était intitulé « Turbo », ce qui veut dire « Le Trouble », - effectivement il jette le trouble à la fois dans la Rose+Croix et dans la sincérité de Valentin Andreae.<o:p></o:p>

    Cherchait-il à donner le change ou bien n'était-il qu'un simple arriviste ?<o:p></o:p>

    Il avait un oncle, Jacob Andreae qui était surintendant en Wurtemberg, à Herrenberg même. Il jouissait de la protection du duc de Brunswick. Il fut abbé de Babenhausen, en Bavière. C'est donc bien possible qu'il chercha à conserver l'estime de sa famille autant que l'amitié des grands et qu'il s'empressa de répudier certaines convictions qui pouvaient le gêner dans sa carrière.<o:p></o:p>

    Il déclara, en effet, qu'il avait composé les « Noces Chimiques » à l'âge de seize ans et que ce n'était là qu'un « ludibrium », autrement dit une farce !<o:p></o:p>

    Bien que les « Noces Chimiques » soient conçues dans un symbolisme confus et dans un style assez lourd, elles montrent une instruction ésotérique qu'on n'a pas, généralement, à l'âge de seize ans. En outre, l'auteur place l'aventure qu'il relate à une date qui est 1459 où par conséquent, Christian Rosencreutz, dont la naissance selon la « Fama », remonte à 1378, aurait eu quatre-vingt un ans Même si des noces sont chimiques et ainsi symboliques, il faut convenir qu'on ne se marie pas à cet âge.<o:p></o:p>

    Ainsi Valentin Andreae paraît bien un homme qui, pour ainsi dire, a semé à pleins bras le mystère dans le champ de la Rose-+Croix !<o:p></o:p>

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    Si le personnage de Christian Rosencreutz n'a été imaginé par les rédacteurs de la « Fama » que pour indiquer un point de considération « Chrétien R+C », à la date de 1378 - où il serait né, - on ne doit pas s'attarder à en chercher les raisons par les documents en question, ni par l'esprit qui pouvait animer ses auteurs, ni même par les circonstances qui incitent à douter de son sérieux ou de son authenticité. Il faut raisonner d'après le symbole donné.

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    Un principe hermétique consiste à établir des documents symboliques dont le sens est déjà trompeur, dont l'auteur se dissimule de manière à rendre sa personnalité imprécise et dont le sérieux comme l'authenticité paraissent très contestables.<o:p></o:p>

    Indéniablement quiconque n'est pas « averti » perdra son temps à discuter le document, à moins de s'y fier aveuglément et de prendre à la lettre les assertions qu'il contient. Mais dans l'un et l'autre cas, il y a, chez l'analyste, une grande part de naïveté et, parfois même de prétention. Or tout hermétiste exploite la naïveté et la prétention de ses lecteurs. Ainsi il conserve, à l'usage des seules personnes averties », les vérités qu'il désire faire connaître.<o:p></o:p>

    Inutile donc d'analyser un document hermétique - soit pour le critiquer, soit pour s'y conformer. Or ici, l'on est précisément en présence d'un document - « La Fama Fraternitatis » - qui prétend montrer les origines d'un « mouvement » que l'hermétisme caractérise sans conteste. En effet la Rose+Croix a été plutôt alchimique donc hermétique.<o:p></o:p>

    Le document est incompréhensible - tout au moins mystérieux et assez invraisemblable. Sans chercher à le comprendre, sans vouloir élucider son mystère, ni même se perdre en conjonctures sur la vraisemblance des événements qu'il expose, dégageons uniquement le point principal.<o:p></o:p>

    C'est d'ailleurs, ce qui saute aux yeux : Christian Rosencreutz naît en 1378.<o:p></o:p>

    Admettons l'hypothèse : quelque chose a pour origine la date de 1378. Nous disons quelque chose et non pas quelqu'un, car à supposer que le personnage désigné ait réellement existé, il est le « fondateur » de quelque chose - qui porte le nom de Rose+Croix. Or c'est de la Rose+Croix dont nous nous occupons.<o:p></o:p>

    Si la Rose+Croix a pour initiales R+C, ces lettres correspondent à Rosencreutz, alors que Rosen peut se traduire par « Rose » et Creutz par « Croix ». Dans ces conditions Christian voudra simplement dire « Chrétien » parce que Christian est un prénom et tout prénom a pour effet de distinguer un individu dans une famille, -- comme tout qualificatif sert à caractériser une chose dans un ordre d'idées.<o:p></o:p>

    Si maintenant, pour cette « chose » indiquée, la date d'origine est 1378, voyons ce qui se passait en ce temps là - dans le monde européen, puisque le document est écrit en des langues européennes. - La « Fama » et la « Confessio » ont été publiées en allemand, en latin, enfrançais, en espagnol.       Ces opuscules ont été souvent réédités ensemble ou         séparément. - C'est presque la fin            du règne de Charles V en France, qui mourut en 1380 et Edouard III est mort en 1377, un an avant la naissance de Christian Rosencreutz.<o:p></o:p>

    Ceci fixe les idées. La première période de la Guerre de Cent Ans est terminée : elle va de 1337 à 1377. Point n'est besoin de nous appesantir en considérations sociales ou politiques. Après Crécy, après Poitiers, la « gendarmerie française », comme disent les historiens, est reconnue militairement parlant, comme dénuée de valeur combative. Ces chevaliers, encore si brillants, ont assurément beaucoup de courage, mais fort peu de discipline militaire, en tout cas leur rassemblement sur le champ de bataille ne constitue pas une troupe, ne procède d'aucune tactique, n'est conduite par aucune stratégie. Charles V a bien eu l'idée d'un système de guerre à la fois simple et rusé, qui a, sans doute, neutralisé l'envahissement anglais, mais qui n'a pas le caractère d'une véritable stratégie.<o:p></o:p>

    Combien de fois durant ces dix ans de guerre n'a-t-on pas eu l'occasion de regretter l'ancienne Chevalerie - celle qui, avec l'Organisation militaire des Templiers, par exemple, donnait aux « gens d'armes » en marche, l'aspect d'une véritable troupe ? - Ce qu'on connaît des Templiers, c'est leur règlement militaire. Il est pris ordinairement pour la « Règle de l'Ordre », suivant un manuscrit conservé à la fois dans les Archives Départementales de Dijon, ainsi qu'à Paris et à Rome. L'examen de ce manuscrit fait ressortir qu'il représente le « Statut Hiérarchique » des Templiers. Il a été imprimé et publié. Il est en français. A tout bien considérer, il a un caractère militaire et nullement ésotérique. Mais il est curieux de remarquer que l'organisation de la hiérarchie militaire des armées modernes, dont on dit qu'elle date de Gustave Adolphe et de la Guerre de Trente Ans, - XVIIe siècle - se trouve entièrement calquée sur le règlement des Templiers.<o:p></o:p>

    Alors les initiales R.C. pourraient bien vouloir dire « Respectables Chevaliers » - mais avec la qualité de « chrétien », ce qui place toute considération sur le terrain confessionnel, donc spirituel, donc philosophique. Le point de vue social, de même que le point de vue politique demeurant hors de cause, en l'espèce.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions, lorsque nous pensons que « le sodalitium » de Cornélis Agrippa -- plus tard -- est susceptible de présenter un caractère rosicrucien, nous devons convenir qu'il se rattache par ses doctrines aux idées des « Respectables Chevaliers » de 1378.<o:p></o:p>

    Nous ne savons rien de ces idées, particulières à certains esprits au temps où la Guerre de Cent Ans était racontée par Froissart. Par contre les doctrines de Cornélis Agrippa nous sont bien connues : elles ont cependant près de deux siècles de plus.<o:p></o:p>

    Toutefois Froissart, lui-même, est un personnage bien suspect. On le prend uniquement, en général, pour un simple chroniqueur. Certes, à cet égard, il est exact et véridique. Mais le tableau qu'il fait des événements est plein de mouvement brillant de couleurs, splendide d'entrain. C'est charmant, - trop peut-être - car on devine beaucoup de malice sous la phrase, intentionnellement alambiquée avec une naïveté souriante. L'homme a énormément de talent il sait bien des choses qu'il ne veut pas dire et à peine effleurer.<o:p></o:p>

    Or sa propre histoire est bien curieuse. Elle apparaît à travers ses récits. D'origine, il est flamand, natif de Valenciennes, vers 1337. On l'a connu chanoine et trésorier de l'église collégiale de Chimay ; mais il a vécu, à l'époque de Charles V, une existence extraordinairement instable. On le trouve partout : à la Cour de Philippe de Hainaut, à celle du roi d'Angleterre où il raconte de « beaux dicties et traités amoureux » ; à Milan où il fréquente Boccace ; dans le Hainaut encore, à Lestines, dont il obtient la cure ; puis chez Wenceslas, duc de Brabant ; chez le comte de Blois ; chez Gaston Phebus qui est comte de Foix ; enfin deux fois à Avignon, de là en Auvergne et à Paris ! En l'espace de deux ans il visite le Cambresis, le Hainaut, la Hollande, la Picardie, l'Ile-de-France, le Languedoc, encore Paris, Valenciennes, Bruges, la Zélande et de nouveau son pays. C'est affolant ! Toute sa vie, comme sa chronique, n'est qu'une longue chevauchée : Froissart est le Chevalier errant de l'histoire ! - Froissart ne s'arrêtait guère. Il trottinait par les chemins rocailleux en toute saison, en tout temps, sur son cheval gris, avec sa mallette en croupe et son lévrier en laisse. Il se laissait rattraper des cavaliers plus rapides, tels Messire Espaing du Lieu, dans les Pyrénées, qui chevauchant côté à côte, qui racontant maints détails, maints souvenirs qu'il note aussitôt avec son écritoire placée dans les arçons de sa selle. Le soir, à l'hostellerie, il ajoute quelques pages à son énorme livre.<o:p></o:p>

    Une telle vie est évidemment très pittoresque. Qu'elle ait plu à celui qui l'a vécue, on doit le croire ; sans quoi il ne, l'aurait pas poursuivie si longtemps, car il n'est mort qu'à soixante-treize ans, en 1410. Néanmoins, on peut se demander pourquoi il n'a cessé d'aller de côté et d'autre, bravant les intempéries, méprisant tous les dangers, supportant toutes les fatigues.<o:p></o:p>

    Est-ce que, par hasard, Froissart n'était pas quelque « agent de liaison » entre certaines personnes, disons, certains Chevaliers qui, pour des raisons qu'on imagine volontiers, ne pouvaient ou ne devaient pas s'éloigner beaucoup de leur résidence habituelle ?<o:p></o:p>

    Froissart, en ce cas, ressemble à ces fameux pèlerins du moyen âge qui prétendaient toujours venir de la Terre Sainte et qui n'y avaient parfois jamais été, mais que les châtelains accueillaient avec bienveillance, selon l'arrangement spécial des coquilles dont s'ornait leur manteau. - La « pellerine » ou manteau de pélerins était noire ; les coquilles dites de Saint-Jacques sont blanches et presque rondes. Il devenait très facile de faire arrangement de points blancs sur noir qui représentait un ou plusieurs signes conventionnels.<o:p></o:p>

    Son existence, alors, prendrait l'allure d'un « ludibrium » comme dira Valentin Andreae, trois siècles plus tard, en parlant de ses propres ouvrages. Il y a de la « farce » dans toute cette affaire. Et les « farceurs » cachent la vérité en ayant l'air de fantaisistes !<o:p></o:p>

    Cornélis Agrippa, qui vit longtemps après Froissart, n'est pourtant pas un fantaisiste. On verra même qu'il ne sait pas très bien dissimuler ce qu'il doit taire.<o:p></o:p>

    Il est allemand, né à Cologne en 1486 - c'est-à-dire 76 ans après la mort de Froissart. Sa nationalité importe peu, parce que les questions de nationalités n'entrent pas en ligne de compte pour l'instant. D'ailleurs son ancestralité est probablement italienne. Il s'appelle, en réalité Cornéli von Nettesheim et Agrippa serait son pseudonyme. Or le patronyme de Corneli est italien, plus particulièrement même toscan. Des familles Corneli existent actuellement en Corse. Ce sont des homonymes. - Parce qu'il vient à Paris où il enseigna à la Sorbonne et que, dès 1524, il se fixa à Lyon pour exercer la médecine, qu'il fut le médecin particulier de Louise de Savoie, mère de François 1er, on l'appela, en France, Cornélis Agrippa. C'était jadis, la coutume d'ajouter un « s » aux noms italiens de famille pour en marquer le pluriel : on a donc dit Cornélis comme Médicis. Par la suite on prit Corneli pour un prénom et on le traduisit par Corneille. - Il y a un saint Corneille, pape et martyr, sa fête est le 16 septembre.<o:p></o:p>

    Cornélis Agrippa était de sept ans plus jeune que Paracelse.<o:p></o:p>

    Celui-ci d'ailleurs, dont le nom, Bombast von Hohenheim., a bien un caractère germanique, était Suisse. Il avait vu le jour à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz en 1493. Il habita Bâle où il enseigna la médecine.<o:p></o:p>

    Mais tous deux, malgré leurs origines et les pays où ils ont vécu, doivent se considérer comme allemands. Ils le sont, avant tout, par le fait qu'ils ont puisé les principes de leur savoir auprès de Jean Trithème à Spanheim.<o:p></o:p>

    Dès lors, la Rose-Croix, dont l'un et l'autre sont indéniablement les précurseurs, en raison des doctrines qu'ils ont propagées, peut apparaître allemande. Beaucoup l'on cru. Toutefois par la date de 1378, avec le symbole de Christian Rosencreutz, si l'on examine attentivement les faits et si l'on sait lire entre les lignes de Froissart, elle n'est pas - à l'origine - vraiment allemande. Pour tout dire, elle n'a pas de nationalité définie.<o:p></o:p>

    Ce qui trompe, c'est que, depuis Cornélis Agrippa et Paracelse, la plupart de ceux que l'on reconnaît comme Rose-Croix, durant un siècle, sont allemands : Henrich Kunrath - 1560-1615 - chimiste et médecin qui écrit le célèbre « Amphitheatrum Sapientae Aeternae » ; Jacob Boehme - 11574-1624 - le grand philosophe mystique dont le « De Signatura Rerum » traité d'alchimie et le « Mysterium Magnum » est empreint du meilleur ésotérisme ; Michel Maier - 1558-1622 - plus jeune que le précédent, qui fut le médecin de l'Empereur Rodolphe II de Habsbourg, lequel lui décerna le titre de comte palatin et qui, par son Apologeticus » comme son « Themis Aurea », se montra l'ardent défenseur des Rose+Croix ; Valentin Andreae aussi - 1586-1654 - dont on a vu, précédemment, l'attitude singulière.<o:p></o:p>

    Certes, il y a bien un Belge, J.-B. Van Helmont – 1577-1644 - qui professa la chirurgie à Louvain mais qui fréquenta la Bavière où il connut, dit-on, des Rose-Croix. - J.-B. Van Helmont est l'inventeur du gaz d'éclairage. Il le dénommait le « gaz ». On l'oublie généralement car son invention, longtemps considérée comme une rêverie alchimique, n'eut d'application pratique qu'au cours du XIX° siècle. Mais son laboratoire, à Vilvorde, près de Bruxelles, était éclairé par la flamme d'un « esprit » appelé « gaz », extrait de la houille. Son fils, F.-Mercure Van Helmont, qui était alchimiste et, malgré la bizarrerie de son existence, publia ses oeuvres, en indique le procédé de fabrication d'une façon précise dans le « Principia Philosophiae Antiquissimae et Recentissimae » - Amsterdam 1690. - On confond souvent le père et le fils.<o:p></o:p>

    Un Français, Barnaud - 1535-1601 qui paraît s'être beaucoup agité, voyageant à travers l'Europe, sans toutefois léguer à la postérité une réputation comparable à celle des autres « Rose-Croix ».<o:p></o:p>

    Puis, si l'on tient à être complet, on doit ajouter à cette liste, Jean Amos Comenius, en réalité Koinensky -1592-1671 - qui était de Moravie, appartint à la secte des « Frères Moraves », s'occupa, toute sa vie, de perfectionner les méthodes éducatives en divers pays d'Europe et eut un grand succès avec un petit ouvrage intitulé « La porte des langues », lequel à la réflexion révèle un grand sens des principes ésotériques.<o:p></o:p>

    On remarquera que Kunrath, Boehme, Maier et aussi J.-B. Van Helmont sont presque contemporains. L'aîné est Michel Maier, mais Kunrath le suit à deux ans près ; tandis que Jacob Boehme a seize ans de moins que Maier et J.-B. Van Helmont est plus jeune de trois ans que Boehme.<o:p></o:p>

    Il y a donc deux « promotions » comme on dit en style d'école ; celle de Maier et Kunrath ; puis celle de Boehme et J.-B. Van Helmont. A quoi s'ajoute une troisième, celle de Valentin Andreae, puisque celui-ci a neuf ans de moins que J.-B. Van Helmont, on peut y rattacher, si l'on veut, Comenius qui est de six ans le cadet d'Andreae.<o:p></o:p>

    Cependant le Français Barnaud, pour le cas où l'on désirerait en tenir compte, demeure à part et antérieur à Michel Maier : il est de vingt-trois ans plus jeune que celui-ci.<o:p></o:p>

    Ces considérations bien simples paraissent avoir échappé aux historiens de la Rose-Croix. La raison en est qu'ils s'occupent plus des idées émises par les personnalités que de l'existence vulgaire d'un auteur ou l'on peut apercevoir des contacts, généralement inévitables, qui, s'ils ne créent pas le fond des idées, car celles-ci peuvent bien être personnelles, donnent tout au moins une forme spéciale à la façon dont elles sont exprimées.<o:p></o:p>

    Ici, nous sommes en présence de gens qui ont tous - hormis Barnaud - une très belle réputation de savants. On les discute, sans doute ; mais, par cela même, ils sont en vue.<o:p></o:p>

    Donc, à supposer qu'ils n'aient eu aucune camaraderie de jeunesse et d'école, ce qui demeure incontestable pour la plupart, on est en droit d'admettre que d'une façon ou d'une autre, directement ou indirectement, ils ont eu des relations entre eux, plus ou moins étroites, plus ou moins suivies.<o:p></o:p>

    C'est cela, la Rose-Croix, après Cornélis Agrippa et Paracelse.<o:p></o:p>

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    Notons que, des deux premières promotions, Michel Maier meurt presque le dernier, en 1622, deux ans avant Jacob Boehme. Il est le défenseur de la Rose-Croix. Bien placé, bien en cour, grand chimiste, grand médecin, doté par faveur impériale d'un titre de noblesse qui, à cette époque, présente une grande valeur, il a assurément une certaine influence, peut-être sous des dehors modestes, peut-être d'une façon occulte, mais alors d'autant plus prépondérante. - Rodolphe II de Habsbourg, fils de Maximilien II, auquel il succéda, passe pour s'être beaucoup occupé d'alchimie et d'astrologie. Il a été roi de Hongrie en 1572, puis aussi roi de Bohême en 1575 et finalement empereur d'Allemagne en 1576. Il fut détrôné en 1611 alors que Michel Maier avait 53 ans. C'est lui qui pensionna Tycho Brahé, le célèbre astronome danois, lequel connut beaucoup Képler. Il fit rédiger par ces deux savants les « Tables rodolphines », auxquelles - lui-même - il collabora. Mais comme monarque, il a été très critiqué. Les troubles de l'Allemagne qu'il ne sut pas maîtriser, amenèrent la Guerre de Trente Ans.

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    Les soixante-quatre années de sa vie se passent au milieu de l'agitation en Europe, perturbations d'Allemagne qui finissent par entraîner en 1618, quatre ans avant sa mort, la Guerre de Trente Ans, durant laquelle le protestantisme va lutter pour la liberté de conscience ; perturbations de France qui, depuis l'avènement de François II en 1559 jusqu'à l'Edit de Nantes, donné par Henri IV en 1598, déchaînent d'atroces haines politiques pour des motifs confessionnels , perturbations d'Angleterre qui, avec le règne d'Elisabeth en 1558, débutent au retour de Marie Stuart dès 1561, qui occasionnent les sévères rigueurs de la « Cour de Haute Com-mission » à l'égard des non-conformistes, après la lutte héroïque contre Philippe II, défenseur du catholicisme et qui ne se terminent pas avec Jacques 1er Stuart. quand celui-ci succède à Elisabeth, en 1603, car on vit, alors, la Conspiration des Poudres ».<o:p></o:p>

    Quand on trouve que Michel Maier était un rigide protestant il n'y a pas lieu de s'en étonner.<o:p></o:p>

    Quand on apprend qu'il a été, en Angleterre, trouver Robert Fludd et qu'il a eu avec lui de longs entretiens, on peut facilement deviner de quoi tous deux ont parlé.<o:p></o:p>

    Robert Fludd avait quatre ans de plus que lui. Il était né dans le comté de Kent en 1554. Il avait la réputation d'être « l'homme le plus érudit de son temps », au dire même de ses contradicteurs tels que le célèbre Gassendi - un français malgré son nom, natif des environs de Digne. Il fut professeur à l'université d'Oxford et ses ouvrages, surtout « Utriusque Cosmi Historia » traitent de toutes les sciences, comme à son époque, même de stratégie, mais aussi d'astrologie, de géomancie, de Kabbale. C'est incontestablement un très grand savant. Il est l'inventeur du thermomètre - ce qu'on ne sait guère. Pourtant ses ouvrages ont été pillés sans vergogne et beaucoup se sont parés de ses découvertes ou de ses hypothèses scientifiques sans le citer. Le philosophe Kant a puisé chez lui sa fameuse théorie des « catégories de l'intelligence » en oubliant de le dire !<o:p></o:p>

    Les critiques ne peuvent, d'ailleurs, pas facilement s'en apercevoir car ses écrits paraissent avoir été détruits : on n'en trouve que quelques volumes au British Museum de Londres et à la Bibliothèque Nationale de Paris ; les autres sont disséminés à travers le monde chez des particuliers et valent des fortunes. - En 1907 P.V. PIOBB a traduit le « De Astrologia » de Robert Fludd, extrait du Traité du Macrocosme, seconde partie de « Utriusque Cosmi Historia » qui existe à la Bibliothèque Nationale de Paris. Quelques années après sa publication, cette traduction était épuisée et introuvable. Il en est de même de « De Geomancia » publié en 1947, traduction de P.V. PIOBB, faisant aussi partie de « Utriusque Cosmi Historia » de Robert Fludd. Ce second livre est aussi introuvable. Il a été publié 5 années après la mort de P.V.PIOBB.<o:p></o:p>

    On dit que Robert Fludd était Rose+Croix. On n'en sait rien, au juste. On le suppose, en raison de ses écrits et aussi en considération de la visite que Michel Maier paraît bien lui avoir faite.<o:p></o:p>

    Or Francis Bacon était né sept ans après Robert Fludd. Celui-là est un personnage extraordinaire - de toutes façons. Comme savant il dépasse tous les autres, si étonnants qu'ils soient. Comme philosophe, comme écrivain, il paraît un véritable génie ; comme homme politique il a un rôle énorme sous le règne de Jacques 1er. Il fut chancelier de Grande-Bretagne.<o:p></o:p>

    Il est aussi l'auteur du Théâtre de Shakespeare, alors cela devient un comble !<o:p></o:p>

    Mais peut-être que c'est vrai. Le mystère de sa vie n'a été révélé que dans le cours des années 1916 et 1917 ; néanmoins d'une façon impressionnante, en diverses revues anglaises et américaines, bien que les doutes, qui avaient toujours existé à cet égard, paraissent bien dissipés.<o:p></o:p>

    Francis Bacon, d'après les biographes ordinaires, serait né en 1561 de Nicolas Bacon, Garde des Sceaux d'Angleterre au temps de la reine Elisabeth.<o:p></o:p>

    Shakespeare, originaire du comté de Warwick, est né en 1563 ou 1564, on ne sait pas au juste, à Stratford-sur-Avon, d'un marchand de laines. Il n'eut qu'une éducation très imparfaite et mena une vie assez vagabonde.<o:p></o:p>

    Francis Bacon, au contraire, reçut une instruction très poussée et ne cessa de travailler toute sa vie, en approfondissant constamment la philosophie, les sciences et la totalité du domaine dit « occultiste ». Dans son « Novum Organum » et sa « Nova Atlantis », il a des vues prodigieuses sur la physique, la chimie, même l'histoire.<o:p></o:p>

    Par comparaison il y avait doute sur l'authenticité de la signature de pièces de théâtre telles que Hamlet, Macbeth, Richard III ou la Mégère Apprivoisée. Ou Shakespeare était miraculeusement érudit, tout d'un coup, lorsqu'il écrivit ses drames, ou il n'avait fait que les signer. Car Shakespeare n'était qu'un acteur bien peu lettré.<o:p></o:p>

    Mais de patients spécialistes ont eu leur attention attirée par diverses particularités de la typographie dans les premières éditions des oeuvres de Shakespeare. Ils ont découvert une cryptographie très dissimulée et l'ont traduite.<o:p></o:p>

    Francis Bacon serait ainsi le dramaturge Shakespeare. Il aurait non seulement daté et signé cryptographiquement chacune des pièces qu'on attribue à l'acteur devenu célèbre, mais encore il aurait fait connaître un important secret d'Etat, qui est le secret de sa naissance.<o:p></o:p>

    Il déclarerait formellement selon la restitution de certaines de ces annotations dissimulées, qu'à la mort de la reine Elisabeth, il détenait « tous les droits à la couronne d'Angleterre et d'Irlande ».<o:p></o:p>

    Ainsi il serait un Tudor. Et le successeur d'Elisabeth fut un Stuart. Dans ces conditions, tous les doutes à l'égard du Théâtre de Shakespeare pouvaient bien avoir été dissipés ; jamais on ne permettrait officiellement de laisser dire que la cryptographie découverte révélait les secrets de Francis Bacon. - L'humour anglais a tranché la question : Il n'y a plus outre Manche de Shakespeare. Il y a ShakesBacon et comme ceci veut dire, en langage courant « agite le lard », chacun rit des scrupules officiels !<o:p></o:p>

    Donc le fait n'est pas enseigné dans les écoles. Nous sommes au XXe siècle et les mystères historiques pèsent toujours sur nous !<o:p></o:p>

    Sont-ce, là aussi, des mystères rosicruciens ? Peut-être bien également. Car Robert Fludd et Francis Bacon, sont tout à fait contemporains. Il demeure hors de doute qu'ils se sont connus. Alors, si Michel Maier a eu des conversations avec Robert Fludd, celles-ci ont été portées à la connaissance de Francis Bacon.<o:p></o:p>

    Et si l'on savait lire car lire est un art - parfaitement bien « Shakes-Bacon » on comprendrait beaucoup de choses !<o:p></o:p>

    Cependant, en ce cas, il faut admettre que les deux promotions allemandes qui comprennent Maier avec Kunrath et Boehme avec J.-B. Van Helmont ont une réplique anglaise dans laquelle se rangent Robert Fludd et Francis Bacon.<o:p></o:p>

    Quand on recherche la Tradition, en suivant attentivement la piste descendante depuis Jean Trithème, ce n'est pas une pluralité, mais une unité que l'on découvre.<o:p></o:p>

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    Il n'y a donc aucun « courant anglais » comme on l'a cru, parce qu'il n'y a pas de spontanéïté dans la manifestation des principes sur lesquels repose ce qu'on appelle la Rose-Croix.

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    Les idées qu'ont popularisées, à cet égard, Eliphas Levi - Eliphas Levi n'était nullement juif, soit dit pour préciser. Il fut prêtre catholique et se sépara de l'Eglise pour se livrer uniquement à ses études ésotériques. Il s'appelait Alphonse Louis Constant ; afin de prendre un pseudonyme, il traduisit Alphonse par Eliphas et Louis par Levi. D'ailleurs, on peut noter que les juifs occultistes ont été très rares dans les temps modernes. On ne pourrait guère citer que A. Franck qui a écrit sur la Kabbale. Encore cet ouvrage, quoique très remarquable, est-il conçu dans un esprit peu constructif. Jadis il y eut un certain nombre de Kabbalistes juifs, dont beaucoup ont de la valeur. Mais dans « le mouvement rosicrucien » aucun juif n'apparaît à travers les âges et les théories de Guaïta, en la seconde moitié du XIXe siècle, ne sont justes que dans la mesure où elles reflètent celles -qui, somme toute, dérivent de Jean Trithème en passant par Cornélis. Agrippa et Paracelse, ainsi que leurs successeurs allemands et anglais.<o:p></o:p>

    Mais avec le contact qu'eut Michel Maier avec Robert Fludd, naît sans doute une sorte d'orientation anglaise dans les tendances qui peuvent s'attribuer à la Rose-Croix, quand on-prend. celle-ci pour autre chose qu'elle n'a été.<o:p></o:p>

    C'est ce qui fait illusion.<o:p></o:p>

    Le sujet, on s'en aperçoit très vite, présente un tel caractère énigmatique que les illusions sont excusables. Elles guettent l'enquêteur à chaque pas.<o:p></o:p>

    Or, en descendant la lignée depuis Jean Trithème, nous avons atteint Francis Bacon et le XVIIe siècle, puisque cet illustre personnage meurt en 1626 alors que Richelieu, ministre de Louis XIII combat les protestants dans les Charentes. - La prise de l'île de Ré est de 1626 et celle de La Rochelle eut lieu en 1628.<o:p></o:p>

    Gardons-nous de dépasser ce point pour le moment. Revenons, au contraire, à Jean Trithème et examinons si les circonstances qui lui sont contemporaines s'enchaînent avec celles que nous venons de repérer.<o:p></o:p>

    Nous avons effectivement remarqué que les deux siècles parcourus se caractérisaient par une lutte confessionnelle. Il s'agit, en ce laps de temps, soit de maintenir, soit d'abattre le protestantisme. Ce n'est sans doute pas tout à fait fini ; néanmoins l'acquis protestant paraît assez délimité, assez solide pour que désormais on ne puisse plus sérieusement l'entamer.<o:p></o:p>

    Le protestantisme devient donc -- au regard de l'Eglise de Rome - un mal avec lequel il faut vivre.<o:p></o:p>

    En nous reportant à Jean Trithème, nous voyons que Luther est son contemporain. Il a exactement 21 ans de moins que lui. Luther constitue indéniablement le point de départ des faits historiques, entre lesquels s'entremêle la piste que nous avons suivie.<o:p></o:p>

    Ce qu'est ce « réformateur » apparaît énorme. La dissidence théologique qu'il a produite au sein du christianisme n'a pas eu seulement des répercussions intellectuelles ou morales, elle a eu des effets politiques considérables et même - ce qu'on oublie parfois - des conséquences littéraires.<o:p></o:p>

    Politiquement la Réforme a été la cheville-ouvrière de l'unité allemande. Certes cela n'a pas été sans convulsions diverses, car les Nations reliées géographiquement à l'Etat qui utilisa tout de suite un tel levier politique, ne se firent pas faute de lui susciter toutes sortes de difficultés. Mais on le vit tenir tête fermement.<o:p></o:p>

    C'est de la Prusse dont il s'agit. La sécularisation des domaines de l'Ordre Teutonique par son Grand Maître, Albert de Brandebourg - un Hohenzollern - en 1525, cinq ans après le feu de joie de Wittemberg, demeure un fait capital dans l'histoire de l'Europe. La Prusse devint alors une nation puissante. On sait ce qui s'en suivit.<o:p></o:p>

    Littérairement, Luther a créé la langue allemande. Sa traduction de la Bible est dans le dialecte germanique, appelé « Sachsischer Kanzleistil », le saxon que parlaient en son temps les personnages officiels. Wittemberg se trouve en Saxe. C'est maintenant l'allemand universel, correct, classique. Tous les philosophes reconnais-sent que Luther en est le créateur. Ses fables et ses Cantiques demeurent à cet égard des modèles ; l'illustre « Réformateur » y fait preuve d'un grand talent. - Un des Cantiques de Luther est célèbre. Il commence par ces mots : Ein' feste Burg ist unser Gott - Un rempart est mon Dieu. On le chante le 10 octobre à tous les offices protestants en Allemagne, - luthériens comme calvinistes. On le retrouve dans « Les Huguenots » de Meyerbeer, mais la musique est de Luther lui même.<o:p></o:p>

    Est-il possible que Jean Trithème ait ignoré Luther ?<o:p></o:p>

    Au surplus, pourquoi cette singulière devise - Das Christen Herz auf Rosen geht - Wenn's mitten unterm Kreuze steht - ce qui veut dire en français : Le coeur du Christ vient sur les roses - quand la Croix se trouve au milieu et en dessous. - qui évoque la Rose-Croix en un temps où personne n'en parle ?<o:p></o:p>

    Luther avait d'abord été moine, mais Augustin ; Jean Trithème l'était aussi ; toutefois bénédictin. Certes les ordres monastiques, principalement à ces époques lointaines, ne tenaient pas beaucoup à entretenir des relations réciproques. Ils; se disputaient volontiers. Ce fut d'ailleurs une querelle entre les Dominicains et les Augustins qui incita Luther en 1517 à émettre ses « 95 Propositions » d'où est sortie la doctrine de la Réforme. - Les Dominicains avaient été chargés par le Pape Léon X de répandre en Allemagne les fameuses « Indulgences » qui, accordées contre argent devenaient un moyen d'achever les travaux de la Basilique de Saint-Pierre à Rome. On raconte que les Augustins se montrèrent jaloux de cette préférence. Le fait est que Luther s'éleva contre un tel trafic des convictions religieuses. Il y a donc lieu de penser que son influence sur les Augustins allemands était telle qu'ils en furent entraînés.<o:p></o:p>

    Or il demeure certain qu'en 1515, Jean Trithème eut des difficultés avec ses subordonnés de l'abbaye de Spanheim parce que ceux-ci se refusaient à admettre ses idées. Il quitta l'abbaye et ne voulut plus y revenir. Il expliqua ainsi sa décision : « Si revertor ad monasterium nec ego fidem illis habere potero nec eorum animos mihi credituros prefecte scio » autrement dit en français : Si je retournais au monastère, je ne pourrais plus avoir confiance en eux (moines) et je sais parfaitement que dans leur état d'esprit, ils ne me croiraient plus.<o:p></o:p>

    Puisque ses biographes assurent que Jean Trithème a voulu apporter parmi les bénédictins, certaines réformes, celles-ci devaient annoncer, sans doute très prudemment et peut-être incidemment, la Grande Réforme elle-même.<o:p></o:p>

    On constate qu'il avait une prédilection particulière pour la « science des Ecritures », c'est-à-dire de la Bible ; qu'il la recommandait à ses élèves, l'enseignait même volontiers; et qu'il l'entendait comme « dépassant de beaucoup toute doctrine ». Il dit, en propres termes dans une lettre adressée à Jacques, son frère, qui n'était pas du même lit : « L'Ecriture sacrée qu'à bon droit nous appelons divine, dépasse de loin toute science de ce monde et aussi la doctrine parce qu'elle proclame la vérité sans équivoque, qu'elle entraîne irrésistiblement l'esprit du lecteur depuis les préoccupations terrestres vers les conceptions célestes et qu'en raison de l'Amour de Dieu, elle donne le bonheur aux humbles comme la force et la constance dans l'adversité ».<o:p></o:p>

    N'est-ce pas là, la façon dont - après Luther - sera comprise la Bible ? Car lorsque Jean Trithème déclare que ces textes sacrés sont préférables à la « doctrine », de quoi s'agit-il sinon de ce qui s'enseignait couramment alors en matière de théologie ?<o:p></o:p>

    Il ne peut être question de ses tendances ésotériques., Celles-ci ne doivent pas être prises en considération, en l'espèce, d'après ces mots qu'on lit sur son épitaphe « Absit suspicio de Doemonis arte Magia » - Tout soupçon d'art magique et démo-niaque est à écarter. - Ce qui implique que les Bénédictins eux-mêmes ont tenu à préciser.<o:p></o:p>

    Mais ceci fait bien ressortir que Jean Trithème fut accusé de magie.<o:p></o:p>

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    C'était la maladie du temps d'accuser de magie quiconque ne professait pas les idées courantes, quiconque surtout étudiait les secrets de la Nature.

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    Galilée fut poursuivi on se le rappelle bien - et même emprisonné, malgré ses fameuses concessions aux idées courantes, ce qu'on oublie souvent. Or le fait s'est passé en 1633, dix-sept ans après la mort de Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Il est à croire qu'une telle étroitesse d'esprit se trouvait encore plus répandue quand celui-ci vivait. L'empereur d'Allemagne, Frédéric III y échappa de justesse ; Sixte IV, s'il n'eut été pape aurait pu en pâtir et rien ne dit que dans les critiques dont il a été l'objet on n'a pas mêlé, alors, quelque suspicion de ce genre.<o:p></o:p>

    Sixte IV, qui occupa le trône de Saint Pierre de 1471 à 1484, quand Jean Trithème était jeune, avait évidemment une grande prédilection pour sa famille. Il pratiquait un peu trop ouvertement le népotisme. Les romains ne le lui pardonnaient guère. - Il y eut la guerre civile à Rome. - Mais les « savants » à bon droit pouvaient lui savoir gré de son origine franciscaine, car les moines franciscains bénéficiaient des souvenirs de Roger Bacon et de Raymond Lulle.<o:p></o:p>

    Roger Bacon avait été incontestablement un génie. On le reconnaît comme un de ceux qui inventèrent la poudre à canon. On lui doit le télescope. Il avait pressenti même l'aviation actuelle et c'est pourquoi, jusqu'à nos jours, certaines de ses conceptions ont été traitées de rêveries ! - Roger Bacon était anglais, né dans le Sommerset. Il étudia à Oxford et à Paris Il vécut de 1214 à 1294.<o:p></o:p>

    Raymond Lulle se rangeait parmi les alchimistes. Il est l'inventeur de la méthode catalane pour la fabrication de l'acier. Mais il demeure hermétiste et même un des plus grands. - Il était né à Palma dans l'île de Majorque en 1235. Il mourut à Turin en 1315. Son procédé de fabrication de l'acier est dit aussi : méthode corsé. Les Franciscains établirent en Corse des Aciéries pour traiter le fer de l'île d'Elbe.<o:p></o:p>

    Or si Roger Bacon ne fut jamais qu'un simple moine, Raymond Lulle, jusqu'à l'âge de trente ans et avant d'entrer dans les ordres, vécut à la cour du roi d'Aragon où il occupa, durant quelque temps, le poste de Sénéchal du palais, Cet alchimiste n'ignorait donc pas la politique. D'ailleurs il n'était pas non plus étranger à la vie mondaine, il eut une femme et des enfants<o:p></o:p>

    Les franciscains sont historiquement des moines assez singuliers. L'antipape, Pierre de Corbière, sous le nom de Nicolas V qui s'opposa à Jean XXII en 1328, à l'avénement même de Philippe de Valois, était franciscain.<o:p></o:p>

    Nous ne devons pas voir les choses de ces temps reculés avec nos yeux modernes. C'est pourquoi les accusations que certains historiens portent encore contre le roi de France Louis XI ont besoin d'être examinées attentivement.<o:p></o:p>

    On a dit beaucoup de mal d'Olivier le Daim et de Tristan l'Ermite. C'est certain qu'ils n'avaient pas beaucoup de scrupules. Louis XI non plus. Philippe de Commines, le chroniqueur particulier de ce règne, juge les procédés du monarque avec une indulgence laudative qui est évidemment contestable. Les historiens postérieurs reconnaissent une grande valeur à l'œuvre de Louis XI, mais au nom d'une morale « dont il ne faut jamais se départir » ainsi que l'a fait remarquer l'un d'eux, condamnent avec sévérité les moyens employés. Commines est partial. Il devait justifier l'emploi qu'il occupait car avant d'être l'homme de Louis XI il avait été celui de Charles le Téméraire. Il savait donc donner des entorses à la morale pure.<o:p></o:p>

    Les autres sont positivement effarouchés dans leur honnêteté intime que, devant « tant de ruse et de perfidie c'est l'expression dont la plupart se servent, il ne peuvent que blâmer les procédés qu'ils constatent.<o:p></o:p>

    Soit. Allons très loin : disons que Louis XI a fait preuve en général, d'une astuce éhontée telle que le Machiavel le plus cynique l'eût lui-même déplorée. Nous n'avons ni à discuter les actes ni à en expliquer les résultats.<o:p></o:p>

    Prenons les faits tels qu'ils sont.<o:p></o:p>

    Parce qu'il s'agit de politique et qu'il y a beaucoup d'artifices dans les moyens employés en l'espèce, nous sommes en droit de regarder de très près. Peut-être que ces légendaires seïdes d'un roi sans pitié, ni droiture ont-ils accepté bénévolement d'endosser une sinistre réputation, comme leur prince, également : qui sait ?<o:p></o:p>

    Olivier le Daim et Tristan l'Ermite étaient tous deux flamands. On appelait couramment le premier Olivier le Diable. Certes il ne devait pas avoir une conscience bien pure.<o:p></o:p>

    Louis XI l'ennoblit et le nomma comte de Meulent. Il y a lieu, d'abord, de se demander si le roi eut pensé conférer un tel titre - qui, à son époque, avait une signification importante - sans raisons autres que de récompenser les services de son barbier. Mais un barbier, alors, n'était pas un simple garçon coiffeur. On désignait ainsi les chirurgiens qui, sans être docteurs en médecine, pratiquaient diverses petites opérations. Déjà ceci prouve que l'homme était au-dessus du vulgaire. Mais il passait pour très vaniteux, aimant le faste et la parade. Il se rendit, dit-on, ridicule. Or très souvent les gens, qui se montrent ridicules, cachent leur jeu, car on ne se méfie guère de ceux dont on se moque. Il fut pendu en 1484, quand Charles VIII monta sur le trône ; toutefois dans l'année même où se produisit une réaction si violente contre la politique de Louis XI que toute la France s'en trouva ébranlée. Sans l'énergie et l'intelligence de la régente Anne de Beaujeu, cette femme au-dessus de tout éloge, qui pourtant n'avait que vingt-trois ans, la France eût sombré par le fait des intrigues et des complots des princes -- ceux-là mêmes que Louis XI s'était efforcé d'abattre pour constituer un peuple. Doit-on donc retenir cette pendaison comme la sanction d'une existence criminelle ?<o:p></o:p>

    Quant à Tristan l'Ermite que l'on dénomme le Prévot Tristan, il était remarquablement brave. Dunois l'arma chevalier sur la brèche de Fronsac en 1451. Assurément il fut l'exécuteur des vengeances de Louis XI. Ce qu'il a perpétré pour servir son roi n'est sans doute pas la preuve d'une très haute moralité. Mais il sut se tirer d'affaire et il mourut sans ennui, très riche en un âge fort avancé.<o:p></o:p>

    Quel rôle ont tenu ces deux individus dans la sombre tragédie de ce règne qui, somme toute, a fait la France ?<o:p></o:p>

    La aussi, il y a du mystère. Ce qui paraît singulier et donne à réfléchir, c'est que le «Diable » et l' « Ermite » - Tristan l'Ermite de son vrai nom Louis Tristan et Olivier le Diable : Olivier Ledain - sont deux lames du tarot. Quand on sait ce que sont les lames du tarot on a le droit de regarder la question plus à fond !<o:p></o:p>

    Ce qui demeure bizarre aussi c'est qu'à Plessis-les-Tours, Louis XI, hémiplégique et ne pouvant guère se mouvoir, en apparence loin de tout et de tous, faisait une intense politique extérieure et dirigeait les événements d'Europe. Or il avait à côté de lui ces deux « Compères » et sous la main une garde composée d'Ecossais<o:p></o:p>

    Walter Scott, dans Quentin Durward, sous couleur de raconter un roman, laisse habilement percer entre les lignes bien des traits qui démontrent qu'il avait compris !<o:p></o:p>

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    Jean Trithème avait vingt ans quand Louis XI mourut. En Angleterre la Guerre des Deux Roses n'était pas encore terminée. Elle ne le fut que deux ans plus tard.

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    Mais pourquoi cette guerre civile si longue et si sanglante s'appelle-t-elle des « Deux Roses ». Et pourquoi une des plus belles pièces signées de Shakespeare est-elle précisément Richard III qui fut tué en 1485, dans la dernière bataille ?<o:p></o:p>

    On dit bien qu'il s'agit de la Rose de Lancaster et de la Rose d'York, à cause des armoiries de ces deux familles rivales. Richard III était d'York et portait dans ses armes la « Rose Blanche » tandis que les Lancaster avaient la « Rose Rouge ».<o:p></o:p>

    Si l'on s'imagine que l'héraldisme est le produit d'une fantaisie artistique et que les personnalités ou les familles ont adopté des blasons au gré de leurs caprices, on peut s'en tenir là.<o:p></o:p>

    L'appellation s'explique par le fait des « roses » existant sur les armoiries.<o:p></o:p>

    Cependant on pourrait rechercher la raison même d'un blason et ici, la raison des « roses » comme aussi celle de la couleur de l'un et l'autre emblème.<o:p></o:p>

    Sans aller aussi loin, retenons qu'un an avant la naissance de Jean Trithème, en 1452, la guerre civile commence en Angleterre. Richard d'York, le père de Richard III marche sur Londres à la tête de dix mille hommes. La « rose blanche » entame les hostilités. Il y en aura pour trente trois ans : la « rose rouge » sera victorieuse.<o:p></o:p>

    Ce sont des roses et, en ce moment, nous suivons une piste qui, remontant à travers le temps, doit nous conduire à trouver les origines de quelque chose qu'un pareil emblème caractérise : « La Rose-Croix ».<o:p></o:p>

    Mais - soit dit incidemment - Louis XI, contemporain de ces événements avait-il quelque idée de ce que cache ce symbolisme ? Est-ce par pur hasard qu'il est l'auteur d'un livre intitulé le « Rosier des Guerres », exposé politique composé spécialement pour son fils Charles VIII. Louis X monta sur le trône en 1461, un an après la mort de Richard d'York, donc neuf ans après le début de la Guerre des Deux-Roses.<o:p></o:p>

    Si Francis Bacon - un Rose-Croix assurément - a composé le Richard III de Shakespeare, ce serait peut-être la confirmation que l'on ne doit pas perdre de vue un tel indice !<o:p></o:p>

    Tous les historiens sont d'accord pour voir les causes immédiates de cette Guerre des Deux-Roses dans la défaite de l'Angleterre à la fin de la Guerre de Cent Ans. Après le martyre de Jeanne d'Arc en 1431, le roi d'Angleterre, Henri VI de Lancaster s'était vainement fait couronner roi de France à Paris ; la victoire abandonnait les Anglais. Leur grand allié était bien encore le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui fut le père de Charles le Téméraire et avait épousé la duchesse de Bedford. Mais celle-ci était morte et les liens qui le rattachaient par là au parti anglais se trouvaient relâchés: Il signa en 1435 le traité d'Arras avec Charles VII, reconnaissant celui-ci comme seul roi légitime de France.<o:p></o:p>

    Quatre ans après Jeanne d'Arc, on avait cependant espéré mieux. Toute l'Europe s'était employée pour mettre fin à cette hostilité séculaire. Les Pères du Concile de Bâle - qui s'efforçaient de leur côté, de liquider le Grand Schisme d'Occident - avaient eu l'idée de cette conférence internationale. Les Anglais montrèrent des prétentions insensées. On n'obtint que la réconciliation du duc de Bourgogne avec le roi de France.<o:p></o:p>

    La guerre continua donc encore dix-huit ans, jusqu'à la bataille de Castillon en 1453.<o:p></o:p>

    Or ces divers événements sous lesquels nous retrouverons la piste suivie, avaient une grosse répercussion en Angleterre. Si pendant longtemps, là, les victoires de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt avaient donné beaucoup de prestige à la royauté ; les échecs retentissants qu'elle avait subis en France, avec Charles V et surtout Charles VII, en démontraient finalement la faiblesse constitutionnelle.<o:p></o:p>

    On ne peut jamais séparer les faits de l'histoire intérieure d'Angleterre d'une politique qu'à bon droit il faut appeler « parlementaire ». La Guerre des Deux-Roses, comme plus tard la révolution de Cromwell au XVIIe siècle et aussi l'avènement de la dynastie actuelle de Hanovre en 1689 - n'est qu'un épisode de cette lutte qui débuta sous Jean-Sans-Terre en 1215 et à laquelle prirent part, autant que de nos jours, du reste, trois puissances : la royauté, les lords et les communes.<o:p></o:p>

    Ce furent les communes - autrement dit cette bourgeoisie anglaise composée de « gentlemen farmer », qui déterminèrent toutes ces convulsions dans un désir de compléter toujours leurs aspirations à la liberté individuelle dont l'Habeus corpus » de 1679 est le type.<o:p></o:p>

    Quand Richard, duc d'York, voulut profiter de ces tendances exacerbées par les revers militaires, pour s'emparer du trône, on était à un an de la bataille de Castillon, l'armée anglaise avait été battue à Formigny, le duc de Sommerset avait capitulé à Caen.<o:p></o:p>

    Richard d'York descendait, par sa mère, d'une fille du duc de Clarence le second fils d'Edouard III. La Guerre des Deux Roses a donc ses racines au temps des démêlés entre la couronne de France et celle d'Angleterre - au temps où la succession du dernier des Capétiens peut être en compétition, ainsi vers l'époque où se place la naissance symbolique de Christian Rosencreutz.<o:p></o:p>

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    C'est trop simple de dire que la Guerre de Cent Ans a eu pour cause la revendication du trône de France par Edouard III, fils d'une fille de Philippe-le-Bel. Il y a eu évidemment une contestation de la Loi Salique, mais à titre purement diplomatique, pour ainsi dire. La contestation ne fut mise en avant que pour donner une tournure juridique aux motifs d'ordre politique que pouvait avoir Edouard III dans ses divergences de vues avec Philippe de Valois.

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    En fait le conflit naquit par l'affaire de Kadsand en 1337 - laquelle ne fut provoquée de la part du roi d'Angleterre qu'en représailles des mesures prises en Flandre par le roi de France. Les historiens reconnaissent après Froissart que la politique de Philippe de Valois fut assez maladroite pour déclencher la guerre. Par  la suite Edouard III revendiqua le trône de France comme s'il disait « et puis, après tout, je pourrais être aussi bien roi de France ! »<o:p></o:p>

    Quand on parle de la Guerre de Cent Ans, en France surtout, on oublie trop ce qu'était Edouard III. On perd de vue qu'à l'avènement de Philippe de Valois en 1328, il n'avait que seize ans et qu'il était monté sur le trône d'Angleterre   l'annéprécédente.   On ne tient pas compte qu'il demeura encore deux ans sous la tutelle de sa mère et qu'il fut obligé de se débarrasser de celle-ci en la faisant jeter en prison, après avoir mis à mort son amant. On ne fait pas attention d'ailleurs que s'il devint roi en 1327, c'est parce qu'il fut proclamé du vivant de son père, Edouard II, emprisonné, et que si ce fait insolite eut lieu, c'est à cause des intrigues de la reine, sa mère qui sut adroitement contrecarrer son oncle Edmond, comte de Kent.<o:p></o:p>

    Ceci laisse à penser qu'autour du trône d'Angleterre, il y avait, alors, une politique intense, assez brutale sans doute dans ses manifestations, mais on était à une époque où l'on ne se montrait guère sentimental !<o:p></o:p>

    Il semble bien qu'Isabelle de France, mère d'Edouard III favorisa les tendances de ses frères, fils de Philippe-le-Bel et qu'une fois Charles IV mort, elle poursuivit cette ligne de conduite en s'efforcant de consolider Philippe de Valois sur son trône. Ce fut elle, en effet, qui, en sa qualité de tutrice, conseilla Edouard III de se rendre à Amiens, dès 1328, pour faire acte de vassal devant le roi de France.<o:p></o:p>

    A première vue on constate le réel désir de maintenir la succession de la monarchie française - bien que sa propre race, celle des Capétiens, soit éteinte. On est tenté d'admirer une pareille abnégation. En examinant plus attentivement les faits, on s'aperçoit que ce n'est là qu'une façade, dissimulant une politique souterraine autrement grave.<o:p></o:p>

    Car la fameuse Loi Salique ne fut, après tout, qu'un moyen imaginé par l'astuce de Philippe le Long pour légitimer l'usurpation du trône à la mort de Louis X, le premier fils de Philippe-le-Bel en 1316.<o:p></o:p>

    Or - retenons bien ceci - en 1316, nous sommes à deux ans de la fin irrémédiable des Templiers, par la mort sur le bûcher de Jacques Molay, leur Grand-Maître.<o:p></o:p>

    Philippe le Long, pour évincer les droits héréditaires de la seule fille de son frère Louis X occupe par les armes la cathédrale de Reims et malgré les protestations d'un grand nombre de seigneurs, ainsi que de son frère Charles qui lui succéda d'ailleurs ensuite - s'y fit sacrer de force. Louis X, dit Louis le Hutin, avait bien eu un fils posthume, dénommé Jean 1er ; mais celui-ci vécut à peine quelques jours.<o:p></o:p>

    C'est après qu'il convoqua les Etats Généraux et leur demanda de sanctionner une loi forgée par des juristes habiles - probablement animés du même esprit que ceux qui avaient soutenu le procès des Templiers.<o:p></o:p>

    La lignée de Philippe le Long ne profita pas de la Loi Salique : les quatre filles, auxquelles ce roi laissait son héritage, furent, elles aussi, écartées du trône et Charles IV eut la couronne.<o:p></o:p>

    Cependant Edouard III était né en 1312 - deux ans avant la mort de Philippe-le-Bel et sa mère n'a jamais revendiqué pour lui ses droits au trône de France.<o:p></o:p>

    Notons qu'un historien - Duruy - a fait remarquer qu'en somme la Loi Salique n'a pas pratiquement la haute valeur qu'on lui attribue en général. Cette loi, dit-il « bonne pour sauvegarder l'indépendance d'un petit Etat, était moins nécessaire à une puissance monarchique » et il ajoute : « que fut-il arrivé par exemple, si, Edouard III, prince français par sa mère, par ses habitudes, sa langue et une partie de ses possessions puisqu'il était duc de Guyenne et comte de Ponthieu, eut hérité de la couronne au lieu de Philippe de Valois ? C'est que la Guyenne avec le Ponthieu et momentanément l'Angleterre auraient été réunis au domaine royal au lieu du Valois.<o:p></o:p>

    L'Angleterre n'a jamais eu que des rois étrangers, saxons, danois, normands, angevins, gallois, écossais, hollandais, allemands, s'en est-elle trouvée plus mal » ?<o:p></o:p>

    Ce qu'on peut dire - maintenant que les siècles ont passé - c'est que les juristes de cette époque, peu scrupuleux sur l'interprétation de textes déjà d'authenticité contestable, n'ont pas plus aperçu les répercussions de la Loi Salique qu'ils n'avaient pensé aux conséquences du procès des Templiers. On les voit surtout les serviteurs ingénieux de préoccupations et de sentiments très suspects.<o:p></o:p>

    A la mort de Philippe-le-Bel, qui survint en décembre 1314 - il y eut une véritable révolution. De Marigny et tous ceux qui, comme le fameux légiste Pierre Dubois, avaient poussé le monarque dans cette voie qui a terni son règne, furent pendus à, Montfaucon alors que Paris éclatait de joie et qu'au palais royal on arrachait à un monarque âgé de vingt-cinq ans, diverses concessions destinées à détruire de fond en comble l'organisation gouvernementale. On exagère évidemment, comme toujours. Il y eut des troubles, néanmoins pas de guerre civile.<o:p></o:p>

    En Angleterre, Edouard II, fils d'Edouard I et d'Eléonor de Castille, avait succédé à son père en 1307 - juste la même année de l'arrestation des Templiers. Il suscita des mécontentements qui, pour une part, légitimaient ses faiblesses et même ses débauches. Mais en 1325, alors que Charles IV règnait en France, son épouse Isabelle de France et son frère Edmond, comte de Kent, se mirent à la tête de la rebellion. Charles IV, d'ailleurs, soutenait ouvertement David Bruce, roi d'Ecosse, afin de compliquer encore tous ces embarras.<o:p></o:p>

    Le but poursuivi par la politique française est très visible ; il consiste à créer toutes sortes d'ennuis en Angleterre de façon à saisir un moment favorable pour intégrer dans le domaine de la couronne, les fiefs du continent. Isabelle se prête à ce jeu. Edmond intervient, mais pour une tout autre raison. Il cherche à affermir le trône d'Angleterre en le passant à son neveu Edouard III, en lequel il a peut-être reconnu de grandes qualités. Isabelle devient tutrice du jeune monarque et l'envoie rendre hommage à Philippe de Valois. Puis Edouard III, d'abord assez vexé de la façon dont il a été reçu à Amiens, donne asile au fameux Robert d'Artois, un des « royaux » de France, accusé d'avoir attenté à la vie de Philippe de Valois., Il refuse de le livrer et se voit saisir la Guyenne et la Gascogne. Ceci c'est la façade. Par derrière il y a autre chose.<o:p></o:p>

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    Il y a que la politique française est, depuis Philippe-leBel, dirigée par un parti que nous appellerons « pragmatiste », parce que ce néologisme caractérise des tendances avant pour but de ne voir que le côté « pratique » des choses, superficiellement sans s'inquiéter de leurs causes, ni de leurs effets. C'est en un sens  ce parti qui a doté les temps modernes de leur tournure d'esprit, à l'insu même des historiens. Pourtant ceux qui se sont occupés de l'histoire du Droit, ont bien reconnu son influence.

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    Sous Philippe-le-Bel ce fut un véritable parti politique », celui des Légistes. Plus tard ce fut plutôt une « manière de penser » qui se répandit tellement en France qu'on ne peut reconnaître quelles « aspirations politiques » cette façon de voir caractérise plutôt que d'autres. C'est ce qui trompa.<o:p></o:p>

    L'idée « pragmatiste » est née du fait que la societé féodale du XIIe siècle ne possédait pas d'homogénéité juridique. On se trouvait en présence de deux juridictions ayant chacune leurs sources de droit : la juridiction séculière avec son droit coutumier d'origine franque et: la juridiction ecclésiastique avec le droit canonique. Dès le XIIe siècle, commencèrent les études du droit romain, dont le but était de dégager un « droit français », c'est-à-dire pratique pour tout le monde en France.<o:p></o:p>

    L'Eglise n'a pas seulement représenté une croyance et un culte, une association religieuse ; elle constituait aussi une véritable organisation politique. Son droit canonique avait la valeur d'une loi vivante et impérative. :L'Eglise bénéficiait, en outre, de l'influence qu'elle exerçait sur la société parce qu'elle se trouvait seule à donner l'enseignement public. A l'Université de Paris, depuis 1220, on n'enseignait même, officiellement du moins, que le droit canonique.<o:p></o:p>

    La renaissance des études du droit romain, qui se produisit dans la seconde moitié du XIe siècle, atteignit sa pleine floraison au XIIe siècle.<o:p></o:p>

    Par la suite, pour être jurisconsulte, il fallait être docteur « in utro que jure », c'est-à-dire: connaître l'un et l'autre droit. Le « pragmatisme », dont nous parlons, se présentait ainsi comme l'accommodement d'une double organisation politique : celle de l'Etat et celle de l'Eglise.<o:p></o:p>

    Il trouva une circonstance favorable à son développement : l'installation de la papauté à Avignon. C'est là un fait extrêmement important.<o:p></o:p>

    Les démêlés entre Philippe le Bel et Boniface VIII l'ont, de toute évidence, provoqué. Ces démêlés eurent bien pour prétexte en 1296 une question financière : les impôts dont le roi de France accablait ses peuples et qu'il prétendait faire payer même par le clergé. Mais ils se rattachaient à ce problème bien difficile à résoudre alors, qui consistait à trouver l'exacte ligne de démarcation entre le spirituel et le temporel. Ce qui s'est passé, à ce moment, entre la papauté et la monarchie française paraît donc comme la continuation de cette lutte entre le Sacerdoce et l'Empire qui avait déjà duré deux siècles - de 1073 à 1268.<o:p></o:p>

    Les légistes de Philippe le Bel firent aussitôt preuve d'une audace qu'on aurait peine à croire de nos jours. Pierre Dubois dans un mémoire dit en propres termes « Le « Suprême Pontife » doit conserver tes ressources ordinaires sans en avoir les charges et se débarrasser de ses occupations terrestres pour éviter toute occasion de guerre et d'homicide »<o:p></o:p>

    Mais après le pontificat de Boniface VIII se place celui de Benoît XI où se constate un fléchissement dans la position prise par Rome. Benoît XI accorde un pardon général. Cependant il meurt en deux ans. - Benoît XI fut pape de 1313 à 1315. - Après sa mort, les cardinaux réunis à Pérouse se disputèrent durant neuf mois. Finalement quinze d'entre eux - tous Italiens - se retirèrent du conclave pour choisir un pape et dix voix élirent Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, qui prit le nom de Clément V.<o:p></o:p>

    Celui-ci était sujet du roi d'Angleterre, Edouard 1er, parce que Bordeaux dépendait de la Guyenne, fief anglais. Il pouvait donc paraître avoir une certaine indépendance vis-à-vis de Philippe le' Bel. Aussi les historiens modernes ont-ils résolument écarté toute suspicion d'intrigues de la part du roi de France, lors de cette élection pontificale.<o:p></o:p>

    Il n'en reste pas moins qu'en 1317, Edouard 1er mourut, et qu'ainsi Clément V se trouva privé de son appui. C'était un pontife assez souple, timide peut-être, en tout cas plutôt facile à tourner. En 1307 Philippe le Bel ordonna l'arrestation des Templiers. Pierre Dubois, avec la véhémence qu'on a déjà notée soutint dans la coulisse le procès qui relevait de la juridiction ecclésiastique. Clément V céda à la pression de Philippe le Bel, sur ce, point. Puis deux ans après, en 1309, cédant encore, il vint se fixer à Avignon !<o:p></o:p>

    Or en 1313 - deux ans -après le Concile de Vienne, où se débattit la question de savoir si les Templiers étaient imputables d'hérésie et de magie - que Clément V envoya aux universités françaises de Paris et d'Orléans un recueil de décrétales appelées « Clémentines » que Jean XXII, son successeur, publia en 1317. Ce fut l'origine du « Corpus juris canonici » qui, depuis lors, fait force de loi dans tous les pays catholiques.<o:p></o:p>

    Ce document marque la victoire juridique du « pragmatisme ».<o:p></o:p>

    La dissolution de l'Ordre du Temple en est le corollaire social.<o:p></o:p>

    Les embarras auxquels fut en butte le roi d'Angleterre Edouard II, fils d'Edouard ler et père d'Edouard IIl en sont les conséquences politiques.<o:p></o:p>

    E. Bontaric a pu dire : « Philippe le Bel comprit la puissance de l'opinion publique ». C'est la marque du « pragmatisme ». Dès lors, en France, on a pensé comme pensaient les légistes de ce temps-là.<o:p></o:p>

    Or les Pierre Dubois et consorts s'étaient opposés à la papauté de Rome. On fut plus que jamais « gallican », en France. Ceci a, peut-être, pour beaucoup, évité que l'on devienne, plus tard, protestant. Mais, par le fait que les Templiers avaient été poursuivis, que, « dans un but pratique » la papauté les avaient laissés condamner au bûcher par les tribunaux ecclésiastiques, on s'est écarté le plus possible de cette manière de voir qu'on suppose, avec toutes sortes de raisons, avoir été puisée, par les fondateurs de l'Ordre du Temple, en cette terre biblique où les premiers Apôtres s'étaient rassemblés autour du Christ.<o:p></o:p>

    Certes on ignore ce qui faisait le fond de la doctrine des Templiers: On ne peut même pas dire s'ils en avaient une. Là, réside le grand secret initiatique, secret du Christ, fondateur de la religion chrétienne.<o:p></o:p>

    Leur procès n'a rien révélé à cet égard.<o:p></o:p>

    Mais ce qu'on sait, c'est qu'à partir de Louis VII, ils avaient rendu d'immenses services aux Capétiens ; que le Temple, à Paris remplissait le rôle tenu, depuis, par la Banque de France et qu'après eux, déjà avec Philippe le Bel, les finances françaises allèrent de mal en pis. - Que dire de nos jours !<o:p></o:p>

    Le « pragmatisme », là, commit une belle erreur<o:p></o:p>

    Sans doute, eut-il d'autres effets -- moins cuisants pour le public qui toujours paie les impôts et souffre des perturbations monétaires - mais tout autant considérables pour les consciences ; car, dès lors, on constate que « le libre examen » se fit jour en Angleterre et de là, en Allemagne.<o:p></o:p>

    Ce n'est pas, en effet, la France qui fit la Réforme, mais bien l'Angleterre avec Wiclef et l'Allemagne ensuite avec Luther.<o:p></o:p>

    La France a pu rayonner sur le monde parce qu'elle a produit des hommes remarquables - qu'elle a su faire, à l'heure voulue, une Révolution qui fut utile, quand elle est survenue. Ce n'est cependant pas la France qui a dirigé, depuis Philippe le Bel et les Valois, la finance du monde ! Il est inutile, de faire ressortir comment, jusqu'ici, l'Angleterre a rempli ce rôle. Or ce n'est pas non plus la France qui a dirigé les esprits vers la libération d'un dogmatisme trop étroit. C'est l'Allemagne avec Luther et sa suite.<o:p></o:p>

    Il y a donc à côté des faits de guerre et des faits politiques, à considérer le mouvement financier d'une part, et de l'autre, l'évolution des idées.<o:p></o:p>

    Laissons la finance de côté. L'argent n'est jamais qu'un moyen. Considérons plutôt les idées.<o:p></o:p>

    L'état d'esprit que nous avons appelé « pragmatiste » a nécessairement suscité une réaction de sens inverse. Et c'est une forme de « grand drame de l'Humanité », néanmoins une forme dissimulée, souterraine, en un sens, si l'on veut. On la décèle moins en France qu'ailleurs parce que l'opinion publique a été positivement intoxiquée, dès le début, par les légistes. Les Etats Généraux de Philippe le Bel se montrèrent immédiatement passifs et adoptèrent sans discussion tout le programme préparé d'avance. Cette docilité ne s'est pas toujours remarquée dans les Etats Géné-raux qui se réunirent par la suite. Mais au temps des Guerres de Religion, qui donc parla de les convoquer pour résoudre les problèmes de la liberté de conscience ?<o:p></o:p>

    Et, alors qu'au XVIIe siècle, on voyait, en Angleterre, les Puritains de Cromwell, on assistait, en France, aux Dragonnades de Louis XIV, contre les protestants.<o:p></o:p>

    Encore doit-on dire que le protestantisme au XVIIe siècle, se trouvait déjà fortement teinté des idées particulières à Calvin. C'était un français - ne l'oublions pas - empreint, lui aussi, quoique d'une façon spéciale d'un certain « pragmatisme ».<o:p></o:p>

    Il y a loin de Wiclef à Calvin - même en passant par Jean Trithème.<o:p></o:p>

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    Wiclef, à tout prendre, est un personnage singulier. Sous Edouard III, il s'intitule le défenseur de son roi contre le pape qui réclame de l'argent. Il pouvait le faire en se tenant sur le terrain juridique. Au lieu de cela c'est la papauté, elle-même, qu'il attaque, - mieux encore, il va immédiatement au fond des choses et sape le dogme catholique.

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    A première vue on se demande pourquoi. Faute d'autres raisons, on voit de l'ambition chez ce simple curé. On voit aussi l'intérêt chez ceux qui le soutiennent. Les prédictions qu'il répand le mettent en vedette ; elles sont si subversives qu'elles étonnent. Les grands seigneurs lui sont favorables ; ils voient poindre la possibilité de s'emparer des biens du clergé. Dans la façon dont l'hérésiarque est poussé, on sent un syndicat d'affaires, comme il se dit aujourd'hui. - L'archevêque de Canterbury le cite devant son tribunal. - Le duc de Lancaster ensuite le couvre de sa protection, l'accompagne chez l'archevêque, prend personnellement sa défense et obtient qu'il rentre tranquillement dans sa cure où il meurt sans ennuis en 1384.<o:p></o:p>

    Or le duc de Lancaster est le fils d'Edouard III. Un tout jeune homme. Assurément celui-ci représente son père et l'on commence à comprendre que, si le syndicat d'affaires utilise une ambition, il doit y avoir un autre motif pour que, le monarque d'Angleterre fasse une telle pression afin qu'on n'occasionne aucun ennui à ce curé de campagne, bien éloigné apparemment de la politique royale.<o:p></o:p>

    Or, en prêtant attention au fait qui déclenche l'hérésie de Wiclef, on s'aperçoit à quel point les considérations théologiques du précurseur de Luther pouvaient avoir une importance politique.<o:p></o:p>

    Nous sommes d'abord en 1336, alors que Philippe de Valois ordonne à Louis, comte de Flandre, de saisir sans déclaration de guerre, tous les Anglais qui se trouvent dans ses Etats, vassaux de la couronne de France. Edouard III riposte en prohibant l'exportation des laines qui, à cette époque, provenaient de Grande-Bretagne et étaient manufacturées en Flandre. Du coup ce pays se voit ruiné. Jacques Arteweld, grand doyen des métiers à Gand, se met à la tête de la révolte. Louis de Flandre est chassé. Edouard III prépare la flotte anglaise. La guerre commence, terrible. Alors, trente ans après - en 1366, - quand règne en France Charles V et qu'il inaugure un nouveau système de guerre, le pape exhibe un vieux papier, datant de plus d'un siècle, que Jean-sans-Terre a signé, d'où ressort la vassalité de l'Angleterre au Saint Siège avec un tribut annuel.  Jean-sans-Terre était paresseux et lâche autant que débauché et cruel. Philippe Auguste avait profité de cette faiblesse de caractère pour tâcher de récupérer les fiefs qui dépendaient de la couronne de France. Le pape Innocent III, de son côté, avait saisi l'occasion de certaines fautes commises par ce roi d'Angleterre pour réveiller une ancienne animosité du clergé anglais contre la monarchie qui pourtant paraissait apaisée depuis les Statuts de Clarendon adoptés par Henri II Plantagenet en 1164. Jean-sans-Terre fut excommunié et son royaume mis en interdit en 1208. Il fulmina aussitôt, vomit des injures contre la papauté et écrivit même au Sultan du Maroc pour se faire mahométan afin de faire avec lui la conquête de Rome. Puis se croyant abandonné de ses sujets, il se soumit, s'humilia, accepta tout ce qu'on voulut. Il reconnut le royaume d'Angleterre comme vassal du Saint-Siège, et promit de payer tribut.<o:p></o:p>

    Quand nous voyons Isabelle de France, mère d'Edouard III s'ingénier à compliquer les intrigues qui affaiblissent l'Angleterre, dont pourtant elle est reine, nous sommes en droit de penser qu'elle cherche à appuyer les tendances « prag-matistes » qui animent ses frères, fils de Philippe le Bel.<o:p></o:p>

    Et, quand un siècle plus tard, nous constatons que Richard d'York, descendant d'Edouard III, tente de profiter de la défaite anglaise pour s'emparer du trône que son ancêtre a occupé, nous avons tout lieu de croire à une répercussion de ces tendances « pragmatistes » de la politique française.<o:p></o:p>

    Non que cette politique fut directement mêlée à la Guerre des Deux-Roses, mais à cause du rôle que tint - à l'origine même de cette guerre -- Marguerite d'Anjou, fille du roi René.<o:p></o:p>

    Le roi René est demeuré célèbre en Provence. Il hérite du comté de Provence et devient roi de Naples. Son château existe toujours à Tarascon. Louis XI lui enleva le duché d'Anjou. - René d'Anjou qu'on appelle communément le roi René était le fils de Louis II, duc, d'Anjou et ainsi de la seconde branche de la maison d'Anjou dont le duché avait été donné en apanage au second des fils du roi Jean le Bon. La reine d'Angleterre Marguerite d'Anjou descendait donc en ligne directe de Philippe de Valois puisque celui-ci était père de Jean-le-Bon.<o:p></o:p>

    Sa fille Marguerite avait épousé Henri VI de Lancaster, roi d'Angleterre. « Nulle femme, a dit un historien, ne la surpassait en beauté et peu d'hommes l'égalaient en courage ». Elle est toute l'énergie dont manquait son mari, Mais, par sa trop grande intimité avec le ministre Suffolk, par le soutien qu'elle apporta aux partisans d'une paix terminant la Guerre de Cent Ans avec la France, elle suscita des haines féroces. Suffolk fut décapité, à sa sortie de prison, devant Calais, en pleine mer, alors qu'il pensait échapper à la rage de ses ennemis. C'était en 1450, trois ans avant la bataille de Castillon.<o:p></o:p>

    On s'aperçoit bien qu'une certaine liaison existe entre les évènements qui se déroulèrent à la fin des Capétiens et ceux qui suivirent l'épopée de Jeanne d'Arc.<o:p></o:p>

    Il est plus difficile de montrer comment évolue cette idée directrice des événements car, outre le mélange habituel -des faits de guerre et des faits politiques, il y a une diversité de vue selon que l'on prend  ici  le point de vue anglais et là, le point de vue français. Alors qu'en Angleterre toute politique intérieure est conditionnée par les efforts des « communes », pour prendre la prépondérance dans l'Etat - en France, c'est le pouvoir central, autrement dit la « monarchie » qui ne cesse d'accroître son autorité. - Un auteur qui ne manquait pas d'esprit ni de justesse, a fait remarquer que tout ce qui était anglais, présentait exactement le contraire de ce qui était français. Ainsi, dit-il, en anglais on accorde grammaticalement le possessif avec le sujet et on dit : « her father » en parlant d'une femme; en français ou l'on accorde avec l'objet, on écrit son père ». Si la syntaxe est l'expression d'une mentalité, parce que le langage est la manifestation de la pensée, on reconnaîtra que cet exemple frappant oppose diamétralement la manière anglaise à la manière française. De nos jours, plus que jamais, malgré les apparences de « façade », il en est de même<o:p></o:p>

    Puis ce « pragmatisme », qui a été signalé, qui paraît louable, au sens juridique, produit d'étranges effets sur le terrain politique. Les légistes de Philippe le Bel, qui ont eu une si grande influence dans l'organisation de la magistrature française, ont fait dévier l'esprit public. Les premiers Etats Généraux furent réunis en 1302.<o:p></o:p>

    L'acte n'avait pas beaucoup de valeur. C'est, à la suite de ce fait, en 1215 que se placent les révoltes des Lords et des Communes qui obligèrent Jean-sans-Terre à accepter la, Grande Charte », origine des libertés anglaises.<o:p></o:p>

    Les arrérages n'ont jamais été payés. La somme est énorme. Edouard III a dû prendre une belle colère ! Le pape, Innocent VI, réside à Avignon. Il n'est, somme toute, que l'humble serviteur du roi de France et le coup droit, inopinément lancé, vient de celui-ci. Mais soudain, Wiclef monte en chaire, dans son village et abasourdit la papauté par un flot d'hérésies. On ignore si Edouard III a été stupéfait, mais il y avait de quoi !<o:p></o:p>

    En somme, c'est la bagarre - diplomatique et à distance, néanmoins aussi violente qu'une rixe ordinaire.<o:p></o:p>

    Reste à savoir par quel hasard Wiclef survient, à point nommé, pour répondre si véhémentement au pape.<o:p></o:p>

    Après tout, Wiclef, quoique simple curé de campagne n'est pas absolument sans autorité morale. On l'a connu docteur à l'université d'Oxford et même chef du collège de Canterbury. Il ne manque pas d'érudition. Il a ses partisans, sans doute, ses adversaires, aussi, et ceux-ci ont été assez intrigants, en un certain moment, pour lui faire perdre sa place. On peut admettre qu'il a conservé sur le coeur cette infortune et qu'il n'attendait: que l'occasion d'écraser ses ennemis intimes, sous le poids de sa vaste érudition et, de sa puissante intelligence.<o:p></o:p>

    Il y a de cela, dans son geste. Mais, de là à bouleverser le dogme, comme on le voit faire ! C'en est trop. Ou bien il s'agit d'un fou, ou bien il faut croire que quelqu'un lui a glissé à l'oreille, à voix très basse, un conseil astucieux ; « Allez-y, voilà votre revanche ».<o:p></o:p>

    Wiclef a donc - pareillement à tant d'autres -- son mystère !<o:p></o:p>

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    Bien entendu, on lui trouvera des antériorités. Gottschalk d'abord, que souvent on appelle Gothescale et qui a parfois signé Fulgence, un bénédictin du IXe siècle, allemand d'origine et né à Fulda en Hesse-Cassel ; il a lancé l'idée de la prédes-tination » en interprétant, à sa manière, St Augustin. C'est l'expression théologique d'un déterminisme, suivant lequel les bons sont prédestinés à être récompensés et les méchants à être châtiés pour l'éternité ; conception imparfaite d'une Providence qui doit avoir ses raisons mais dont on ne sait comment elle les applique.

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    Bérenger-de-Tours ensuite, archidiacre d'Angers en 1039, qui fut condamné par le concile de Rome en 1050, pour professer des doctrines, niant la présence réelle dans l'Eucharistie. Arnaud de Brescia, italien, élève d'Abélard en France, qui pensait faire revivre la primitive Eglise et fut condamné pour cela par le concile de Latran en 1139, qui fit de la politique, lutta contre Adrien V - le seul pape anglais dans la longue liste des Souverains Pontifes - chassa ce pape de Rome et proclama la République. Sans Frédéric-Barberousse, c'en était fait, alors, du Saint-Siège ; mais les armées allemandes le rétablirent et Arnaud de Brescia fut décapité en 1155. Valdo enfin - un Lyonnais - qui se dénommait Pierre de Vaux et signait Petrus Valdo ; très riche commerçant, il distribua sa fortune aux pauvres et se mit à expliquer la Bible vers 1170, pour démontrer que l'Eglise romaine n'est pas celle de l'Évangile. Il fonda cette secte des Vaudois que François 1er fit sauvagement exterminer en 1545, mais qui, réfugiée dans le Jura suisse, existe encore.<o:p></o:p>

    Wiclef - évidemment - a ses précurseurs un peu partout. On ne peut pas dire qu'il a inventé une théorie. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Que de longtemps on a discuté les dogmes et qu'en cherchant bien il y beaucoup de « variations » comme dira un jour, Bossuet, dans les doctrines contraires à celles du catholicisme. Ce fait, bien connu, n'explique pas pourquoi Wiclef, pour défendre Edouard III contre le pape, s'est installé hérésiarque en Angleterre et de telle manière que Luther avec Calvin -comme aussi plus tard, quoique sur le plan social, JeanJacques Rousseau - en procéderont en droite ligne.<o:p></o:p>

    Mais le pape qui a si bien voulu servir Philippe de Valois, en exhibant un document susceptible de faire chanceler le trône d'Angleterre, dans quelle situation se trouve-t-il ?<o:p></o:p>

    On aurait tort de croire que, depuis Clément V, la sérénité règne en Avignon, sous le sourire du soleil de Provence. Jean XXII, son successeur en 1314 a vu surgir à Rome l'anti-pape Pierre de Corbière que les Franciscains ont fait élire sous le nom de Félix V afin de soutenir l'empereur Louis de Bavière contre l'action politique du Saint-Siège, entièrement dévoué aux fils de Philippe le Bel. Le général des Franciscains, Michel de Cesène, semble bien avoir des convictions opposées à celles des fameux légistes parisiens. Il entraîne son ordre tout entier, sans s'inquiéter d'occasionner un schisme dans l'Eglise. - L'histoire de la volte-face des Franciscains à cette époque, est extrêmement curieuse. Louis de Bavière était menacé d'excommunication par Jean XXII, en raison de ce qu'il s'était intitulé « roi des Romains » sans attendre l'autorisation pontificale. Jean XXII reprenait, en somme, les prétentions qui, auparavant, avaient occasionné la lutte du Sacerdoce et de l'Empire. Il faisait défense d'obéir à Louis de Bavière. Les Franciscains entraînés par leur Général, se tournèrent contre le pape. L'un d'entre eux, Guillaume d'Ockham, qui était anglais, mit sa puissante intelligence au service de la cause de l'empereur et devint l'âme de l'opposition. Un autre qui était italien, Marcillo de Padoue, soutint que « l'Empire n'était pas soumis à l’Eglise, mais plutôt l'Eglise à l'Empire ». D'aucuns disent que les Franciscains voulaient instituer une « nouvelle Eglise » et qu'ils pensaient en faire de Louis de Bavière, le champion. Jean XXII lança une bulle de déposition contre l'empereur et chargea le roi de France Charles IV, le dernier des fils de Philippe le Bel, de la faire exécuter. Louis de Bavière s'entendit avec Frédéric d'Autriche puis entra en Italie et fit élire anti-pape, le Franciscain Pierre Rainalducci de Corvura, qu'on appela Pierre de Corbière et qui fut Félix V.<o:p></o:p>

    Louis de Bavière, obligé de défendre son indépendance impériale, trouve là un appui inattendu. Les princes allemands, d'abord divisés, lui sont fidèles. La lutte dure une dizaines d'années et paraît d'abord s'apaiser par la réconciliation avec le Saint-Siège à la mort de Jean XXII lorsqu'est élu en 1334, le pacifique Benoît XII, né dans l'Ariège.<o:p></o:p>

    Mais huit ans après, en 1342, Philippe de Valois s'entremet pour qu'on donne la tiare à son garde des sceaux Pierre Roger qui devint Clément VI. Celui-ci, rompu aux intrigues tente de satisfaire, à la fois les visées du roi de France et les siennes propres. Il s'empêtre dans des combinaisons allemandes qui amènent la déposition de Louis de Bavière mais qui ne donnent pas beaucoup de reluisant au Saint-Siège. Il meurt, au bout de dix ans et voilà Innocent VI.<o:p></o:p>

    Quelle autorité morale pouvait avoir cette papauté d'Avignon qui faisait plus de politique que de théologie ?<o:p></o:p>

    Quand Wiclef l'attaqua, il trouva aisément de l'écho. Ce n'est pas seulement l'Angleterre qui l'écoute avec faveur - on voit dans ses considérations théologiques, les bases de possibilités politiques, susceptibles de libérer le pays d'une ingérence gênante, - mais, en Allemagne aussi, on s'aperçoit que la répudiation d'un pouvoir spirituel, est capable de ruiner les prétentions du même pouvoir agissant au temporel.<o:p></o:p>

    Dire, alors, que l'Eglise anglicane prend là ses racines, ce n'est pas si erroné ; reconnaître que Jean Huss se montre le continuateur de Wiclef, ce n'est nullement inexact. Les historiens ecclésiastiques l'admettent.<o:p></o:p>

    Cependant le mélange des points de vue théologiques avec les buts politiques fait quelque peu disparaître, en l'espèce, la nécessité des actes. Wiclef - ceci demeure incontestable - a choisi le bon moment pour attaquer le dogme. La papauté ne s'y attendait pas et ses préoccupations sont sur un autre terrain ; elle ne réplique pas, elle pense que le sort des armes donnera la victoire à Philippe de Valois et qu'ainsi personne ne contestera plus son autorité spirituelle.<o:p></o:p>

    Notons que Wiclef va aussi loin que possible. Il rejette la présence réelle dans l'Eucharistie et répudie le sacrifice de la messe. Il dénie toute valeur aux prières, pour les âmes du Purgatoire et de la sorte, renverse la théorie des indulgences ; il critique les institutions monastiques et démolit l'organisation qui maintient l'intégrité dogmatique du catholicisme. Calvin ne pourra pas faire mieux.<o:p></o:p>

    Fallait-il tout cela pour défendre Edouard III ?<o:p></o:p>

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    En somme, l'intervention du pape dans le désaccord entre la France et l'Angleterre n'a pas autant de valeur que la monarchie française pouvait penser. Réclamer la vassalité du trône d'Angleterre, en vertu d'un papier vieux de plus d'un siècle, est une plaisanterie. Si l'on ne se trouvait pas dans un moment difficile, si la guerre n'avait pas commencé et si cette contestation féodale ne s'accompagnait pas d'une réclamation d'argent, on s'en fut moqué.

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    Mais, même alors, elle ne valait pas un débordement d'hérésies.<o:p></o:p>

    Or c'est en ce point que gît le mystère de Wiclef.<o:p></o:p>

    Il faut savoir qu'Edouard II n'avait nulle envie de s'engager dans la guerre. La preuve en est qu'il convoqua ses barons à Nottingham, après deux ans d'hésitation et ne commença ses préparatifs que lorsqu'il fut certain que ceux-ci le soutiendraient. Il doutait donc de l'opinion publique et lui-même sentait le besoin d'éclaircir ses incertitudes en sondant les sentiments de ses hommes d'armes.<o:p></o:p>

    Visiblement on a poussé Edouard III. En cela Robert d'Artois y est un peu pour quelque chose. Il fut si bien accueilli à la cour d'Angleterre qu'on voit en lui le principal instigateur du conflit armé. Néanmoins, ce prince du sang français était un homme taré ; pour faire valoir ses prétentions sur le comté d'Artois que détenait sa tante et après elle, ses cousines, il avait fabriqué de fausses pièces, produit de faux témoins ; il avait plus que probablement empoisonné sa tante et l'aînée de ses cousines. Or l'avait condamné au bannissement perpétuel ; on l'accusait même d'avoir tenté ensuite d'envoûter le fils de Philippe de Valois. Qu'il eut l'âme d'un traître, c'est facile à concevoir. Qu'il fut écouté avec autant d'importance qu'on la suppose, c'est voir en Edouard III un prince bien faible, bien irréfléchi et l'histoire fait ressortir le contraire.<o:p></o:p>

    Ce qui demeure plus vraisemblable c'est que l'arrivée de Robert d'Artois en Angleterre fut une occasion que saisirent ceux qui - exilés comme lui mais pour d'autres raisons, gardaient au fond de leur coeur un profond ressentiment contre la monarchie française, la trahison de la papauté, sinon contre la France elle-même.<o:p></o:p>

     Ceux-là, on ne les connaît pas, néanmoins on les devine. Les historiens n'y ont pas pris garde, et pourtant, s'ils avaient réfléchi, ils les auraient démasqués.<o:p></o:p>

    Il faut faire attention aux dates. Le fait qui a produit une très désagréable impression sur Edouard III est l'entrevue d'Amiens, alors que Philippe de Valois a reçu son hommage. Le roi d'Angleterre a été traité en petit garçon ; il n'a que seize ans, il est sous la tutelle de sa mère ; il s'avance tout seul devant son suzerain et celui-ci, au milieu d'une cour brillante où les gentilshommes prennent des airs importants et les dames sourient ironiquement en toilettes somptueuses, l'accueille d'un ton protecteur, d'autant mieux assuré que trois mille hommes, en armes, sont là, rangés, impassibles, montrant un déploiement de force - alors que lui n'a guère d'escorte. Ce sont des vexations qu'on garde au fond du coeur quand on n'est qu'un jeune homme.<o:p></o:p>

    Or, alors, nous sommes en 1328. Il y a seulement onze ans que la Loi Salique a été acceptée par les Etats Généraux - donc onze ans que les tendances « pragmatistes ont pénétré dans le public en France. Et il n'y a que quatorze ans qu'on ne parle plus des Templiers : Jacques Molay a été brûlé en 1314.<o:p></o:p>

    Où sont passés tous les Templiers ? Il y en avait trente mille, au moins, en France - en ne comptant que les Chevaliers. Mais à cette époque, chaque Chevalier se multiplie par dix car il a ses valets qui l'accompagnent à cheval, ses hommes d'armes qui le suivent à pied, ses palefreniers qui s'occupent des chevaux et du ravitail-lement. C'est une armée de trois cent mille hommes, au bas mot, car il y a aussi des moines qui ne se battent jamais mais qui sont en assez grand nombre pour donner une certaine instruction, à ces guerriers. Tous les Templiers - quels qu'ils soient - savent lire et écrire - en un temps où presque personne ne sait tracer sa signature. Il s'agit donc d'une armée d'élite considérable ; elle aurait sa valeur aujourd'hui encore. Or elle a disparu soudain, évanouie, volatilisée !<o:p></o:p>

    On a exécuté quelques Chevaliers - trois cents environ, c'est-à-dire un sur mille. Que sont devenus les autres avec tous leurs compagnons d'armes, parce que, parmi ces derniers beaucoup ont été ceux qu'on a inquiétés ?<o:p></o:p>

    Assurément ce serait une erreur de croire que tous ont passé à l'échafaud. Cependant il n'est pas exclu de penser que plusieurs ont cherché dans l'exil une tranquillité que la France ne leur offrait plus, dès la fin du règne de Philippe le Bel et durant celui de ses fils.<o:p></o:p>

    Alors quelques-uns devaient se trouver en Angleterre. Il y avait à Londres une grande Commanderie du Temple et les Templiers anglais n'ont été l'objet d'aucune poursuite. A la réflexion, on conçoit que, pour des Templiers français, aller les retrouver, devient une idée bien naturelle.<o:p></o:p>

    Si cela fut, on s'imagine aisément qu'un parti opposé au gouvernement français a dû se former en Angleterre. Les Templiers exilés ne devaient néces-sairement pas nourrir des sentiments bien favorables aux successeurs de Philippe le Bel. Il en est ainsi, chaque fois, d'ailleurs, quand des Français passent à l'étranger pour échapper à des poursuites collectives.<o:p></o:p>

    On voit comment ce parti a pu se servir de Robert d'Artois - traître à sa patrie - afin d'inciter Edouard III à faire la guerre à la France.<o:p></o:p>

    C'est une histoire - hélas ! - qu'on a vu depuis se répéter, en d'autres circonstances.<o:p></o:p>

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    Cependant les exilés de cette époque n'incriminaient pas seulement le roi de France d'être l'auteur de leurs infortunes. Ils accusaient aussi le pape. Les tribunaux ecclésiastiques avaient appliqué la torture aux Templiers ; l'autorité pontificale avait prononcé la dissolution de l'Ordre du Temple.

    <o:p></o:p>

    Quand le pape se mêle de soutenir le roi de France en revendiquant la suzeraineté du Royaume d'Angleterre, on a tout lieu de penser que les Templiers exilés - quoique bien vieillis, bien près de la tombe même - sont loin d'avoir oublié leur ressentiment contre une papauté qui les avait plus d'un demi siècle auparavant molestés.<o:p></o:p>

    Si les Templiers - comme beaucoup le croient - suivaient certaines doctrines peu conformes à un catholicisme purement romain - et ceci légitimerait assez bien certaines accusations dont ils furent l'objet - on est en droit de dire que ceux d'entre eux qui vivaient exilés en Angleterre, ont tout au moins encouragé Wiclef.<o:p></o:p>

    Ainsi s'expliquerait son succès. Ainsi se ferait encore mieux comprendre Walter Lollard dont l'existence se place beaucoup plus près du procès des Templiers, puisqu'il se termine en 1322.<o:p></o:p>

    Car, avec la condamnation de Lollard, on est à quinze ans de leurs arrestations de 1307 et à huit ans seulement de la mort de Jacques Molay. Les souvenirs des mauvais moments sont certainement très frais dans les coeurs des exilés. Philippe le Long règne en France. Il ne mourut qu'en 1322, la même année. Donc, quand ce précurseur du protestantisme s'avise de critiquer les sacrements de l'Eglise et de traiter de superstitieux le culte des Saints, qu'il attaque le clergé et parle d'émancipation du peuple, on peut y voir un essai de cette révolution spirituelle qui débutera avec Wiclef et réussira avec Luther. - Les doctrines de Lollard se résument en ses vers :<o:p></o:p>

                          When Adam dalfe and Eve span <o:p></o:p>

                          Whese was the gentleman ?<o:p></o:p>

    Elles exprimaient l'égalité : Quand Adam bêchait et Eve filait, où était le gentilhomme ? - En 1381 un certain John Ball les prêchait encore et soulevait grâce à l'appui de divers disciples de Wiclef, les paysans anglais. On les appelait les « Lollards ». Ils occasionnèrent une très dangereuse révolution que Richard III contint habilement.<o:p></o:p>

    Lollard eut 80.000 disciples ! Et sa doctrine se répandit par toute l'Allemagne jusqu'en Bohême.<o:p></o:p>

    Mais de Lollard à Wiclef, il y a une quarantaine d'années, et de Wiclef à, Luther, près d'une soixantaine.<o:p></o:p>

    Ce qui empêche de voir exactement le fond des choses c'est l'évolution lente des événements. On remarque bien l'action de certaines personnes, dissimulées dans la coulisse, toutefois assez groupées pour qu'on les soupçonne. Cependant le temps passe, on pense que la mort les a fait disparaître et on ne comprend pas très bien pourquoi d'autres qui ne semblent nullement reliées aux précédentes, agissent toujours dans le même sens.<o:p></o:p>

    Il faut donc convenir qu'une même idée, que de mêmes sentiments se transmettent sans cette altération qui se remarque d'ordinaire dans les conceptions humaines.<o:p></o:p>

    Cependant, alors, il devient nécessaire de supposer que cette idée, ces sentiments constituent une armature autour de laquelle se groupent des tendances qui ont un but précis. L'armature paraît inaltérable : donc les sentiments qui la composent sont assez solides pour être admis comme légitimes par ceux qui les partagent et l'idée qui en forme le pivot doit avoir un tel caractère de justesse qu'il devient impossible de la répudier en toute conscience.<o:p></o:p>

    Quand des tendances se groupent, autour de cette même armature, en chaque époque, avec le caractère propre aux circonstances - les aspirations qui se manifestent et coopèrent à l'éclosion des événements aperçus par les historiens, ne peuvent, alors, avoir d'autres caractères que celui des sentiments inculqués, d'autre but que celui de l'idée animatrice.<o:p></o:p>

    Par conséquent, l'action se produit continuellement dans le même sens. Elle est souterraine, sans doute, parce qu'elle demeure l'effet d'un état d'âme partagé par diverses personnes qui peuvent avoir des conditions différentes et qui ne sont pas effectivement groupées. Elle est difficile à déceler par des documents manifestes parce qu'elle a pour mobile une série de réflexions intimes qui n'ont nul besoin d'être exprimées par écrit entre gens sans grande liaison entre eux. Elle ne cesse cependant jamais parce qu'elle ne représente pas une simple conviction, fondée sur quelque manière de voir les événements d'une époque donnée, mais qu'elle procède de la compréhension nette de ce qui est juste et bon pour dégager la vérité - indépendamment de toute opinion, couramment admise.<o:p></o:p>

    C'est ce que Frédéric Masson appelait « l'occulte dans l'histoire ». Il avait bien compris que les événements ressortant des documents historiques avaient leurs raisons mystérieuses que la politique, en tout temps, ne suffit pas à expliquer. Il eut volontiers posé quelques jalons pour indiquer à son public, la façon dont on devait raisonner pour atteindre les points de mystère. Mais un public - comme il l'a avoué - l'en a formellement empêché. - Frédéric Masson dans une lettre écrite à Victor Emile Michelet que celui-ci a publiée, a déclaré qu'il avait toujours été convaincu de l' « occulte dans l'histoire » ; mais qu'ayant voulu en parler, les « gens bien pensants » - c'est son expression - étaient « tombés sur lui à bras raccourcis ». On n'ignore pas que Frédéric Masson qui fut secrétaire perpétuel de l'Académie Française avait pour public la majorité des Français qui professaient ce qu'on appelle des opinions couramment admises !<o:p></o:p>

    Rien ne dit, d'ailleurs, que - de la sorte -- ce mystère ait été percé.<o:p></o:p>

    Car ce mystère semble bien éternel. Il repose sur le fait que, dans le monde et depuis toujours,- on assiste à la lutte entre Ormuzd et Ahriman, selon la conception bien connue - entre un courant qui tend à faire progresser l'humanité et un autre qui voudrait la stabiliser, chaque fois ; entre ce qui désirerait du mieux et ce qui se refuse à admettre que le présent n'est pas le meilleur.<o:p></o:p>

    Cette lutte généralement sourde se manifeste parfois par des événements éclatants. Ahriman paraît vainqueur, mais la défaite d'Ormuzd laisse un tel désordre qu'on se demande, alors, si vraiment Ahriman n'est pas l'esprit du mal et en effet, c'est ainsi qu'on l'appelle.<o:p></o:p>

    Pourtant ceux qui ont tout fait pour arrêter un avancement de l'esprit humain et qui corollairement ont fait de grands efforts pour maintenir un état social, se croyaient les « bons ». Alors ils ne comprennent plus. Et se trouvant obligés d'agir et ainsi d'accomplir un mouvement, ils tentent de revenir en arrière, de se plonger dans le passé. Ils en arrivent à regretter les stades intellectuels disparus, les formes sociales désuètes.<o:p></o:p>

    C'est ce que, l'on a vu, à la fin des Capétiens. Les tendances « pragmatistes », avec les légistes ont été victorieuses. Nul doute qu'elles étaient « bonnes » - elles avaient un caractère évidemment pratique.<o:p></o:p>

    Elles avaient cependant pour effet, de stabiliser la société dans une forme qui, jusqu'alors, avait paru la meilleure et afin d'opérer cette stabilisation, elles durent s'appliquer à renforcer l'autorité directrice de la société, c'est-à-dire la monarchie française. Pour cela il fallut éliminer les Templiers, trop puissants en face de la monarchie française. Il fallut même aller plus loin et asservir la papauté de manière que celle-ci ne puisse jamais contre-balancer le pouvoir de la royauté en France.<o:p></o:p>

    Mais quelle catastrophe !<o:p></o:p>

    La Loi Salique d'abord, magnifique retour en arrière, puisqu'on se plongea si loin dans le passé qu'on fut obligé d'aller dénicher des principes constitutionnels au fond de la barbarie franque.<o:p></o:p>

    Le bouleversement social au point qu'au moment, à la mort de Philippe le Bel, on crut revoir une anarchie féodale que jusqu'alors on avait pu contenir.<o:p></o:p>

    La ruine économique par la suppression de l'organisation bancaire du Temple que l'Etat avait voulu accaparer et la confusion monétaire qui s'en suit toujours en pareil cas.<o:p></o:p>

    La désorientation politique qui se traduit par une ingérence incohérente dans les affaires d'Angleterre et de Flandre puis de Bretagne, sans résultat autre que de mécontenter tout le monde.<o:p></o:p>

    La guerre enfin - l'atroce guerre qui répand la misère et la ruine durant quatre générations.<o:p></o:p>

    Et, pendant ce temps-là, la papauté demeure à Avignon, se débattant dans les liens qui l'enserrent, sombrant peu à peu dans les affres du Grand Schisme d'Occident.<o:p></o:p>

    Ahriman fait bien les choses !<o:p></o:p>

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    Néanmoins Christian Rosencreutz naît en 1378 --- lors des déchaînements de ce cataclysme.

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    On comprend à quoi se réfère le symbole.<o:p></o:p>

    Même, si l'on prend les lettres R.C. pour les initiales de « Respectables Chevaliers » on voit l'indice d'un regret du passé - commun à toute époque de ce genre ; mais d'un regret intelligent, capable par conséquent d'être le germe d'une reprise adroite du progrès que d'autres ont voulu inconsidérément arrêter.<o:p></o:p>

    C'est bien le drame - le grand drame de l'Humanité.<o:p></o:p>

    Quand Jean Trithème paraîtra, un tableau de ce drame se jouera sur la scène du monde. Luther en sera le protagoniste, mais non loin de lui et sans relations apparentes avec l'action qu'il déploie, se verra aussi Cornélis Agrippa, élève de Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Ignace de Loyola se chargera de faire apercevoir la liaison entre les uns et les autres. Ce que Cornélis Agrippa a pu laisser entendre, Loyola l'a compris. Son intelligence supérieure lui a fait deviner que les doctrines de Luther avaient une liaison insoupçonnée avec celle de Jean Trithème et que si le protestantisme de Luther était la forme publique de tendances dangereuses pour le maintien d'un « pragmatisme » qu'il trouve indispensable au bien de la société, « l'occultisme » de Jean Trithème continué par Cornélis Agrippa, en était le soutien dissimulé.<o:p></o:p>

    Loyola fonde alors la Compagnie de Jésus. Celle-ci a pour but avéré de combattre le protestantisme, mais pour objectif intime d'empêcher - de toutes manières, par tous les moyens et avec toutes les astuces que cet « occultisme » parvienne à contaminer les esprits dans les sphères où se trouve la direction intellectuelle.<o:p></o:p>

    On a ainsi les décrets du Concile de Trente.<o:p></o:p>

    Là, les « stabilisateurs » marquent un point.<o:p></o:p>

    Mais nous sommes bien loin de Christian Rosencreutz ; deux siècles ont passé. « Les Respectables Chevaliers » de 1378 sont morts depuis longtemps. Leurs descendants ne pourraient même plus dire qui ils étaient.<o:p></o:p>

    Il y a de quoi, d'ailleurs, s'égarer. L'ancien Ordre du Temple paraît avoir plusieurs répliques : d'abord l'Ordre de Calatrava en Espagne et celui du Christ au Portugal. Le premier datait de 1158 et avait été fondé par des Français qui, dit-on, suivaient la règle de St Bernard. Cette indication permet de voir que les Templiers ne sont nullement étrangers à cette création. St Bernard, selon les uns, aurait établi vers 1120 la règle du Temple ; mais selon les autres, il s'en serait toujours défendu. En tout cas il professait une grande admiration pour les Templiers. Les premiers Chevaliers de Calatrava avaient, sinon la règle, du moins les idées de St Bernard. Quant à l'Ordre du Christ, sa fondation qu'on attribue à Denis 1er roi du Portugal, elle ne remontait qu'à 1318 - six ans après l'abolition officielle de l'Ordre du Temple et, par cela même, elle laisse à penser, qu'elle avait le caractère d'une perpétuation de celui-ci. Il a bien dû y avoir des Templiers qui se sont exilés au Portugal<o:p></o:p>

    Mais au Nord-Est de l'Europe, dans les Pays Baltes, on connaissait, depuis 1202, l'Ordre des chevaliers Porte-Glaives - Ensiferi en latin et Schwerbrüder en allemand - qui avait été institué, par Albert d'Apeldein, évêque de Livonie, sur le modèle de l'Ordre du Temple. Il se dénommait primitivement Ordre des Frères de la Milice du Christ et son premier grand Maître s'appelait Winno de Rohrbach, un Alsacien.<o:p></o:p>

    Puis, en cette contrée qui devint plus tard la Prusse, se trouvait l'Ordre des chevaliers Teutoniques que divers Allemands de Lübeck et de Brême, avaient fondé en 1128, alors qu'ils vivaient en Terre Sainte, durant la Première Croisade. Henrich de Wadpodt l'avait transporté dans les Pays Baltes. Cet ordre ne présentait rien de commun avec celui du Temple, toutefois il fit, à certains moments, alliance avec l'Ordre des Porte-Glaives.<o:p></o:p>

    Enfin on voyait l'Ordre des chevaliers de St Jean de Jérusalem dit aussi Ordre des frères Hospitaliers ou des chevaliers de Malte et parfois des chevaliers de Rhodes. Il était l'acquéreur des biens de l'Ordre du Temple séquestrés par Philippe le Bel et certains veulent reconnaître, dans ce fait, une manifestation de cette jalousie qui s'était constatée à plusieurs reprises entre les deux ordres. Celui de St Jean de Jérusalem se targuait, d'ailleurs, de son ancienneté ; il avait été fondé en 1099, neuf ans avant l'Ordre du Temple, par Gérard Foin, originaire de Martigues, en Provence.<o:p></o:p>

    Or toutes ces organisations existaient en 1378. On a donc le choix pour la filiation des « Respectables Chevaliers ». On peut, douter, on peut se laisser entraîner par son imagination, on peut subir l'influence des diverses allégations répandues.<o:p></o:p>

    Le drame de l'Humanité se déroule dans l'ombre du mystère.<o:p></o:p>

    Comment donc trouver aisément la Voie de la Vérité - celle qu'il faut suivre pour comprendre ? Combien sont excusables ceux qui étant tombés sur quelques vagues repères ont pensé qu'ils détenaient un fil conducteur !<o:p></o:p>

    Le Dante commence son célèbre poème en faisant remarquer que « dans la broussaille obscure, la voie certaine a disparu ». Il écrivait au temps de Walter Lollard, quand Edouard II régnait en Angleterre et Philippe le Long, en France - puisqu'il est mort en 1321.<o:p></o:p>

    Ainsi, déjà, il pouvait constater que la « Voie de la Vérité » se perdait dans un fouillis inextricable.<o:p></o:p>

    Depuis lors la broussaille a développé ses enchevêtrements. La nuit s'est condensée en ténèbres totales.<o:p></o:p>

    On se trouve dans le « noir obscur » comme disaient les alchimistes.<o:p></o:p>

    Où voir le Vrai ? où saisir la Tradition ?<o:p></o:p>

    Une âme de détective -- avec la réflexion patiente, avec le scepticisme soupçonneux, avec l'attention constante - découvre de ci de là des indices qui, peu à peu, guident les suppositions et mettent sur une piste.<o:p></o:p>

    Est-ce là, ce qu'il faut croire ? Est-ce là, ce qui conduit, à la Tradition, ce qui donne la Vérité ?<o:p></o:p>

    Probablement.<o:p></o:p>

    Mais si, jamais, un document fournit la preuve que les investigations ont mis sur la voie certaine, si les faits démontrent que s'est découvert le Vrai - alors le Monde sera changé.<o:p></o:p>

    Complètement !<o:p></o:p>

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    Le Document insoupçonné

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    Jean Trithème apparaît comme le « Père de la Tradition ».

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    Mais il faut s'entendre : qu'est-ce que la « Tradition » ? Qu'est-ce qu'un « Père » en l'occurence ?<o:p></o:p>

    Le mot « Tradition » s'emploie couramment lorsqu'on parle d'astrologie, d'alchimie ou même de magie véritable. On exprime ainsi, certaines manières de voir les faits ou d'interpréter les textes qu'on estime anciens et par cela même, exacts. On l'emploie dans un sens qui se comprend quoiqu'il soit vague.<o:p></o:p>

    Cela veut bien dire « des procédés ou d'usages transmis de génération en génération », toutefois sans caractériser nettement l'ordre d'idées dans lequel se rangent ces procédés ou ces usages, ni préciser la façon dont ceux-ci peuvent avoir été transmis par un enchaînement de générations mal connues.<o:p></o:p>

    Il serait impossible de codifier cette « Tradition ».<o:p></o:p>

    Chacun, du reste, poursuivant le cours de ses pensées, range dans la « Tradition » ce qui lui paraît conforme à. ses propres convictions et tend à prendre pour des erreurs ou des altérations, ce qui s'en écarte.<o:p></o:p>

    Aucun accord n'existe sur l'essentiel même de la « Tradition ».<o:p></o:p>

    Toutefois, il y a un point sur lequel tout le monde est d'un avis identique : C'est qu'une « doctrine » impliquant évidemment des procédés ou usages pratiques, sinon techniques, a dû exister. On ne voit pas clairement à quelle époque cette « doctrine » a pu être pratiquée, ni par qui ni comment elle a été adoptée ; encore moins, quel peut avoir été son auteur, où ; celui-ci l'a puisée, pourquoi il l'a propagée. Mais on demeure fermement convaincu qu'elle a existé.<o:p></o:p>

    C'est en vertu de cette conviction qu'on la recherche et que ne la trouvant guère, parce qu'on procède en ordre dispersé, on déplore de ne pas la trouver.<o:p></o:p>

    Pour la plupart des gens qui' s'occupent de ce qu'on appelle globalement l'occultisme, la « Tradition » paraît actuellement perdue.<o:p></o:p>

    Cette doctrine, qui a dû, jadis et quelque part, exister, serait assurément très précieuse à retrouver, cependant dans sa transmission, à travers les âges, elle s'est tellement diluée qu'on l'a dit perdue.<o:p></o:p>

    Le fait n'étonne pas outre mesure, car en disant « Tradition » on pense ésotérisme. Il s'agit toujours de là « Tradition ésotérique » et, par conséquent d'une « doctrine secrète que certains philosophes de l'antiquité ne communiquaient qu'à leurs disciples ». En cela, on est toujours conforme avec le sens des mots, avec les définitions que donnent les meilleurs dictionnaires. On exprime bien ce que cela veut dire. Néanmoins, par le fait même que cette doctrine est secrète et que son ou ses auteurs ne l'ont communiquée que sous le sceau du secret en des temps fort lointains ; ce n'est d'abord pas trop surprenant que personne ne l'ait explicitement révélée ; puis ce semble assez naturel que, dans le cours des âges, avec toutes les perturbations qui ont bouleversé la société humaine, avec même les divergences de vues produites par l'évolution des idées, l'intégrité des préceptes se soit tellement altérée qu'on constate maintenant la dispersion confuse des divers procédés et usages qui en dérivent.<o:p></o:p>

    La « Tradition ésotérique» est donc déclarée perdue -- avec regret, mais non pas avec stupéfaction.<o:p></o:p>

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    Sans savoir, alors, ce qu'a pu être, tout à fait, la doctrine, originellement enseignée, sans connaître la façon dont un maître l'a communiquée à ses premiers disciples. On se reporte à ceux-ci et l'on prend toujours pour point de départ ce qui se voit manifestement.

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    C'est du simple bon sens. Chaque fois qu'il s'agit d'une doctrine, il demeure logique de - procéder ainsi.<o:p></o:p>

    Or, nous sommes en présence de deux personnalités, - Cornélis Agrippa et Paracelse - toutes deux célèbres, toutes deux retenues comme faisant partie de cette lignée d'occultistes que les Rose+Croix semblent bien caractériser.<o:p></o:p>

    Un siècle ou presque les sépare de Valentin Andreae qui signala, le premier, l'existence d'une Rose+Croix. Leur antériorité oblige donc de les prendre en considération.<o:p></o:p>

    Leur Maître est Jean Trithème. Avant celui-ci nul autre n'apparaît.<o:p></o:p>

    Donc Jean Trithème doit se prendre comme « Père de la Tradition ». Reste à définir ce qu'il faut entendre par là.<o:p></o:p>

    La qualité même qu'on reconnaît à la doctrine - à défaut de précisions - implique une antiquité beaucoup plus étendue que celle d'un siècle. Si, au temps de Cornélis Agrippa et de Paracelse, la Rose+Croix était déjà aussi ancienne, elle présentait des racines qui plongeaient bien plus loin assurément et peut-être jusqu'à des millénaires antérieurs. Dans ces conditions, attribuer une « paternité » à leur Maître Jean Trithème paraît une assertion gratuite.<o:p></o:p>

    Néanmoins, tout dépend du point de vue imaginé.<o:p></o:p>

    En tant que représentant des conceptions spéciales en matière « christique », on trouverait le moyen de rattacher la doctrine en question à certaines idées qui se dégagent des écrits de l'Apôtre Jean. Les premiers versets du quatrième Evangile permettent des interprétations qui le donneraient à penser. Ainsi la Rose +Croix dériverait d'un « Johannisme qui - répudié ensuite par l'Eglise de Rome - avait donné naissance à une dualité en matière religieuse. Par là s'expliquerait, en quelque sorte, Luther, mais corollairement.<o:p></o:p>

    Or le symbolisme qu'emploie St Jean dans un autre de ses écrits - l'Apocalypse - incite à penser que la doctrine de la Rose+Croix, connue surtout symboliquement, est antérieure à l'époque apostolique et qu'ainsi elle remonte à plusieurs siècles avant Jésus-Christ. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le « Johannisme », mal entendu, a été poursuivi à outrance par l'Eglise.<o:p></o:p>

    Prise en ce sens, cette doctrine n'a pas de paternité accessible. Celle-ci devient si lointaine- qu'elle se perd dans la nuit des temps.<o:p></o:p>

    Si d'autre part, on considère le « mouvement » auquel a donné lieu la « Rose+Croix », avérée par la « Fama Fraternitatis » et Valentin Andreae, c'est à Michel Maier qu'il faut se tenir. Car son entrevue avec Robert Fludd - qui a motivé divers écrits très caractéristiques de celui-ci, fut capitale pour donner une orientation anglaise au dit « mouvement ». Toute politique qu'à juste titre on peut appeler anglo-saxonne est partie de là -- où, pour préciser, des « rosi-cruciens » anglais qui ont conçu une certaine manière d'intervenir indirectement dans les événements en Europe.<o:p></o:p>

    Mais, pour ce qui concerne la pensée directrice de la manière en question dont Michel Maier était indéniablement imbu, il convient de remonter d'un siècle.<o:p></o:p>

    On dégage, de la sorte, Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Comme, avant lui, personne, dans le même ordre d'idées, ne s'affirme positivement, on en conclut qu'il est le « Père de la Tradition ».<o:p></o:p>

    C'est donc de lui que part cet « ésotérisme » que nous connaissons aujourd'hui, sous une forme qui procède sans doute, d'une antiquité plus grande, mais qui demeure distincte de toutes celles que les périodes antérieures ont pu léguer.<o:p></o:p>

    Jean Trithème ne peut pas se dire « le Père de la Rose+ Croix », néanmoins le Père de ce qui a amené la Rose+ Croix. La « Tradition ésotérique », telle que nous la concevons de nos jours, est née de son enseignement.<o:p></o:p>

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    Certes, déjà, de lui à Cornélis Agrippa et à Paracelse, il y a une « dégradation » dans la manière de voir - ou plutôt, dans la présentation de la pensée.

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    Toute leçon d'un maître qu'exposent les disciples les plus immédiats et les plus compétents, subit une transformation qui en est presque une altération. Plus tard, si l'on n'y prend garde, il s'en suit des déviations qui peuvent aller jusqu'à la divergence.<o:p></o:p>

    Il n'y a qu'un moyen d'éviter le fait. C'est de déclarer « sacrés » les dires du Maître. Dès lors, toute altération devient condamnable toute déviation, schismatique et toute divergence, hors de considération. Les Evangiles sont « sacrés » pour cette raison. Ainsi la parole de Jésus demeure inaltérable.<o:p></o:p>

    Les conceptions de Jean Trithème ne sont nullement « sacrées ». Il demeure impossible de les opposer à ceux qui en ont présenté des dérivés. On ne les trouverait d'ailleurs pas rassemblées en des traités explicites.<o:p></o:p>

    Ce qu'on voit nettement, c'est que le « Père de la Tradition ésotérique » prenait l'astrologie, l'alchimie et la magie dans une acceptation très haute - qu'il réprouvait toutes les superstitions auxquelles elles ont donné lieu. Certains auteurs ont même cru qu'il était entièrement opposé à toute recherche dans cet ordre d'idées.<o:p></o:p>

    Il parle effectivement dans ses Lettres Familiales » des astrologues, des alchimistes et des magistes en des termes sévères.<o:p></o:p>

    Il dit : « Les astres n'ont aucune intelligence ni aucun sentiment, donc, ils ne confèrent aucun savoir à notre esprit, ils n'ont aucun pouvoir sur nous ». Mais qu'on lise bien, ce n'est là que la critique de la superstition en matière d'astrologie. Aucun homme sérieux, ne peut attacher de « l'intelligence ou des sentiments » à des corps célestes, matériels par définition.<o:p></o:p>

    Jamais personne n'y a songé, sauf quiconque tendait à la superstition. Au contraire même, les Romains et les Grecs distinguaient clairement toute divinité de l'astre du même nom ; pour eux, la divinité agissait et non pas l'astre. Les Hébreux faisaient de même ; les anges des planètes n'avaient qu'une certaine relation de mouvement et non pas d'action avec l'astre auxquels ils correspondaient.<o:p></o:p>

    Quant à faire remarquer que les astres « ne confèrent aucun savoir à notre esprit » cela revient à attirer l'attention sur le fait que les acquêts de « l'intellect  humain » peuvent bien être indiqués par une configuration sidérale, parce que celle-ci prédispose à tel ou tel savoir ; mais que par eux-mêmes, les astres ne donnent pas le savoir.<o:p></o:p>

    Donc, les astres n'ont pas de pouvoir sur nous. Ils marquent un certain « déterminisme », dont les raisons se trouvent dans les régions plus élevées que la matérialité sidérale. Du reste, dans la même « Epitre Familiale », il déclare que c'est là, l'avis de « ceux qui suivent la voie spirituelle - qui Spiritu ambulamens.<o:p></o:p>

    Mais il traite plus mal les alchimistes. « Ils veulent, écrit-il, imiter la Nature et subdiviser ce qui est unique dans l'Univers, alors qu'ils ne comprennent pas les principes des forces qui agissent dans la Nature ». - Le latin est plus concis : « Volunt imitari naturam et facere partes quod solicis est universalis, cum radicem virtutis naturae non inelligunt. » - Ceci démontre sa largeur de vue, en ce qui concerne la « Matière ». Depuis longtemps on ne l'a pas atteinte : ce n'est qu'au début du XXe siècle qu'on y est parvenu.<o:p></o:p>

    Parler de « ce qui est unique dans l'Univers » c'est considérer que la « Matière » telle que nos laboratoires la possèdent, se trouve composée d'électrons dans les atomes et qu'elle n'existe qu'en vertu d'une disposition intra-atomique des forces dégagées ou représentées par ces mêmes électrons. On est loin de cette alchimie vulgaire qui - comme il dit ailleurs  « n'est que vanité, fraude, tromperie, déception, effet de réthorique, cupidité, fausseté, abus de confiance qui aboutit à la folie, à la pauvreté, à la misère même, au désespoir, à l'exil, aux poursuites judiciaires et à la mendicité ». Une telle phrase laisse à penser combien de malheureux il pouvait y avoir en son temps que la fabrication de l'or devait tenter.<o:p></o:p>

    Pour ce qui est de la Magie il déclare : « Je ne peux pas dire que j'ignore tout à fait la magie naturelle, celle qui produit des faits surprenants lesquels sont pourtant dans l'ordre de la nature... J'avoue que j'ai lu beaucoup de volumes de Magie, j'y ai trouvé pas mal de charlatanisme ».<o:p></o:p>

    La Magie naturelle se fondait autrefois sur la physique, elle consistait en des pratiques simples et pures ; à force d'erreurs, d'altérations et de supercheries, elle est devenue tellement confuse que personne ne la connaît bien, à moins d'avoir étudié celle de jadis et celle de maintenant ».<o:p></o:p>

    On ne peut pas mieux s'exprimer sur ce sujet.<o:p></o:p>

    Jean Trithème avait donc bien compris que la véritable Magie n'est que de la physique des anciens, mais que sa dégénérescence a donné lieu à cette confusion invraisemblable qu'on appelle la sorcellerie où personne ne comprend plus rien. A ce point de vue-là, nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui.<o:p></o:p>

    Jean Trithème voyait les choses de haut, avec une perspicacité devant laquelle on doit s'incliner.<o:p></o:p>

    Alors la façon dont il entendait l'astrologie, l'alchimie et la magie fait entrevoir combien profondes, combien savantes devaient être les leçons qu'il a données à Cornélis Agrippa et à Paracelse.<o:p></o:p>

    Il est assurément le « Père de la Tradition » mais de la vraie !<o:p></o:p>

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    Cette paternité n'exclut pas, chez lui, toute liaison avec ce qui porte la date de 1378. L'assertion est sans doute gratuite. Elle ne paraît reposer que sur des suppositions. Car, enfin, aucun indice patent, ne permet de rattacher les conceptions, qu'on vient de lui reconnaître, de celles que certains «Chevaliers » auraient eu près d'un siècle auparavant.

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    D'abord on ignore totalement quels étaient ces « Chevaliers » . En conséquence, on ne peut décemment affirmer en quoi consistait leur tendance philosophique. Ensuite la date de 1378 relève d'une pure hypothèse ; elle n'est qu'un repère symbolique auquel on attribue une valeur parce qu'on pose, a priori, qu'un symbole a son utilité, pour fixer l'attention. Dès lors, rien ne dit qu'il faille s'y reporter.<o:p></o:p>

    Mais il ne s'agit pas de relier le savoir de Jean Trithème à ce que pouvaient connaître quelques hommes d'armes au temps de Charles V en France. Si le repère de 1378 sert à quelque chose, c'est à faire remarquer à quel point la seconde partie de la Guerre de Cent Ans était susceptible de faire regretter les fautes commises durant la première. Le système de défense territoriale, imaginé par Charles V, n'avait d'autre raison que l'incapacité stratégique des chefs d'une armée déficiente. On conçoit ce que pensaient à cette époque, des militaires intelligents - probablement hors de toute activité combative ; par ce que, seul, l'éloignement des faits laisse l'esprit libre pour la critique. On devine le sens de leurs regrets.<o:p></o:p>

    Cela ne veut pas dire que leurs connaissances générales aient été assez élevées pour y voir les fondements de ce que Jean Trithème enseignera plus tard. Toutefois, s'il y a eu, dans leur esprit, des regrets d'une « Chevalerie » disparue, on peut s'imaginer qu'ils s'accompagnaient du chagrin de constater la carence de ce qui formait jadis une belle armée de Chevaliers.<o:p></o:p>

    En somme la pensée de 1378 se résume à ceci : Si les Templiers étaient là" l'Angleterre ne serait pas victorieuse ! ».<o:p></o:p>

    A tout prendre, c'est juste. L'armée des Templiers n'eut permis ni Crécy, ni Poitiers, ni Azincourt. Elle eut été maîtresse des champs de bataille, dès le premier contact. Mais la guerre n'aurait, probablement, pas eu lieu parce que même, au cas où Edouard III eut désiré la faire, il eut été retenu par les Templiers anglais et il n'eut pas pu passer outre, à cause des moyens financiers dont ceux-ci disposaient.<o:p></o:p>

    Au surplus qui nous dit que la monarchie de Valois aurait montré autant d'incohérence en politique ? Les Capétiens, depuis Louis VII, avaient toujours eu des ministres Templiers. Les rois de cette dynastie ont eu tant de renommée qu'elle a auréolé l'idée monarchique en France : Philippe Auguste a fait la prospérité de Paris, Saint-Louis a illuminé le moyen-âge. Au temps des Valois ce n'est que la misère et la ruine.<o:p></o:p>

    Qui nous dit aussi que la papauté eut été dans la situation lamentable de perdre tout prestige spirituel, loin de Rome, enchaînée dans une servitude française, à Avignon ? Clément V a eu la malencontreuse idée de céder à Philippe le Bel, il n'a rien fait pour s'opposer à l'arrestation des Templiers - à tort ou ,à raison, peu importe -- il a dû céder encore et se fixer à Avignon, tel est le fait.<o:p></o:p>

    En 1378, on pouvoit bien avoir de tels regrets ; soixante ans étaient passés qui démontraient combien portait de conséquences l'erreur commise par le petit-fils de St-Louis !<o:p></o:p>

    On pouvait déplorer la disparition de la « Chevalerie » - de cette élite qui, évidemment éparse en plusieurs ordres différents, mais comparables en un sens à celui du Temple, donnait à la société du moyen-âge, l'éclat qui resplendit encore sur ses monuments.<o:p></o:p>

    Or il y a une pensée dans l'art des cathédrales. Et il est impossible que, si cette pensée se trouve architecturalement exprimée, elle n'ait pas été partagée par ceux qui composaient l'élite de ce temps-là.<o:p></o:p>

    Se lamenter sur la disparition de l'élite, c'est verser des larmes sur l'abandon d'une vie intellectuelle qui donnait de si beaux résultats.<o:p></o:p>

    On comprend, alors, la tentative de la reprise d'une méthode, sinon une organisation, analogue à celle qui avait, naguère, constitué une élite.<o:p></o:p>

    Mais la méthode susceptible de doter l'élite d'une valeur sociale, ne peut être qu'éducative. Toute élite, sans instruction, n'a aucune influence. Ni les honneurs, ni la richesse ne remplacent le savoir - mieux vaut donc une élite effacée, même pauvre, que pas d'élite du tout. Tout au moins, en ce cas, le patrimoine intellectuel, si précieux en raison des résultats qu'on lui connaît, sera conservé.<o:p></o:p>

    Telle semble l'idée qui a présidé à un rassemblement caractérisé par les lettres R.+C., en 1378.<o:p></o:p>

    A condition, néanmoins, que ce rassemblement ait eu lieu.<o:p></o:p>

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    On ne peut rien affirmer à cet égard. La date symbolique attire simplement l'attention et fait ressortir des probabilités.

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    D'après ce que l'on s'aperçoit, l'idée de la conservation d'un patrimoine intellectuel était susceptible logiquement de s'imposer. Dès lors, Jean Trithème se rattache incontestablement à la même idée, puisque ses conceptions présentent un caractère tellement élevé qu'elles ne peuvent être que du même genre. Car s'il y a une façon d'instruire l'élite, pour en faire le principal instrument du progrès général, il devient nécessaire que les conceptions qu'on lui a inculquées soient les plus élevées possibles. L'élite est toujours une exception - donc son savoir doit être exceptionnel, ainsi il ne peut, en aucune manière, cadrer avec ce que le public sait, pense ou écrit à l'ordinaire.<o:p></o:p>

    Jean Trithème a un savoir spécial, très spécial même pour ceux qui le rangent parmi les astrologues, les alchimistes ou les magistes. Le patrimoine qu'il s'agissait de conserver en 1378 était spécial aussi, sans quoi, on aurait pu dire que c'était celui de l'élite.<o:p></o:p>

    Jean Trithème donc, s'apparente avec ceux que caractérisent les lettres R.+C. Et ceux-ci se rattachent avec d'autres qui leur sont antérieurs puisqu'ils reprennent des méthodes anciennes.<o:p></o:p>

    Pourquoi ne l'a-t-on pas vu ?<o:p></o:p>

    Parce qu'on s'est fixé à la date de 1378. Pourtant celle-ci ne signifie rien. C'est un point de repère - pas autre chose.<o:p></o:p>

    Elle marque sans doute un « stade » - c'est-à-dire un point - où, dans l'évolution de ce drame de l'Humanité qu'il faut considérer si l'on veut comprendre, il y a eu un fait, en apparence étranger à tous les événements de la même époque. Ce fait constitue un simple jalon pour guider les recherches dans la voie de la filiation traditionnelle. Et, comme cette voie est dissimulée le plus possible, le fait a un caractère dénué de toute notoriété ; le jalon même ne présente pas grande valeur. Le repère peut donc échapper aisément.<o:p></o:p>

    Or la preuve que les plus grandes précautions ont été prises à cet égard, réside, dans la façon dont on en fournit l'indication. Il s'agit de la naissance d'un personnage hypothétique : Christian Rosencreutz. Ce n'est qu'avec beaucoup de perspicacité qu'on peut déceler que le personnage qui paraît bien inexistant, ne représente pas quelqu'un mais quelque chose. Encore demeure-t-on dans le doute, car celui qui révèle un tel indice, prend soin de décliner toute responsabilité. Valentin Andreae publiant la « Fama Fraternitatis » où il est parlé de la naissance de Christian Rosencreutz en 1378, s'empresse de dire qu'il n'en est pas l'auteur, puis écrivant divers détails sur ce personnage, dans les « Noces Alchimiques », n'hésite pas à affirmer que tout cela est une farce, un « ludibrium », un canular ».<o:p></o:p>

    Assurément, de la sorte, il devenait difficile de voir un tel indice.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions échappait complètement toute liaison de Jean Trithème avec ceux qui désignent les lettres R.+C. Or Jean Trithème, lui-même, ne semble pas tenir une très grande importance dans la perpétuation des sentiments dont pouvaient être animés certains « Chevaliers » en 1378. Dans ses écrits il n'y fait aucune allusion, dans ses enseignements il ne laisse percer que les éléments pouvant servir à la conservation de ce patrimoine intellectuel qu'on estime avoir été utile à une « Chevalerie regrettée. Ses disciples seront plus affirmatifs en ce qui concerne les principes enseignés ; ils garderont tout autant de mutisme au' sujet de ces regrets. Au surplus son existence ne permettra à aucun moment, de l'accuser de présenter des regrets, sous une forme tangible. Simplement moine d'un ordre catholique où les recherches documentaires sont de mise, socialement inoffensif comme tout bénédictin, très réputé, sans doute, et très savant bien entendu ; aucun acte de sa vie, ne peut lui être reproché<o:p></o:p>

    Comment voir en lui le chaînon d'une pensée qui aurait germé dans des cerveaux du temps de la Guerre de Cent Ans ?<o:p></o:p>

    La critique a le champ libre.<o:p></o:p>

    Pourtant il y a Cornélis Agrippa qui fut son élève et Ignace de Loyola qui fréquenta la Sorbonne. Ce précédent a bien deviné l'énigme. Les conceptions de Jean Trithème ne peuvent être que l'essence même d'une instruction, secrètement donnée, pour constituer une « Elite, de Chevalerie ».<o:p></o:p>

    Loyola a parfaitement compris que, si cette instruction prenait un ton éducatif et si, de la sorte; une telle élite était rassemblée, celle-ci, en vertu de ses regrets dont il a été parlé, engendrerait nécessairement un courant d'idées nettement contraire à celui du catholicisme pur.<o:p></o:p>

    Car le catholicisme pur est un composé de théologie et de politique. Sa théologie est faite des principes du christianisme dont la raison se déclare mystérieuse et à tout prendre, divine, pour en éviter les discussions, afin d'asseoir la politique sur un terrain solide.<o:p></o:p>

    Sa politique est faite des principes de l'administration romaine, dont la source remonte à l'Empereur Constantin, lequel par l'édit de Milan en 343 a doté les évêques d'un pouvoir administratif et par conséquent l'évêque de Rome - c'est-à-dire le pape - du pouvoir temporel, ce qui donne à la théologie une force énorme.<o:p></o:p>

    Pour Loyola, renverser tout cela, c'est ruiner la société. A ses yeux, donc, quiconque professe des idées contraires doit être combattu à outrance.<o:p></o:p>

    Ceci fait comprendre bien des choses<o:p></o:p>

    Mais, alors, puisque Cornélis Agrippa a laissé percer de telles idées, il n'était lui-même qu'un chaînon et celui dont il les tenait ne peut se prendre pour l'origine de la chaîne. Celle-ci se trouve plus loin dans le passé. Loyola l'a vu ; il n'a pas hésité à adopter le point de vue des légistes de Philippe-le-Bel - à être, en somme, « pragmatiste ».<o:p></o:p>

    Comment s'étonner que, dans les temps modernes, les Jésuites, continuateurs de Loyola. se sont fait - en 1815 par exemple - les défenseurs non seulement de « l'autel mais encore du « trône » ?<o:p></o:p>

    Ils étaient tout à fait logiques.<o:p></o:p>

    Ce serait le moment, maintenant, de prouver que Jean Trithème, qui demeure « Père de la Tradition ésotérique dans la mesure où se considère la forme donnée aux éléments d'une doctrine plus ancienne - a eu qualité pour constituer un chaînon dans la ligne envisagée.<o:p></o:p>

    Car, malgré toute la valeur des rapprochements effectués, grâce à divers indices, nous sommes toujours dans le domaine des suppositions.<o:p></o:p>

    On ne s'improvise pas chaînon dans une descendance quelle qu'elle soit. Certes, dans une descendance morale, on peut passer pour tel et ainsi, faire illusion. Ordinairement, d'ailleurs, quelqu'un qui cherche à tromper sur ce point s'empresse de faire des déclarations tapageuses. On remarquera que dans ce genre et à la suite des élèves de Cornélis Agrippa et Paracelse, il y a assez de Rose+Croix fallacieux.<o:p></o:p>

    Mais, Jean Trithème, au contraire, est remarquablement silencieux. On ne peut lui reprocher d'étaler de la vantardise. S'il a eu « qualité », c'est-à-dire, s'il a été désigné pour être le chaînon en question, aucun écrit de sa part ne le fera ressortir.<o:p></o:p>

    Il n'est donc pas commode de fournir une preuve.<o:p></o:p>

    Ici, par conséquent, un critique risque de triompher. On sait bien que si la moindre preuve existe que Jean Trithème a tenu le rôle envisagé, l'échafaudage de constatations, qui a été fait, prend un caractère véridique. Dans le cas contraire, il demeure une probabilité, alléchante, curieuse peut-être, toutefois, nullement certaine.<o:p></o:p>

    Or réfléchissons bien.<o:p></o:p>

    Pour constituer une liaison entre le fait R.+C. de 1378 et les faits caractérisés aussi par, les mêmes lettres symboliques, à la suite de Cornélis Agrippa ou d'autres, quelqu'un doit avoir été « désigné » à cet effet.<o:p></o:p>

    « Une mission spéciale » a dû avoir été confiée. Notons que si personne n'en a été chargé, il ne peut plus y avoir de liaison à considérer.<o:p></o:p>

    Par conséquent, ce qu'il s'agit d'examiner c'est d'abord « en quoi » a pu consister la « mission » et ensuite « comment » elle a pu être confiée. Car il demeure superfétatoire de rechercher ce qu'est essentiellement la « désignation » laquelle implique la « qualité ».<o:p></o:p>

    Pour préciser par un exemple, tout se passe comme si nous étions en présence d'un gendarme qui nous fait signe d'arrêter, pour dresser contravention. Par son uniforme nous reconnaissons sa « qualité » - par son attitude nous voyons aussitôt qu'il est « désigné » pour faire observer une réglementation - nous en inférons que, par effet d'ordres dont il est l'exécutant, il a recru une « mission spéciale », pour le point précis où il se trouve - enfin nous admettons aussitôt que cette « mission » consiste dans l'exercice de l'autorité qu'il détient en tant que gendarme. Nous nous inclinons donc. Mais si c'était un faux gendarme ?<o:p></o:p>

    Si c'était un individu quelconque, déguisé en gendarme, nous lui dirions simplement : montrez-moi, s'il vous plait, votre « commission » ce qui veut dire : faites-moi connaître comment » il se fait que vous avez « mission » d'être ici et « en quoi » consiste votre « mission ». Car il pourrait arriver que celui que nous prenons pour un farceur, déguisé en pandore, soit un gendarme véritable, dûment muni de sa « commission », autrement dit du papier officiel affirmant sa « qualité », mais simplement en congé, ou hors de la circonscription de sa brigade, en tout cas, nullement « en service ». Ainsi s'impose la question « comment » se fait-il qu'ait été donnée telle ou telle « mission ». Au reste tout gendarme, en service, n'attend jamais qu'on lui demande quoi que ce soit et affirme avant tout, qu'il est « chargé d'accomplir tel devoir ». Par là, il exprime « en quoi » consiste sa « mission ».<o:p></o:p>

    C'est de la sorte que l'on doit raisonner en l'espèce.<o:p></o:p>

    Jean Trithème se trouve là, au point d'arrêt. Est-il un faux bonhomme » ? La réponse ne peut être que négative. Jean Trithème, par le fait qu'on le connaît comme maître de Cornélis Agrippa et de Paracelse est bien « susceptible » d'avoir « qualité ». Mais le hasard entre-t-il pour quelque chose dans ce fait ? Car si nous le rencontrons, durement par hasard, à point nommé, sa « qualité » n'a aucune valeur. Il faut donc qu'une « mission » lui ait été donnée. Rien ne l'affirme ; aucune déclaration de sa part n'existe, à, ce propos. « Comment donc cette « mission » aurait-elle pu lui être conférée ? - ce serait le cas où le gendarme omettrait de dire : « ma consigne est de procéder à tel ou tel acte ».<o:p></o:p>

    Ordinairement on pense que la consigne du gendarme provient d'une décision de ses chefs, c'est-à-dire de l'administration dont il fait partie. Il en est de même ici ; la « consigne » en la « mission » de Jean Trithème relève, sinon d'une administration, du moins d'une « organisation » à laquelle on doit logiquement le rattacher - sans quoi cette « consigne en mission » est une simple mystification.<o:p></o:p>

    Ainsi pour reconnaitre « comment » Jean Trithème peut avoir été pourvu d'une « qualité effective » il faut rechercher si une certaine « organisation » a existé antérieurement à lui.<o:p></o:p>

    « La « mission » confiant ce que nous appelons la « qualité effective » peut fort bien avoir été donnée par des personnes plus âgées que lui qui, sur la fin de leur vie, lui ont « transmis » telle ou telle « consigne » - de même qu'un gendarme, planton en un point déterminé, prend le « service » de ses prédécesseurs dans le même ordre d'attribution. Mais cette manière d'opérer suppose une « organisation ».<o:p></o:p>

    Par conséquent, il y a certainement quelque chose de ce genre pour que Jean Trithème puisse être pris en considération.<o:p></o:p>

    Inutile de chercher ; on se perdrait en conjectures, parce que, du moment qu'il n'affirme rien en ce qui concerne sa « mission », c'est que l'organisation qui la lui a confiée est secrète.<o:p></o:p>

    Voyons plutôt, « en quoi » pourrait consister une telle mission secrète ». Serait-ce simplement à perpétuer les conceptions philosophiques ou même des sentiments relatifs à certaines opinions ? Si secrets que puissent être les principes d'une philosophie quelconque, ils n'exigent pas un mutisme séculaire. Malgré la plus grande discrétion, à cet égard, on en parle toujours un peu, - du moins on voit poindre - les conséquences qui dérivent. Jean Trithème, lui-même, a parlé d'astrologie, d'alchimie et de magie. Donc, alors, la « mission » ne consiste pas essentiellement à transmettre quelques principes rentrant dans cet ordre d'idées. Cependant, des sentiments qu'on suppose relatifs à certaines opinions persistantes sont de nature à impliquer plus de secret - parce que ces sentiments concernent une manière de voir les faits politiques ; il demeure inutile de les afficher quand le moment n'est pas venu. Mais « une mission qui consisterait à transmettre simplement une tournure d'esprit, fut-elle politique, n'a pas le caractère d'une véritable « consigne », parce qu'elle est vague. Il faudrait, pour qu'elle ne le soit pas, qu'elle prenne une forme dogmatique - et ceci se trouve contredit par l'indépendance d'esprit qu'on remarque, sinon chez Jean Trithème, du moins chez ceux que nous prenons comme ses continuateurs.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions la « mission » se réfère à autre chose.<o:p></o:p>

    Serait-ce dans le fait de transmettre uniquement la « mission » elle-même ?<o:p></o:p>

    Les consignes de ce genre existent. Elles paraissent stupides, parce qu'on n'en connaît pas très bien l'origine ou la raison, mais on en a des exemples. C'est le cas du planton ou du factionnaire à qui on a donné l'ordre de demeurer en un endroit et qui passe cette consigne à une infinité de successeurs, lesquels ne savent plus pourquoi ils doivent demeurer là. - Les exemples ne manquent pas. Il y en a dans toutes les armées. Certains sont historiques et constituent des anecdotes amusantes : tel le planton de la pâtisserie de la Perspective Nevski à St-Pétersbourg qui y demeura depuis Catherine II jusqu'à la Révolution Russe. A l'origine c'était un soldat qui, passant par hasard, avait été aimablement requis par un colonel de la Garde Impériale pour tenir un instant quelques gâteaux durant le temps que le colonel ferait signe à son traîneau stationné plus loin, de venir prendre le paquet. Le soldat n'eut pas le paquet, car le colonel rencontra aussitôt une dame, la salua et lui fit des grâces. Celle-ci partit avec lui et les gâteaux ! Une patrouille le releva, le remplaça et le planton se perpétua. - On vit aussi à Paris depuis 1848 jusqu'à 1900, un garde municipal de faction, à la pointe de l'Eglise St-Eustache. C'était simplement le successeur d'un factionnaire chargé de garder une barricade conquise lors de la Révolution de 1848. La barricade était bien oubliée mais le factionnaire resta, sans rime ni raison !<o:p></o:p>

    Toutefois nous ne sommes pas dans le domaine militaire, Nous sommes dans un ordre d'idées qui a un caractère civil - c'est-à-dire où toute consigne n'est acceptée qu'à la condition de satisfaire la logique et la raison. Un militaire ne doit jamais discuter un ordre, même en son for intérieur --sans quoi l'armée ne serait plus cet outil remarquable que le chef manoeuvre comme l'escrimeur, son épée, ainsi que le faisait remarquer le Maréchal Foch dans un cours de l'Ecole de Guerre. Un civil, au contraire, a le droit de demander, si l'ordre qu'on lui donne ne va pas à l'encontre des principes de sa conscience et même administrativement, il peut, en certains cas, dégager, comme on dit, sa responsabilité.<o:p></o:p>

    Donc une « consigne civile » doit avoir son explication.<o:p></o:p>

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    Alors, si nous posons que la « mission » de Jean Trithème consistait uniquement dans le fait de transmettre la mission elle-même, ceci impliquerait une logique et une raison.

    <o:p></o:p>

    Il demeure « logique » de transmettre une mission quelconque quand la nécessité s'impose de perpétuer la consigne qu'elle comporte. Il y a donc un « fait » qui constitue l'essence de la consigne -- sans ce « fait », pas de « consigne ». Et ce « fait » est reconnu comme juste et normal par celui qui accepte la « consigne » - autrement celle-ci est refusée par toute conscience droite.<o:p></o:p>

    Il doit y avoir une « raison » pour que la « mission » se confie de la sorte à une série ininterrompue de personnes qui en acceptent bénévolement la « consigne ». Cette « raison », aussi, apparaît comme juste et normale, sinon cette transmission continue semblerait tellement contraire à l'équité qu'on finirait bien par l'estimer, ou nuisible ou fantaisiste et que la mission ne serait plus remplie avec exactitude.<o:p></o:p>

    Or, si nous ne savons pas que Jean Trithème e reçu une « mission » de ce genre, nous avons tout lieu de voir que Cornélis Agrippa été le successeur à cet égard. Les idées de Loyola attirent trop l'attention.<o:p></o:p>

    La « mission » transmise ainsi n'a donc été jugée ni par l'un ni par l'autre comme nuisible ou fantaisiste. La « raison » de la transmission a paru à tous les deux, valable. La « logique » leur a fait reconnaître que la « mission » même était indispensable. « Le fait » constituant l'essence de la « consigne » impliquée doit donc être juste et normal.<o:p></o:p>

    Quel peut être ce fait ?<o:p></o:p>

    La « mission » envisagée revient à cette question. Elle n'a de motif que dans le « fait » qui impose l'existence d'une consigne.<o:p></o:p>

    Mais - si l'on réfléchit bien - toute consigne comporte une « instruction », c'est-à-dire un « avis », se rapportant au « fait » essentiel. Cette instruction peut être verbale ou écrite. Ainsi le « fait » peut se trouver mentionné dans une conversation ou dans un document.<o:p></o:p>

    On sait qu'à la longue les paroles subissent une altération qui dénature, peu à peu les faits. Donc, en l'espèce, il peut sans doute y avoir « instruction verbale », mais pour que le « fait » demeure inaltéré, il devient nécessaire qu'un document existe.<o:p></o:p>

    Par conséquent, la « mission » de Jean Trithème implique un document écrit.<o:p></o:p>

    Dès lors, c'est très simple : Jean Trithème a été uniquement chargé de transmettre un document écrit à Cornélis Agrippa - lequel peut fort bien l'avoir passé à Paracelse, puis celui-ci à un autre et ainsi de suite.<o:p></o:p>

    Notons que, si ce document est jamais produit, tous les raisonnements présentés jusqu'ici paraîtront superfétatoires, tellement cette « mission » successive-ment transmise devient évidente.<o:p></o:p>

    Car le document a une orgine et un but ; il y a forcément un auteur et un destinataire. Le jour où le destinataire l'a entre les mains, l'auteur est connu tout devient clair.<o:p></o:p>

    Maintenant que doit être ce document<o:p></o:p>

    Incontestablement d'une très haute et très grave importance, parce que dans le cas contraire il serait puéril de prendre tant de soin pour le transmettre à travers les siècles.<o:p></o:p>

    Ce qui le laisse à penser c'est le mystère même de cette transmission.'' Nous soupçonnons Jean Trithème d'avoir détenu le document. Nous trouvons beaucoup d'indices pour que notre soupçon devienne une ferme conviction. Mais de qui l'avait-il reçu ?<o:p></o:p>

    A cette question aucune réponse possible.<o:p></o:p>

    Après tout n'importe qui peut avoir en sa possession ce fameux papier un illettré même, qui, venant un beau jour trouver Jean Trithème a pu lui dire : « Voilà un document qu'on m'a confié en m'enjoignant de le donner, avant de mourir, à quelqu'un de très sûr, je ne sais ce qu'il contient, je vous en fais cadeau, n'oubliez pas, de même que moi, de le passer là; un autre, avant votre propre mort ».<o:p></o:p>

    Mais il n'est guère probable que le document ai été enfoui en quelque coffre que Jean Trithème aurait découvert, Ce serait supposer que « l'instruction verbale » comportant; la transmission ultérieure date de Jean Trithème. Certes, celui-ci, par la lecture du document a pu se rendre compte du « fait » qui impose cette transmission et ainsi imaginer l'instruction verbale Il en était capable. Toutefois cela impliquerait que le document est écrit en « clair ». Or si l'on pose que ce qui s'y trouve a une très haute et grave importance, il doit être « cryptographique ». . Jean Trithème a inventé la « stéganographie », un mode secret d'écriture, une cryptographie, en somme. Est-ce la possession de ce document qui lui en a donné l'idée ? On peut le penser - car pour ses études, comme pour son enseignement, la « stéganographie » ne paraît pas avoir une utilité directe.<o:p></o:p>

    Mais, alors, si le document en question est cryptographique, le « fait » essentiel, imposant sa transmission et par là une « consigne», se trouve mentionné, de la même façon. Dans ces conditions pour que Jean Trithème ait pu se rendre compte de l'importance dudit « fait », il lui a fallu déchiffrer le document.<o:p></o:p>

    Il a pu le faire, à condition que la narration soit assez circonstanciée, pour mettre en relief toute la portée des événements. Ceci demeure encore possible pour des faits graves : quelques phrases habilement condensées et faisant appel à la mémoire, sont susceptibles de montrer la gravité d'événements maintenant évoqués. Mais ce n'est guère facile de résumer tout un ensemble hautement important ; il faut un volumineux traité. Or il est fort probable que le document devait être assez petit pour pouvoir aisément se dissimuler - dans quelque coffre, puisque nous examinons cette hypothèse. Si cela n'était pas, l'attention aurait été attirée depuis longtemps et le document serait tombé en d'autres mains auparavant.<o:p></o:p>

    Et puis, en admettant que Jean Trithème ait compris la portée du « fait », qu'il en ait vu la très haute et très grave importance, qu'il ait ainsi découvert « l'origine » du document et même aperçu le « but » ; aurait-il pu connaître le destinataire ? Evidemment non si celui-ci ne doit vivre que plusieurs siècles après lui.<o:p></o:p>

    Cependant, il est nécessaire que l'existence de ce destinataire soit, tout au moins, précisée, autrement la transmission du document n'a aucun sens.<o:p></o:p>

    Il faut donc une « instruction purement verbale » que chaque personne chargée de transmettre le document, puisse indiquer que la consigne demeure formelle pour que le destinataire soit finalement touché - sans qu'on le connaisse, sans qu'on l'imagine même. Le destinataire doit verbalement apparaître aussi important que le rédacteur du document, ou sinon le rédacteur même, celui qui a ordonné ou conseillé la rédaction.<o:p></o:p>

    En supposant que ce soit un illettré qui ait, avant Jean Trithème, possédé le papier à transmettre, on est obligé de penser que, lui-même, avait dû saisir, sinon comprendre l'intérêt de la transmission continue. C'était peut-être un illettré mais ce n'était pas un imbécile. Alors, combien d'illettrés qui ne sont pas des imbéciles, mais qui demeurent fidèles à la « consigne » et assez rusés pour que nul ne les soupçon-nent, dans une « lignée » qui, par hypothèse - dure un siècle, peut-être davantage ?<o:p></o:p>

    Car la date de 1378 ne constitue qu'un repère pour attirer l'attention, il s'agit de remonter plus avant ; jusqu'où ? On ne sait pas. Jusqu'à l'origine même du document ; mais, seule la découverte de cette origine pourrait donner une précision.<o:p></o:p>

    Or ceci dépend de la découverte même du document.<o:p></o:p>

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    Ici, une autre question se pose : Qu'est devenu le document mystérieux ?

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    Nous admettons que Jean Trithème l'a eu en sa possession et qu'il l'a transmis à l'un de ses élèves - peut-être à Cornélis Agrippa parce que Loyola a trop vu le danger que présentaient les enseignements de celui-ci pour ne pas comprendre qu'ils impliqueraient une certaine mission ». Loyola ne paraît pas s'être préoccupé de savoir si un document quelconque se référait à cette « mission ou, s'il en a eu l'occasion, il a soit passé outre, soit uniquement fait part à ses intimes de ses soupçons.<o:p></o:p>

    Depuis lors, plus de quatre siècles ont passé. Le document peut bien être perdu. Mais ce n'est qu'une manière de parler : un document qui doit se transmettre continuellement, comme on vient de le dire, ne se perd pas : il s'égare entre les mains de quelqu'un ou en quelque endroit. Si l'on veut dire qu'il n'existe plus, c'est qu'on l'a détruit.<o:p></o:p>

    D'abord la destruction est-elle possible ? Assurément. Le feu demeure toujours susceptible d'anéantir un papier comme un parchemin et le feu prend inopinément ou volontairement.<o:p></o:p>

    Un incendie fortuit est un risque tellement connu, tellement fréquent même, qu'on doit songer que ceux qui avaient intérêt à la conservation aussi longue d'un document précieux, ont trouvé un moyen de ne pas l'y exposer. Ce moyen consiste dans l'exiguïté du document et dans la recommandation de l'avoir toujours sur soi. En cas d'incendie, on n'a qu'à se sauver et le document échappe à la destruction. Si cependant on est victime du feu, il faut tenir compte que jamais les vêtements ne sont complètement la proie des flammes et qu'en outre des papiers serrés, surtout des parchemins, se trouvent bien rarement calcinés ; le document pris par un tiers a pu être facilement remis à telle autre personne dont le nom était connu verbalement, soit par écrit Dans ces temps-là, d'ailleurs, les incendies n'avaient pas le caractère qu'on constate de nos jours parce que les demeures n'étaient pas aussi vastes on remarquera, à ce propos, que les sinistres dans nos campagnes font peu de victimes humaines. D'autre part ni les chemins de fer, ni les automobiles, ni les avions n'existaient et la destruction du document par un incendie consécutif ou l'écrasement de celui qui le porte, ne s'envisage pas. Il y a évidemment le naufrage qui, avec une disparition corps et biens, peut rendre possible la perte irrémédiable du document. Mais cette hypothèse est à écarter. Car, outre qu'en ces époques lointaines, on ne voyageait pas à travers les mers avec autant de facilités qu'aujourd'hui, nous sommes surtout en présence de détenteurs successifs qui sont des moines - sédentaires par définition, n'ayant aucune occasion de se déplacer soit par fantaisie - soit par nécessité.<o:p></o:p>

    Et, seuls des religieux, ont dû être chargés de la « mission » envisagée, parce que les couvents, écartés en général des habitations, respectés, en raison de leur caractère spirituel, silencieux par application des règlements monastiques, constituaient les meilleures cachettes pour préserver les papiers importants. On sait combien de manuscrits précieux ont été conservés par les moines, malgré les ravages dont la barbarie déchaînée par des guerres impitoyables, a accablé le monde.<o:p></o:p>

    Il demeure donc fort impossible que la destruction accidentelle du document se soit produite. D'autre part, pour qu'une telle destruction se trouve imputable à la volonté, il faut admettre que l'auteur du fait ait eu connaissance du document et de sa valeur. Celui qui le possède, doit se mettre hors de cause : « l'instruction » accompagnant la « consigne » l'a trop convaincu de l'intérêt qu'il y avait à le conserver. Et, par cela même, l'a fortement incité à taire qu'il le possédait - à peine a-t-il pu indiquer à ses proches, la personne qui devait le réclamer en cas d'accident. Personne n'a, par conséquent pu soupçonner la valeur du document. Car, si même son existence était connue et si en ce cas la curiosité, ou tout autre mobile, avait poussé quelqu'un à l'examiner, nul n'y aurait compris quoi que ce soit parce que - bien entendu - l'écriture devait être cryptographique.<o:p></o:p>

    Donc, malgré toutes les objections possibles, le document n'a pas été détruit. Les précautions prises paraissent largement suffisantes.<o:p></o:p>

    Donc, aussi bien que ce soit un mystère, le document existe chez quelqu'un et quelque part.<o:p></o:p>

    Chez qui et où ?<o:p></o:p>

    Chez une personne qui, parallèlement à toutes les autres de la même « chaîne de transmission », a reçu une « mission », identique, comportant une « consigne » et une « instruction » exactement semblable. Cette personne se trouve dans un endroit certainement aussi insoupçonnable que les résidences de ses prédécesseurs, pour la raison, bien simple, que, si l'on ne sait qui elle est, on ne peut découvrir où elle se tient.<o:p></o:p>

    On se perdrait en un inextricable réseau de conjectures et bien inutilement, du reste, puisque dans le cas où le document s'était trouvé et qu'au surplus, sa cryptographie serait traduite, on ne saurait qu'en faire.<o:p></o:p>

    Forcément cet écrit ne peut servir qu'à son destinataire.<o:p></o:p>

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    Il devient donc superflu de s'en préoccuper.

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    Le destinataire existe ou n'existe pas. S'il n'existe pas, c'est que le temps où il doit accomplir une « mission » qui, alors, implique des obligations bien différentes de celles des « transmetteurs » n'est pas encore venu. On n'a qu'à attendre, le temps viendra, le destinataire aussi. S'il existe, il ne peut manquer de se faire connaître - parce que « sa mission » étant certainement importante, elle obligera à certains actes que le public sera, un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre; en mesure de connaître. Ce serait bien difficile d'agir ouvertement sans être plus ou moins repéré. Il est vrai qu'on peut agir secrètement, toutefois « les personnes interposées » en ce cas, le sont et il faudrait une singulière astuce pour déjouer les curiosités politiques ou journalistiques.<o:p></o:p>

    Par conséquent nous devons dire que le destinataire sera connu.<o:p></o:p>

    Quand ? Mais au moment où ce sera nécessaire. On ne peut préciser ; on a seulement le droit de penser que la « nécessité » seule commandera le moment.<o:p></o:p>

    Quelle « nécessité » alors ? Celle que le ou les rédacteurs du document ont escomptée. Ce peut être une nécessité morale comme une nécessité matérielle elle peut se rapporter à une certaine évolution intellectuelle aussi bien qu'à une évolution politique ; elle peut relever des deux à la fois ; elle peut aussi affecter un pays plutôt qu'un autre, plusieurs pays, un continent et même plusieurs continents, toute l'humanité, si l'on veut. Tout dépend de ce qu'il y a dans le document.<o:p></o:p>

    Or, comme personne ne sait rien, à quoi bon se torturer l'esprit ?<o:p></o:p>

    Ce qui importe seulement, ici même - c'est de reconnaître que Jean Trithème a tenu un rôle ; qu'il a très vraisemblablement eu le document, qu'il l'a soigneusement conservé sans que personne n'en sache rien et qu'il l'a confié ensuite à un de ses élèves.<o:p></o:p>

    Comme, avant lui, ceux qui ont été chargés d'une « mission » identique nous sont totalement inconnus, il y a lieu de supposer que leur consigne avait un caractère quelque peu différent. C'est un fait historique, dont la date se place vers 1450, qui le donne à penser. A ce moment, Jean Trithème n'est pas encore né, mais on le voit au monde trois ans après, en 1453. Or depuis 1450 Gutenberg a inventé l'imprimerie.<o:p></o:p>

    On conçoit donc que jusque-là - jusqu'à la diffusion des moyens de reproduire aisément tout écrit à de multiples exemplaires, le document ne risquait pas, si jamais quelqu'un s'en emparait, d'être publié et ainsi de perdre toute valeur. En effet n'importe qui, en ce cas, pouvait en avoir connaissance et toute personne, un peu astucieuse, un peu perfide, devenait capable de passer, soit pour le destinataire lui-même bien avant l'heure prévue, soit - tout au moins, - pour quelque interprétateur des « inscriptions cryptographiques » contenues dans le document.<o:p></o:p>

    De toute manière les précautions prises pour que, seul, le véritable destinataire connaisse certains « secrets » qui n'étaient utiles à savoir que dans les âges futurs, devenaient inefficaces, pouvaient même se tourner à l'encontre du but poursuivi. On n'eût plus cherché à détruire le document, mais plutôt à le voler pour le publier. Toute chose connue, malgré le mystère qui l'entoure, attire tellement l'attention qu'on finit , par en deviner la portée.<o:p></o:p>

    Certes on s'égare et les hypothèses, auxquelles s'adjoignent les rêveries, noient le mystère dans une masse nébuleuse. L'imposture cependant peut en tirer profit et ici, l'imposture devenait dangereuse parce qu'elle dénaturait complètement l'effet des « intructions » données au destinataire.<o:p></o:p>

    Or d'après ses biographies, Jean Trithème a reçu les ordres dans le monastère de Spanheim en 1482 et il a été élu abbé l'année suivante. - L'imprimerie se trouvait inventée depuis une vingtaine d'années et reconnue pratique depuis une douzaine : c'est en 1450 que fut établie la première bible de Gutenberg.<o:p></o:p>

    On peut admettre que Jean Trithème n'a reçu le document que lorsqu'il fut abbé de Spanheim. On peut s'imaginer qu'il l'a déchiffré. Mais il demeure, alors, indéniable qu'il a compris tout le danger que présentait un vol, alors que l'imprime-rie existait.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions, ou bien la consigne qui lui a été donnée impliquait de faire attention à ce fait nouveau, ou bien il a compris que désormais les consignes devaient être modifiées. Le premier cas suppose que toutes les « consignes antérieures » à lui, mentionnant l'invention éventuelle de l'imprimerie - et ceci oblige à doter de prémonition les rédacteurs du document ; le second cas entraîne indubitablement la lecture de la cryptographie pour connaître la gravité du danger d'une publication.<o:p></o:p>

    On a le choix entre les deux hypothèses. Elles reviennent an même parce que, de toutes manières, la « mission » de Jean Trithème prend un caractère que n'eurent pas les précédentes.<o:p></o:p>

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    Que faire pour parer au danger ?

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    Rien ne dit qu'en continuant à conserver ce manuscrit - sans doute pendant plusieurs siècles encore, car le temps où vivra le destinataire ne doit pas être bien précisé - en transmettant de la main à la main un papier considéré comme précieux, on n'aura pas affaire à quelque imprudent qui se le laissera voler. Voici que le temps arrive où l'on recherche dans les archives des monastères les vieux écrits pour les publier. Des imprimeries surgissent partout. On a soif de connaître ce qui, jusque là, se trouvait enfoui dans le mystère des cloîtres.<o:p></o:p>

    Il faut donc trouver autre chose.<o:p></o:p>

    Une idée vient à l'esprit - à laquelle on n'aurait pas songé si l'on raisonnait comme tout le monde. Mais quand on est Jean Trithème, quand on s'occupe « d'occultisme » et du véritable, de celui qui ne se borne pas aux simples éléments de l'astrologie, de l'alchimie ou de la magie ; quand on voit la science secrète de plus haut et qu'on perce à jour la psychologie des hommes, cette idée peut parfaitement naître.<o:p></o:p>

    En matière d'ésotérisme, un principe existe : tout raisonnement doit être à « l'inverse » de celui que généralement on ferait.<o:p></o:p>

    Ici on aurait tendance à aller au-devant du danger en cachant le manuscrit. Si l'on inverse, on publiera le manuscrit pour le cacher. Ceci aura bien l'air génial, ce ne sera cependant que l'application d'un principe.<o:p></o:p>

    Mais si le manuscrit est publié, personne ne cherchera plus à le voler pour cela. Et, plus la cryptographie sera diffusée moins elle sera facile à déchiffrer, parce que les controverses entre les « interprétateurs » s'établiront et que le véritable sens, la véritable portée du document seront noyés dans un flot de discussions, de contradictions, de rêveries, de confusions dans un fouillis épais de verbiage ; semblablement imprimés qui gardera bien mieux l'intégrité du document que le plus solide des coffres-forts scellé dans les caves d'un monastère isolé de toute communication.<o:p></o:p>

    Personne ne pourra se douter du coup.<o:p></o:p>

    Quant au destinataire, eh bien ! Un beau jour, au moment voulu, il en aura un exemplaire entre les mains d'une manière ou d'une autre. S'il est le vrai destinataire il saura bien voir que ce livre le concerne.<o:p></o:p>

    Et le tour est joué !<o:p></o:p>

    Evidemment ceci ne manque pas d'ingéniosité - néanmoins presque autant à le supposer qu'à l'exécuter. Parce que pour le supposer - étant donné le nombre vraiment incalculable de volumes que l'on a imprimés depuis Gutenberg, jusqu'à nos jours, il faut avoir trouvé une certaine indication, il faut que, quelque part, quelqu'un ait laissé quelque trace qui éveille les soupçons<o:p></o:p>

    Mais la « Fama Fraternitatis » parle du « Libre M » et dit expressément que « Theophrastus » -- Paracelse - « l'a lu avec assiduité ». Quand on s'est occupé de la question de la « Rose+Croix », on ne peut ignorer que le noeud même de l'énigme réside dans l'existence d'un livre désigné par la lettre M et dans le fait que Paracelse « n'est pas entré dans la Fraternité » selon les propres termes de la « Fama ». Il y a, en apparence, une contradiction : ce « Livre M » aurait été « traduit en bon latin » par Christian Rosencreutz en personne pour « l'emporter par la suite » - ceci lorsqu'il se trouvait chez les Arabes en un endroit appelé « Damcar » qu'on pense être Damas. Or si Christian Rosencreutz est le fondateur d'une « Fraternité », « le livre M devient pour ainsi dire « sacré » aux regards de ceux qui en font partie et il est inconcevable qu'on soit autorisé à le lire « avec assiduité » quand - fut-on Paracelse - on en demeure exclu.<o:p></o:p>

    La contradiction s'explique Ordinairement, grâce au sens imaginatif des Rose+Croix modernes - ceux qui sont fortement convaincus qu'ils perpétuent une fraternité fondée par Christian Rosencreutz. Pour eux le « Livre M » est le « Liber Mundi », - le « Livre de la Nature » que chacun peut voir ou même lire si l'on est assez savant pour comprendre l'ensemble du « Monde », que Paracelse, esprit supérieur, a par conséquent pu étudier « avec assiduité », mais qui demeure le bréviaire de la fraternité rosicrucienne.<o:p></o:p>

    Il y a beaucoup de naïveté dans cette manière de voir car si le « Livre M » est celui du «Monde de la Nature », les traités classiques de sciences en constituent le meilleur développement et il ne devient plus qu'une sorte de mémento, dans lequel les « initiés » peuvent bien saisir ce dont les savants doutent encore, mais qui relève du domaine des hypothèses sans contrôle dans son utilité. Alors, ou bien cette fameuse « science rosicrucienne » est celle que chacun connaît et ainsi ne présente aucun secret - ou bien elle se compose d'un assemblage d'utopies qui peuvent bien demeurer secrètes aussi longtemps qu'on voudra, car elles ne servent à rien du tout.<o:p></o:p>

    On comprendrait pourquoi Paracelse, malgré tout, un savant, n'a pas voulu faire partie d'une pareille « fraternité ».<o:p></o:p>

    Cependant si l'on disait à ces braves « Rose+Croix » modernes que le « Livre M » existe, dûment imprimé et tiré à un certain nombre d'exemplaires, ne seraient-ils pas stupéfaits ?<o:p></o:p>

    Assurément le document consigné à Jean Trithème ne doit pas porter - du moins en son titre la lettre M. Ce serait, de la part des rédacteurs de la « Fama » une imprudence coupable que de révéler l'initiale du titre d'un volume qu'on cherche à dissimuler. « Liber M » peut fort bien vouloir dire « Liber Magistri » - le « Livre du Maître » et cette hypothèse est très plausible, parcequ'il va s'agir d'un « Maître » qui finalement l'aura entre les mains. Même, au cas où l'on voudrait penser que la « Rose+Croix - réunie ou non en une « fraternité » - aurait pour but l'étude des secrets de la Nature, il est nécessaire qu'elle ait un « Maître », plusieurs « Maîtres pour mieux dire, qui guideraient les études. Ceci est logique ; et alors il y a un « Livre du Maître », dont se sert chaque professeur, comme dans toutes les écoles.<o:p></o:p>

    Combien cette façon de comprendre est plus simple que l'échafaudage de rêveries dans lequel on s'est égaré.<o:p></o:p>

    Alors, que Paracelse ait « lu avec assiduité » ce livre, personne ne s'en étonnera, il a fait des élèves, il était un « Maître ». Puis, qu'il ait pu lire sans faire partie de la « fraternité », rien de plus naturel - si cette « fraternité » n'existait pas.<o:p></o:p>

    Et il y a beaucoup de chances pour que la « Fraternitas dont parle la « Fama » ne soit pas ce qu'on en pense.<o:p></o:p>

    Quel intérêt aurait eu Valentin Andreae ou d'autres à révéler au public l'existence d'un groupement qu'ils désireraient tenir secret ? Nul ne leur demandait d'en parler, rien ne les obligeait à attirer l'attention. C'est donc que leur but ne consistait pas à faire connaître une « Fraternité », mais à faire croire qu'il y en avait une.<o:p></o:p>

    Et on l'a cru. Cependant Valentin Andreae a bien dit que c'était un « ludibrium » - une farce !<o:p></o:p>

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    A vrai dire, l'esprit humain a de la peine à s'imaginer que des tendances philosophiques ou scientifiques puissent avoir quelque valeur, quelque efficacité sans que les hommes soient groupés. D'où l'on infère que ce qui se perpétue, c'est le groupement.

    <o:p></o:p>

    Un « Maître » a des élèves. Son « Livre du Maître » passera sans doute, après lui, entre les mains d'un autre ; néanmoins celui-ci aura des élèves. Chaque fois il y aura - peut-être un « sodalitium », une réunion de camarades - comme dira Cornélis Agrippa ; mais ce sera un groupement. De là, à dire que ce groupement constitue une « Fraternité », pourquoi pas ? Ce n'est qu'une question de mots.<o:p></o:p>

    Mais, précisément, Valentin Andreae en tant qu'autre auteur de la « Fama » ne jouait-il pas sur les mots ?<o:p></o:p>

    Ce que cet écrit cherche visiblement à faire croire, c'est à. l'existence d'une organisation dite fraternelle et par conséquent intime, datant de temps imprécis, régie par des principes mal définis dont, avec de l'imagination on fera un « Ordre de la Rose+Croix » paré de toutes les qualités qu'on ne trouverait pas ailleurs.<o:p></o:p>

    Or il pourrait simplement s'agir de quelques leçons de philosophie supérieure, bien inoffensive à tous égards qu'un « Maître » donne bénévolement à certains élèves, dans le but de les mettre sur la voie d'une évolution personnelle et pour une raison uniquement charitable, parce qu'il sent que c'est un devoir d'aider des intelligences à se perfectionner. Ce sont ses élèves de telles leçons. La manière dont ils en profitent ne le regarde pas, en somme ; la liberté de chacun demeure respectée et avec une égalité parfaite dans ce qu'on prendrait pour une amicale « fraternité ». Quant à lui, il a son « livre du maître » où il lit ce qu'il peut - car si l'impression reproduit exactement la cryptographie du document transmis, on est en droit de penser qu'il n'y comprend pas tout, à moins qu'il n'en soit le destinataire.<o:p></o:p>

    Voilà plutôt ce qu'est le « Fraternitas Rosae Crucis ».<o:p></o:p>

    A tout bien examiner, ceci se rapporte plus à Cornélis Agrippa qu'à Paracelse. Le premier a eu un « sodalifium », le second ne paraît pas en avoir rassemblé un. Donc Paracelse a pu avoir le « Livre du Maître », mais il n'a pas fait partie de la fraternité, étant donné qu'il n'en a constitué aucune.<o:p></o:p>

    Plus tard et consécutivement, l'exemple de Cornélis Agrippa a-t-il été imité ? Il n'y a pas de raison pour qu'il ne l'ait pas été. Au temps de Michel Maier nous sommes environ à cinquante ans de Cornélis Agrippa et au temps de la publication de la « Fama », en 1615, c'est encore près d'un demi siècle que l'on a vu s'écouler. La vie de Michel Maier laisse bien supposer qu'un certain groupement existait autour de lui et le fait que la « Fama » cherche à égarer sur l'existence d'une Rose+Croix, indique bien que ce groupement avait persisté.<o:p></o:p>

    A bien regarder ce qu'a pu faire Robert Fludd avec lequel Michel Maier fut en rapport ; Francis Bacon qui a connu Robert Fludd, d'autres aussi qui, à des titres divers, les ont approchés, on peut encore alléguer que le groupement se continua. On n'en trouverait cependant aucune preuve ni même aucun indice. La supposition, là, est toute gratuite.<o:p></o:p>

    Elle ne présente d'ailleurs pas d'intérêt. Car, seule, l'existence du document donne une pérennité à l'idée première qui a motivé la transmission de certaines « instructions spéciales » à un destinataire inconnu. C'est donc seulement le document qui importe. Or on ne s'en occupe plus puisqu'il est imprimé en plusieurs exemplaires. Seuls quelques « maîtres » y puisent des assertions qu'ils lancent à travers le monde.<o:p></o:p>

    Dans ces assertions, où on conclut qu'une doctrine existe et qu'une Tradition a dû la perpétuer. Ce n'est, peut-être pas tout à fait juste - parce que chaque « maître » a forcément de hautes qualités d'intelligence et que, par tant d'indications trouvées dans « Liber M » il a émis des pensées qui, pour une large part sont les siennes. Que de pensées se trouvent en conformité avec un ensemble traditionnel, c'est sans doute vrai - car, depuis Jean Trithème et compte tenu de la dégradation de la valeur de ses conceptions, il y a, en somme, une « Tradition » qui concerne l'astrologie, l'alchimie, la magie, autrement dit « l'occultisme ».<o:p></o:p>

    Mais ceci ne veut pas dire que le but même de la transmission d'un document consistait à établir cette « Tradition ». Il est beaucoup plus probable que « les instructions spéciales » dont le destinataire doit faire usage, concernent tout autre chose que des spéculations philosophiques. Celles-ci ne forment, après tout, qu'un corollaire d'une action à effectuer.<o:p></o:p>

    Ce qui le fait ressortir c'est la préoccupation dont paraissent imbus ces « maîtres », ceux qui ont utilisé le « Livre M ». Ils parlent tous d'une certaine « révélation de la Vérité » qui pourra avoir lieu quelque jour, en raison de l'existence d'un personnage, dont ils sont convaincus qu'on le verra, mais dont ils ignorent tout.<o:p></o:p>

    Paracelse annonce ainsi la venue d'Elie Artiste - dans le Theatrum Chymicum - « Helias Artistas, le mystérieux qui sera connu de tous Cependant ce n'est pas pour son temps. Car, dit-il, « avec le cours actuel des événements, ce ne peut être ainsi mais les Etats disparaissent à leur tour et seront rayés du monde ; ou bien cela ne peut pas arriver ». Robert Fludd ajoute : « La Vérité elle-même nous assure que tout ce qui est caché serait, un jour, manifesté ; que tout ce qui est occulte serait livré à la connaissance -- Dans Tractatus théologie-philosophicus -- édité par Michel Maier. - Puis, il pose les questions suivantes qui se réfèrent à une certaine manière de comprendre l'Apocalypse de St-Jean : « Qu'entendez-vous, en effet, par votre Lion Triomphant, qui doit tôt venir et qui sort de la Tribu de Juda ? - Que voulez-vous dire par votre Aurore Surgissante ?... Celui-là, dites-vous, vous conduira à la montagne ».<o:p></o:p>

    Robert Fludd ne se donne même pas la peine de faire comprendre pourquoi Paracelse a appelé Elie un tel personnage. Il interprète -- à sa manière d'ailleurs - le chapitre 19 du Troisième Livre des Rois : Elie dormait dans le désert, la nuit, sous un genévrier, quand un ange lui parla et lui donna le pain et L'eau. Qu'est-ce que ce pain des anges, sinon la Sagesse ? « Mais il y a dans cette évocation biblique plus de malice qu'on ne croirait, au premier abord. En se reportant au chapitre indiqué du Troisième Livre des Rois on s'aperçoit qu'au verset 15, le Seigneur dit à Elie : « Va, et retourne sur ton chemin, par le désert, vers Damas ». Or, d'après la « Fama Fraternitalis » c'est après avoir été à Damas que Christian Rosencreutz traduisit en latin le « Livre M ». Robert Fludd savait donc fort bien ce qu'était ce livre.<o:p></o:p>

    Il suffit de citer ces deux « Maîtres ». Mais si l'on pense que le plus riant des deux ne perdait pas de vue le destinataire du document, que dire alors de certains drames de Shakespeare ? Un examen quelque peu attentif des paroles attribuées aux personnages fait immédiatement comprendre que, seul, Francis Bacon, peut les avoir écrites.<o:p></o:p>

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    Admettons la venue du destinataire du document. Ne nous inquiétons pas de savoir qui il peut être, - nous ne pourrions mieux faire que Paracelse, Robert Fludd, Francis Bacon et quelques autres, très réputés, mais moins célèbres. Après tout, on verra bien. Il y a cependant une chose qu'on voudrait bien savoir, c'est quel est ce fameux livre - que l'on doit pouvoir trouver puisqu'il est imprimé.

    <o:p></o:p>

    Avant de commencer les recherches, il serait d'abord utile de repérer quel peut être « l'éditeur », c'est-à-dire celui qui en a assuré l'impression - ceci donnera probablement une date, moyennant quoi le livre deviendra facile à trouver dans une grande bibliothèque publique, en Europe.<o:p></o:p>

    Jean Trithème a-t-il publié le manuscrit qu'il avait ? La réponse est assurément « non ». Jean Trithème a pu avoir l'idée de le donner è imprimer,  il ne l'a pas fait parce qu'il n'avait aucune raison de le faire. Tant qu'il vivait il ne craignait pas le vol du manuscrit. D'ailleurs, à son époque, l'imprimerie n'était pas assez perfectionnée pour que la cryptographie puisse être exactement reproduite par des typographes qui avaient encore besoin de se perfectionner avant d'atteindre le talent de ceux qu'employèrent Alde Manucce d'abord, puis Elzévir par la suite.<o:p></o:p>

    Raisonnablement il fallait attendre la génération subséquente - donc, environ une trentaine d'années.<o:p></o:p>

    Ceci obligerait Jean Trithème à confier le manuscrit à un autre, sous condition de le donner à l'imprimerie. Ainsi c'est ou bien Cornélis Agrippa ou bien Paracelse qui en ont hérité, car ils furent des élèves parfaitement capables de se rendre compte de l'intérêt que leur « Maître » attachait à ce manuscrit.<o:p></o:p>

    La question qui se pose, alors, c'est de tâcher de voir lequel des deux a pu se charger de la publication.<o:p></o:p>

    S'ils ont été malins, s'ils ont voulu dérouter toutes les recherches, ce n'est ni l'un ni l'autre qui ont été trouver un imprimeur à cet effet. Ils ont dû choisir une tierce personne. Celle-ci, n'ayant aucun rapport avec Jean Trithème était censée publier une fantaisie, sans grande valeur... tout au moins sans cet intérêt que pouvaient présenter des « instructions spéciales » destinées ultérieurement à une personnage inconnu.<o:p></o:p>

    Mais pour que cette tierce personne accepte de publier le dit manuscrit, il fallait que celui-ci rentrât dans le genre des ouvrages qu'elle avait coutume de faire paraître. Il fallait que le volume n'ait pas le caractère d'une anomalie parmi ceux qu'elle signait d'ordinaire. Il fallait donc avoir affaire à quelqu'un qui eut une certaine réputation « d'occultiste », - bonne ou mauvaise, peu importe, mais néanmoins assez assise pour que personne ne parut étonné. Ceci impliquait de trouver un homme assez savant, assez instruit tout au moins, assez bizarre dans sa façon d'écrire pour qu'il ait l'air d'être l'auteur d'un ouvrage dans lequel personne ne devait rien comprendre. Et s'il mettait son nom sur la première page, s'il déclarait prendre la responsabilité d'un ensemble illisible ou à peu près, qu'est-ce que cela pouvait bien faire ? Au contraire, on n'en serait que mieux égaré. Puis même si cette tierce personne n'était point du même pays que Paracelse ou Cornélis Agrippa ou Jean Trithème si elle n'était ni d'origine suisse, ni de race italienne, ni de patrie allemande, c'était encore bien préférable. Enfin si, au lieu d'un chrétien on choisissait un juif, alors ce serait parfait. Nul ne pourrait jamais comprendre comment un juif était l'exécuteur des instructions d'un bénédictin.<o:p></o:p>

    C'est admirablement bien combiné<o:p></o:p>

    Ainsi les siècles passent, les générations se succèdent, les événements malaxent les races et les idées, l'humanité évolue peu à peu, péniblement - mais un étonnant progrès matériel surgit, transforme le monde ; on va d'un continent à l'autre à une vitesse prodigieuse la parole imprimée se transporte en tout point du globe et les sentiments qu'elle suscite s'échangent par des conversations particulières du plus loin qu'on se trouve, à l'aide d'un simple fil, comme si l'on était voisin. Quelles merveilles en notre Temps !<o:p></o:p>

    Mais le document précieux, le minuscule « Livre M » gît quelque part dans le fond d'une bibliothèque, presque ignoré, en tout cas méconnu et pour mieux dire totalement insoupçonné.<o:p></o:p>

    Il attend simplement son destinataire.<o:p></o:p>

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    Le document que Jean Trithème - « Père de la Tradition » - a possédé, dont il a approfondi toute l'importance, celui qu'ingénieusement il a fait imprimer par ses successeurs, qu'il a ainsi diffusé, sans qu'on puisse l'interpréter, qu'il a confié au hasard pour que son destinataire le reçoive, le déchiffre, le lise et le comprenne ; ce document étrange, mystérieux, confidentiel, est le Testament du dernier Grand Maître du Temple - Jacques Molay, brûlé vif, à Paris, le 14 mars 1314, à la suite d'un jugement inique d'un tribunal ecclésiastique, sous le règne de Philippe-le-Bel.

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    Ce Testament contient le secret des Templiers. Il indique d'une façon précise où se trouvent les papiers de l'Ordre du Temple. Il permet de montrer la Vérité du Temple.<o:p></o:p>

    Jean Trithème n'est qu'un moine. Si savant que ses contemporains l'aient déclaré, si curieux qu'il paraisse par ses écrits, si intéressant qu'il ressorte par le rôle qu'il a tenu dans une existence très simple, il n'en reste pas moins aussi énigmatique que tous ceux qui l'ont suivi, aussi secret que tous ceux qui l'ont connu, aussi mystérieux que ceux qui l'ont précédé.<o:p></o:p>

    C'est bien le « Maître de la Vérité », mais de la Vérité ésotérique. Avec lui, on se trouve devant le Voile du Temple, on le palpe, on l'examine. Mais le Voile n'est pas déchiré.<o:p></o:p>

    Alors, on s'arrête ; on réfléchit.<o:p></o:p>

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    Déchirons le Voile - le Voile du Temple.

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    Au soir de la mort du Christ, sur les hauteurs sinistres du Golgotha, on entendit, au loin, se déchirer le Voile du Temple. La Vérité apparaît, le monde fut régénéré.<o:p></o:p>

    Au moment où la civilisation s'écroule dans les affres d'une tourmente sanglante, le Voile du Temple se déchire. La Vérité effectuera encore la Rénovation.<o:p></o:p>

    Le document n'attend plus son destinataire. Celui-ci l'a reçu. Il se nomme Pierre V. Piobb. Il l'a déchiffré, il l'a lu, il l'a compris.<o:p></o:p>

    Mais la « mission » de Pierre V. Piobb n'a pas été de transmettre le document à qui de droit. Sa « mission » a été d'agir.<o:p></o:p>

    Et il a rénové la «  Chevalerie du Temple » - la véritable.<o:p></o:p>

    Il est le «  Père » de cette « Chevalerie Moderne ».<o:p></o:p>

    Car Jésus a dit : Pierre tu es « Pierre », et sur cette Pierre » je construirai mon Eglise. Tout ce qui est dans le Ciel liera la Terre. Tout ce que Toi, Pierre, tu lieras sur la Terre, sera lié dans le Ciel - et les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre Mon Eglise.<o:p></o:p>

    Chevaliers ! Que la Vérité triomphe !<o:p></o:p>

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    Les  hypothèses  se  confirment 

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    Il est peu probable que ce document, maintenant imprimé et publié, renseigne sur la vie de Jean Trithème. Son nom ne s'y trouve, peut-être, même pas.

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    Cependant, si l'existence de l'abbé de Spanheim ne concorde pas avec le rôle que la vraisemblance lui assigne, on aura toute raison d'objecter que les preuves accumulées ne sont pas suffisantes. C'est le sort de toute enquête. Elle ne repose que sur des suspicions et l'on ne peut accuser personne, tant que sa conduite ne confirme pas les hypothèses.<o:p></o:p>

    Les biographies circonstanciées de Jean Trithème sont rares. Ordinairement on ne lui consacre que quelques lignes, - car, en somme, son existence paraît bien dénuée d'événements sensationnels.<o:p></o:p>

    Il existe pourtant un ouvrage, peu connu, qu'un Allemand écrivit au XVIIIe siècle, pour laver la mémoire de l'abbé de Spanheim de certaines accusations qui, comme dit l'auteur, « auraient dû l'amener devant le tribunal de l'Inquisition ». Mais ce tribunal n'existait pas au temps de Jean Trithème, - et les accusations de magie ou de « nécromancie » ont été surtout portées après sa mort, lorsqu'on sut que Cornélis Agrippa et Paracelse avaient puisé, auprès de lui, des principes condamnables.<o:p></o:p>

    Cette biographie de Jean Trithème accompagne un résumé, fort bien fait, de la « Stéganographie ». Elle comprend près de cinquante pages d'un volume in 4°, typographié en petits caractères, dont l'auteur est Wolfgang Ernst Heidel, de la ville de Worms. L'ouvrage est édité à Nuremberg, chez J. Freidrich Rudiger en 1721. Il est en latin avec de nombreux passages en allemand.<o:p></o:p>

    On constate que toutes les autres biographies de Jean Trithème sont puisées à cette source, sans cependant la mentionner.<o:p></o:p>

    Nous sommes donc en présence des meilleurs éléments, pour juger la vie d'un homme.<o:p></o:p>

    W. Ernst Heidel déclare qu'il a soigneusement relevé dans les « Lettres Familiales de Jean Trithème ce qui se référait aux événements de sa vie et qu'au surplus il a fouillé les archives du diocèse de Mayence, où se trouvaient les papiers du monastère de Spanheim, pour contrôler les faits relevés par ailleurs. C'est un chercheur consciencieux. On ne sait rien de lui, sinon qu'un jour - par cet ouvrage dédié à l'Archevêque Prince Electeur de Worms - il s'est intitulé le défenseur de la mémoire de Jean Trithème.<o:p></o:p>

    On connaît ainsi la date exacte de sa naissance : « Dans l'année de l'Humaine Rédemption 1462, dont l'Indication Romaine est XI, le Pape étant Pie II, et l'Empereur Frédéric III, dans la nuit de la Vierge Purifiée, c'est presque à dire, aux calendes de février, à la onzième heure après midi et trente minutes est né Jean Trithème à Trittenheim.<o:p></o:p>

    Ceci veut dire que la naissance se place le 31 janvier 1462, un peu avant 23 h. 30, au jour où doit se célébrer la fête de la Purification de la Vierge qu'on appelle aussi la Chandeleur.<o:p></o:p>

    Ses parents, dit Ernest Heidel, étaient honorables mais de fortune moyenne jouissant du revenu de quelques vignobles. - Le vin de toute cette région est très renommé. On le désigne sous le nom de « Vin de Franconie ». Celui de Worms eut jadis une grande célébrité. Il portait l'appellation de « Lait de Notre-Dame ». On le vend dans une bouteille spéciale, basse et ventrue qui se dénomme « Bocks beutel », c'est-à-dire « bourse de bouc » et le mot de » bock » qui nous est familier pour désigner le verre à boire la bière, tire, de là, son étymologie, alors que notre « bouteille » n'est que le « beutel » germanique. Mais, soit dit pour montrer à quel point les rites des anciennes initiations se perpétuent toujours sans que personne n'y prenne garde, si « bock » veut dire bouc et aussi récipient pour boire, c'est que le vin, dans l'antiquité, se transportait dans des outres en peau de chèvre et se buvait dans des « utricules », c'est-à-dire de petites outres, en peau de chevreau ou de jeune bouc, dont nos bouteilles ordinaires ont conservé la forme. Pendant longtemps dans les pays germaniques le verre à boire avait une anse en forme de corne de bouc. Or d'autres utricules servaient de porte monnaie ou de « bourses ». D'où le nom de « Bock beutel ». Cependant tout cela n'est qu'une survivance des anciennes initiatons de Bacchus. Celles-ci procédaient du rite général conservé par le christianisme du pain et du vin. On buvait donc et dans des utricules. On les choquait pour établir un contact fraternel. On boit aujourd'hui des bocks et l'on trinque, car comme le fait remarquer Rabelais à qui toute cette histoire n'a pas échappé, il y a la « dive bouteille » et l'on trinque, c'est-à-dire qu'on boit suivant le mot allemand « trink ». Pourquoi ? Parce que les Germains qui ont peuplé l'Allemagne venaient d'Asie où l'initiation de Bacchus avait pris naissance, avant de se transformer en culte de Dionysos, dans les pays helléniques. - Par son père, il se rattachait à la famille de Heidelberg. Sa mère s'appelait Elisabeth et portait, comme nom de famille, le nom du même bourg -- c'est-à-dire Trittenheim. Mais un an après sa naissance il perdit son père et sa mère demeura veuve pendant sept ans.<o:p></o:p>

    Donc, en disant que Jean Trithème s'appelle von Trittenheim, c'est uniquement son origine qu'on évoque ; à moins qu'on ne veuille exprimer qu'il portait le patronyme de sa mère. Celle-ci se remaria et eut un fils dénommé Jacques, auquel visiblement doivent se rapporter plusieurs « Epitres Familiales ».<o:p></o:p>

    Quand Jean Trithème atteignit l'âge de quinze ans, ayant en quelque sorte une surprenante intuition de la science qu'il acquerrait plus tard, dit son biographe, il se sentit attiré par les Saintes Ecritures et sachant que les siens n'y consentiraient pas, il en commença l'étude en cachette. Son beau-père s'en aperçut, le tança avec rigueur et lui interdit formellement de s'adonner à une telle lecture. Il ne put résister à son ardent désir et pour ne pas s'exposer un jour, à quelque scène désagréable, il se mit à y consacrer ses nuits. Lorsque tout le monde dormait il s'échappait de chez lui, puis s'en allait chez un ami qui avait autrefois travaillé la question et qui fut ainsi, pour lui, son initiateur. Celui-ci ne tarda pas à être tout à fait étonné de l'ingéniosité et de la subtilité dont Jean Trithème faisait preuve. Personne encore ne lui avait paru aussi profond : « en fait, remarque Ernst Heidel, il était déjà tel que nous le connaissons ».<o:p></o:p>

    Ceci demeure à retenir. Quand nous avons remarqué que Jean Trithème et Luther étaient, en somme, contemporains, quand nous avons pensé que les « réformes » qu'il voulait imposer à ses moines de Spanheim devaient avoir quelque rapport avec la Réforme luthérienne, nous étions bien près de la vérité. Dès son jeune âge, au moment où son intelligence s'éveille et où la réflexion exige des éclaircissements, c'est le mystère biblique qu'il veut percer. Il ne se contente donc pas des explications qu'on lui donne ; il sent confusément que les Ecritures doivent être élucidées et il se met a les lire, bien que ce soit interdit à son époque.<o:p></o:p>

    Car nous sommes en un temps où nul ne peut, sous peine d'excommunication, traduire le latin de la Vulgate, et ne peut, à moins d'être clerc et ainsi autorisé, se livrer a une lecture des deux Testaments.<o:p></o:p>

    Mais il est à croire que ces prescriptions sévères de l'Eglise ne furent pas toujours complètement suivies. Jean Trithème rencontre dans son voisinage, quelqu'un qui, en secret, lisait la Bible. Il y avait donc, de ci, de là, plus de germes du protestantisme qu'on ne le suppose !<o:p></o:p>

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    Vers cette époque, raconte son biographe, Jean Trithème eut un songe. Il avait beaucoup prié et jeûné durant une année où il demandait ardemment à Dieu de lui donner la possibilité d'augmenter son savoir.

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    Une nuit, en dormant, il vit un jeune homme nimbé de lumière, ayant en main des papiers : sur l'un se trouvaient tracées de grandes lettres, sur l'autre de beaux dessins. « Que choisis-tu ? » dit l'apparition. Jean Trithème, bien qu'alors il ignorât l'ésotérisme de l'alphabet, choisit les lettres. Alors le jeune homme du songe proféra ces paroles<o:p></o:p>

    Dieu t'a exaucé, il t'accordera tout ce que tu as demandé et même beaucoup plus encore ».<o:p></o:p>

    Ce songe ne l'émut nullement. Le lendemain il n'y pensait même pas. Ce n'était, pour lui, qu'un effet de ces préoccupations constantes. Cependant, comme il travaillait en cachette dans la maison de son ami, par crainte de ses parents, il commença à découvrir tout seul le secret des lettres de l'alphabet et une semaine après, avec un splendide élan d'enthousiasme, il avait, élucidé le « Pater », l'« Ave Maria », le Symbole des Apôtres », le « Confiteor » qui se dit à la messe, les paroles de la « consécration du pain et du vin ». Il n'en écrivit rien et se fia à sa mémoire, pour conserver la traduction allemande qu'il fit de ces textes.<o:p></o:p>

    C'est là, de toute évidence, ce qu'on peut; appeler un «  coup de génie ». Car il s'agit d'ésotérisme -- mais du plus caché, de celui dont on ne se doute guère, même à l'heure actuelle. Quelle que soit la valeur réelle de la découverte que Jean Trithème, tout jeune, avait pu faire, il n'en demeure pas moins qu'il avait mis le doigt sur la « Gnose », sur cette manière d'expliquer clairement les écrits bibliques et de restituer en leur sens rationnel les prières rituelles. Ce fait, s'il eût été connu, lui aurait occasionné les pires ennuis : un grand nombre de gens ont été brûlés vifs, pour beaucoup moins.<o:p></o:p>

    Mais, déjà, on comprend les craintes qui assaillirent plus tard Loyola. Il est impossible que Jean Trithème n'eût pas enseigné à Cornélis Agrippa, tout au moins l'intérêt que présentent certaines études de Kabbale littérale pour traduire en langage clair et acceptable la Bible en entier. Il est inadmissible que, mis sur la voie dès le début de son existence, Jean Trithème n'ait pas poussé plus avant ses travaux sur la « Gnose » et qu'il n'en ait pas communiqué, tout au moins l'essentiel. Il est, alors, très probable que Cornélis Agrippa, dans ses leçons à la Sorbonne, en a laissé deviner quelques bribes. Et Loyola qui les écoutait, attentif et perspicace, a fort bien vu tout le danger qu'une révélation de la « Gnose » pouvait présenter pour le Catholicisme.<o:p></o:p>

    La « Gnose » démonte - pour ainsi dire - les Ecritures bibliques et les prières rituelles ; elle fait comprendre comment elles sont faites ; elle donne, de la sorte, l'explication des anomalies qu'on y constate ; elle les dépouille ainsi de tout caractère sacré parce qu'elle décèle que la fabrication en est humaine ; elle conduit donc à la perte irrémédiable de la foi ; mais elle substitue la raison et, en fin de compte, asseoit toute conception du divin comme du culte, sur les bases humainement acceptables de principes hors de conteste, de principes incriticables contre lesquels rien n'est à objecter.<o:p></o:p>

    La « Gnose » détruit l'Eglise pour faire la Gloire du Christianisme !<o:p></o:p>

    Rien, évidemment, n'est plus beau !<o:p></o:p>

    Mais rien n'est plus dangereux - parce qu'alors, il n'y a plus aucune part de rêve, aucun moyen de se bercer d'illusions, aucune possibilité d'accomoder ses petites idées avec les préceptes, de donner d'agréables ou utiles entorses à la morale, de faire - comme disait Bossuet - « un doux compromis entre le vice et la vertu », de vivre, en somme, avec une Religion dont on a plaisir à faire partie, pour se dire d'une élite.<o:p></o:p>

    Et, d'autre part, il n'y a plus moyen de profiter de tout cela pour se mêler des affaires de ce monde, avec une politique habile ; plus moyen de maintenir l'Eglise.<o:p></o:p>

    Mieux vaut donc la foi que la raison. Aussi Loyola et ses successeurs s'acharnèrent sur le libre examen, sur le rationalisme dont ils craignaient la perspicacité, sur tout ce qui pourrait conduire vers la « Gnose », dont ils redoutent: la révélation. Ils exaltent la foi, ils sauvent l'Eglise ! Et pourtant le rationalisme n'a jamais été que l'appétit d'une prétention à l'indépendance ! Et personne n'a dit que la « Gnose » devait se révéler, pas plus Cornélis Agrippa que Jean Trithème, à tout autre<o:p></o:p>

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    D'ailleurs, quand il a eu son « coup de génie » Jean Trithème s'est bien gardé de s'en prévaloir. Quelques amis et quelques prêtres ont seulement reconnu qu'il montrait une louable prédilection pour les études sacrées, qu'il faisait, en tout cas, preuve d'une remarquable intelligence. Ils ont persuadé ses parents de lui laisser suivre ses tendances. Cependant cela ne fut pas sans mal : il fallut l'intervention d'un oncle, homme âgé et grave, qui déclara assumer sa « tutelle » à défaut de son beau-père, surtout lorsque celui-ci laissa percer quelques raisons d'intérêt.

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    C'est ainsi que Jean Trithème quitta sa maison familiale, qu'il se rendit à Trèves, puis ailleurs, en des endroits moins notoires, enfin à Heidelberg, passa trois jours à l'étranger et finalement entra au monastère de Spanheim.<o:p></o:p>

    Il est à remarquer que Ernst Heidel insiste assez sur la façon dont Jean Trithème se trouva soudainement mis en contact avec une certaine manière de lire les écrits bibliques, ainsi que sur les discussions intimes qui déterminèrent son départ vers des centres d'instruction ; mais qu'il esquiva positivement la nature de ses -études avant d'adopter la vie monacale. Il ne donne, au surplus, aucune indication sur ses tendances à la méditation - qui paraissent nécessaires chez un futur moine.<o:p></o:p>

    Si l'on n'y prend garde, on serait tenté même d'y voir le processus naturel d'une évolution juvénile. Car Ernst Heidel donne habilement le change.<o:p></o:p>

    Quand il raconte ce que nous avons pris pour un « coup de génie », il présente les choses de telle façon qu'on pourrait croire que Jean Trithème, alors, a simplement appris à lire tout seul et qu'en une semaine, la plupart des textes de prières lui deviennent si familiers, que sa mémoire les conservait en allemand !<o:p></o:p>

    Ceci est rempli de contradictions.<o:p></o:p>

    D'abord Jean Trithème avait quinze ans. Est-il admissible qu'il n'ait pas su lire à cet âge - Mais passons : le fait a pu se produire. En tout cas, personne ne croira que d'avoir simplement lu, permet de comprendre le latin, fut-il aussi élémentaire que celui de la Vulgate. Or, à l'époque de Jean Trithème, avant que Luther n'ait traduit la Bible, seule la Vulgate existait. Au surplus, il ne s'agit pas seulement de lire le latin, mais de le traduire assez correctement pour graver dans sa mémoire l'allemand correspondant.<o:p></o:p>

    Ernst Heidel se moque habilement du monde. Il écrit d'un air détaché, parle -de « Thrithemius amore litteratum quas adhuc penitas illo tempore ignorabat », pensant bien que, sans réfléchir, on comprendra : « Trithème dans son amour de la lecture qu'à cette époque il ignorait totalement... », - comme si c'était logique.<o:p></o:p>

    Mais le latin est bien commode pour donner le change.<o:p></o:p>

    On peut, en effet, traduire « amor litteratum » par « amour de la lecture » ou encore « désire de connaître les lettres » - tout dépend de ce qui se trouvera dans le contexte ; c'est-à-dire, de ce que l'auteur veut qu'on comprenne. Or, quelques lignes plus loin, on voit que Jean Trithème « apprit » ou « étudia » - didicit - « l'alphabet » - alphabetuin. -- A première vue, cela laisse entendre qu'il s'agit « d'épeler pour lire couramment » Or -on infère, sans approfondir que c'est « là » ce qu'on appelle d'ordinaire « apprendre à lire », dans le sens de « parcourir des yeux ce qui est écrit ». Mais l'expression a deux autres sens en l'espèce « apprendre à lire le latin », c'est-à-dire à le comprendre, - et « apprendre à lire la Bible », c'est-à-dire à saisir toute la valeur, au moyen de la méthode spéciale de la « Gnose ». Par ces deux sens, on peut encore se faire illusion, suivant sa propre pensée : logiquement on aura tendance à s'imaginer que Jean Trithème a commencé tout seul l'étude du latin. Si cela est, il allait singulièrement vite, puisqu'en huit jours, il pouvait graver, dans sa mémoire, une traduction allemande de textes évidemment simples, pourtant grammaticalement construits.<o:p></o:p>

    Ernst Heidel est très malin sous une ingénuité apparente. Il joue sur le mot « amor litteratum », comme sur le mot « alphabetum » ; son lecteur pense aux « lettres » d'un « alphabet » ordinaire et lui n'ignore pas que les expressions qu'il emploie ont un sens précis en Kabbale. Une personne avertie, sachant que la biographie est celle d'un homme pour lequel la Kabbale sera le principal guide dans les travaux, effectués durant sa maturité, ne peut manquer de traduire « amor litteratum » par « désir de connaître la valeur des lettres hébraïques » ; de voir dans « alphabetum » l'interprétation attribuée à chacune de ces lettres. Et l'étude de ' ces lettres » est parfaitement à la portée d'un jeune homme de quinze ans.<o:p></o:p>

    Alors l'irritation du beau-père de Jean Trithème devient légitime. Le goût pour les études bibliques que semble avoir ce jeune homme - qui n'a pas dû faire la moindre allusion aux méthodes qu'il emploie - ne peut être qu'approuvé par des gens sérieux. Les dispositions et les facilités dont il fait preuve se trouvent aisément encouragées. On discute donc en famille du moyen de l'envoyer faire des études complètes. Mais la question argent intervient nécessairement, et le beau-père se montre quelque peu récalcitrant. C'est alors que l'oncle offre « sa, tutelle ». Le mot,« tutor » qu'emploie Ernst Heidel, à cette occasion, ne peut se prendre pour ce que nous appelons un tuteur : raisonnablement Jean Trithème, qui a encore sa mère, a pour tuteur légal, son beau-père. Donc « tutor » ici, veut bien dire « le protecteur », celui qui prend en charge quelqu'un- ou quelque chose : c'est le sens exact du latin. Du reste cet oncle n'est pas nommé !<o:p></o:p>

    Le reste, alors, n'a plus d'importance : Jean Trithème étudia à Trèves, puis ailleurs, à Heidelberg enfin, voyagea quelques jours à l'étranger - où ? on n'en dit rien - devint moine.<o:p></o:p>

    Le fait même que les détails de cette formation intellectuelle sont passés sous silence, indique - quand il s'agit d'un « occultiste » célèbre comme celui qui nous occupe - que son évolution se caractérise uniquement par le fait dont il vient d'être parlé.<o:p></o:p>

    En toute évidence, ce fait est très important.<o:p></o:p>

    A vrai dire, on ne peut supposer que les premiers éléments de la Kabbale littérale, ouvrant la voie de la « Gnose », aient été découverts par un jeune homme de quinze ans. Il a fallu que quelqu'un lui donnât des indications. Mais nous voyons auprès de lui cet ami, dont le nom n'est pas connu - qui se trouve simplement désigné comme un voisin » et qui fut son « précepteur ». Celui-ci, quand on lit Ernst Heidel avec attention, compléta des « rudiments acquis dans une institution d'enfants » - ce qui prouve que l'élève savait lire quand on lui donna ses leçons.<o:p></o:p>

    C'est chez « cet ami » que Jean Trithème « s'adonna secrètement à l'étude des lettres. Encore l'expression « secrètement » doit-elle se comprendre en un sens plus spécial, car Ernst Heidel écrit : « operam dedit letteris in occulto » - ce qui veut bien dire : « il fit un travail par les lettres d'une façon occulte » - et implique l'occultisme dans l'alphabet, donc la « Kabbale littérale ».<o:p></o:p>

    On demeure, ainsi, en droit de penser que « l'ami » le mit sur la voie, la vraie voie de la « Gnose ».<o:p></o:p>

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    C'est un point important à préciser, parce que nous recherchons des origines. Quand nous poserons que Jean Trithème est « le Père de la Tradition ésotérique », nous devons pouvoir, non seulement délimiter cette paternité, mais encore la relier à des éléments ou principes soigneusement conservés jusqu'ici.

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    Peu importe comment, au cours d'études qu'on peut appeler secondaires, â Trèves, et supposer supérieures à Heidelberg, ces premiers germes de Kabbale, se développèrent dans son cerveau. Chez un jeune homme assez doué pour avoir, dès le prime abord, compris qu'existait une manière spéciale de faire ressortir certaines vérités dissimulées dans les textes sacrés, il est très probable que ces germes ne se sont pas atrophiés. Sans doute ont-ils été tenus en réserve et même soigneusement dissimulés, afin que ni les camarades, ni les professeurs n'en aient aucun soupçon. Jean Trithème était à un âge où instinctivement on garde pour soi ses pensées intimes.<o:p></o:p>

    Mais comment devint-il moine ? Car, jusqu'alors, rien ne le prédisposait à la vie monastique.<o:p></o:p>

    Ernst Heidel raconte l'anecdote suivante.<o:p></o:p>

    En janvier 1482, Jean Trithème et un camarade d'école, eurent l'intention de se rendre à Triltenheim. Leur itinéraire passait par le monastère de Spanheim. Ils y arrivèrent exactement le 25, aux environs de neuf heures du matin. Ils y prirent un repas que les moines tinrent à leur offrir. Puis ils repartirent, sans connaître trop bien le chemin à travers les montagnes. Parvenus non loin du petit village de Bockenaw, ils furent surpris par une violente tempête de neige et bientôt se trouvèrent au milieu d'un amas de flocons que non seulement ils ne voyaient plus le sentier qu'ils suivaient, mais encore qu'ils avaient beaucoup de peine à s'apercevoir réciproquement. Il devenait impossible de continuer. Son camarade suggéra de retourner au monastère. Jean Trithème lui répondit : « Ce serait montrer un peu trop de sans-gêne que d'y revenir, allons de l'avant comme nous pourrons ». Ils tâchèrent alors de s'abriter sous les arbres pour attendre une accalmie. Mais la tempête prenait de plus en plus de force et devenait épouvantable. Alors Jean Trithème dit : « Revenons au monastère ; mais si j'y parviens, j'y reste ».<o:p></o:p>

    Je ne sais, déclare son biographe, s'il eût, en cette occasion une inspiration divine ; en tout cas il ne l'a pas fait connaître ; peut-être fut-il appelé par une voix intérieure.<o:p></o:p>

    Ce fut donc contre leur gré et par nécessité qu'ils rebroussèrent chemin. Pendant le retour, Jean Trithème ne fit aucune allusion à la décision qu'il paraissait avoir prise ; mais une fois arrivé au monastère, il demanda à voir le prieur, Henri de Holtzhausen et eut une longue conversation avec lui. Puis il prit d'autres attitudes.<o:p></o:p>

    Cinq jours après, le 31 janvier, à l'anniversaire même de sa naissance, alors qu'il atteignait l'âge de vingt ans, il prit l'habit monastique et la même année, à la fête de la Présentation de la Vierge, son noviciat était considéré comme terminé : il devenait « profès » dans l'ordre des Bénédictins.<o:p></o:p>

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    Il vécut en moine, parmi ses frères de la communauté sans que personne n'eut à, se plaindre de sa conduite, étudiant dans la solitude de sa cellule, loin des bruits du monde, ne considérant rien de plus intéressant que de se plonger dans la « science des Ecritures ».

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    Selon Ernst Heidel, toujours féru de précisions qui laissent à penser qu'il avait des préoccupations astrologiques, le monastère de Spanheim serait situé par 50° 23' de latitude et 26° 53' de longitude, compte tenu, dit-il, que Mayence est à 27° 30'.<o:p></o:p>

    C'est en 1101, sous le règne de l'Empereur Henri IV, l'archevêque et Electeur de Mayence se dénommant Ruthard, que Stephan, comte de Spanheim, posa la première pierre du couvent sur une hauteur dont il détenait la propriété, par héritage. Il le réserva aux Bénédictins. Son fils, Megenhard, en acheva la construction le 25 février 1118, quoique son autre fils Rodolphe, dont l'épouse Richarda, déplorait de telles prodigalités, s'y opposa à maintes reprises.<o:p></o:p>

    Le plan de la chapelle était en forme de « croix latine ». Il y avait un cloître, entouré de diverses salles dont un réfectoire et un dortoir ouvrant sur la partie occidentale du cloître.<o:p></o:p>

    Megenhard voulut, avant que la communauté des Bénédictins fut définitivement installée, faire consacrer la chapelle, ce qui était rituellement indispensable. Mais alors, l'archevêque de Mayence, prétendit avoir appris qu'à la cérémonie assisteraient certains clercs exilés de son diocèse et sans mandat à cet effet. Il souleva de telles objections, refusa même de venir en personne, qu'on en conclut qu'il ne désirait nullement voir dans son diocèse une communauté de Bénédictins. Megenhard s'adressa à Ruggon, évêque de Worms, dépouillé de son siège, depuis plusieurs années et celui-ci procéda à la cérémonie, le dimanche de Quasimodo de l'année 1123.<o:p></o:p>

    La chapelle fut dédiée à St Martin de Tours. Elle comprenait trois autels dont l'un était de St Pierre et l'autre de St Paul. Enfin dans l'abside, située au midi, se trouvait le troisième autel, dédié à St Jean l'Evangéliste. Plus tard on en érigea d'autres.<o:p></o:p>

    Ces détails que donne Ernst Heidel sont loin d'être négligeables. D'abord on voit poindre la politique dont souffrit si longtemps l'Allemagne. L'archevêque de Mayence ne regarda pas d'un bon oeil l'établissement des Bénédictins dans le comté de Spanheim. Or cet archevêque est un des Electeurs du Saint Empire ; il en est même le principal car il porte le titre d'archi-chancelier de Germanie. - Les Electeurs allemands étaient depuis, le XIIIe siècle, au nombre de sept : les archevêques de Mayence, Trèves et Cologne, les ducs du Palatinat, de Brandebourg et de Saxe, enfin le roi de Bohême. - C'est lui qui nomme le vice-chancelier pour le Conseil Aulique, le conseil que préside l'Empereur et qui exerce, en son nom, les droits impériaux. Par le fait, l'archevêque de Mayence exerce donc un contrôle, constitutionnellement nommé, sur les décisions prises. Ainsi sa puissance est considérable.<o:p></o:p>

    N'oublions pas qu'en 1106, il y eut une diète à Mayence qui déposa l'Empereur Henri IV. Nous sommes en pleins troubles occasionnés par la Querelle des Investitures.<o:p></o:p>

    Le refus qu'opposa l'archevêque, à la consécration du monastère de Spanheim, n'a d'autres motifs que des contestations politiques. Mais Megenhard, le comte de Spanheim, tourne la difficulté, en lui substituant un évêque de Worms, chassé de ses états. Dans cette ville du Hesse - Darmstadt, les évêques furent toujours en guerre avec la population celle-ci les dépossédait de leur autorité sans trop s'inquiéter de leur caractère ecclésiastique. Pourtant ils demeuraient évêques et du point de vue religieux, en conservaient la qualité.<o:p></o:p>

    Megenhard en profita. En tant qu'archevêque, l'Electeur de Mayence n'a rien à dire; en tant qu'archi-chancelier de Germanie, il peut en conserver un certain ressentiment, mais ceci n'affecte pas les Bénédictins.<o:p></o:p>

    Ernst Heidel évoque donc une situation qui ne sera pas sans influence sur les événements qui surviendront après la mort de Jean Trithème. La ville de Worms fut une des premières qui, en Allemagne, adopta les propositions de la Confession d'Augsbourg, précisons, le protestantisme, en 1530.<o:p></o:p>

    Quant à cette chapelle du monastère de Spanheim, dont la consécration donna lieu à des objections qui relèvent de la politique, les précisions qui la concernent d'après ce qu'en dit Ernst Heidel, présentent un grand intérêt puisqu'il s'agit de Jean Trithème, moine à tendances kabbalistes.<o:p></o:p>

    Elle est dédiée à St Martin de Tours, célèbre par sa charité. Donc son maître-autel implique cette dédicace. Les deux autels latéraux sont ceux des apôtres qu'on doit considérer comme les fondateurs de l'Eglise primitive ; l'un St Pierre dont les papes sont les successeurs, l'autre St Paul qui demeure le chef de ce qu'on appelle l'Eglise militante. Mais, dans l'abside, se trouve l'autel de St Jean l'Evangéliste, le disciple préféré du Christ, auteur de l'Apocalypse et du Quatrième Evangile - par cela même, créateur de l'ésotérisme chrétien.<o:p></o:p>

    Si Jean Trithème avait, comme le laisse entendre son biographe, assez de notions de Kabbale pour comprendre certains textes sacrés, il a dû certainement être frappé par cette disposition d'un symbolisme voulu. On comprend qu'au milieu de la tempête de neige, ne pouvant plus poursuivre sa route, vers son pays natal, il se soit dit : « peut-être vaut-il mieux retourner là et y rester ».<o:p></o:p>

    Il y est resté.<o:p></o:p>

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    Au début le monastère de Spanheim n'était habité que par douze Bénédictins. Ils venaient du couvent de SaintAlbin, à Mayence. Huit d'entre eux avaient la prêtrise. Les quatre autres n'étaient que des frères « convers ». C'étaient des hommes remarquables et intelligents ; certains, avant leur entrée en religion, avaient été soldats. Le 8 juin 1124 ils choisissaient l'un d'entre eux pour abbé, selon la règle et la coutume des communautés monastiques. Ainsi avant Jean Trithème, il y eut, à Spanheim, vingt-quatre abbés.

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    Ernst Heidel en donne la liste complète que résume synoptiquement le tableau suivant<o:p></o:p>

     

     

    <v:shapetype coordsize="21600,21600" filled="f" id="_x0000_t75" o:preferrelative="t" o:spt="75" path="m@4@5l@4@11@9@11@9@5xe" stroked="f"><v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke><v:formulas><v:f eqn="if lineDrawn pixelLineWidth 0"></v:f><v:f eqn="sum @0 1 0"></v:f><v:f eqn="sum 0 0 @1"></v:f><v:f eqn="prod @2 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @0 0 1"></v:f><v:f eqn="prod @6 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="sum @8 21600 0"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @10 21600 0"></v:f></v:formulas><v:path gradientshapeok="t" o:connecttype="rect" o:extrusionok="f"></v:path><o:lock aspectratio="t" v:ext="edit"></o:lock></v:shapetype><v:shape id="_x0000_i1025" style="WIDTH: 548.25pt; HEIGHT: 333pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:title="" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image001.png"></v:imagedata></v:shape><o:p></o:p>

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    - Dans cette liste, les noms ont été rectifiés selon leur orthographe germanique. La particule allemande « von » substituée au français « de », équivaut à l'anglais « of », fait partie du patronyme; au contraire la particule « de » équivaut à l'anglais « trow » et indique la localité d'origine.

     

     

    <o:p></o:p>

    On a, de la sorte, un abrégé historique concernant le monastère de Spanheim.

    <o:p></o:p>

    L'abbé qui dirigeait le monastère quand Jean Trithème fut obligé par la tempête de neige de revenir sur ses pas, se nommait Kolnhausen. Treize ans auparavant, il avait été, non pas positivement élu par les frères de la communauté, ainsi que d'ordinaire, mais plutôt désigné par les commissaires, munis des pleins pouvoirs de l'archevêque de Mayence. Deux abbés avaient, précédemment, résigné leurs fonctions - l'un Ulrich de Zeiskeim, après cinq ans, l'autre Otto Hawysen, après trois ans.<o:p></o:p>

    Lui-même dut démissionner après 13 ans, 11 mois et 5 jours d'exercice. Il fut déplacé et nommé abbé du monastère de St-Marcelin à Soligenstadt. Il conserva neuf ans le poste puis l'abandonna aussi, mais cette fois pour raison de santé ; il mourut, d'ailleurs, trente mois après.<o:p></o:p>

    Quand le 29 juillet 1483 Jean Trithème fut abbé de Spanheim, le monastère existait depuis 359 ans.<o:p></o:p>

    Or il n'y a que huit mois et sept jours que ce jeune homme de vingt ans, suivait, comme profès, la règle de St Benoît.<o:p></o:p>

    L'élection pourrait paraître surprenante si l'on ne savait qu'elle était consé-cutive à des discordes intestines qui duraient depuis de longues années.<o:p></o:p>

    On doit voir, là, les effets du Grand Schisme d'Occident et de la Guerre des Hussites qui l'accompagne. Depuis que les papes résidaient à Avignon, l'autorité pontificale s'était considérablement affaiblie. En 1378, alors que Clément VII s'obstinait à y demeurer, Urbain VI ceignait la tiare à Rome. On eut ainsi, pendant un temps, deux papes, l'un en France, l'autre en Italie ; puis vint le moment où la papauté ayant réintégré Rome, il y eut une dualité et même une trinité pontificale : un pape à Avignon, l'autre à Rome et le troisième à Bologne. En 1409, Jean Huss, réagissant contre ce catholicisme incohérent, reprenait la théorie de Wiclef et la répandait de Prague à travers l'Allemagne. Cinq ans après, un concile se réunit à Constance - célèbre parce qu'il fut, selon l'expression d'un historien « les états généraux de la Chrétienté ».<o:p></o:p>

    Il s'agissait de mettre fin au Grand Schisme. Il s'agissait aussi de condamner Jean Huss et de déraciner les propositions hardies de Wiclef. Mais il fallait réformer l'Eglise de fond en comble, sans quoi on ne voyait plus bien ce que le Christianisme deviendrait. Le Français Pierre d'Ailly, natif de Compiègne, chancelier de l'université de Paris - un vrai savant qui ne dédaignait nullement l'astrologie et que l'on surnommait « l'Aigle de la France » - avait publié un volumineux rapport sur la nécessité d'opérer d'importantes réformes dans l'Eglise, « aussi bien dans son chef, disait-il, que dans ses membres » - Pierre d'Ailly est un de ceux qui ont calculé avec exactitude la date de la Révolution de 1789. - Tout le monde, alors, était de cet avis. Le célèbre Gerson y ajoutait, cependant, l'indépendance gallicane. - Gerson, né à Rethel en 1363, fut le successeur de Pierre d'Ailly, à l'université de Paris.<o:p></o:p>

    Au Concile de Constance furent envisagées les premières bases d'une restauration de la discipline monastique. Elles devaient, en Allemagne, servir à réaliser, en 1429, « l'Union de Bursfeld », qui remettait en vigueur - notamment parmi les Bénédictins - certains principes de la règle originale. Le monastère de Bursfeld fut un exemple que le diocèse de Mayence adopta. Or Spanheim dépendait de ce diocèse.<o:p></o:p>

    Mais les moines de Spanheim se refusèrent à admettre la validité des décisions du Concile de Constance et ne voulurent pas accepter « l'Union de Bursfeld ». En 1439, ils le déclarèrent formellement à l'abbé du monastère de St Mathias - situé près de Trèves - qui vint les visiter pour tâcher de les convaincre. En 1445 leur propre abbé, Frédéric Nackheim dut résigner ses fonctions.<o:p></o:p>

    Il faut savoir qu'aujourd'hui, encore, le Concile de Constance est fortement critiqué par l'autorité romaine. Celle-ci reconnaît bien la valeur des efforts qui ont été accomplis, alors, pour mettre fin au Grand Schisme d'Occident et entérine, comme de juste, les condamnations qui furent prononcées contre Wiclef et Jean Huss ; mais elle dénie, à cette assemblée ecclésiastique, le caractère d' « oecuménicité ». La question a une très grande importance.<o:p></o:p>

    Un concile est dit oecuménique, quand il rassemble tous les évêques de la chrétienté, sous la présidence du pape ou de son légat. Rome soutient que ce caractère oecuménique provient non pas du fait que les évêques sont réunis, mais que la réunion est placée sous l'autorité pontificale. Or, pour mettre fin au Grand Schisme, il fallait obtenir la « cession » - on appelle « cession », l'abdication du pape - des papes existants et il y en avait trois : Benoît XIII à Avignon, Grégoire XII à Rome, Jean XXIII à Bologne ; dans ces conditions les évêques, réunis en Concile devaient se déclarer capables de décerner l'autorité pontificale, à toute autre personne qui leur paraîtrait digne. Mais alors le Concile devenait supérieur à la papauté et si un principe était reconnu, l'autorité du Souverain Pontife se trouvait soumise à celle de l'Assemblée. C'était la substitution du régime démocratique au régime monarchique et l'Eglise de Rome a toujours tenu à être monarchique. - Il en est de même, aujourd'hui.<o:p></o:p>

    En ce qui concerne le Concile de Constance on s'en est tiré avec une certaine casuistique : Rome a déclaré - et déclare encore que le « caractère d'oecuménicité » n'y existait pas ; néanmoins elle l'admet pour, les trois premières sessions, à savoir : celle qui examinait les moyens de résoudre la question des trois papes, celle qui posait les bases d'une réforme générale du statut de l'Eglise et celle qui établissait l'obligation de se soumettre aux décisions prises. En somme, selon Martin V - le pape élu après l'abdication de Grégoire XII et les dépositions de Jean XXIII et Benoît XIII - « Rome n'approuve ce qui a été fait à Constance que conciliatairement et en matière de foi ».<o:p></o:p>

    On voit alors sur quoi repose la résistance des Bénédictins de Spanheim. En 1439 c'est Eugène IV, successeur de Martin V, qui occupe le trône de St Pierre. Jean Huss a été brûlé vif, à la suite du Concile de Constance et la Guerre des Hussites désole la Bohême. Un autre concile a été convoqué à Bâle par Martin V, mais celui-ci est mort avant l'ouverture. Maintenant cette assemblée s'insurge contre les prétentions monarchiques de Rome : elle veut affirmer la supériorité des conciles sur la papauté. La lutte continue, mais en quelques années, Rome finit par triompher : l'Empereur Frédéric III s'en mêle et expulse les évêques de Bâle ; la peste aussi survient, le concile se transporte à Lausanne puis à Ferrare ; bref le, principe démocratique n'a pas de chance.<o:p></o:p>

    C'était bien pour déplaire aux Gerson et aux Pierre d'Ailly, à tous ceux qui auraient désiré plus d'indépendance au sein de l'Eglise. Il y avait en tout cela, le germe de la Grande Réforme protestante !<o:p></o:p>

    Personne, au fond, ne voyait bien clair ; tout le monde voulait quelque chose de mieux ; mais on ne savait trop comment s'y prendre ; la confusion était partout.<o:p></o:p>

    Les dispositions du Concile de Bâle furent bien vues en Allemagne. Elles posaient la suprématie des conciles sur la papauté ; elles abolissaient, comme abusifs, différents droits que le Saint Siège se croyait fondé de percevoir de temps immémorial et certains de ces droits affectaient les revenus des monastères. Les princes souverains voyaient naturellement leur profit. Eugène IV refusa de les approuver et proclama la dissolution du concile. Les évêques ne voulurent pas se soumettre. La papauté déclara que leur réunion n'était plus un concile mais un « conciliabule » c'est-à-dire une assemblée illégale. On fit un anti-pape, Félix V qui n'était autre que le duc de Savoie. Dès lors la Savoie, la Suisse et beaucoup de principautés allemandes prirent parti contre Rome.<o:p></o:p>

    En 1439 une réunion eut lieu à. Mayence, d'où sort la « Pragmatique Sanction Germanique », analogue à la « Pragmatique Sanction de Bourges » qui, l'année d'avant, avait sanctionné les décisions de Bâle, pour la France. Les princes allemands y insérèrent à peu près tout ce qui peut donner satisfaction à leurs griefs contre la cour de Rome. « L'Union de Bursfeld » prend donc une valeur obligatoire pour les moines et principalement dans le diocèse même de Mayence.<o:p></o:p>

    Les Bénédictins de Spanheim - d'accord en cela avec leur tradition de fidélité, envers la papauté - refusent de s'y soumettre. Il est naturel que leur abbé ait donné sa démission : il avait de la part de l'archevêque de Mayence, commission spéciale pour faire observer les règlements généraux.<o:p></o:p>

    On ne réussit pas à triompher de cette obstination. A trois reprises différentes on essaye de convaincre ces moines tenaces. Ils ne cessent de déclarer « qu'étant nés et élevés dans l'erreur ou plutôt dans ce qu'on veut bien appeler ainsi, ils préfèrent y mourir ».<o:p></o:p>

    Enfin en 1467, quand Otto Hawysen est leur abbé, depuis un an, comme ils craignaient d'être expulsés par les autorités chargées d'imposer, à tous les monastères, la réglementation de Bursfeld, ils tiennent conseil pour trouver un biais et envoient, par des messagers spéciaux, une supplique à l'Abbaye de Trèves. Là, on leur fait savoir qu'on ne peut rien en leur faveur. Ils s'adressent, alors, à Cologne. Deux frères du monastère de St-Pantalion en partent, se rendent auprès d'eux et cherchent à leur faire comprendre qu'il est fort difficile de s'entremettre, s'ils ne font pas leur soumission complète.<o:p></o:p>

    Les vieux moines de Spanheim les écoutent, mais les jeunes les couvrent de huées. Il n'y a rien à faire. Les Bénédictins sont irréductibles. Les frères de Cologne s'en retournent, un peu vexés.<o:p></o:p>

    Deux ans se passent. Le bruit se répand que le monastère de Spanheim est devenu le repaire de révoltés, vivant en dehors de toutes les règles monastiques. Alors, le comte palatin du Rhin ordonne au seigneur de Spanheim d'obliger les récalcitrants à se conformer aux prescriptions stipulées tant par « l'Union de Bursfeld » que par la « Pragmatique Sanction Germanique ». L'archevêque de Mayence envoie, au surplus, deux commissaires, à cet effet.<o:p></o:p>

    Ceux-ci arrivent le 19 août avec une troupe en armes. Le monastère est occupé. Les moines ne s'émeuvent pas. Des sommations leur sont faites. Ils répondent fièrement<o:p></o:p>

    « Nous ne voulons pas vivre autrement qu'on nous l'a appris ; nous nous refusons à subir les réformes de Bursfeld ; nous ne pouvons pas avoir de règle plus austère ou meilleure que la nôtre ». Les commissaires font une enquête rapide. Cependant l'abbé tente, malgré tout, de faire entendre raison à ses moines. L'enquête ne révèle rien de normalement répréhensible. Il n'y a que de l'entêtement, mais impossible à vaincre. L'abbé donne sa démission et le lendemain s'en va.<o:p></o:p>

    Deux jours après, le 22 août, au matin, les commissaires réunissent les moines, les exhortent une dernière fois à se soumettre et sur leur refus, les expulsent tous. Le monastère est vidé.<o:p></o:p>

    Le droit de désigner un abbé revenait, en ce cas, à l'archevêque. Mais les commissaires avaient pleins pouvoirs. Ils choisirent donc Jean de Kolnhausen qui était économe au monastère de St-Jacques, près de Mayence ; ils le nommèrent et l'en avertirent.<o:p></o:p>

    Ce nouvel abbé, accompagné de quatre moines de son monastère s'en vont résider à Spanheim. Puis, dans les années qui suivirent, la communauté s'accrut de différents jeunes gens, issus des universités ainsi que de plusieurs « profès » venus de part et d'autre pour continuer leur vie monastique.<o:p></o:p>

    Jean de Kolnhausen - le prédécesseur immédiat de Jean Trithème, comme abbé, de Spanheim - se rendit à Trèves, l'année d'après sa nomination, en 1470, pour donner l'affirmation solennelle de l'acceptation de « l'Union de Bursfeld ». Mais en juillet 1483, comme Reinhart, abbé du monastère clé St-Marcellin à Seligenstadt était décédé, il sollicita son changement auprès de l'administration du siège épiscopal de Mayence. Il l'obtint le 17 de ce mois et dans les dix jours, il donna sa démission.<o:p></o:p>

    C'est en effet, le 27 juillet 1483 que le poste d'abbé de Spanheim devint vacant et le 29 que Jean Trithème fut élu.<o:p></o:p>

    On voit que la communauté où Jean Trithème avait pris l'habit monastique n'était plus tout à fait celle des Bénédictins inflexibles dans leurs convictions romaines. On comprend aussi - quoique aucune précision ne soit donnée à cet égard - qu'elle ne devait pas être bien nombreuse.<o:p></o:p>

    Elle fut régulièrement invitée à procéder à une élection, -- sur les instances, de Jean de Kolnhausen, démissionnaire, -- par Hermann, abbé de St-Jacques près de Mayence et par Conrad, abbé de St-Jean en Rhénanie, -- ceci afin que la soumission à la réglementation de Bursfeld fut observée.<o:p></o:p>

    Cinq candidats étaient en présence. Trois appartenaient au monastère : Henri de Geinhausen - doyen --, Jean de Dena - surveillant -, Jean de Dreysa -- trésorier ; deux autres étaient étrangers : Jean de Seligenstadt et Hermann, qui eut volontiers accepté d'abandonner son poste d'abbé de St-Jacques près de Trèves.<o:p></o:p>

    L'invitation à désigner un nouvel abbé stipulait que l'élu devait réunir non seulement la majorité des suffrages exprimés, mais encore la majorité des votes émis par les plus anciens du couvent.<o:p></o:p>

    Cette façon de scrutin peut paraître bizarre. Mais elle se comprend par le fait que les moines étaient forcément de deux catégories : celle des novices et celle des profès. Il fallait donc que l'élu réunit la majorité des suffrages dans la catégorie des « profès » qui, par définition, sont les plus anciens et que la majorité fut encore exprimée par l'ensemble des votes. Ceci suppose deux urnes : l'une dans laquelle votent uniquement les « profès » et l'autre dans laquelle tous les moines, sans distinction, déposent un bulletin.<o:p></o:p>

    Il y avait trop de candidats. Il faut croire qu'aucun d'eux n'était particulièrement agréé par les électeurs, car les suffrages s'égarèrent. Beaucoup de profès ne votèrent pas pour eux et les novices firent de même. Les uns et les autres pensant, sans doute, qu'un second tour de scrutin aurait lieu, votèrent pour le plus inoffensif, le plus effacé, le plus jeune de la communauté, profès depuis très peu de temps, qui naturellement n'était pas candidat.<o:p></o:p>

    Il se trouva que dans les deux urnes la majorité se concentra sur son nom.<o:p></o:p>

    Et, ainsi, Jean Trithème fut élu.<o:p></o:p>

    Il y avait à peine un an, quatre mois et sept jours qu'il était entré au monastère comme novice !<o:p></o:p>

    Mais, après l'avoir élu, ainsi, par surprise, on fut bien obligé de le proclamer le 15 août, en présence des abbés de St-Jacques, Jean de Seliggenstadt et de Melchior de Schoenhawen. Albert, administrateur du siège épiscopal de Mayence lui remit solennellement la croix et la mitre.<o:p></o:p>

    Il avait vingt et un ans.<o:p></o:p>

    Il prit immédiatement à coeur ses nouvelles fonctions.<o:p></o:p>

    Il se préoccupa d'abord des questions d'argent. Il examina attentivement la comptabilité, évaluant les rentrées possibles et les paiements éventuels. Il liquida des dettes, purgea certaines hypothèques et en renouvela quelques autres. Sa première idée fut que la communauté ne manquât de rien puis que ses ressources aient un accroissement normal.<o:p></o:p>

    Les mesures financières qu'il adopta, dès le début, parurent si sages, si productrices que les princes et les seigneurs, dont dépendait le monastère s'en montrèrent particulièrement ravis. Leurs propres revenus s'en augmentaient d'autant. Mais le jeune abbé en profita pour faire bénéficier son monastère de différentes subventions, soit de la part des autorités civiles, ou ecclésiastiques, soit de la part des donateurs. Il fit rentrer, de ce chef, en douze ans, plus de mille florins - pour l'époque et pour cette communauté modeste, c'était une somme coquette.<o:p></o:p>

    Toutefois il s'abstint de récupérer les biens que son prédécesseur avait aliénés pour en gaspiller la valeur en diverses prodigalités. Il estimait, simplement, inutile de payer une seconde fois des folies.<o:p></o:p>

    Son administration fut prudente, habile mais particulièrement intègre. Il ne préleva jamais rien pour lui ; il avait pourtant droit à une part des bénéfices. Tout passa dans la caisse commune. Il vécut comme ses moines, mangeant et buvant aussi sobrement que la règle l'imposait - ne se distinguant même pas d'eux par ses vêtements.<o:p></o:p>

    Nous sommes loin des critiques dont, à juste titre, ont été en butte ces fameux abbés d'avant la Réforme. Nous sommes loin de ce qu'a pu dire Voltaire quand il trace ainsi leur prototype : « l'abbé, gros décimateur, boit son vin de Beaune, de Chambertin, mange des perdrix, des faisans, dort sur le duvet et fait bâtir un palais ». Jean Trithème ne prélevait aucune dîme ; il n'était point décimateur ; il demeurait modestement détaché des plaisirs de ce monde.<o:p></o:p>

    Il fit néanmoins exécuter certaines réparations au monastère, refaire certaines parties qui menaçaient ruine, restaurer d'autres que les intempéries avaient endommagées. Il rendit, à l'édifice, son primitif aspect. Dès la troisième année de son administration, ayant pu récupérer une somme prêtée depuis environ un siècle à la cour de Nosbach, il procéda à la réfection de la moitié des bâtiments et construisit un hôpital assez grand auprès des murs d'enceinte. Cinq ans après il remplaçait par de la maçonnerie diverses cloisons qui jusqu'alors étaient en bois.<o:p></o:p>

    Quand il avait accompli son noviciat, Spanheim avait un mobilier bien rudimentaire. On ne voyait aucune armoire, aucune resserre pratique, aucune table même. L'abbé Jean de Kolnhausen n'avait pas la moindre idée du nécessaire, l'exiguïté des pièces ou leur mauvais état ne le choquait pas ; la façon dont vivaient ses moines ne l'inquiétait guère. On mangeait, une fois par jour, sur ses genoux ; on couchait sur des planches, sans couvertures.<o:p></o:p>

    Jean Trithème trouva que cette rusticité dépassait un peu les limites des mortifications imposées par la règle de St Benoît. Sans tomber dans le luxe, tout en observant la pauvreté prescrite, il fit placer des tables au réfectoire, arranger les cuisines, disposer des placards, aménager des chambres ; poser des serrures aux portes. Onze ans après qu'il en avait pris la direction, le monastère devenait vraiment habitable.<o:p></o:p>

    Il installa même, plus tard, un réfectoire d'été, dans les jardins. Il ne cessa jamais d'apporter des améliorations de toutes sortes. En cela, comme en d'autres choses, il montra combien il était un homme de progrès.<o:p></o:p>

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    C'est lui qui constitua, à vrai dire, la bibliothèque de Spanheim. A son arrivée, le monastère possédait, à peine, quarante-huit volumes. Il y' en avait eu bien davantage, auparavant. Mais depuis 1340, depuis que les moines s'entêtaient à rejeter les décisions du Concile de Constance et qu'ils s'insurgeaient contre les prescriptions de « l'Union de Bursfeld », le vent de la désolation avait tout ravagé. On eut dit que ces Bénédictins, voyant sombrer la papauté, voulaient anéantir leur oeuvre.

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    Des manuscrits précieux, des monuments de la pensée humaine, péniblement amassés à travers les âges, soigneusement collationnés, pieusement conservés jusqu'alors, avaient été vendus à tout venant, pour des prix dérisoires. En 1432, l'abbé Gobelin, ce cistercien de Dissibod que le comte de Spanheim avait imposé par la force, s'était emparé des dossiers relatifs à l'histoire du monastère, avait enlevé tous les documents importants et les avait fait disparaître, sans même demander l'avis de la communauté.<o:p></o:p>

    Il n'y avait donc plus, ni bibliothèque ni archives. Les quelques livres qui restaient dans un coin poussiéreux ne présentaient aucune valeur, aucun intérêt ; ils ne pouvaient en aucune façon servir à des études de sciences.<o:p></o:p>

    Jean Trithème s'appliqua à recueillir différents ouvrages en tout genre, en toute langue, principalement en grec et en latin et peu à peu, achetant ici, recevant là des collections qu'il reconnaissait comme fort utiles à divers titres et dont les détenteurs ne savaient que faire, il parvint en une vingtaine d'années à monter la plus belle bibliothèque de toute l'Allemagne. En 1502 il y avait à Spanheim, 1.646 manuscrits de la plus haute importance, de la plus grande rareté. On y voyait des écrits presque inconnus, dont certains - fait remarquer Ernst Heidel- avaient un caractère secret.<o:p></o:p>

    - Ceci est immédiatement à retenir. Car, si nous avons supposé qu'un document incessamment transmis de la main à la main, qui, sans qu'on en connaisse le détenteur, a pu parvenir jusqu'à lui, cette éventualité n'est plus faite pour nous surprendre. Jean Trithème pense constamment à monter une bibliothèque, il cherche à lui donner une grande valeur ; il est toujours à l'affût de ce qui est rare et même unique. Il y arrive parce qu'il se montre partout prêt à acquérir dans les ventes, prêt à accepter des dons. La bibliothèque de Spanheim était toute désignée pour en bénéficier.<o:p></o:p>

    Ernst Heidel raconte que Jean Trithème faisait une grande réclame pour sa bibliothèque ; tous les princes, les évêques, les professeurs, les magistrats, les nobles, les personnes en vue, d'une manière ou d'une autre, non seulement dans la région mais même des contrées très éloignées de la Rhénanie, étaient avertis que le monastère de Spanheim s'intéressait aux ventes et dons de manuscrits de tout genre. Cette réclame intensive - sans doute adroitement présentée - parce qu'on s'aperçoit de l'ingéniosité de son auteur - profitait à l'abbaye. L'attention y était attirée. On venait la visiter, alors qu'auparavant beaucoup de personnes en ignoraient l'existence. Il y avait du mouvement ; il en résultait certainement du profit - ne serait-ce que par des dons de volumes.<o:p></o:p>

    Nous voyons, alors, en cet occultiste, Père de la Tradition ésotérique, l'inventeur de la publicité et en un sens, du tourisme. S'il eut vécu de nos jours, remarquable financier comme il en a l'air, ingénieux organisateur comme il apparaît, l'abbaye de Spanheim eut attiré un flot de voyageurs, eut fait fortune. Mais cela, sans avoir recours à des arguments religieux, de mauvais aloi.<o:p></o:p>

    Cette bibliothèque devint célèbre. « Lorsque j'ai quitté Spanheim, dit Jean Trithème dans une « Epître Familiale » adressée à un certain Jean Brach, on admirait notre magnifique collection d'ouvrages. Aucune bibliothèque n'était comparable à celle-là en Allemagne. Il y avait des traités de toutes les sciences, des volumes extrêmement rares concernant les Saintes Ecritures, les uns en latin, les autres en grec, beaucoup en hébreu et écrits en caractères fort anciens. On y voyait plus de deux mille manuscrits d'une rareté extrême et d'une très haute antiquité. « Il a fallu vraiment que j'aie aimé ma tranquillité pour que j'abandonne tout cela », dira Jean Trithème quand sa résolution fut prise en 1506 de ne plus revenir à Spanheim.<o:p></o:p>

    Or dans une autre « Epître Familiale », parlant à Jacques Kymelann de la bibliothèque qu'il avait constituée, il dit ceci : « Rien ne m'était en propre, j'ai seulement bénéficié de ce qui, selon la règle de notre patron St Benoît, se trouvait être propriété des moines. Mais quelques petits livres qui traitaient des mystères de la Nature et qui étaient secrets, n'appartenaient pas à Spanheim ; leur lecture ne pouvait servir à rien ; je les ai emportés avec moi à Wurtzbourg ».<o:p></o:p>

    C'est clair. Le document que nous avons soupçonné lui était bien parvenu ; il lui avait été donné, à lui, et non pas à la bibliothèque du monastère ; il savait sa valeur secrète et connaissait tout au moins, dans les grandes lignes, le mystère qui y était contenu. Ainsi dans les allusions qu'il fait, se garde-t-il d'indiquer quel peut être ce document et dit-il simplement, d'une façon fort habile, que le sujet en est « certains mystères de la Nature», donc concernant des choses normales mais assez étranges et très secrètes. La phrase latine est celle-ci : « Quosdam vero libellos de rebus naturae mysticis et arcanis, quorum lectio non omnibus conducit, mecum detuli Herbipolim, - (Wurtzbourg en latin) - qui ad Spanheim nunquam pertinuerunt ».<o:p></o:p>

    On note aussi que plusieurs volumes de la bibliothèque de Spanheim étaient imprimés quand Jean Trithème quitta l'abbaye en 1505. Il le rappela de Wurtzbourg dans une « Epître Familiale » à Jean Darnien, un de ses amis qui vint souvent lui rendre visite. Il fait remarquer que ces imprimés n'entrent pas dans le compte des deux mille ouvrages rassemblés et que ceux-ci étaient écrits sur parchemin en hébreu, grec, latin, chaldéen, arabe, zend, ruthène et chinois. -- Les expressions : lingua indiana, tartarica doivent nécessairement se traduire par zend et chinois, car au temps de Jean Trithème, ce qu'on appelait l'Inde ancienne ou la Tartarie n'avait pas une délimitation géographique bien précise.<o:p></o:p>

    Evidemment un grand travailleur comme Jean Trithème a pu puiser aux meilleures sources les conceptions qui lui font attribuer le titre de « Père de la Tradition ésotérique ».<o:p></o:p>

    Evidemment aussi, étant entraîné à déchiffrer des caractères très anciens, il a pu parfaitement se rendre compte de la cryptographie de ce fameux document spécial.<o:p></o:p>

    Enfin, puisque déjà, des livres imprimés se classaient dans les bibliothèques, il avait certainement compris la grande utilité de publier ce qui jusqu'alors, se trouvait. assez péniblement sauvegardé.<o:p></o:p>

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    En somme, avant Jean Trithème, l'abbaye était en pleine décadence matérielle et morale. Le relâchement déplorable qui se constatait par les conditions notoirement frustres de logement n'était que le corollaire de la négligence dans l'observation de la règle bénédictine qui prescrit le travail intellectuel.

    <o:p></o:p>

    Ces moines n'étaient que de vulgaires paysans sans préoccupations élevées. Sans doute, se montrèrent-ils affables quand les deux étudiants d'Heidelberg passèrent un matin chez eux. Sans doute, aussi, ces jeunes voyageurs furent-ils un peu surpris de voir quelques religieux si mal installés dans un vaste monastère délabré, dont l'architecture pourtant montrait une antique splendeur. Il est très probable que Jean Trithème y trouva matière à réflexion. Rien ne rend plus triste qu'un ancien couvent où dans les lointains de corridors poussiéreux, apparaissent, glissant comme des fantômes de rares moines mélancoliques, en robe sombre ; il semble que dans l'air flottent des relents d'agonie. C'est pire que des ruines - car, au moins les ruines évoquent des souvenirs et imposent le respect, tandis que cette misérable décrépitude envahit l'âme de regrets amers. On voudrait sauver la pensée qui se meurt et l'on se sent impuissant devant la fatalité qui plane inéluctablement. Jean Trithème, en gravissant le sentier abrupt parmi la neige qui tombait en rafales, a dû comprendre que ce linceul blanc qui recouvrait la terre allait s'étendre sur une intellectualité râlante.<o:p></o:p>

    S'il a eu - ce jour-là - une inspiration soudaine, elle n'était assurément que la conséquence de pareilles réflexions. Il s'est dit : « On doit pouvoir faire encore quelque chose de Spanheim ».<o:p></o:p>

    Il en fit une abbaye de Bénédictins alertes et souriants.<o:p></o:p>

    Il lui rendit la vie ; il lui procure le bien-être et même la fortune ; il lui donne un essor intellectuel qu'on n'avait jamais connu auparavant !<o:p></o:p>

    Il possédait - remarque Ernst Heidel de surprenants dons oratoires. Sa parole était, à la fois, également poétique et étonnamment persuasive. Il sut, malgré sa jeunesse, revigorer ses moines. Il fut un animateur.<o:p></o:p>

    Il prêchait d'exemple d'ailleurs, étudiait sans relâche, écrivait beaucoup, enseignant aussi. Un de ses élèves, Jean de Clasard qui fut curé de Trittenheim, lui écrivit un jour ceci : « Plusieurs personnes ont cru, d'après des bruits répandus par certains de tes adversaires que tu étais mort » et je leur ai entendu dire : « est-ce possible que cette lumière éclatante qui resplendissait sur le monde par son érudition soit maintenant enfouie sous un monceau de ténèbres ? » -Epîtres Familiales : Livre 11, 16.<o:p></o:p>

    Il y a de l'admiration reconnaissante dans cette naïve grandiloquence.<o:p></o:p>

    Mais ceci prouve que Cornélis Agrippa et Paracelse n'ont pas été ses seuls élèves. Ceci démontre aussi qu'il fut en butte à l'animosité de quelques esprits subversifs. C'est le sort de quiconque s'élève au-dessus de la moyenne des hommes et qui dépasse par ses conceptions la médiocrité dans laquelle se complaît l'intelligence ordinaire, d'être l'objet de l'envie malveillante. La prétention des êtres humains a existé de tout temps et elle se cabre toujours quand elle se voit en présence du véritable savoir.<o:p></o:p>

    Lorsque celui-ci est en vue, qu'il paraît reconnu par des personnages autorisés, la malignité s'applique à ternir sourdement les réputations les plus méritées.<o:p></o:p>

    En 1496, le 4 juin, toute une caravane de personnalités marquantes vint à Spanheim. Il y avait l'évêque de Worms ; un grand savant en grec et en latin - Ernst Heidel n'indique que son prénom : Jean - ; Jean Reuchlin, le célèbre philologue, originaire du duché de Bade, dont le « Lixicon Hébraïcae » fait encore autorité, alors secrétaire du Duc de Wurtemberg ; François de Bologne, natif de Trieste, secrétaire de l'Impératrice, fort connu comme poète et orateur, très versé dans la littérature grecque et latine ; Henri de Bunaw, ministre du Duché de Saxe qui, bien qu'homme d'armes, passait pour un remarquable érudit ; Jean Virgile, de Bologne, encore jeune mais déjà notoire comme juriste, secrétaire du comte Palatin du Rhin, le mécène des philosophes et des savants, qui devint plus tard, sous le pseudonyme de « Polydoce » un historien très estimé et qui, envoyé par le pape Alexandre VI Borgia, en Angleterre, sût assez plaire à Henri VIII pour être nommé archidiacre de Wells.<o:p></o:p>

    Cette arrivée ne pouvait manquer d'avoir une allure officielle. Aujourd'hui elle eut fait l'objet d'un communiqué que les agences de presse eussent passé au monde entier. A l'époque, avec la suite de domestiques que les voyages comportaient, elle fut, à coup sûr, un événement.<o:p></o:p>

    Ernst qui est un homme du XVIIIe siècle, le remarque complaisamment, malgré la concision de son style : « Je n'entre pas, dit-il, dans tous les détails que relate la Chronique de l'abbaye de Spanheim ».<o:p></o:p>

    Ces personnages importants venaient visiter la bibliothèque. C'était, en somme, la consécration des efforts de Jean Trithème. C'était, aussi, un hommage rendu à son savoir. Or il n'avait que trente-six ans.<o:p></o:p>

    Il leur fit certainement beaucoup d'honneurs et leur laissa un excellent souvenir de son accueil. Car il savait recevoir et il déployait toujours une amabilité dont on demeurait touché. Un certain Conrad Celtes, qui venait souvent le voir et qui lui portait beaucoup d'amitié, car il était du même âge, poète à ses heures, lui laissa, un jour, ce quatrain imité d'Horace<o:p></o:p>

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    Adepice versiculos hospes venerabilis istos.

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     Trithemius posuit tribus ecce notis.<o:p></o:p>

     Ille, vetustatis cultor quantum vel amator<o:p></o:p>

     Linguarum, paries scriptus utrimque docet. <o:p></o:p>

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    Cela se traduit ainsi, librement, en langage moderne

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    Accepte, ô mon hôte vénéré cette timide versification.

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    Trithème, organisateur, par trois fois notoire, <o:p></o:p>

    Qui par la culture antique et son ardente passion<o:p></o:p>

    Des lettres est le rempart et notre maître pour l'histoire.<o:p></o:p>

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    Et pour préciser, la traduction exacte est la suivante

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    Considéré, hôte vénéré en petits vers.

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    Trithème a organisé ce qui est par trois fois célèbre <o:p></o:p>

    Lui qui a le culte de l'antiquité autant que l'amour<o:p></o:p>

    Des langues, et qui, bastion des archives, enseigne à tout venant.<o:p></o:p>

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    On trouve cette attention particulièrement délicate. On admira ces vers et l'on fit un portrait en couleur de l'auteur en inscrivant, au-dessous, en 1494, son témoignage naïf d'une reconnaissance assurément sincère.

    <o:p></o:p>

    Nicolas Gerbel qui fut, comme ce poète, un de ses élèves, lui écrivit une lettre qu'on trouve dans les « Epîtres Familiales », où il remercie respectueusement « d'avoir été le seul à enrichir l'Allemagne des trésors puisés dans le latin, le grec et l'hébreu ».<o:p></o:p>

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    Il passait aussi, en son temps, pour poète. - Il convient de ne pas trop s'illusionner sur cette qualité de « poète » qu'on voit assez facilement pratiquée à cette époque lointaine. Le mot voulait, alors, plutôt dire : « littérateur ». -- Il ne dédaignait pas les vers latins et goûtait beaucoup ce genre d'exercice. Il aimait effectivement la poésie ; mais, là, on doit entendre qu'il « comprenait » les poètes de la période gréco-latine ; car, ainsi que le fait justement remarquer son biographe, « seule a une valeur, la fréquentation de ceux qui savent ». Et ceci veut bien dire qu'au regard de Jean Trithème, ces poèmes anciens, désormais classiques en littérature, dissimulent une science profonde dans leurs allusions mythologiques. L'ésotérisme est donc, pour lui, la préoccupation constante : « La poésie, dit-il, dans une Epître Familiale » doit s'étudier pendant la jeunesse, mais le respect ne s'en acquiert qu'en devenant vieux ». C'est là, tout un programme : qu'on y trouve la justification de ces études dites secondaires dont on a perdu aujourd'hui le sens, mais dont le véritable intérêt ne se voit qu'avec l’âge ; surtout, si durant son existence, on n a pas perdu de vue « la recherche occultiste » qui permet d'approfondir la véritable pensée de ces auteurs gréco-latins. On ne se doute guère de nos jours, combien l'ésotérisme était familier à l'antiquité.

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    Il sait donc fort bien parler à ses moines. Il connaissait l'art de leur présenter les choses de manière que chacun entende selon ses possibilités. Il était cependant clair et précis, dans un langage élégant et agréable. On lui reconnaissait des dons d'orateur et on l'écoutait volontiers avec empressement.<o:p></o:p>

    Mais il demeurait philosophe et mathématicien. La plupart de ses écrits démontrent que c'était, là, sa principale tournure d'esprit. D'ailleurs on ne pourrait pas le dire « Père de la Tradition ésotérique » s'il ne s'était adonné à la psychologie et à la métaphysique, en se fondant sur le raisonnement mathématique. Les véritables philosophes ne peuvent être que des gens de science et il n'y a pas moyen de faire de la science en s'écartant des mathématiques. La littérature, alors, n'est que le mode sous lequel s'exprime la conception philosophique en écrivant ou en parlant, et la poésie, forme harmonieuse de l'envolée littéraire, offre la plus agréable présentation des idées longuement mûries.<o:p></o:p>

    C'est ainsi qu'un mathématicien devient philosophe et peut se cacher sous une littérature. Toutefois, alors, c'est un « ésotériste ». Jean Trithème doit se voir ainsi.<o:p></o:p>

    Qu'il ait écrit avec une certaine autorité de théologie et d'histoire, cela n'étonne plus, car la théologie qui a une étroite parenté avec la philosophie et l'histoire, rassemblement de faits reconnus exacts par la documentation, constitue la base concrète sur laquelle l'étude de l'humain se fonde avec certitude.<o:p></o:p>

    Toutefois si Jean Trithème a écrit une Histoire de l'Eglise c'est qu'il demeure essentiellement bénédictin. Il ne cesse de garnir sa bibliothèque et ses archives. Il se montre passionné de documents. Il se maintient donc consciencieusement dans la ligne légendaire de l'Ordre de St Benoît.<o:p></o:p>

    Quant à ses tendances théologiques on a déjà noté ultérieurement que la Bible est, pour lui, supérieure à tout ce qu'on peut enseigner en fait de doctrine et cette assertion implique une révision du Christianisme irréfléchi. Elle est aussi supérieure à la science connue et cette observation indique la possibilité de découvrir des vérités secrètes, sous le sens littéral. « La Bible, écrit-il, est, pour ainsi dire, un fleuve prodigieux que le Chrétien, en toute simplicité, et sans connaissance alphabétique, peut franchir à pied sec pour assurer son salut. Ce texte se trouve établi dans un langage grandement subtil ; on peut y nager quand on est quelque peu instruit, mais aussi sombrer quand on veut trop approfondir ».<o:p></o:p>

    Il y a là, en quelques mots dûment pesés et habilement présentés, l'évocation de tout l'intérêt des écrits bibliques. La phrase est faite pour attirer l'attention sur certains symboles qui caractérisent la connaissance des voies d'accès à la « Gnose ». Dire, en effet, que « la Bible est un fleuve » c'est inciter à penser au Jourdain -- le fleuve biblique par excellence et ceci doit reporter quiconque est averti, à la question posée dans le Psaume 113, à propos du Jourdain. Selon la réponse on est ou on n'est pas sur le bon chemin. Si on y est, on doit alors savoir pourquoi le Jourdain a été traversé « à pied » par Josué. - Alors quand on se trouve capable d'exposer d'une façon élémentaire, sans avoir recours aux « mystères des 22 lettres » ; que l'on est, comme dit la phrase « simplex et sine litteratura » - en toute simplicité et sans connaissance alphabétique -, on voit vraiment la porte de la « Gnose », on commence à comprendre. Mais, ainsi qu'a bien soin de préciser Jean Trithème, il convient de savoir que les « Ecritures Saintes » sont établies dans un langage grandement « subtil » où l' « on nage » assez facilement lorsqu'on possède les quelques connaissances nécessaires, mais où « l'on sombre » lamentablement quand on fait appel à trop de considérations pour « approfondir ».<o:p></o:p>

    Ce passage d'une lettre à son frère Jacques, suffit pour démontrer que Jean Trithème connaissait la « Gnose ». S'il n'en dit pas davantage, s'il n'y fait qu'une allusion discrète par un tour ingénieusement ésotérique, c'est qu'il n'ignore pas combien cette méthode doit demeurer secrète jusqu'au temps fixé pour sa révélation.<o:p></o:p>

    Il parle, en somme, comme St Jérôme dans la « Préface Galéatique de la Vulgate ». Il est parfaitement dans la vraie voie.<o:p></o:p>

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    Certes il peut affirmer que la Bible contient une « doctrine » préférable à toutes celles qu'on a lancées à travers le monde, et dont Abélard ou Gerson avaient déjà déploré la malhabile présentation. Certes, il a le droit d'être convaincu que la « haute science » sur laquelle repose la Bible, apparaît supérieure à tout ce que le monde savant est capable de concevoir. Il a ce que l'on appelle de « l'initiation ». - Ce terme d' « Initiation » s'emploie dans divers sens. D'une façon générale il sert à, exprimer « le fait d'être admis à la connaissance de certaines choses jusqu'alors ignorées » - lesquelles peuvent être secrètes. Mais dire que quelqu'un possède « de l'Initiation » signifie qu'il n'ignore plus l'intérêt de ces choses que d'autres ne soupçonnent pas. L' « Initiation » se définit en ce cas, « le summum des possibilités de l'intellect humain ».

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    Alors, traitant de théologie, il jongle positivement avec les difficultés ; il est, selon l'expression d'Andreae Thevetus - un de ses admirateurs qui tire du grec un néologisme pour la circonstance - « le splendide ironiste des conceptions de l'univers ». Ceci laisse à penser, qu'en enseignant, il critiquait parfois d'une façon mordante, certaines idées de son temps.<o:p></o:p>

    Qu'il eût, alors, des adversaires, rien de moins étonnant. Que ceux-ci aient été jaloux de son succès, rien de plus logique. « Qu'était Spanheim avant lui ? fait remar-quer Ernst Heidel, soulignant sa phrase - qui, même, en connaissait le nom ? Or dans les vingt-trois ans qu'il fût abbé, les princes, les évêques, les prélats, tous les savants réputés par leurs travaux ou leur enseignement vinrent visiter le monastère ».<o:p></o:p>

    Jean Trithème, sans sortir de son coin, sans intriguer, sans se faire valoir, avait les amitiés les plus haut placées. L'Empereur Maximilien, le fils de Frédéric III, entretint avec lui une correspondance ; il souhaita souvent de converser intimement avec lui ; le fait ne se réalisa qu'après sa démission de 1505. Le comte palatin du Rhin, le duc de Bavière, l'honorèrent de leur particulière amitié et auront, à plusieurs reprises de longues conversations avec lui. Le margrave Electeur de Brandebourg, un Hohenzollern, lui témoignait une grande affection admirative, lui écrivait constamment et en une de ses lettres datées de Berlin, le 2 mai 1507 ne craignait pas de lui dire : « Je vous salue, honneur de l'Allemagne, arche de la science universelle, vous avez su me faire penser à Dieu et c'est pourquoi nous vous aimons passionnément ». - Epîtres Familiales N° 19 ; livre 11. - L'archevêque de Cologne, le duc de Saxe, le margrave de Bade, l'évêque de Worms, l'évêque de Lubeck, pour ne citer que les principales notoriétés d'Allemagne, de son temps, avaient, pour lui, une particulière admiration et tenaient à le lui certifier par écrit. Le légat du pape qui, un jour était passé le voir, le remerciait ainsi de son accueil<o:p></o:p>

    « Oh ! combien tard nous vous avons connu et combien trop tôt nous vous avons quitté ». Il lui avait offert de l'emmener à Rome, mais Jean Trithème avait aimablement refusé les honneurs ecclésiastiques ne le tentaient pas.<o:p></o:p>

    C'était donc un homme célèbre.<o:p></o:p>

    Il avait, par conséquent, des envieux.<o:p></o:p>

    En 1505, comme il atteignait sa quarante-quatrième année, sa santé se trouva quelque peu chancelante. Il avait contracté ce qu'on appelait alors « la fièvre tierce », due, sans doute, à la fatigue que lui valait son incessant labeur, fait observer Ernst Heidel.<o:p></o:p>

    A cette époque il fut convoqué à Heidelberg simultanément par le comte Palatin du Rhin, le duc de Bavière et l'archevêque Electeur de Trèves. L'affaire présentait probablement une très grande importance. Il partit à cheval, un matin du premier avril, avec un compagnon. Comme on pense, cette manière de voyager n'était nullement faite pour remplacer la cure de repos dont il avait besoin. Il tomba vraiment malade à Heidelberg.<o:p></o:p>

    Or, il avait à peine quitté Spanheim, depuis cinq jours, que les moines commencèrent à s'agiter. En l'absence de leur abbé qui savait adroitement les neutraliser, les jaloux se répandirent en critiques amères. Ils l'accusèrent de « tarir la foi » - omne causam divina prétatis terminandain commisit, écrit Ernst Heidel. - Son biographe n'en dit pas davantage, mais cela suffit.<o:p></o:p>

    Quand, ainsi que Jean Trithème, on s'est élevé sur les hauteurs de l'abstraction, quand on a pu soulever le voile du mystère biblique, qu'on a compris les Evangiles et que, connaissant la science révélée par ces monuments précieux de la pensée humaine, on essaye d'inculquer aux âmes, dont on a la charge, les principes de la vérité ; il y a, toujours, autour de soi, une série d'esprits mal intentionnés qui réagissent à l'encontre. La vérité, en ce cas, se présente comme opposée aux conceptions courantes. Si l'auditeur se pliait à l'enseignement, s'il faisait l'effort voulu pour reconnaître la source de ses erreurs, il ne tarderait pas à voir que les principes auxquels on lui avait demandé de croire s'expliquent naturellement et que ce qui est faux consiste uniquement dans la manière dont ces mêmes principes lui avaient été montrés.<o:p></o:p>

    En fait, « la Gnose » ne détruit rien ; au contraire, elle certifie tout.<o:p></o:p>

    Mais il faut comprendre que ce qui doit s'abandonner c'est la méthode adoptée jusqu'alors pour rendre admissibles les principes métaphysiques.<o:p></o:p>

    Or quiconque renverse une méthode prend l'allure d'un révolutionnaire. Car ce à quoi les hommes tiennent le plus, c'est à leur manière de penser ils préfèrent continuer à se diriger vers l'erreur plutôt que de changer de voir.<o:p></o:p>

    Combien de gens sincères, dûment avertis, placés sur le bon chemin, voyant devant eux le point où luit la vérité, se sont refusés à aller de l'avant par crainte d'avoir à changer leur habitude de penser ! David l'avait bien constaté quand il s'écriait : « Ils auront des yeux et ils ne verront rien, ils auront des oreilles et n'entendront pas », c'est ainsi toujours.<o:p></o:p>

    Puis, lorsque ces aveugles et ces sourds sont doués d'une certaine prétention, qu'ils se disent qu'en somme celui qui montre la voie n'est qu'un homme comme les autres et comme eux, par conséquent, que son intelligence n'est pas si différente de la leur, qu'après tout, le succès qu'on lui fait, pourrait bien leur revenir aussi, c'est la jalousie qui s'en mêle, c'est l'envie qui s'infiltre, c'est bientôt la haine qui fermente.<o:p></o:p>

    Ahriman, alors, s'insurge.<o:p></o:p>

    Ceci se verra éternellement. Car comment reconnaîtrait on les bons si les mauvais n'existaient pas ? Et nous, ne savons juger que par comparaison.<o:p></o:p>

    La petite agitation de Spanheim n'eut pas produit de graves conséquences si par malheur Jean Trithème ne fut pas obligé de prolonger son séjour à Heidelberg. Il fit une chute de cheval et se cassa la jambe gauche. Il lui fallut garder le lit un certain temps pour se remettre. Il en demeura, d'ailleurs, très légèrement boiteux. Mais cependant, son monastère fut en ébullition.<o:p></o:p>

    C'est alors qu'on déclara qu'il avait voulu « réformer ses moines ».<o:p></o:p>

    On fit d'abord courir le bruit de sa mort. Puis voyant que la nouvelle était fausse, on prétendit qu'il ne pouvait plus déployer autant d'activité qu'auparavant et qu'après tout cette activité était néfaste pour le monastère.<o:p></o:p>

    L'ingratitude se montre ainsi - comme toujours hélas ! - la conséquence inéluc-table de la jalousie qui fermente.<o:p></o:p>

    Jean Trithème l'apprit. En fut-il chagrin ? - peut-être. En tout cas le comte Palatin du Rhin l'engagea à différer son retour à Spanheim. Il se laissa entraîner en voiture à Mayence et de là, en bateau, à Cologne. Il y demeura un mois, princièrement reçu. Il attendit que l'agitation s'apaisât.<o:p></o:p>

    Mais ce fut le contraire. Les moines de Spanheim paraissaient bien retournés, parce que l'on sut que les accusations contre leur abbé prenaient des proportions inquiétantes. On ne devait pas ignorer que Jean Trithème s'était occupé d'astrologie, d'alchimie et de magie : il l'a trop dit pour qu'autour de lui l'attention n'en ait pas été attirée. De là, lorsqu'on formule méchamment des reproches, à des soupçons qui à l'époque pouvaient être dangereux, il n'y a pas bien loin.<o:p></o:p>

    Les princes, ses amis, lui conseillèrent de s'abstenir encore de retourner à Spanheim. Il repassa par Mayence et s'en fut à Spire. Il y demeura neuf mois.<o:p></o:p>

    Un moment on pensa licencier l'abbaye. Le prieur de St-Nicolas de Reinig, qui avait fait une enquête, arrivait à cette conclusion - seule pratique en l'espèce. Le chapelain de Francfort, envoyé expressément à Spanheim par l'autorité d'Heidelberg, confirma les faits relatés par le précédent enquêteur mais ajouta qu'il ne comprenait rien à ce bouleversement d'un monastère en pleine prospérité.<o:p></o:p>

    Dès lors Jean Trithème déclara qu'il ne voulait plus y revenir. Il demeura dans l'expectative, hôte de l'abbé de Limpurg à Budor jusqu'en septembre de l'année suivante. A cette époque eut lieu à Mayence le chapitre de l'Ordre de St Benoît, comme tous les ans. On se préoccupa de la situation si singulière de Spanheim ; il paraît impossible de laisser ainsi à l'abandon une communauté de Bénédictins. On envoya donc des émissaires auprès de l'abbé Jean Trithème pour l'enjoindre à regagner son poste.<o:p></o:p>

    Il refusa par écrit, en ces termes : « Depuis le moment où j'ai commencé à être un moine, toujours j'ai conservé en mon âme la volonté et l'intention d'obéir à toutes prescriptions qui m'étaient communiquées ; je ne me suis jamais écarté inconsidé-rément des instructions établies. Mais cette fois je ne peux pas raisonnablement consentir à ce qui m'est demandé. Si je demeurais encore à Spanheim, j'ai bien peu d'espoir d'avoir la paix. Il est, en effet manifeste que, là, se trouvent plusieurs personnes qui trament contre moi des machinations, soit par méchanceté, soit par ingénuité ignorante ; je ne peux pas spécifier, laissant à Dieu de juger ; et qui incitent à mon égard une hostilité. Là, se place la phrase citée chap. II. Si je retournais au monastère, je ne pourrais plus avoir leur confiance et je sais parfaitement que, dans leur état d'esprit, ils ne me croiraient plus. Il vaut donc mieux que nous nous séparions, plutôt que de vivre en dissentiment ; toujours l'âme ne profite pour son salut que dans la mesure où le corps n'est pas oublié et est vraiment un pasteur celui qui, considérant qu'il ne peut améliorer ses ouailles, dans leur intérêt comme dans le sien, résigne ses fonctions. Voici vingt-trois ans que je suis l'abbé de Spanheim, que j'ai mûri sur la route de la pauvreté, dans la peine et dans le labeur ; que je me suis habitué à assumer plus de charges que tout autre et que je me suis toujours appliqué avec soin pour que mes frères aient leur nécessaire. Ce n'est pas la première fois que m'est venue l'idée de donner ma démission. Il y avait parmi les moines, un de rang bien modeste que j'ai aimé intimement, comme un fils. J'en avais fait mon élève et je l'avais défendu toujours contre ceux qui voulaient le molester. Oublieux sans doute de ces bienfaits, quand il partit s'établir à Mayence, il m'adressa, sur le conseil et l'instigation d'un autre bon frère, une lettre pleine d'injures, au nom, disait-il, de toute la communauté. J'ai pu savoir avec certitude qu'il n'avait reçu aucune mission pour cela ni même obtenu aucun assentiment. Mais ce qu'il avait fait, un autre pouvait le faire. Je le croyais l'homme de ma tranquillité. J'avais placé mon espoir en lui. Il devait marcher avec moi, en tête du troupeau sur les domaines du Seigneur. Pourquoi ceux qui sont appelés à être peu solides doivent-ils déconsidérer les attentions qu'on a pour eux ? Si ce que fait ma main droite est à oublier, mon autre main doit-elle le renier ? Si un ami, mieux encore, un grand ami, en arrive à se tourner contre moi, que fera alors un ennemi ? Enfin, j'ajoute qu'à vrai dire, je suis né pour étudier les Ecritures, que je ne désire rien tant que mon repos et loin des nombreux et continuels soucis du siècle. Mais maintenant le moment est venu que j'avais constamment souhaité, où s'offre à moi, qui ne, le mérite pas, l'occasion de me démettre. Je ne tarderai pas plus longtemps de la saisir, si Dieu, dont le nom soit béni, a décrété dans sa toute puissance de me délivrer de toutes ses calamités. Je donne donc ma démission, librement et je me confie en la Divine Providence, car si je consentais à demeurer encore avec les ingrats, ce serait au péril de mon corps et de mon âme. Néanmoins, avant que cette démission devienne effective, il serait indispensable qu'une demeure me soit assurée. Dieu, notre Seigneur -Jean Trithème écrit « Dominus Deus ». Certes, l'expression est correcte et usuelle ; cependant dans la Vulgate, elle a un sens précis : elle traduit toujours le mot hébreu « Jéhovah ». C'est le « nom divin » des Kabbalistes. Ne peut-on se demander si en traçant cette lettre au courant de la plume, sa pensée ne s'est pas reportée au déterminisme, que ce nom divin implique ? Ne repousse pas les prières des malheureux et porte secours en temps voulu à ceux qui l'implorent ; il aura, je n'en doute point, prévu à mon intention, quelque endroit où je pourrai continuer à vivre d'une façon plus calme, en travaillant silencieusement pour mon propre salut ».<o:p></o:p>

    Il y a dans cette lettre, dont le latin est fort élégant, beaucoup de dignité, mais aussi de la déception. Jean Trithème a, assurément, du caractère. Bénédictin ponctuel, il a la conscience d'avoir fait son devoir, il sait qu'on n'a rien à lui reprocher. Néanmoins, il n'a nulle envie de perdre son temps en luttes qu'il comprend, désormais, stériles, contre l'ingratitude des moines dont il connaît l'état d'esprit. S'il mentionne un fait qui lui resté sur le coeur, c'est certainement pour montrer que ce n'est pas un cas unique. Il n'en dit rien d'autre et, sans cette lettre, on ne saurait pas que certains de ses élèves n'ont pas toujours été justes envers lui.<o:p></o:p>

    Quiconque a pu communiquer, un jour, sa science à des gens qu'il croyait aptes à en saisir toute la profondeur, reconnaîtra combien c'est difficile de trouver le continuateur qu'on cherche. Heureux encore quand les déceptions qu'on rencontre, à cet égard, ne s'accompagnent pas de cette malveillance dont fut victime Jean Trithème !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

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    <o:p> </o:p>

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    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Les puissantes amitiés qu'il s'étaient acquises, lui offrirent, alors, des postes importants, des cures, des abbayes bien rétribuées, même des honorariats rémunérateurs. Il déclina toutes ces propositions. Il voulait demeurer un simple moine. Ce fut l'abbé de Saint-Etienne à Wurtzbourg, plein d'affection pour lui, qui se chargea de lui trouver une situation convenable. Comme sur ces entrefaites, le poste d'abbé de Saint-Jacques, à Wurtzbourg même, devint vacant par suite de la démission de son titulaire, pour des raisons purement personnelles, il se hâta de le lui signaler. Il fit toutes les démarches nécessaires, obtint les divers consentements indispensables et sans que Jean Trithème ait à solliciter quoi que ce soit, le présenta aux moines de ce monastère le 15 octobre 1507. L'élection eut lieu aussitôt, par acclamation.

    <o:p></o:p>

    L'abbaye de Saint-Jacques avait été fondée en 1139 pour être occupée par des Bénédictins écossais, alors que l'évêque de Wurtzbourg était lui-même de cette nationalité. Son premier abbé qui portait le prénom de Macaire, était mort en odeur de sainteté. Il y a un saint Macaire d'Ecosse dont la fête se célèbre le 12 novembre. En 1497, ce furent des moines allemands, soumis aux règlements de l' « Union de Bursfeld » qui remplacèrent les Ecossais. Jean Trithème ne pouvait avoir d'ennui de ce côté.<o:p></o:p>

    Il vécut là, neuf ans, tranquille, sans histoire. S'il n'avait plus sa belle biblitohèque de Spanheim, il profitait néanmoins des livres dont les collections se trouvaient assez nombreuses. Il termina sa vie en parfaite sérénité d'âme, comme on termine un beau livre, posant définitivement sa plume pour s'endormir dans le repos.<o:p></o:p>

    Le 16 décembre 1516, il rendit le dernier soupir, emportant vers les hauteurs de l'au-delà son âme d'initié, laissant ici-bas un monde, où grâce à son intelligence, la graine des occultistes allait désormais germer. Il n'avait que cinquante-quatre ans.     Il fut enterré dans cette abbaye de Saint-Jacques de Wurtzbourg, qu'on a appelée parfois le « monastère des Ecossais ». Sur la pierre tombale on grava la suivante inscription triangulaire :<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    ANNO DOMIN   M. D. XVI.  IPSO

    <o:p></o:p>

    DIE S. LUCIAE OBIIT VENERA-<o:p></o:p>

    BILIS PATER DOMINUS JO-<o:p></o:p>

    ANNES TRITHEMUS AB<o:p></o:p>

    BAS HUJUS COENO<o:p></o:p>

    BII<o:p></o:p>

    CUJUS ANIMA IN SANCTA REQUIE-<o:p></o:p>

    SCAT PACE. AMEN<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Cette inscription se traduit ainsi : L'an du Seigneur 1516, en ce jour de sainte Lucie, est mort le Vénérable Père Dom Jean Trithème, abbé de cette communauté, que son âme repose dans la sainte paix. Ainsi soit-il.

    <o:p></o:p>

    On reproduisit ses traits en sculpture et on inscrivit au dessous cette épitaphe en vers latin dont voici la traduction :<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Il mérita cette statue par sa gloire dans la terre germanique

    <o:p></o:p>

    L'abbé Trithème qui gît enseveli en ce lieu.      <o:p></o:p>

    Parce qu'il fut en lettres comme en vertu célèbre <o:p></o:p>

    Et qu'admissibles sont les monuments de son style <o:p></o:p>

    Il légitima par là toutes les gracieusetés que lui firent des rois<o:p></o:p>

    Parmi lesquels et avant tous, il faut citer Maximilien<o:p></o:p>

    Maximilien, gloire du Sceptre romain,<o:p></o:p>

    Qui de la Maison d'Autriche était l'illustre rejeton <o:p></o:p>

    Avec Magnificence il fut accepté en sa cour<o:p></o:p>

    Et reçut de cette docte phalange son poste important <o:p></o:p>

    Qu'on écarte tout soupçon de satanisme ou d'art magique <o:p></o:p>

    Car contre cela il a écrit un abondant ouvrage <o:p></o:p>

    Qui persiste en renommée, comme doit vivre heureux son esprit<o:p></o:p>

    Et qu'il aperçoive dans les Hauteurs du Ciel le Royaume de Dieu.<o:p></o:p>

    Ces vers sont de Georges Flach, coadjuteur de l'évèque de Wurtzbourg, qui prit soin d'ériger un monument à la mémoire de Jean Trithème en 1564. Ils portent, déjà, la marque de l'époque ; près de cinquante ans après sa mort on se souvenait encore de l'importance qu'avait prise, en son temps, les Bénédictins de Spanheim, mais on ne mentionnait plus le lustre qu'il avait donné à sa chère abbaye et on trouvait utile de le laver de toutes accusations de magie.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    On verra cependant par la liste de tous ses ouvrages qu'il faut avoir vraiment un esprit malveillant pour prétendre que le satanisme et la magie ont eu ses prédilections.

    <o:p></o:p>

    Mais la postérité a fait litière de pareilles assertions. Jean Trithème reste néanmoins comme un grand ésotériste. Si ces travaux ne présentent pas l'allure doctrinale de ceux de ses plus notoires élèves, Cornélis Agrippa et Paracelse ; s'ils ne sont pas des traités en lesquels se découvrent aisément les prémisses d'une Tradition, du moins sont-ils assez significatifs pour y déceler les éléments dont ceux qui procèdent de son enseignement ont largement profité.<o:p></o:p>

    Ce n'est pas exagéré de dire qu'il est le « Père de cette Tradition ».<o:p></o:p>

    Ernst Heidel, donne le catalogue de ses écrits avec les dates où ils furent composés. Par traduction du latin, ce catalogue est le suivant<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1483à 1488

    <o:p></o:p>

    De l'éducation ecclésiastique <o:p></o:p>

       Dès épreuves monastiques <o:p></o:p>

       Sermons aux moines<o:p></o:p>

       Sur la règle de Saint-Benoît<o:p></o:p>

    De la qualité de moine <o:p></o:p>

    De la vie spirituelle <o:p></o:p>

    Recherches sur les Ecritures<o:p></o:p>

    De la véritable méthode pour les études <o:p></o:p>

    Des misères de la vie humaine <o:p></o:p>

    Le miroir de l'homme en Religion<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1489

    <o:p></o:p>

    Eloge de Saint André apôtre<o:p></o:p>

    Eloge de Saint Joseph, père nourricier du Seigneur<o:p></o:p>

    Eloge de Saint Benoît, abbé<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1490

    <o:p></o:p>

    De la manière et de la forme de l'inspection des couvents<o:p></o:p>

    Eloge de la vie monastique<o:p></o:p>

    1492<o:p></o:p>

    Eloge de l'écriture à la main<o:p></o:p>

    De la manière de tenir le synode provincial<o:p></o:p>

    1493<o:p></o:p>

    Livre de deuil, ou Tristesse de la décadence de l'Ordre<o:p></o:p>

    1494<o:p></o:p>

    Eloge de Sainte Anne, mère de la Bienheureuse Vierge Marie<o:p></o:p>

    Soliloque de l'homme à son âme<o:p></o:p>

    Eloge et intérêt de la véritable étude des Ecritures<o:p></o:p>

    De l'Ordre des Carmélites, son origine et son développement<o:p></o:p>

    Recueil des résolutions du chapitre provincial Questions soulevées par                les différences du texte grec des Evangiles<o:p></o:p>

    Dialogue de Maxime, abbé, traduction latine du grec<o:p></o:p>

    Lettre au troisième synode de Saint Cyrille, évêque d'Alexandrie, traduction latine du grec<o:p></o:p>

    Catalogue des manuscrits ecclésiastiques<o:p></o:p>

    1495<o:p></o:p>

    Liste des hommes illustres de l'Allemagne <o:p></o:p>

    Les Miracles de la Très Sainte Mère Anne<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1496

    <o:p></o:p>

    Prière pour la cure du pasteur de Seligenstadt<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1500

    <o:p></o:p>

             Stéganographie, ouvrage en VIII livres  <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    après 1500                

    <o:p></o:p>

    Les Bénédictins célèbres   <o:p></o:p>

    Chronique du Monastère de Spanheim <o:p></o:p>

    Chronique du Monastère de Hirsauge  <o:p></o:p>

    Chronique des successifs ducs de Bavière        <o:p></o:p>

    Des soucis des prélats dans les couvents          <o:p></o:p>

    Eloge de la véritable pénitence   <o:p></o:p>

    Questions sur l'Evangile de Saint Jean   <o:p></o:p>

    Questions sur les Psaumes          <o:p></o:p>

    Statuts de « l'Union de Bursfeld »           <o:p></o:p>

    Exercice spirituel des moines      <o:p></o:p>

    Epitome ou abrégé sur le même sujet    <o:p></o:p>

    Des ornements ecclésiastiques    <o:p></o:p>

    Lettres diverses aux dissidents de Spanheim   <o:p></o:p>

    Discours prononcés au Chapitre et ailleurs (24 discours)<o:p></o:p>

    Sermons aux frères du monastère de Spanheim (40 sermons)<o:p></o:p>

    Sermons aux fidèles à l'occasion de fêtes votives Prières implorantes à Dieu et aux Saints De la triple ligne de conduite des couvents De la continence et de la virginité Du veuvage<o:p></o:p>

    De la croix portée par les hommes sur leurs vêtements<o:p></o:p>

    Des vices et des vertus<o:p></o:p>

    Statuts du Chapitre annuel<o:p></o:p>

    Manière et forme à observer dans le Chapitre annuel<o:p></o:p>

    Rosaire de Sainte Anne en 50 articles<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Depuis le départ de Spanheim ; écrit en Brandebourg

    <o:p></o:p>

    Résumé de la vie des Saints<o:p></o:p>

    La pure vérité en questions diverses<o:p></o:p>

    Ouvrage hiératique, à propos de diverses épidémies<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    1506 à 1516 à Wurtzbourg

    <o:p></o:p>

    Polygraphie, ouvrage extraordinaire<o:p></o:p>

    Clef de la Polygraphie<o:p></o:p>

    Sur huit questions posées à César, à l'Empereur. <o:p></o:p>

    Des sept Intelligences du Monde <o:p></o:p>

    Des conceptions légitimes pour un chrétien <o:p></o:p>

    Epistolaire, recueil de lettres <o:p></o:p>

    Contre les maléfices et les pratiques interdites <o:p></o:p>

    Des causes et des soins de l'épidémie occasionnées par des maléfices<o:p></o:p>

    Itinéraire de la vie<o:p></o:p>

    Histoire originelle des rois et des actes des Francs<o:p></o:p>

    Résumé de la précédente histoire <o:p></o:p>

    Des ducs et des évêques Austrasiens<o:p></o:p>

    Des miracles de la Vierge de Dottelbach <o:p></o:p>

    Des miracles aux alentours de Heilprum <o:p></o:p>

    Apologie de Carolus Bovillus De l'origine des Francs<o:p></o:p>

    Chronique du monastère de Saint-Jacques à Wurtzbourg<o:p></o:p>

    Vie du bienheureux Raban, archevêque de Mayence<o:p></o:p>

    De la translation en Saxe des cendres du précédent<o:p></o:p>

    Vie de Saint-Maxime, évêque de Mayence<o:p></o:p>

    De l'origine des rois de Bavière et des comtes palatins<o:p></o:p>

    Des démons et des arts profanes (ouvrage inachevé)<o:p></o:p>

    Epistolaire de Wurtzbourg, recueil de lettres depuis 1507<o:p></o:p>

    Cursus, rosaire et office pour Sainte Anne<o:p></o:p>

    Eloge, sermons et rosaire pour Sainte Madeleine <o:p></o:p>

    Rosaire pour Saint Joseph, père nourricier de Notre Seigneur<o:p></o:p>

    Rosaire pour Saint Pierre, apôtre<o:p></o:p>

    Rosaire Pour Saint Jean, l'Evangéliste<o:p></o:p>

    Rosaire pour Sainte Anne, ancêtre de Jésus, roides Cieux<o:p></o:p>

    Rosaire pour chanter à la fête de Sainte Anne, avec solennité<o:p></o:p>

    Rosaire pour le même objet - ou honneur Rosaire pour Sainte Hildegarde - ou louange au Seigneur<o:p></o:p>

    Rosaire pour Saint Rupert, duc de Bingen avec solennité<o:p></o:p>

    Rosaire de Saint Joseph - avec chants et célébration<o:p></o:p>

    Rosaire des plaies du Christ - avec adoration, Rosaire de la compassion de la Vierge Marie - avec piété<o:p></o:p>

    Rosaire de Saint Joachim - avec adoration de la Trinité<o:p></o:p>

    Rosaire de l'Ange Gardien<o:p></o:p>

    Rosaire pour l'ordinaire de la messe célébrée par un prêtre quelconque<o:p></o:p>

    Rosaire de Saint Maxime , -évêque de Mayence <o:p></o:p>

    Rosaire de Sainte Marthe, Vierge <o:p></o:p>

    Rosaire de Sainte Marie-Madeleine <o:p></o:p>

    Rosaire de Sainte-Marie l'Egyptienne <o:p></o:p>

    Rosaire de Saint Jacques le Majeur, apôtre <o:p></o:p>

    Rosaire de Saint Benoît, abbé <o:p></o:p>

    Rosaire de tous les Saints Méditations et oraisons<o:p></o:p>

    Miroir de la Célèbre Doctrine <o:p></o:p>

    Contre la Simonie dans les ordres <o:p></o:p>

    Souvenirs d'enfance<o:p></o:p>

    Lettres écrites depuis le départ de Spanheim jusqu'au moment de sa fixation à Wurtzbourg<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Cette liste - qui d'après Ernst Heidel, contient, sauf erreur, tout ce que Jean Trithème écrivit en trente-trois ans de son existence - est particulièrement instructive parce qu'on peut y voir l'évolution des idées.

    <o:p></o:p>

    A tout bien examiner, on constate d'abord que ses ouvrages sur ce qui s'appelle, « occultisme » sont en nombre extrêmement restreint. On 'en relève, à peine quatre, dont un est inachevé. Ce sont : « la Stéganographie », « la Polygraphie », « la Clef de la Polygraphie », le traité des « Sept Intelligences du Monde », et le livre des « Démons et arts profanes » dont on n'a que le commencement.<o:p></o:p>

    Il n'y a pas, en somme, une de ces oeuvres d'ensemble qui constitue pour la postérité le monument massif sur lequel le regard s'arrête pour prendre une direction intellectuelle. Jean Trithème est assurément un grand travailleur, un profond penseur mais non pas un créateur de doctrine. Il s'est contenté d'enseigner.<o:p></o:p>

    Il demeure donc bien « générateur » d'un ésotérisme qui passe pour une Tradition, - il est le Père de celle-ci, mais c'est par ses fils, par ceux qui ont puisé auprès de lui les idées qui font leur réputation que sa valeur et son importance ressortent dans les siècles subséquents.<o:p></o:p>

    Inutile donc d'analyser ses écrits occultistes ; le premier se réfère à une méthode de cryptographie fort ingénieuse qu'il a certainement imaginée, en étudiant de près des documents établis à l'aide d'écritures secrètes ; le second, généralise les principes sur lesquels se fonde toute manière de ne faire comprendre un texte que par ceux qui sont appelés à le lire ; le troisième, expose brièvement comment se transposent ces principes dans l'ordre de l'univers terrestre ; quant au quatrième, il devait sans doute montrer l'emploi déraisonné que fait la superstition de pareils principes mal entendus, mais il n'a pas été terminé.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

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    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Ceci nous fixe, plus qu'on ne croirait de prime abord, sur un point qui nous a beaucoup occupé quand nous réfléchissions. La « Stéganographie » est écrite en 1500. Jean Trithème a 38 ans, il va bientôt quitter Spanheim.

    <o:p></o:p>

    Il a certainement déjà été en possession du document mystérieux pour que lui-même s'attache à étudier les méthodes de la cryptographie vraiment hermétique, c'est-à-dire de cette façon d'écrire si secrète qu'elle défie l'ordinaire et l'ingéniosité des déchiffreurs. Dans son ouvrage copieux et profond, étrange souvent et parfois obscur, il se garde bien de révéler quoi que ce soit de ce qui concerne le document ; mais, par ailleurs, dans une Epître Familiale - comme, on l'a vu - il n'hésite pas à déclarer qu'il a emporté avec lui « ce petit livre » qui n'appartient pas à la communauté.<o:p></o:p>

    Or, nous devons supposer - avec logique - qu'il a dû employer un temps assez long pour mettre au point sa « Stéganographie » qui est tout un traité d'écriture secrète, basée sur l'astrologie magique ». Ce qui se dénomme ainsi implique évidemment de nombreuses recherches, car ce n'est pas, à proprement parler, une science, mais une méthode d'application d'une science à une autre. La « magie véritable » n'est, somme toute, que de la « physique naturelle », néanmoins poussée jusqu'aux conceptions admises aujourd'hui d'ondes vibratoires traversant l'éther, d'autre part « l'astrologie exacte » doit s'entendre comme une « cosmologie générale » où les principes physiques deviennent constructeurs des formes matérielles par suite de la combinaison « mathématique » des forces agissant sur les ondes. Dès lors, ce qui est une « astrologie magique » représente la liaison entre les modalités de l'énergie cosmique, dont les aspects sidéraux sont des faits d'astrologie et les dispositions morphologiques des courants dans le domaine matériel dont les résultats chimiques ou biologiques sont des faits de magie.<o:p></o:p>

    Or, ceci ne se comprend pas d'un seul coup. Si doué que l'on soit, si averti que l'on puisse être par des enseignements ou des lectures, il faut nécessairement le temps, pour que l'intellect saisisse la complexité d'un mécanisme -- si l'on veut bien réfléchir une seconde - n'est autre que le mécanisme même de la nature et de l'univers. Rien n'est plus élevé comme science positive, à tel point même que nos plus hardis savants ont à peine osé avoir de pareilles conceptions. Pourtant rien n'est plus admissible parce que, là, rien n'est de la rêverie, rien, de la littérature, rien, de l'hypothèse ; la mathématique, par la géométrie et l'algèbre, impose la réalité.<o:p></o:p>

    C'est de cela que Jean Trithème tire une « méthode d'écriture ». Celle-ci a forcément un caractère « secret » par le fait que ce que nous appelons « astrologie magique » demeure si difficile à comprendre que bien rares seront ceux qui en perceront le mystère.<o:p></o:p>

    On conviendra qu'il faut un certain temps pour arriver à combiner cette méthode.<o:p></o:p>

    Donc, quand en 1500, il a fini d'écrire la « Stéganographie », il a eu le document  depuis quelques années.<o:p></o:p>

    Mais Ernst Heidel nous signale qu'en 1496, quatre ans avant que son ouvrage ne soit terminé, Jean Trithème reçoit la visite d'une série de personnages importants. Il est à croire que ceux-ci, ou bien lui ont apporté le document, ou encore, sont venus en converser avec lui.<o:p></o:p>

    Le premier cas est improbable. On ne voit pas pourquoi il faudrait organiser une caravane officielle pour remettre à Jean Trithème un manuscrit. Ce serait inutile d'abord et bien imprudent ensuite. Inutile, parce que ce document est si petit qu'il se dissimule aisément quand on part en voyage – ce que Jean Trithème a fait quand il a quitté Spanheim, pour ne plus revenir et que, jusque-là, il a toujours passé de main à main, transmis d'anonymes à anonymes. On n'a donc pas besoin de se déplacer en grand équipage pour remettre un petit livre de ce genre. Mais c'est bien imprudent d'opérer ainsi ; l'attention du public se trouve trop attirée par tant de personnages et si le document doit demeurer secret pourquoi faire tout ce bruit ?<o:p></o:p>

    Il est plus logique de penser que ces visiteurs officiels de l'abbaye de Spanheim avaient pour objet de s'entretenir avec Jean Trithème des découvertes que celui-ci avait pu faire dans ce fameux document.<o:p></o:p>

    Ce serait, alors, une sorte de « commission » qui aurait été chargée de se rendre auprès de lui, pour recueillir des indications, soit concernant le document lui-même, soit tirées de ce texte déchiffré. Peut-être les deux.<o:p></o:p>

    En effet, nous remarquons qu'elle est composée de trois secrétaires de princes régnants - celui des ducs de Wurtemberg, celui de l'Impératrice, celui du comte Palatin du Rhin - c'est-à-dire de trois fonctionnaires qui, par profession, et par situation, se trouvent à même d'apprécier le sérieux et la valeur des propos qu'on leur soumet. Ils accompagnent un ministre, celui du Duché de Saxe, grand état allemand à l'époque, et ceci donne à penser que des intérêts politiques sont en jeu. Mais l'évêque de Worms, en personne, se joint à eux ; et ce n'est certainement pas par curiosité ; il y a donc d'autres considérations à envisager en l'espèce, religieuses peut-être.<o:p></o:p>

    Tous les membres de cette « commission » sont remarquablement érudits ; il y a même parmi eux un homme illustre : Reuchlin.<o:p></o:p>

    Dès lors, tout se comprend.<o:p></o:p>

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    Jean Trithème, par la réclame qu'il fait autour de la bibliothèque, pour arriver à la garnir de livres rares, a donné l'idée au détenteur du document de le lui confier. Un beau jour, simple passant, dénué d'importance, il le lui a apporté sans que personne ne prit garde au rapide entretien qu'il a pu avoir avec l'abbé de Spanheim.

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    Celui-ci l'a examiné - avec d'autant plus de soin qu'on lui a bien dit que le manuscrit était donné à lui et non pas à la bibliothèque.<o:p></o:p>

    N'y trouvant pas un sens aussi aisément intelligible que dans les écrits les plus ésotériques qu'il avait lus jusqu'alors, il a dû chercher la clef de la cryptographie. L'a-t-il trouvée ? C'est probable. Tout au moins on est en droit de penser qu'il a pu déchiffrer assez à fond le document pour y reconnaître un puissant intérêt, non pas seulement philosophique ou religieux, mais encore politique et peut-être plus politique que philosophique.<o:p></o:p>

    Il a, alors, certainement compris pourquoi ce document se transmettait ainsi, depuis si longtemps, de main à main. Il a, plus que probablement encore, entrevu qu'avant que le destinataire existe, divers événements aussi bien politiques que religieux, devaient survenir ; et il a songé que ce serait incontestablement utile d'en examiner les éventualités avec ceux qui s'occupent de la direction des affaires de ce monde.<o:p></o:p>

    Il devint alors, tout à fait admissible de comprendre que la « Commission » n'a été créée qu'après certains avertissements lancés par Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Jean Trithème, ayant vu dans le document certains événements du passé, dont la répercussion s'était fait sentir dans l'histoire de l'Europe, pensant que, de la sorte, la politique du moment devait s'en éclairer et que celle de l'avenir pouvait en tirer profit, a dû faire part de ses trouvailles et de ses réflexions à ceux qui occupaient des situations politiques. Assurément, il n'a rien écrit dans ce sens. C'est verbalement et par des personnes de confiance qu'il a dû avertir les princes.<o:p></o:p>

    Les princes alors ont envoyé eux aussi, des personnes de confiance, mais assez instruites et assez consciencieuses pour comprendre, malgré l'étrangeté des faits et ne pas se laisser illusionner, malgré l'intérêt du document.<o:p></o:p>

    Si cette hypothèse est juste et elle le paraît bien, les questions soulevées par ce singulier document dépassent en importance européenne, tout ce qu'on est capable de supposer.<o:p></o:p>

    Il faut croire que son contenu a positivement stupéfait ces membres de la « commission » chargés de l'examiner, car l'amitié que portait auparavant à Jean Trithème, le Comte Palatin du Rhin et l'archevêque-électeur de Mayence - chefs d'État - s'est accompagnée de celle de presque tous les autres princes régnants d'Allemagne, y compris celle de l'empereur Maximilien. L'empereur Frédéric III, père de Maximilien, était mort en 1493, par conséquent François de Bologne qui fit partie de la « commission » envoyée à Spanheim en 1496, était le secrétaire d'une impératrice ; il s'agit de la femme de Maximilien.<o:p></o:p>

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    Certes, Jean Trithème mérita sa célébrité par l'éclat de son savoir, mis en relief, du fait qu'il donna à l'abbaye de Spanheim un lustre qu'on ne lui connaissait pas auparavant, mais ne doit-on pas penser que l'estime dont il jouissait de la part des princes impliquait un intérêt politique ?

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    Il est facile, avec le recul du temps, de s'imaginer que la haute réputation d'un personnage quelconque se trouve toujours justifiée par sa science ou son travail. Croit-on vraiment que, dans les âges passés, le mérite avait beaucoup moins d'efforts à accomplir que de nos jours, pour se faire valoir ?<o:p></o:p>

    Il est possible que les gouvernants aient jadis montré plus de perspicacité qu'aujourd'hui et se soient davantage préoccupés de donner à leur époque un rayonnement intellectuel, mais c'étaient, comme actuellement, des hommes politiques, pour lesquels l'intérêt pratique passe avant toute autre préoccupation. Or, quelle utilité y avait-il à combler de faveurs un simple moine perdu dans une abbaye lointaine dont il ne sortait jamais, assurément méritoire par son dévouement envers ses frères, assurément remarquable pour son application, à constituer une belle bibliothèque, peut-être même étonnant par son savoir ? Est-ce que l'égoïsme d'un Empereur, aussi vaniteux que Maximilien - bien connu à cet égard - trouve profit à couvrir de protection ce très modeste personnage que personne ne voyait à sa cour, qu'on ne pouvait connaître que par oui-dire et qui, après tout, ne publiait rien qui fisse sensation ?<o:p></o:p>

    On ne comprendrait pas si l'on supposait autre chose.<o:p></o:p>

    Et c'est là, alors, que se voit le rôle de Jean Trithème.<o:p></o:p>

    Car, en imaginant que dans ce fameux document, il y a des éclaircissements politiques, que sa cryptographie décèle la solution d'énigmes historiques, qu'on y voit une façon de pouvoir conduire les événements de ce monde, que la voie à suivre pour débrouiller la politique européenne apparaît toute tracée, on se rend compte que le détenteur de pareils « secrets d'Etat » peut prendre au regard des gouvernants, une importance exceptionnelle.<o:p></o:p>

    Alors le rôle de ce détenteur qu'on respecte déjà par la dignité de sa vie et par la profondeur de son savoir, est d'attirer l'attention des chefs d'Etat sur l'évolution des événements, dont leur politique saura profiter. Ce rôle passera, sans doute, pour bien effacé parce qu'il n'implique aucune action ; il sera même ignoré, parce que le secret du document impose que sa connaissance ne soit pas révélée. Dans ces conditions les princes pourront dire que leur habileté politique est un fait de leur seule intelligence, qu'ils n'ont puisé leurs idées que dans leurs propres réflexions ; on les admirera autour d'eux et ils seront satisfaits.<o:p></o:p>

    Cependant les choses de ce monde continueront à aller de l'avant pour que les siècles passent et que les temps soient venus.<o:p></o:p>

    Quand les historiens apercevront la Réforme, ils seront stupéfaits. Ils constateront que Luther bouleverse presque instantanément l'Allemagne. Ils verront, en ce fait, la puissance du génie. Avec ce mot là, combien on explique de choses ! Mais personne ne sait ce qu'est un génie. On se figure toujours qu'un homme peut être doté soudainement d'une idée exceptionnelle dont les effets immédiats ont une répercussion considérable sur l'humanité ; on admet, sans réfléchir, que l'inspiration ou l'intuition ou tout autre procédé de l'intellect qui ne se définit pas, et susceptible d'opérer des miracles ; et l'on appelle miracle ce dont on ignore le procédé.<o:p></o:p>

    Il y a évidemment de grands hommes - grands par la faculté de compréhension, grands aussi par l'activité qu'ils déploient. Cela ne veut pas dire qu'on ne leur ait pas montré ce qu'il fallait comprendre, qu'on ne leur ait pas indiqué ce qu'il fallait faire. Derrière les Apôtres même, il y a le Christ !<o:p></o:p>

    Derrière Luther n'y a-t-il pas quelqu'un ? Comme, aussi, derrière Napoléon ?<o:p></o:p>

    L'électeur de Saxe protège ouvertement Luther. Il lui sauve positivement la vie, en lui offrant l'hospitalité au château de la Wartbourg. Là, Luther traduit la Bible en allemand - en un allemand si pur que sa langue devient classique. Vingt-cinq ans auparavant le propre secrétaire de l'Electeur de Saxe faisait partie de la « commission qui vint à Spanheim entendre Jean Trithème.<o:p></o:p>

    On se demandait quelle était la personne interposée en l'espèce ; elle se trouve toute indiquée. Mais la liaison entre les deux hommes est encore bien plus étroite. Depuis 1505, Jean Trithème a quitté Spanheim, il a voyagé, il est allé en Brandebourg et en Saxe. A cette époque Luther se trouve au monastère d'Erfurt, donc en Saxe.<o:p></o:p>

    Si la Réforme, avec ses conséquences politiques, parait encore une spontanéité géniale après cela, c'est qu'on a l'aveuglement solide !<o:p></o:p>

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    Or, Luther traduit la Bible en allemand avec une rapidité affolante ; en neuf mois tout est fini. Il écrit donc au courant de la plume sans s'arrêter aux difficultés que le texte soulève à chaque pas, par conséquent, avec une sûreté que seule, peut donner un long travail préalable.

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    Pour quiconque lit aujourd'hui les écrits bibliques ou évangéliques dans les traductions courantes, cela ne paraît, peut-être pas bien difficile d'établir un texte autre que le latin. Les expressions ont un caractère littéraire, dont la pensée se contente et dont la foi se nourrit. Quand on a devant soi le latin de la Vulgate, c'est déjà différent ; sous couleur de parler un langage très simple, qu'un commençant peut comprendre presque sans dictionnaire, Saint Jérôme fait preuve d'une habileté singulière. Comparée à l'hébreu de la Bible et au grec des Evangiles sa phrase n'est pas toujours la traduction précise du mot-à-mot. Pourtant elle donne invariablement le sens exact des expressions du texte primitif et non le sens « ésotérique ». C'est là, où, pour retraduire, il convient de posséder ce que nous pouvons appeler la « clef des Ecritures », que les modernes ne soupçonnent pas, et que Luther certainement devait connaître, pour ne pas hésiter à écrire avec autant de rapidité.<o:p></o:p>

    On sait quelles discussions soulève « l'exégèse ». Saint Jérôme les avait bien prévues quand il dit dans sa fameuse « Préface Galéatique » de la Vulgate « Lisez donc le premier livre de Daniel et mon Malachim - Livres des Rois -, le mien, je dis bien le mien. Tout ce qu'en traduisant d'une manière serrée et en corrigeant nous avions anxieusement perdu de vue et que nous possédons - maintenant - est nôtre. Et quand vous aurez compris ce qu'auparavant vous ignoriez, ou bien vous me considérez comme un interprète et vous m'en serez reconnaissant, ou bien comme un commentateur et vous ne m'en saurez pas gré. Pourtant je ne suis pas tout à fait coupable d'avoir changé quelque chose de ce qui concerne la vérité hébraïque. Si vous ne le croyez pas vous pouvez lire les textes grecs et latins et comparer avec les livres ce que nous avons récemment corrigé. Sur tous les points où vous constaterez un désaccord, vous pourrez interroger n'importe lequel des Hébreux à qui vous devez davantage avoir confiance ; si celui-là confirme notre manière de voir - je pense, parce que vous ne le qualifiez pas de devin, que d'autres - ont deviné de la même façon que moi dans les mêmes passages ».<o:p></o:p>

    Saint Jérôme a donné à la préface de sa traduction latine de la Bible, le qualificatif de « Galéatique » qu'il a fabriqué expressément. Le mot est tiré du latin « galea » qui veut dire « casque » et aussi « huppe ». Ceci signifie bien que cette préface est à l'épreuve de tous les coups qu'elle pourrait recevoir sur la tête et qu'elle est positivement « huppée », autrement dit solennelle. Saint Jérôme n'ignorait pas qu'on la critiquerait ; mais qu'on serait toujours obligé de le reconnaître comme bien supérieur, à tous ses contradicteurs.<o:p></o:p>

    Mais le latin toujours subtil, souvent à double sens, permet à, Saint Jérôme de dire ce qu'il veut que les « initiés » comprennent sans que les « profanes se doutent de la profondeur du symbole évoqué. C'est dans le Premier Livre des Rois qu'il est question d'Hiram et des Colonnes du Temple de Jérusalem.<o:p></o:p>

    Luther n'en est nullement gêné. Donc il sait, donc on l'a averti. Et qui aurait pu le faire mieux que Jean Trithème ?<o:p></o:p>

    Car Jean Trithème a été lui-même avisé, dès son jeune âge par un voisin, comme on l'a vu. Puis, il a continué, durant une vingtaine d'années, aidé alors par des considérations tirées de manuscrits anciens - hébreux en toute évidence, kabbalistes par conséquent. Il a pu parvenir à bien posséder la question. Alors il ne lui fallait pas de grands développements pour mettre sur la voie un homme aussi doué que Luther. Ensuite le travail personnel fait le reste et quand le moment est venu, quand on s'aperçoit que les circonstances donneront à l'oeuvre accomplie l'éclat désirable, on publie. Aussitôt les intelligences sont éveillées, entrevoient la vérité, sans doute pas dans la mesure exacte où elle serait susceptible de bouleverser complètement le monde, mais néanmoins avec assez de lucidité pour que chacun se dégage des brumes qui emprisonnent sa conscience.<o:p></o:p>

    C'est le libre-examen. C'est la Réforme.<o:p></o:p>

    La politique l'a confirmé. Mais cette politique est faite par les princes allemands, ceux à qui Jean Trithème avait montré l'importance de son document.<o:p></o:p>

    Et Luther adopte une devise qui montre que la Rose - Kabbalistique et révélatrice - s'épanouit sur la Croix chrétienne de la vérité éternelle.<o:p></o:p>

    Il y a peut-être mieux, mais c'est déjà beaucoup.<o:p></o:p>

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    On voit le rôle de Jean Trithème.

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    Tout jeune encore, appelé, à la direction d'une abbaye où tout est à faire, il ne se laisse pas absorber par ses occupations journalières. Sans perdre de vue le développement de la communauté et l'instruction de ceux dont il a la charge, il étudie, patiemment ; ou écrit pour ses moines, mais aussi pour lui-même.<o:p></o:p>

    De 1483 à 1488, il note les « Recherches sur les Ecritures ». La « Gnose » le préoccupe. En 1494, il fixe ses réflexions en deux ouvrages : « Eloge et intérêt de la véritable étude des Ecritures », ce qui concerne l'Ancien Testament, puis « Questions soulevées par les différences des Textes grecs des Evangiles » ce qui se rapporte au Nouveau Testament. Plus tard en 1500, il écrira les « Questions sur l'Evangile de Saint Jean » ainsi que les « Questions sur les Psaumes ».<o:p></o:p>

    Il est fort habile, il ne laisse rien percer qu'on puisse lui reprocher. Ces quelques aperçus, peu copieux, sont noyés dans une masse de travaux dont l'orthodoxie religieuse demeure incontestable. Si l'on n'avait pas su combien il était « ésotériste » si ses élèves célèbres n'avaient pas attiré l'attention sur la forme de sa pensée, on n'y aurait pas pris garde.<o:p></o:p>

    Mais ceux qui, par la suite, ont attaqué sa mémoire, ont, ou terni sa réputation, ou le traitant de démoniaque, soupçonnaient bien à quel point il avait pu être dangereux.<o:p></o:p>

    Il n'a pourtant laissé rien d'autre qui puisse montrer ses préoccupations de la « Gnose ». Certes, une fois qu'on a compris qu'il a pu en avoir et qu'on se rend compte de l'importance qu'elles prennent dans un ordre d'idées « ésotériques », on en trouve d'abondantes traces dans la'« Stéganographie », dans ta « Polygraphie » et même dans « les Causes secondes ». Ces travaux ne concernent  cependant pas la « Gnose ».<o:p></o:p>

    Jean Trithème n'a donc pas révélé la « Clef de la Bible ». Il a, sans doute, estimé qu'il ne devait pas le faire. Il n'a pas davantage indiqué le moyen de la découvrir. Il a ainsi gardé très soigneusement le « Grand Secret ».<o:p></o:p>

    Mais il l'a verbalement indiqué à certains de ses élèves et ceci ressort de ce qu'ont écrit Cornélis Agrippa et Paracelse, quoique tous deux se soient montrés bien prudents. Cornélis Agrippa, dans une lettre de remerciement pour toute l'instruction reçue « s'honore d'avoir appris de lui - Jean Trithème - non seulement en ce qui relève de la magie, l'alchimie et la kabbale, mais encore en ce qui concerne certain autre domaine particulièrement secret ayant un rapport étroit avec les sciences cachées ». Ceci est cité par Ernst Heidel.<o:p></o:p>

    Après un tel aveu, on ne peut refuser à Jean Trithème le titre de « Père de la Tradition ésotérique ».<o:p></o:p>

    Comme d'autre part, on s'aperçoit qu'il a eu en sa possession un document auquel les chefs d'Etats ne pouvaient manquer d'attribuer une importance capitale, cette « paternité » devient complète.<o:p></o:p>

    Car c'est une erreur que les chercheurs modernes en « occultisme » ont commise que de perdre de vue l'intérêt social des « sciences cachées ». Leur excuse est qu'ils appartiennent à cette période du XIXe siècle, où le désir de savoir primait toute considération pratique, où l'on donnait un merveilleux essor à la science et où, lorsqu'on abordait les hauteurs de l'intellectualité, on ne s'inquiétait guère des répercussions que pouvaient avoir alors, ou avoir eu jadis certaines manières de voir.<o:p></o:p>

    Tous ceux qui imaginèrent des groupements, plus ou moins importants, pour étudier ou répandre certaines doctrines ne pensèrent pas à les transposer pour améliorer les conditions de la vie courante. Ils demeurèrent sur les cimes de l'idéal - noblement d'ailleurs ; mais ils s'étonnèrent de n'être pas plus suivis.<o:p></o:p>

    Ils avaient pourtant cru que les traditions qu'ils recherchaient en vain avaient été naguère l'apanage de certaines associations d'initiés. Ils avaient ainsi imaginé une « Rose-Croix » philosophique de caractère et scientifique de genre. Ils n'ont pas réfléchi que, si une telle institution avait existé, elle devait - aussi - avoir, sinon action sociale du moins une influence politique.<o:p></o:p>

    Car, si les idées ne servent pas à donner des convictions, à quoi bon ? Et si les convictions ne sont pas mises en pratiques, quelle est leur utilité ? Racine l'a bien dit en un vers remarquable « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?<o:p></o:p>

    L'action de Jean Trithème a pu se borner à quelque influence politique, parce que du point de vue social on ne lui connaît aucun fait dans sa vie, aucun fait qui permette de l'envisager. Toute action impliquant des « actes », il faudrait que des faits prouvent qu'il a exercé une « activité » sur la société de son temps. Or, cela n'est pas. Tandis que l'influence peut fort bien échapper si elle ne se trouve pas consignée en des écrits. Mais les ouvrages que nous avons de lui ne laissent rien transpercer, à cet égard, pas même sa correspondance, réunie en volume. Alors nous devons penser que les moyens employés, en l'espèce, furent uniquement des conversations. Celles-ci constituent bien des faits mais dont - comme à l'ordinaire, sans aucune trace mais toujours un indice.<o:p></o:p>

    Savons-nous - par exemple - ce qui a pu être dit en 1496 quand cette fameuse « commission officielle » est venue à Spanheim ? C'est un indice simplement. Aucun « communiqué » n'a été conservé ; donc pas de trace. Il n'y avait pas de raisons de rédiger ce qu'on appelle aujourd'hui un « communiqué » à cette époque lointaine où le public ne devait pas être renseigné sur les agissements administratifs pour la raison que les humains étaient tenus à l'écart des affaires de l'Etat. Dans ces conditions ce déplacement de hautes personnalités ne peut attirer l'attention de l'historien ; il passe pour une fantaisie motivée par une curiosité amicale.<o:p></o:p>

    Notons que cette manière ancienne de laisser le public en dehors de toute préoccupation politique, évite aux gouvernants d'avoir recours au mensonge. Ils ne disent rien, donc ils n'ont pas à donner le change, sur ce qu'ils font. Tandis qu'avec le système qui les oblige à donner connaissance de leurs actes, ils se trouvent dans l'alternative, ou bien de révéler leurs intentions, ce qui offre toujours du danger, ou bien de les dissimuler et alors de présenter la vérité dans une forme telle qu'elle prend souvent l'aspect d'un mensonge.<o:p></o:p>

    Mais même en l'absence de toute documentation il n'est pas très difficile de connaître les actes et les intentions. Car gouverner un Etat, c'est toujours la même chose : c'est, en tout temps, se référer au passé pour résoudre les questions actuelles et disposer le présent pour envisager un avenir meilleur.<o:p></o:p>

    Dans ces conditions, si l'on voulait « romancer » le rôle de Jean Trithème ce serait facile.<o:p></o:p>

    Un matin quelque visiteur inconnu se présente au monastère de Spanheim. Il demande à parler à l'abbé. Jean Trithème n'est point de ces prélats distants, qui, plongés dans leur luxe, demeurent à l'écart et dédaigneux des solliciteurs. Il reçoit avec bienveillance ce voyageur d'aspect si ordinaire que personne parmi les moines n'a pensé à son importance. C'est sans doute presqu'un vieillard, un ancien homme d'armes ou un paysan quelconque - ayant tout à fait l'air de quelqu'un qui vient chercher un secours.<o:p></o:p>

    L'abbé, avec un sourire affable, lui demande ce qu'il veut. L'homme parlant bas, lui dit simplement qu'il a un don à lui faire : un manuscrit important. La réclame pour accroître la bibliothèque est donc parvenue jusqu'à lui.<o:p></o:p>

    Jean Trithème emmène, alors, ce donateur un peu bizarre dans un coin dissimulé, afin d'examiner le manuscrit. A première vue, celui-ci paraît extrêmement curieux : de petit format, soigneusement écrit, mais totalement incompréhensible.<o:p></o:p>

    La première question qui vient à l'esprit est « d'où tenez vous ce manuscrit ? » La réponse est encore plus étrange que le contenu du volume. L'homme raconte qu'une personne de ses amis lui a, jadis fait cadeau, sous la condition expresse qu'il ne s'en déferait jamais à aucun prix, qu'il le porterait toujours sur lui afin qu'on ne le lui vole pas, qu'il n'en parlerait à personne afin qu'on ne soupçonne pas qu'il le possède et que devenant vieux lui-même, il s'empresserait de le confier à quelque autre qui lui inspirerait confiance en lui faisant les mêmes recommandations.<o:p></o:p>

    On conviendra qu'une telle explication est bien faite pour intriguer et qu'elle a dû entraîner diverses questions. Il y a donc tout lieu de supposer que la conversation s'est poursuivie un temps assez long. Mais on ne doit pas inférer que les moines en ont été étonnés. Si Jean Trithème leur a dit ensuite que ce visiteur inconnu était venu lui « proposer » un manuscrit, tout le monde a pu croire que l'examen de ce manuscrit avait rempli le laps de temps de l'entrevue. Il faut voir ce que c'est, avant « d'acheter ». Or, Jean Trithème n'aura eu qu'à déclarer qu'il n'avait pas « acheté » le manuscrit pour que personne ne se doute qu'on le lui a donné.<o:p></o:p>

    Il y a gros à parier que la chose s'est passé ainsi !<o:p></o:p>

    Puis, ensuite, Jean Trithème étudie cet étrange document. Son importance lui a sûrement été signalée par le donateur parce que celui-ci a pu lui indiquer qu'un nom s'y trouvait révélant un personnage suffisamment connu du monde entier pour que la curiosité soit éveillée en raison des circonstances auxquelles ce personnage a été mêlé. Le donateur, s'il était illettré et ignorant, a pu parfaitement ne pas connaître ce nom ; mais il devait nécessairement savoir qu'avec un nom, toute personne, quelque peu avertie d'un passé demeuré universellement en mémoire, pouvait reconnaître immédiatement l'importance du manuscrit et que c'était, là, la raison principale du secret qu'il devait soigneusement garder.<o:p></o:p>

    Donc point n'est besoin que Jean Trithème ait connu d'avance ce nom, pour qu'il le cherche.<o:p></o:p>

    Or, bien que les plus grands soins pour le dissimuler aient été pris, le nom finit par se découvrir. A partir de ce moment, déchiffrer la cryptographie s'impose d'une manière absolue. Il devient indispensable de savoir.<o:p></o:p>

    Admettons que ce nom soit celui de Jacques Molay. Dès qu'on a pu le lire, on a besoin de connaître ce que sont devenus les Templiers. Comme tous les papiers ont disparu avec eux, la question se pose de savoir si ce document ne fournit pas quelque indication à ce sujet. Pour quelqu'un qui s'intéresse, ainsi que Jean Trithème à l'ésotérisme, la recherche de ces papiers apparaît extrêmement utile.<o:p></o:p>

    Cela ne veut pas dire que leur découverte soit facile, car ils ont pu être enfouis dans un pays inaccessible. On ne doit pas inférer que Jean Trithème les ait trouvés. Le contraire demeure plus probable, car rien n'indique ni chez lui, ni chez ses élèves célèbres qu'ils aient eu connaissance des papiers des Templiers.<o:p></o:p>

    Mais ce que Jean Trithème a forcément vu dans le document, c'est le processus évolutif des conséquences de toute cette politique combinée entre la monarchie française et la papauté. Il y avait là pour lui, l'élucidation d'un siècle d'histoire, c'est-à-dire la révélation d'une série de faits politiques, encore présents à la mémoire, qui n'intéresseraient sans doute pas les moines, mais qui pouvaient parfaitement être pris en considération par les chefs d'Etat en Allemagne.<o:p></o:p>

    L'Allemagne avait toujours eu à lutter contre la papauté. La France avait toujours été plus ou moins gênante pour l'expansion germanique et avait souvent donné souterrainement son appui à la papauté, dans ce but. Il devenait utile de connaître les raisons secrètes de cette politique, car on sortait, à peine, de tous ces tracas.<o:p></o:p>

    La pensée a dû venir, très naturellement, à Jean Trithème, de prévenir les chefs d'Etat de l'Allemagne qu'il possédait des éclaircissements dont ils pourraient bien profiter.<o:p></o:p>

    Toutefois ceci confine aux « secrets d'Etats » . Il importe donc d'user de la plus grande prudence. En ce cas, on ne confie rien au papier. Pour prévenir quelqu'un d'officiel, il faut le faire verbalement. Si l'on ne peut se déplacer, on envoie un émissaire de confiance.<o:p></o:p>

    C'est ce qui a dû se passer.<o:p></o:p>

    Néanmoins, lorsqu'il s'agit d'un document se référant à des faits politiques, il faut le voir et lorsqu'on déclare qu'il est impossible de s'en dessaisir pour le communiquer, il devient indispensable de se déplacer. Va-t-on le faire soi-même ? Certainement non, parce que, si par hasard, ce moine, qui, en somme, est bien loin de la politique, se trompait en s'illusionnant sur certain déchiffrage d'une cryptographie qui, après tout, est peut-être fallacieuse, ce serait ridicule de perdre son temps en accomplissant un voyage assez long. On désigne, alors, des personnes compétentes et celles-ci se réunissent, constituant ce qui ressemble bien à une « commission d'enquête ».<o:p></o:p>

    Celle-ci arrive, écoute Jean Trithème, examine le manuscrit. Mais elle ne prend aucune note. En présence du secret historique qui ressort du manuscrit, personne ne peut plus prendre de notes ; rien ne doit jamais prouver que ce secret ait été, un moment, connu ; car, pour tous les membres de la « commission » il y a là un « secret d'Etat ». Ce sont de très hauts fonctionnaires, habitués à reconnaître dès le, prime abord ce qui relève de l'intimité même des gouvernants. Ils n'ont pas cette curiosité que suppose le public pour les choses dont ils sont les confidents ; ils savent se taire en toute occasion et même éviter d'être éventuellement obligés de parler. Ce sont - si l'on veut -- des « ésotéristes » à leur manière, parce qu'en politique il y a beaucoup d'ésotérisme. En un sens même on peut dire que seuls les secrets politiques ont intérêt à demeurer complètement ignorés, parce que leurs conséquences sont particulièrement dangereuses, non seulement pour qui les détient à des titres divers, mais aussi pour les Etats, pour les peuples, pour l'existence de chaque citoyen. Alors que les secrets scientifiques ou philosophiques ne sont après tout que des « discrétions ».<o:p></o:p>

    Donc, aucune trace des travaux de cette commission ne doit exister. Chaque délégué, une fois retourné auprès de son chef, a certainement fait un rapport, mais verbal. Alors on voit bien que le comte palatin du Rhin ; le duc Electeur de Saxe ; le duc de Wurtemberg ; l'impératrice, Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, épouse de Maximilien, par conséquent l'Empereur lui-même, ont été renseignés par leurs délégués et que si les dires de ceux-ci ont pu paraître étranges, ont pu surprendre même, l'évêque de Worms, présent en personne à toutes les conversations avec Jean Trithème, a été capable de les confirmer.<o:p></o:p>

    La commission était particulièrement sérieuse ; à tout bien regarder, elle se trouvait composée comme le sont les plus sérieuses commissions d'enquête en matière politique.<o:p></o:p>

    Dès lors, il faut croire que les chefs d'Etat, en Allemagne ont été impressionnés et ceci explique aisément pourquoi tous ou presque, portaient à Jean Trithème une amitié si particulière qu'elle suscita des jalousies.<o:p></o:p>

    Mais cette jalousie était-elle vraiment un simple effet de la malignité ignorante qui caractérise certains êtres déformés par l'hérédité ou la vie ? On constate, tant que Jean Trithème demeure à Spanheim, présent à la tête de sa communauté, que personne parmi ses moines n'ose se tourner ouvertement contre lui. Quelque ingrat cherche bien à lui nuire, mais de loin et par lettre. Ce n'est pas grand chose ; il ne s'y arrête guère. Cependant, dès qu'il est parti, convoqué assez mystérieusement par des princes, qui, sans doute, ont besoin d'entendre de lui-même diverses explications, au sujet de ce fameux document, dès qu'il semble devoir être absent durant un certain temps, la malignité s'ingénie à bouleverser son couvent.<o:p></o:p>

    On ne comprendrait pas que des moines, dont il fait la prospérité à tous égards, se soient tournés aussi vite contre lui, si des arguments extrêmement perfides n'avaient été produits. Il est à croire que l'agitation des moines présentait un caractère grave ; car on ne saisirait pas bien pourquoi Jean Trithème a préféré attendre d'abord que le calme se rétablisse de soi-même, au lieu de retourner immédiatement mettre le bon ordre et pourquoi ensuite, quand il apprit que la communauté le reniait, il ne vint même pas se défendre.<o:p></o:p>

    Qu'a-t-on pu alléguer ? Qu'a-t-on pu faire entrevoir aux moines ?<o:p></o:p>

    Cela se devine aisément quand on se reporte à la commission d'enquête de 1496.<o:p></o:p>

    Près de dix ans se sont écoulés, les chefs d'Etats ont eu le temps de réfléchir, les première indications fournies par les délégués ont pu paraître utiles à prendre en considération. Le roi de France Charles VIII est entré, en Italie ; Maximilien a dû contenir cette ardeur de conquête intempestive. Louis XII, de la branche des Valois-Orléans, a succédé à Charles VIII en vertu de la loi Salique ; il a continué la guerre d'Italie. Le pape Jules II a eu l'idée en 1504 du traité de Blois, pour conclure une alliance entre la papauté, l'empire d'Allemagne et la France, contre la République de Venise. On est donc, depuis un an, en pleine activité diplomatique. La France rompt le traité qui ne lui convient pas ; il lui eut fallu aliéner la Bourgogne et la Bretagne. Les traités de Blois - 1504 - correspondaient, à ce que nous appelons aujourd'hui, des « accords internationaux ». Il y en avait trois : par le premier, le roi de France Louis XII, l'empereur Maximilien et le pape Jules II constituaient une alliance contre la République de Venise, puissance, alors, considérable mais gênante pour les visées des trois contractants ; par le second, Maximilien, conjointement à l'archiduc d'Autriche, assurait à Louis XII l'investiture des Milanais pour ses héritiers mâles ou à leur défaut, pour sa fille Claude qui devait épouser un des fils de l'archiduc, alors que Louis XII aurait renoncé au royaume de Naples, en faveur de celui-ci ; par le troisième, le roi de France promettait à sa fille et à son futur gendre, le duché de Bourgogne et ses dépendances pour le cas où il n'aurait pas d'héritier mâle, mais, en tout cas, le Comté d'Asti, le Milanais, Gênes, le Comté de Blois et le Duché de Bretagne. Ce troisième accord avait seul la valeur d'un traité, car il résultait des défaites des armées françaises en Italie et de la capitulation de Gaète (1er janvier 1504). La. France s'émut des conditions de ce traité ; elle y voyait la, perte de la Bourgogne et de la Bretagne. Louis XII avait d'ailleurs, au début de son règne, divorcé d'avec Jeanne de France, fille de Louis XI, pour épouser Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII et ainsi conserver un duché très précieux ; ce dont tous les Français lui savaient gré. Il y eut alors un quatrième traité de Blois - octobre 1505 par lequel Louis XII accordait la main de sa nièce, Germaine de Foix, à Ferdinand le Catholique, roi de Castille, en lui concédant en dot tous ses droits sur le royaume de Naples. Ceci allait à l'encontre des clauses du second traité de Blois et ainsi le rompait. Enfin les Etats Généraux de mai 1506 déclarèrent inséparables du domaine royal, la Bourgogne et la Bretagne. Tous les accords avec Maximilien et Jules II devenaient caducs. Il est à noter que certains historiens, tel Augustin Thierry, prétendent même que ce ne furent point de véritables Etats Généraux qui se réunirent alors, mais un conseil de bourgeois, auprès duquel les députés de la noblesse et du clergé ne figurèrent que comme ornements du trône. S'il en est ainsi, ce fut bien, de la part de Louis XII, un subterfuge pour échapper aux conditions du traité.<o:p></o:p>

    Le pape qui voit la République de Gênes se révolter à son tour contre la politique dont elle pourrait être victime et qui s'aperçoit que ses rêves d'unité italienne loin de prendre corps s'évanouissaient peu à peu, appelle à la fois le roi de France et l'empereur. Le premier va reprendre la guerre, mais le second ne le peut pas, l'état de ses finances le lui interdit.<o:p></o:p>

    Telle est la situation.<o:p></o:p>

    Le monastère de Spanheim paraît bien loin de toutes ces complications. Mais les chefs d'Etat allemands les suivent certainement de près. Est-il possible que dans les conversations politiques certaines allusions aux résultats de l'enquête de 1496 n'aient pas été faites ? Bien que les secrets d'Etat aient été soigneusement gardés, ne doit-on pas penser que quelques indiscrétions ne se soient pas produites ?<o:p></o:p>

    Le document est trop ancien pour ne pas indiquer des considérations portant sur des généralités politiques. Il doit traiter des répercussions lointaines de faits mal connus ou ignorés, dont il ne précise pas, il indique, il fait comprendre. Sans révéler, alors, son existence, sans dire exactement son objet, sans trahir en quoi que ce soit son secret, on peut toujours, dans une discussion politique, émettre quelques observations si intéressantes qu'elles donnent matière à réflexion.<o:p></o:p>

    Puis quiconque réfléchit - même s'il n'arrive pas à percer le mystère - soupçonne que le mystère existe. Et, quand un esprit, que nous appellerons, pour l'instant, subversif, comprend le danger que présente la connaissance de ce mystère, il cherche à nuire à l'homme supposé tout à fait au courant. C'est simple : les allusions aux résultats de l'enquête font penser à son objet et comme il s'est agi de conférer avec Jean Trithème, celui-ci se soupçonne de connaître certaines choses qui ont sans doute trait à la politique, mais pas uniquement à la politique, car Jean Trithème n'est pas un homme politique, il s'occupe de théologie donc de religion. Alors il connaît un mystère politique qui touche à l'évolution des idées religieuses. Si l'on a un esprit « subversif », c'est-à-dire si l'on est, par conviction ou par intérêt, ou simplement par malignité, opposé à toute évolution intellectuelle qui ouvre les consciences à un examen plus libre des dogmes chrétiens, on tend forcément à supprimer l'homme considéré comme dangereux. Ce n'est pas possible de supprimer Jean Trithème ; il faudrait l'accuser d'hérésie et il a trop de protecteurs. On pourrait évidemment l'assassiner, mais ses protecteurs se montreraient tellement outrés du fait, que leur vengeance serait éclatante et ferait ressortir toute l'importance du mystère.<o:p></o:p>

    Le mieux est donc - puisque lui-même ne parle pas et qu'il n'y a pas à le faire taire, de s'ingénier à l'empêcher d'avoir des prosélytes. Pour cela, on n'a qu'à faire entrevoir aux moines qu'il les conduit dans une vie dangereuse en matière de religion. Il vient d'écrire sa « Stéganographie » ; qu'est-ce que c'est ? Un ouvrage où se voient des considérations peu orthodoxes, où sont analysées des entités hébraï-ques, où les croyances chrétiennes n'apparaissent guère. Le démon ne s'y trouva-t-il pas dans la coulisse.<o:p></o:p>

    Après de tels arguments, des moines sans instruction ésotérique, s'émeuvent et finissent par admettre que leur abbé, malgré ses sermons très dévots, malgré sa vie très normale et très pure, malgré son dévouement pour le bien-être commun, cet abbé qu'ils vénèrent pourtant, a sombré dans les abîmes de l'erreur. Rien ne, les assure, s'ils continuent à le suivre, que cet homme ne les conduira pas, peu à peu, sans même qu'ils s'en doutent, vers la perte irrémédiable de leur âme.<o:p></o:p>

    Alors, les moines se tournent contre leur abbé et moins ils voient celui-ci, plus ils se pénètrent de la justesse de leur propre raisonnement.<o:p></o:p>

    Jean Trithème a compris assez vite qu'il était inutile pour lui de revenir à Spanheim ; il avait perdu la confiance des siens.<o:p></o:p>

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    Qu'on aperçoive, là, un effet de cet « antagonisme » qui toujours, depuis des temps immémoriaux, se dresse contre la pensée ésotérique, c'est certain. Que cette révolte contre Jean Trithème soit un bref épisode du grand drame de l'humanité, c'est évident. Cela ressort de la remarque qu'eussent faite les personnes les moins averties : Jean Trithème, voulant réformer ses moines, les a mécontentés. Présenté ainsi, le fait n'est pas totalement inexact. L'abbé de Spanheim n'a peut-être pas cherché à appliquer des projets de réforme ; mais il avait des idées de ce genre et il les a laissé deviner. C'est assez pour que certains malintentionnés puissent entrevoir que la Réforme, dont quelques années plus tard, Luther fut l'auteur, pouvait en dériver. Et ces malintentionnés n'ayant pas atteint directement l'homme, se sont efforcés ensuite de détruire sa réputation en l'accusant de magie.

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    Mais ils n'ont pas détruit le document !<o:p></o:p>

    Jean Trithème a révélé son existence, alors que, jusqu'à lui, personne ne s'en doutait. Ceux à qui il a parlé n'ont certainement pas mentionné son contenu, mais en ont laissé soupçonner l'importance. Des fuites se sont produites. On en constate quelques-unes si l'on veut se donner la peine de regarder. Mais, en général, on les a présentées de telle façon que le public ne les voit guère. Comme, personne n'est certain de l'existence du document, que l'on n'ignore pas qui et pourquoi les considérations politiques en question ont été primitivement faites, il s'en suit qu'on ne peut doter d'authenticité les allégations qu'on en a extraites. Alors, pour leur donner quelque valeur, pour les faire accréditer, on les attribue à la fantaisie presque toujours à une intuition personnelle et ainsi elles passent pour des prophéties.<o:p></o:p>

    Combien de prophéties ont été répandues à travers l'Europe ; mais - chose assez significative presque toujours favorables à un « triomphe de l'Eglise catholique ». Il faut cependant croire que les fuites ont eu une répercussion très grande et qu'elles ont, pour ainsi dire, parcouru le monde. Car on en rencontre des traces jusqu'au centre de l'Afrique équatoriale, dans des régions presque inexplorées, parmi les populations noires, pourtant considérées comme primitives et fétichistes - selon notre conception de l'évolution humaine actuelle qui est absurde. Là, certains « savants » que les européens appellent des « sorciers » et qu'ordinairement ils méprisent parce que leurs légendes paraissent incompréhensibles, racontent encore le soir à un auditoire choisi que « les clefs des écritures sacrées sont tombées au fond de la mer, lors d'un dernier déluge et cette perte consécutive à la trahison d'un serment aurait éloigné l'esprit - Magangua - de la race blanche ». Puis, lorsque les missionnaires catholiques s'avisent de les évangéliser, ces nègres leur rient au nez et disent : « Votre pape ne peut rien connaître, il faut maintenant un déluge de feu pour que les clefs des écritures reviennent parmi les blancs ».<o:p></o:p>

    Ces allusions sont beaucoup plus précises que les vaticinations prétendues prophétiques, qui ont souvent servi à des propagandes très « spéciales ».<o:p></o:p>

    Mais, en Europe, en Allemagne même, il y a un homme et un homme célèbre qui a su donner aux fuites leur véritable caractère, qui a su montrer tout l'intérêt que les consultations de Jean Trithème pouvaient avoir et qui, grâce à son talent devant lequel chacun s'incline, a pu dissimuler le but.<o:p></o:p>

    Cet homme, c'est Albert Dürer.<o:p></o:p>

    Albert Dürer est tout à fait le contemporain de Jean Trithème. Sa naissance se place en 1471. Il avait donc neuf ans de moins que lui. Il était de Nuremberg, en Bavière. Il a dû connaître certainement l'abbé de Saint Jacques à Wurtzbourg, puisque Nuremberg n'est qu'à 77 kilomètres de cette ville, en admettant même qu'il ne l'ait pas fréquenté auparavant, en raison de sa haute réputation.<o:p></o:p>

    Dès lors, on s'explique les fameuses gravures, le « Saint Jérôme » si extraordinaire, la « Mélancolie » si étrange et ses « Chevaliers de l'Apocalypse » criant l'injustice commise et la vengeance de Dieu.<o:p></o:p>

    L'oeuvre d'Albert Dürer se trouve, d'ailleurs, empreinte d'un symbolisme qui en fait, à la fois, le charme et la gloire.<o:p></o:p>

    Or, « la Mélancolie » - que possède le musée du Louvre - s'explique d'une façon si évidente que l'on est obligé de convenir que son auteur a dû nécessairement apprécier le contenu du document. Cette gravure veut dire qu'un événement ou qu'un personnage est attendu pour que le symbole, exprimé par le carré magique, ait son efficacité. Ce symbole correspond au « Chevalier de la Mort » de la gravure apocalyptique qui terrasse et fait choir une tiare dans la gueule d'un dragon. Il correspond aussi au symbole du « Coq », des prophéties de Nostradamus, symbole actuel de la France.<o:p></o:p>

    A côté de cela, le Saint Jérôme démontre que la Bible prend, en l'espèce, une telle importance que son illustre traducteur en latin ne doit point être perdu de vue. C'est comme si le dessinateur symboliste disait : « Voilà ce qui est, voici ce qu'il adviendra ».<o:p></o:p>

    Albert Dürer mourut en 1528. La Réforme était accomplie depuis huit ans !<o:p></o:p>

    Et ensuite les siècles ont passé.<o:p></o:p>

    Siècles pleins de guerres, de révolutions, de misère pour les pauvres gens, de vanité pour les grands de ce monde !<o:p></o:p>

    Quand on parle de rechercher une Tradition ésotérique et qu'on se livre à des conjectures à cet égard, la pensée se perd dans un méandre inextricable de faits et d'obligations sans que la logique puisse s'accrocher à un jalon solide qui permette une orientation certaine.<o:p></o:p>

    Vers quel côté se diriger ? On ne voit et on se trompe.<o:p></o:p>

    Faute de mieux on adopte une voie quelconque qui satisfait une hypothèse. On finit par substituer une foi à une autre foi. On risque de devenir dogmatique en substituant d'autres dogmes à ceux dont, déjà, or ne connaît pas la raison.<o:p></o:p>

    Quant à la Tradition on ne la retrouve pas. On la suppose perdue et l'on déplore sa disparition.<o:p></o:p>

    L'humanité serait-elle désormais livrée au hasard de conceptions diverses, dont aucune ne se voit assez forte pour s'imposer ?<o:p></o:p>

    Mélancolie !<o:p></o:p>

    Il y a tout à construire pour guider l'humanité.<o:p></o:p>

    Les matériaux sont là, repérés, connus, sinon rassemblés et catalogués ; on s'imagine qu'on devrait pouvoir les utiliser. Mais comment ? On se prend à adopter l'attitude du personnage d'Albert Dürer, - l'ange - on se livre à des réflexions mélancoliques.<o:p></o:p>

    Pourtant « St Jérôme » demeure présent, souriant dans sa barbe, avec un air narquois. Sa Bible recèle, peut-être la Tradition, cependant où se trouve le fil conducteur ?<o:p></o:p>

    Triste époque que la nôtre où la croix n'est plus qu'un signe et la rose un emblème ; où la Rose-Croix, alors, se traduit par un rêve. Ce rêve, tableau confus aux couleurs chatoyantes, se peuple de figures disparues dans le brouillard des énigmes. Un personnage conduit à l'autre et l'on remonte les âges, mais rien ne livre le secret - le Grand Secret.<o:p></o:p>

    Au plus loin que l'on s'enfonce dans l'éventualité diffuse, deux hommes s'aperçoivent. Paracelse, déconcertant et Cornélis Agrippa, mystérieux. Ils révèlent leur Maître. On touche à une origine.<o:p></o:p>

    L'attention se fixe. On essaye de comprendre.<o:p></o:p>

    Jean Trithème est sans doute le « Père de la Tradition », la Source de la Vérité.<o:p></o:p>

    Mais toute eau qui sourd aux flancs d'une haute montagne, provient de quelque part. Ce qu'on appelle une source n'est qu'un début visible. Ce qu'elle répand est clair et même savoureux, - plus tard, plus loin, ce sera moins limpide, mais agréable au goût, trouble et aussi contaminé ; - et encore plus tard et plus loin, ce sera boueux infect, au goût amer et fielleux.<o:p></o:p>

    Alors, on comprend pourquoi la Chevalerie du Temple, revient !<o:p></o:p>

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    Quand nous sommes en présence d'un fait quelconque - lequel se situe en un moment du temps - nous nous apercevons bien qu'il y a antérieurement une cause et surtout un motif ; de même que postérieurement, il y aura un résultat et aussi des conséquences.

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    Il faut pourtant, alors, avoir soin de distinguer la cause du motif, et le résultat des conséquences. Je n'ignore pas que dans l'habitude de la vie on ne pense guère au motif d'un fait, et souvent on en laisse de côté les conséquences. Les raisonnements usuels se font, pour un fait donné, d'après la cause, en considération du résultat.<o:p></o:p>

    Cependant les Tribunaux savent bien, indépendamment de la cause, et avant même que celle-ci se soit produite, rechercher les motifs d'un acte ; c'est ce qui s'appelle, pour un crime, la préméditation, autrement dit l'intention plus ou moins réfléchie qui a précédé l'exécution d'un acte. Or, c'est uniquement ce qui s'exécute qui a une cause. Ainsi, dans le cas d'un crime, l'exécution du fait a eu pour cause la circonstance qui l'a fait commettre ; néanmoins, il n'a été commis que parce que le criminel en avait, plus ou moins, le dessein.<o:p></o:p>

    Il en est de même, en ce qui concerne le résultat et la conséquence. Ceci se reconnaît toujours comme postérieur à l'acte - un crime par exemple. Mais le Tribunal juge du résultat d'abord ; il tient compte de l'état de la victime. Ensuite, il examine la conséquence : si celle-ci découle du motif, et non pas du résultat ; car c'est en conséquence de la préméditation que, le résultat ayant été obtenu, ce qui rentrait dans les réflexions antérieures à l'acte a été réalisé. D'où l'on voit ces crimes bien connus ayant eu pour motif le vol, pour cause l'effraction de l'appartement de la victime, pour résultat l'assassinat, et pour conséquence le cambriolage.<o:p></o:p>

    Néanmoins j'avoue qu'à l'ordinaire un grand nombre de personnes - et je dis même : presque personne, ne détaille pas aussi bien l'examen des faits.<o:p></o:p>

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                                                                 Abbaye : Jean des Entommeures,

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                                                               14 mars - 30 octobre 1960.<o:p></o:p>

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    Editions   des   Champs-Elysées.   ---    Omnium    Littéraire

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    72,  av.  des  Champs-Elysées,   Paris.  ---  No  d'Editeur : 96<o:p></o:p>

     

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     ACHEVE  D' IMPRIMER

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     LE 15 NOVEMBRE 1960<o:p></o:p>

     SUR   LES   P R E S S E S<o:p></o:p>

     DE     LA     S.   P.   E.   C.<o:p></o:p>

        A  CHATEAUROUX<o:p></o:p>

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    DU MÊME AUTEUR

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    " RÉVÉLATION "

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    « Le blanc est la ligne nodale des couleurs en mouvement. C'est-à-dire que le blanc, en tant que blanc, n'existe pas. Devons nous en conclure que c'est la raison qui a guidé le choix de l'auteur de Révélation pour la couverture de son livre ? Nous serions tentés de le croire, car sur la couverture symboliquement grise de l'ouvrage, qui ne comporte ni titre, ni nom d'auteur, un coq chante mystérieusement sur fond géométrique. Il faut encore tourner des pages blanches pour trouver le titre du livre et découvrir enfin le nom de l'essayiste : M. F. Nouveau-Piobb. Le nom de Piobb n'est certes pas inconnu des occultistes, mais une dédicace de l'auteur à son père « spirituel » - mais non de race - nous avertit que P. V. Piobb lui a légué l'Héritage des Morts.

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    Par sa seule présentation, l'ouvrage n'est accessible qu'à certaines mains déjà tendues. Nous voulons croire encore une fois que cet écran particulièrement opaque a été dressé intentionnellement par M. F. Nouveau-Piobb dans un but d'élimination systématique des simples curieux et des esprits non avertis. Quant à l'architecture - de nature templière - de l'œuvre, une table des matières éclairante nous la dévoile ainsi : - La Préface possède la Cause - La Gnose centre le Fait - Les Preuves équilibrent le Résultat - La Conclusion fait l'éloge de la Raison.

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    Avertis de cette manière, la préface nous ouvre la voie préliminaire. Il semble que l'auteur nous invite à considérer d'abord la constitution d'un outillage rationnel, en partant de l'établissement des notions géométriques pour accéder corollairement à la philosophie. Cette voie peut-elle faciliter l'ouverture de la Gnose ?

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    Les preuves qui doivent équilibrer le résultat seraient contenues dans le testament des Templiers. On sait qu'au Moyen-Age une institution philosophique possédait la Gnose : c'était l'Ordre Sublime du Temple, l'Ordre des Templiers. L'Ordre du Temple fut supprimé en 1312, cinq ans après l'arrestation des Templiers. Jugés à Paris, le 18 mars 1313, sur le parvis de Notre-Dame, Jacques de Molay, Grand Maître de l'Ordre, Guy d'Auvergne, frère du Dauphin d'Auvergne, Grand Com-mandeur du Temple et Commandeur de la préceptorie de Normandie, Hugues de Peralde, Grand Visiteur de l'Ordre, et Geoffroy Gonneville, Grand Prieur de l'Ordre et Commandeur de la préceptorie d'Aquitaine, furent condamnés à la prison perpétuelle. Le Grand Maître et le Grand Commandeur s'étant rétractés, les commissaires cardinaux, sur la suggestion de la Cour d'Avignon, procédèrent à une contre-enquête, et le Pape proposa au Grand Maître une transaction afin d'obtenir de lui des... « révélations ». Après cet échec, et sur l'ordre de Philippe le Bel, Jacques de Molay et Guy d'Auvergne furent condamnés à mort, et brûlés vifs, le 11 mars 1314, dans l'lle-aux-Vaches, à la hauteur du Pont-Neuf.

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    On n'ignore pas que le Grand Visiteur et le Grand Prieur recouvrèrent la liberté dans des circonstances mal définies. C'est ainsi qu'on retrouve plus tard Geoffroy Gonneville en Dalmatie, au Convent de Spalato. Il y dévoile la tactique adoptée en prison par les détenus, le sacrifice de Jacques de Molay et celui de Guy d'Auvergne en exécution de la règle de l'Ordre, sa propre nomination au commandement de l'Ordre, la mise en sommeil de l'Initiation pour six siècles, la formation de la Rose+Croix, etc.

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    Il est certain que la lecture de Révélation autorise valablement les recoupements « historiques ». Il appert cependant pour les familiers des lectures « hermétiques », qu'en procédant au déchiffrement du testament des Templiers, c'est à l'ouverture publique de la Gnose que nous sommes conviés, quoiqu'il ne nous échappe pas que nous assistons en fait à la pose d'une Pierre Cubique, à la constitution d'un Nouvel Ordre du Temple. Et si notre lecture ne nous égare pas, il semble que notre conviction ne puisse être démentie de la possession, par les frères de l'Ordre, en plus des clefs secrètes des « Mémoires de Gonneville », d'un trésor substantiel qui identifie sans nul doute les héritiers des anciens banquiers du roi de France. »<o:p></o:p>

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                                       Adolphe GRAD.

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                                           L'Omnium  Littéraire,  octobre  I96o.<o:p></o:p>

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