• La Flûte Enchantée

    Testament Spirituel de Mozart

     

     

    Avant toute chose, analysons pourquoi la flûte est magique. Parce que cet instrument est symbole d'air, fabriquée sous l'averse (symbole d'eau) au bruit du tonnerre (symbole de la terre) et à la lueur des éclairs (symbole du feu). C'est parce que la flûte réunit les quatre éléments primordiaux en elle, qu'elle est magique.

    La hiérarchie des rôles principaux est faite de dualités :

    1. Soleil - Lune
      • Sarastro est symbole statique de l'homme, du bien, il ne connaît pas la passion. Il garde le domaine de l'Esprit en ayant succédé au père de Pamina qui en était le Maître. Il est symbolisé par le Soleil.
      • La Reine de la Nuit est le symbole du mal, de la révolte de la femme contre la suprématie de l'homme. Elle est symbolisée par la Lune.
    2. Feu - Eau
      • Tamino est destiné à former le couple dans la plus haute acceptation du terme grâce à l'amour lui faisant surmonter les épreuves de l'initiation. Il est symbolisé par le feu et joue de la flûte magique.
      • Pamina qui est la complémentaire de Tamino en étant le moteur de leur initiation commune. Elle change de monde en passant du règne de la nuit à celui du Soleil par l'amour et par l'initiation. Elle est symbolisée par l'eau.
    3. Air - Terre
      • Papageno, l'oiseleur qui figure l'humanité "ordinaire" pleine de bonne volonté mais sans courage et sans intelligence donc indigne d'être initié. Il est au service de la Reine de la Nuit mais son voyage avec Tamino lui permet de passer dans le règne du jour. Il est symbolisé par l'air.
      • Monostatos le Maure est le seul homme du Royaume de la Nuit après sa trahison (il fait le chemin inverse de Papageno). Sa noirceur de Maure est liée à son état civil traditionnel des gardiens d'esclaves. Elle évoque aussi l'obscurité de la Terre qu'il symbolise.

    Si on fait abstraction des étiquettes (nuit, lumières, etc.), la trame apparaît complexe, mêlant des éléments classiques et d'autres plus originaux. On y voit notamment :

    • une puissance (la reine) qui demande l'aide de quelqu'un qui n'est encore rien qu'un potentiel, à qui elle donne les instruments du succès ; elle finit par se faire remplacer par ce pion devenu prince victorieux ;
    • un homme (le prince) qui échappe à sa condition de serviteur en conquérant pour son propre compte ce qu'il avait pour mission de reprendre, et en exploitant intelligemment une idéologie à laquelle il se soumet en apparence (l'histoire ne dit pas s'il le fait réellement)
    • un homme (le prince) et sa promise qui traversent victorieusement des épreuves initiatiques, apprennent à se maîtriser (cacher ses sentiments, etc.) et ce faisant conquièrent le monde (l'amour, le trône) ; un autre homme (le serviteur) et sa promise qui agissent tout aussi naïvement et se font conquérir.
    • un penseur, philosophe, qui à la fois manipule le chevalier pour faire triompher la Lumière et la Sagesse, et ce faisant surtout, donner la légitimité pour que le monde retourne à l'équilibre (comme du temps où le père de Pamina et mari de la Reine de la Nuit régnait avant Sarastro)
    • une révolution tout est changé : au début de la Flûte, tout est chaos et lutte entre la Reine de la Nuit et Sarastro. Par la double initiation de Tamino et Pamina, le couple atteindra à la Sagesse, la Force et la Beauté et fera régner la Paix, la Joie et l'Amour parmi les hommes et les femmes.

    Les thèmes abordés dans cet opéra sont pour beaucoup empruntés au rituel d'initiation de la Franc-Maçonnerie dont Mozart et le librettiste Emmanuel Schikaneder faisaient partie bien que pour Schikaneder, celui-ci en fut chassé, n'ayant jamais dépassé le grade de compagnon. Le parcours initiatique de Tamino et Pamina (voués au Dieu Min) dans le Temple de Sarastro est inspiré des cérémonies d'initiation maçonnique au sein d'une loge.

    Dans son ouvrage La flûte enchantée, opéra maçonnique (éditions Robert Lafont, épuisé), le musicologue Jacques Chailley explore les riches allusions musicales aux symboles maçoniques. Rien que dans les premières notes de l'ouverture, on reconnait le rythme 5 ( - /- - / - - ) symbolisant les femmes puis se succèdent trois accords, chacun répété trois fois, dans une tonalité en mi bémol majeur comportant trois bémols à la clef. On peut y voir une allusion au nombre de l'Apprenti, symbolisant l'harmonie de la trinité Osiris, Isis et Horus assurant l'unité et l'équilibre du monde.

    Mozart, franc-maçon dévoué à l'initiation décide d'écrire une œuvre retraçant les Grands Mystères et célébrant enfin les Noces Alchimiques annoncées dans les Opéras initiatiques que sont Les Noces de Figaro, Don Juan et Cosi Fan Tutte. Le compositeur rêve de ressusciter l'Initiation Egyptienne perdue et si importante à ses yeux pour la paix du Monde. Il veut redonner la place aux Femmes, oubliées et pourtant au centre des croyances initiatiques. C'est dans cet opéra que le génie de Mozart s'exprime pleinement, il atteint ici une perfection inégalée auparavant. Il arrive grâce à la musique à transporter l'auditeur au sein d'un rituel initiatique dont les Initiés seraient chacun des auditeurs de cette musique "Divine".

     

    Extraits d'une conférence donnée par Inès d'Albomiron, en préambule de la projection du film d'I.Bergman

     

    Mesdames, Messieurs, chers amis,

    Nous aurons, dans quelques instants le privilège de voir (ou de revoir) ce magnifique film que I.Bergman a consacré à la "Flûte enchantée" (mais ne devrait-on pas dire plutôt à la "Flûte magique" ?).

    On a beaucoup dit et beaucoup écrit sur cette oeuvre.

    Elle est sans aucun doute l'opéra de W.A.Mozart le plus représenté et nous pensons que ce n'est pas sans raison.

    Car il est des oeuvres, en particulier artistiques, qui rayonnent sur les hommes et l'humanité.

    Elle est si riche de symboles, que de nombreuses thèses ont été émises sur sa signification, thèses parfois reprises dans les innombrables interprétations qu'ont réalisées les metteurs en scène d'opéras du monde entiers.

    Oui, elle est vraiment magique, cette "Flûte enchantée", et magique à plus d'un titre:

    - dans sa musique, souvent hors de l'espace et du temps,

    - dans les intentions de son créateur et de tous les artistes qu'elle a inspiré,

    -enfin, dans le message que chacun peut comprendre qu'elle lui apporte.

    Aussi, nous ne rajouterons pas ce soir, une nième et nouvelle interprétation des (soi-disant) intentions qu'auraient eu Mozart, et le cercle de ses amis Schikaneder, Gieseke, etc...en créant ce chef-d'oeuvre.

    Non, nous seront plus modestes, car en réalité, qui peut prétendre savoir avec certitude ce que voulait nous dire Mozart ?...

    Une certitude: Mozart était sensible à tout un courant de pensée "Universel" et "spirituel". Et nous savons qu'il était en contact étroit avec les hommes et les cercles qui vivaient de cette pensée.

    Nous savons peu de choses sur la véritable vie spirituelle de W.A.Mozart.

    Certes ses biographes ont relaté tous les aspects extérieurs de la vie de ce musicien hors du commun.

    En particulier son adhésion à la Franc-Maçonnerie en 1783.

    Ses relations à Vienne avec tous les cénacles où les questions importantes du temps étaient débattues.

    Car la période 1781-1791 (1791: année de la mort de W.A.Mozart), a vu se cristalliser en Autriche, toutes les tendances, qui ont agité les grands mouvements de pensées en Europe, au 17 ème et 18 ème siècles.

    Depuis l'adhésion de François de Lorraine, alchimiste à ses heures, époux de Marie-Thérèse d'Autriche, à la franc-maçonnerie en 1731, Vienne était devenue la capitale maçonnique et le refuge de nombre de proscrits persécutés pour leurs idées par l'Eglise.

    Ainsi, les maçons de Florence pourchassés par l'inquisition trouvèrent-ils un havre de paix à Vienne.

    A Vienne, où les idées circulaient librement, venues de partout, de France notamment (la Révolution française étonnait et faisait peur à toutes les monarchies d'Europe mais provoquait un vif intérêt dans l'intelligentia).

    Il y avait aussi tous les courants Rosicruciens qui s'étaient propagés depuis l'Allemagne dès le milieu du 17 ème siècle,et avaient pénétré la société viennoise.

    Rappelons que c'est de 1614 à 1616, en pleine lutte entre Réforme et Contre-réforme, que paraissent et sont édités à Cassel, trois manuscrits: la Fama Fraternitatis, le Confessio et enfin les Noces chymiques de Christian Rose-Croix, attribués à: Jean Valentin Andrea et à une Fraternité mystérieuse de philosophes et de spiritualistes Rose-Croix.

    Si nous citons ces dates, c'est en ayant à l'esprit que sans doute Mozart avait eu recours à la numérologie pour faire savoir, discrêtement, qu'il était au fait de ces parutions. En effet si l'on compte le nombre de mesures des deux premières scènes de l'acte 2 de la flûte, on trouve 1387 et 1616. Rapprochons ces dates de celles-ci: 1378 année de naissance annoncée de Christian Rose-Croix (en intervertissant les deux derniers chiffres, procédé courant au 18ème siècle pour "dissimuler") et 1616 année de parution des Noces chymiques...

    Rappelons que les "Unions Chrétiennes" fondées en Angleterre, par Andréa ont recueilli, aidé et protégé les savants, érudits et philosophes pourchassés par l'inquisition catholique romaine sur le continent.

    Et non sans raison car les ouvrages d 'Andréa et de ses amis, redonnaient consistance et vie à tout un courant gnostique qui, à vrai dire ne s'était jamais éteint depuis les début du Christianisme, et avait laissé des traces partout dans l'histoire: Simon, Mani, les Bogomiles, les Cathares et tant d'autres.., et qui donnaient les clés de la reconstruction de l'homme originel divin aujourd'hui déchu.

    C'est donc aussi sur ce riche terreau que prospèrent alors les mouvements qui marquèrent toute cette époque et qui tentaient de manifester avec courage sur la scène du monde, l'idéal rosicrucien de la renaissance de l'Homme-Esprit.

    Ici, on ne peut oublier la féroce persécution dont furent victimes, de la part de l'Eglise catholique, les Camisard ces "cathares" apparus en Languedoc au 18ème siècle et qui, revêtus de leur chemise blanche (d'où leur nom) enseignaient la Gnose chrétienne en rejetant l'autorité de Rome.

    Rappelons aussi l'existence de la " Rose-Croix d'Or d'Ancien Système", ordre crée par la Loge des Trois Globes en 1777 à Berlin, qui revendiquait d'être la seule représentante de la Franc-maçonnerie authentique, et qui avait comme membre éminent le prince Frédéric-Guillaume héritier du roi de Prusse Frédéric le Grand, et aussi le Grand'Maître de la Grande Loge d'Autriche, Dietrischstein !

    Et comment passer sous silence les mouvements alchimiques de Bavière et en particulier celui des "Illuminés de Bavière" fondé en 1776 par Weishaupt et affilié à la franc-maçonnerie dès 1781.

    Certains historiens ont avancé que Mozart aurait été introduit par son parrain:Gemmingen, au sein des Illuminés de Bavière à Vienne, en 1783.

    Très secret dans son organisation, ce mouvement a d'ailleurs retenu toute la sympathie de Goethe ainsi que des révolutionnaires français comme Mirabeau, Condorcet, Camille Desmoulins, Brissot et tant d'autres qui ont porté très haut l'esprit humanitaire et social, aspect extérieur de la grande idée spirituelle que les Rose-Croix ont de l'homme.

    Tous ces mouvements se réclamaient de filiations maçonniques mais ils étaient d'inspirations très diverses.

    Et ils différaient tous en ce qui concernait les hauts grades dont les buts étaient plus intérieurs:

    - intégration de rites à visées alchimistes ou occultistes (Rose-Croix d'Or, Chevaliers d'Asie,...),

    - rites de Clermont,

    - rites de la stricte observance qui dominait dans les loges Viennoises et qui comptait sept grades répartis entre maçonnerie bleue (1-Apprenti, 2-Compagnon, 3-Maître), maçonnerie rouge (4-Apprenti et compagnon écossais, 5-Maître écossais) et maçonnerie capitulaire (6-Favori de St Jean et enfin 7- Élu).

    Mais revenons à Vienne où les loges maçonnique n'étaient certes pas nombreuses.

    On en comptait sept, plus une huitième hermétiste et rosicrucienne, fondée par un alchimiste (bien que bénédictin), Urban Hauer, abbé du monastère de Melk qui ne se satisfaisait pas du dogmatisme de l'Eglise et souhaitait une recherche plus haute.

    Dans la Franc-maçonnerie, il y a toujours eu des loges plus spirituelles qui tendaient à réaliser le plus pur idéal gnostique.

    Ces loges réunissaient tout ce que l'Empire comptait comme grands esprits, membres de la noblesse, et diplomates.

    L'une des sept loges établies, "La Vraie Concorde " était importante, quoique récente (1781). Animée par un personnage remarquable : Ignaz von Born, ancien jésuite, minéralogiste de profession, cette loge ambitionnait de réunir l'élite de Vienne, comme avait réussi à le faire, la loge "Les Neuf Soeurs " à Paris.

    Nous verrons d'ailleurs que lorsque l'action du second acte de la flûte débute, c'est par une marche solennelle des prêtres, serviteurs d'Isis et d'Osiris.

    Les musicologues, et en particulier le professeur Challey, rapproche cette marche liturgique de la "marche religieuse" d'Alceste de Gluck.

    Si nous notons ce détail, c'est pour rappeler que Voltaire fut initié en avril 1778 à la loge des "Neufs soeurs" à Paris et que précisément, cet air fut joué dans cette même loge lors d'une tenue funèbre en son honneur, peu de temps après sa mort....

    On a dit aussi que von Born fournit à Mozart son modèle pour Sarastro, (mais nous en reparlerons...)

    Toujours est-il que Mozart fut initié par von Born en 1783, dans une loge "fille" de La Vraie Concorde : la loge La Bienfaisance .

    Certes, d'après ce qu'on peut en savoir, Mozart ne pratiqua que la maçonnerie bleue mais il n'était sans doute pas sans ignorer les fondements et courants spirituels qui nourrissaient les travaux de tous les cénacles viennois si turbulents.

    Et on a établit que Mozart fréquentait assidûment "La Vraie Concorde" et son Maître en chaire, von Born.

    Sa propre loge, devint La Nouvelle Espérance couronnée après la parution d'un décret de l'Empereur Joseph II, qui soumettait à certaines restrictions les activités maçonniques à Vienne.

    La loge de Mozart regroupait les personnalités les plus influentes de la capitale et avait pour Vénérable Maître en chaire le comte Johann Esterhazy, chambellan impérial et royal.

    On y pratiquait selon un rituel empreint de religiosité et surtout on y respectait au pied de la lettre l'article 1 des Constitutions d'Anderson: "...un franc-maçon ne saurait être, de par sa tenue, athé stupide ou libertin irréligieux..."

     

    Mesdames, messieurs,

    On est donc loin du schéma simpliste, propagé par le cinéma, d'un Mozart, grand enfant plus ou moins attardé, bien que compositeur génial.

    Certes, la chronique rapporte que Mozart se reposait sur Constance son épouse, de presque toutes les obligations matérielles de la vie.

    Mais Mozart était de ces esprits éclairés dont cette époque fut si riche.

    Il participait à toutes les réunions importantes et avait sans aucun doute connaissance d'une grande partie du fond ésotérique et de la base théorique du gnosticisme dont nous allons retrouver certaines représentations dans la Flûte enchantée.

    Mozart était tellement attaché à sa loge qu'il y fit entrer les deux personnes qui lui étaient les plus proches: son père Léopold (initié le 6 avril 1785) et son meilleur ami Joseph Haydn (initié le 11 février 1785).

    On est loin aussi de la légende d'un Mozart méconnu, méprisé, pauvre et mort dans le dénuement.

    En 1791, W.A.Mozart avait perçu plus de 6000 florins en plus de son salaire à la cour, salaire qui était proche de celui de Salieri, compositeur officiel à la Cour.

    Mais Mozart avait des dettes (de jeu ?) et ses amis maçon après sa mort eurent à coeur de rétablir très vite la situation financière de sa veuve par quelques concerts sur souscription et la vente de manuscrits du Maître.

    Et il est établi maintenant que si son enterrement fut quasi solitaire, c'est que la paroisse de Mozart à Vienne, était dépourvue de cimetière, et qu'il y avait eu une épidémie de choléra à Vienne peu de temps avant la mort de Mozart.

    Or, un décret impérial interdisait à quiconque de suivre l'enterrement de toute personne morte de maladie inconnue si le cimetière n'était pas attenant à l'église....

    D'ailleurs, W.A.Mozart n'était pas un homme isolé. Il vivait entouré de ses amis maçons:

    - Philippe Artarias qui publiait toutes ses oeuvres.

    - Anton Stadler l'ami intime,

    - Paul Wrantzky auteur d'un opéra à succès "Obéron, roi des elfes "sur un livret de Gieseke. Ce dernier venait d'ailleurs de Ratisbonne où il avait connu Schikaneder, (livrettiste officiel de la Flûte), membre d'une loge de cette ville.

    Après la mort de Mozart, Paul Wrantzky, fut sollicité par Goethe pour mettre en musique une suite à la " Flûte enchantée "! (le projet n'a pas abouti...).

    Mais Gieseke aussi, était un ami de Goethe et il revendiqua toujours être l'auteur du livret de la Flûte dont, selon lui, Schikaneder n'aurait écrit que les rôles de Papageno et Papagena.

    Il y a là naturellement matière à polémique mais ce n'est pas là notre intention ce soir.

    Les historien rendront sans nul doute son dû à chacun.

    Venons en maintenant à l'oeuvre elle-même...

    On peut bien naturellement voir dans l'action et les personnages de la Flûte enchantée un antagonisme entre deux conceptions extérieures: le Bien et le Mal, L'homme et la femme, le monde ordinaire et les idéaux d'un univers maçonnique, etc, etc,...

    Bien des érudits en ont déjà débattu et nul doute qu'ils ne se disputent encore longtemps à ce sujet !!

    En ce qui nous concerne, nous allons essayer de voir les choses tout à fait différemment.

    Nous sommes intimement persuadé que Mozart a souhaité donner un message au monde.

    Par la profondeur des thèmes évoqués, La Flûte enchantée nous relie aux grands récits initiatiques du combat intérieur qui conduit le chercheur de vérité à la vie spirituelle.

     

    Mesdames, messieurs,

    Nous existons, dotés d'une personnalité entièrement adaptée à ce monde.

    Quand nous sommes dans la détresse, nous avons toujours la ressource de nous tourner vers une quelconque école de l'âme: religion, sciences, art, etc...qui nous réconciliera avec le monde, la société ou les hommes.

    Et entre les portes de la vie et de la mort, nous pourrons, certes, vivre sans nous poser un seul instant les questions fondamentales: Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ?

    Mais si posons le pied sur le sentier d'une recherche spirituelle, c'est alors que les premières interrogations apparaissent: qu'est-ce que la véritable vie, qu'y a-t-il après la mort, pourquoi des religions qui s'opposent, etc...?

    Alors des instructeurs se présentent: parfois des artistes inspirés qui manifestent l'intention de nous expliquer un processus !

    Ainsi, sans aucun doute, Mozart, étant donné le soin qu'il a pris à composer la "flûte enchantée" et l'intérêt qu'il y a porté jusqu'à sa mort, nous a transmis un message.

     

    Nous le comprenons ainsi:

    - Chacun des aspects de notre réalité microcosmique peut être symbolisée par un personnage de la flûte. Leurs noms n'ont d'ailleurs pas été choisis au hasard. Tamino et Pamina signifient (d'après le Mozart de Paul Nettl ): "homme et femme consacrés au dieu égyptien Min. .Papageno dérive du mot perroquet ( celui qui répète sans se poser de questions, celui qui ne vise qu'à reproduire les actes de la vie naturelle) . Sarastro évoque en nous le nom de Zoorastre l'initié. Monostatos semble être la contraction de "mono"(un) et de "statos" (statique, celui qui n'évolue pas...)

    - Chaque phase du chemin peut être vue, comme un épisode de l'aventure qui sera la notre notre, si nous entamons une recherche spirituelle. Car tous ses aspects sont souvent mal compris et il faut sans cesse l'expliquer.

    Il y a toujours eu des écoles des mystères pour enseigner la structure et la finalité inconnues de l'homme et le chemin qui est la base de toute initiation, de toute connaissance.

    Et la "flûte" témoigne à l'évidence que Mozart avait eu connaissance d'une telle philosophie.

    Papageno et Tamino parcourront ensemble les premières épreuves et retrouveront ensemble Pamina, comme le chevalier retrouve la princesse dans la " Belle au bois dormant ".

    Chercheurs de vérité, nous sommes donc Tamino qui pénètre dans ce paysage chaotique, sauvage, non entretenu du domaine de la Reine de la nuit.

    C'est notre monde, avec toutes ses contradictions, ses luttes et ses échecs, son absence totale d'harmonie.

    Nous sommes sans armes, attaqués par un serpent qui symbolise notre instinct vital le plus aveugle et contre lequel nous sommes impuissants.

    Et nous crions alors: " au secours ! " comme Tamino.

    Il nous faut impérativement dépasser les barrières élémentaires de la vie ordinaire pour accéder, non pas à la connaissance des mystères, nous n'en sommes encore pas à ce stade, mais seulement à la conscience d'un travail initiatique à accomplir.

    Le serpent de l'habitude, le serpent des instincts jusqu'ici assouvis, le serpent de la tentation à se laisser aller, dans le courant de ce monde nous poursuit continuellement.

    Comment y résister sans s'abandonner totalement à d'autres forces, sans "s'évanouir" symboliquement au monde des illusions.

    Ces forces sont représentées par Mozart sous les traits de trois Dames qui apparaissent toujours voilées.

    Elles s'annoncent comme étant les messagères de la Reine de la Nuit, ceci pour bien nous montrer que notre personnalité, qui appartient à ce monde, possède les trois pouvoirs naturels nécessaires pour quitter le royaume des ombres:

    -la force d'aspiration de notre coeur à renverser le cours établi des choses,

    -la puissance de la compréhension qui émane de notre tête

    -et enfin la volonté d'agir qui nous pousse à l'aventure spirituelle.

    Les trois dames apparaissent voilée car nos pouvoirs naturels sont également voilés aux yeux du monde qui n'attend de nous qu'un comportement conventionnel, "naturel".

    Après avoir vaincu le dragon, les trois servantes jouent alors une étrange comédie de la séduction vis à vis de Tamino: elle le veulent, possessivement, chacune pour elle-même.

    Et là aussi, devant cet univers nouveau qui s'ouvre à nous, trois orientations nous sont offertes comme trois tentations:

    -le mysticisme qui conduit souvent à une religiosité aveugle,

    -l'occultisme qui pousse à une recherche spéculative,

    -ou la tentation du pouvoir avec tous ses excès.

    Mais le danger s'éloigne et Tamino est réveillé par le babillage d'un nouveau personnage: Papageno qui symbolisera, l'aspect naturel de notre être.

    Il y a en tout candidat à la libération de l'âme, un Tamino et un Papageno.

    Mais il y a plus encore car le candidat aux mystères, ne réduit pas sa manifestation terrestre à la seule existence de sa personnalité.

    Il sait qu'il est l'hôte animateur d'un petit monde, d'un "microcosme" comme on pourrait l'appeller.

    Celui-ci abrite en son centre l'idée divine, symbolisée par Pamina.

    Mais dans cette sphère microcosmique, règne aussi le "moi supérieur", le très ancien, celui qui porte le Karma, qui domine totalement l'émotionnel de la personnalité.

    Cet aspect est symbolisé par Monostatos le maure, allusion au long passé du microcosme.

    Et il est vrai que ce qui retient notre âme prisonnière dans la vie et les passions, est l'être aural qui utilise toute la puissance du corps émotionnel de la personnalité. Monostatos veut Pamina lui aussi mais pour lui-même, pour en jouir à des fins naturelles et non pas lui rendre la possibilité d'exprimer les lois de l'Ordre de l'Esprit.

    Et de même que l'être aural est subtil et très rusé, Monostatos lui aussi camoufle toujours ses actes les plus inavouables, sous des apparences trompeuses.

    Ainsi, il a persuadé Pamina qu'elle était prisonnière de Sarastro.

    Or c'est faux.

    Pamina, l'âme divine endormie en nous, appartient au monde de la Lumière, c'est à dire au royaume de Sarastro, mais n'en est en aucun cas prisonnière.

    Pour l'instant, elle n'en a pas conscience.

    D'ailleurs Pamina découvrira la supercherie et se jettera, à la fin du premier acte, aux pieds de Sarastro:

    " Maître , je suis coupable, j'ai voulu fuir ta puissance. Mais la faute n'en est pas à moi. Le méchant Maure voulait m'imposer son amour. C'est pour cela, Maître, que je t'ai fui." .

    Et la Reine de la Nuit le sait bien elle aussi.

    Sa propre version qu'elle fait à Tamino, du soi-disant enlèvement de Pamina par Sarastro, sonne parfaitement faux.

    L'outrance et la haine apparaissent tout au long du récit.

    La musique le souligne.

    Mais elle a compris que Tamino est tombé amoureux de sa fille et elle va le lancer dans une quête dont elle espère que sa fille lui sera rendue.

    Il en va de même du chercheur de vérité qui est touché par un immense désir d'absolu.

    Le monde essaiera toujours de "récupérer" cette force d'amour à des fins ordinaires.

    Ici, de faire en sorte que la parcelle encore vivante du Divin en nous, puisse s'unir et se fondre, et se perdre dans l'idéalité dialectique.

    Cependant, les trois dames réapparaissent bien vite, d'abord pour délivrer Papageno.

    Car pendant toute cette phase préparatoire à l'initiation, il fallait que le naturel se taise, d'où le cadenas sur la bouche de Papageno, et que le chercheur agisse " en vérité ", d'où cette recommandation faite à Papageno de ne plus jamais mentir.

    Et maintenant, c'est avec toutes les ressources de sa personnalité naturelle donc, en compagnie de Papageno , que celui qui se lance sur un chemin d'accomplissement spirituel, Tamino, pourra réussir.

    Papageno et Tamino sont indissolublement liés.

    Et la suite du récit nous le montrera.

    D'ailleurs, chacun d'eux reçoit un instrument magique.

    Une flûte pour Tamino et des clochettes pour Papageno.

    La Flûte "magique" permettra à Tamino de recevoir l'aide divine.

    Car elle a été fabriqué, nous l'apprendrons plus tard, par le père de Pamina, Maître du domaine de l'Esprit, (et qui n'est pas Sarastro, gardien de ce domaine).

    Cette précision, nous confirme l'origine divine de Pamina. Pamina, c'est la parcelle du divin, prisonnière de la personnalité et qui, jusqu'à sa rencontre avec Sarastro croît même appartenir à ce monde de la chute, être la fille de la Reine de la nuit.

    Et Tamino usera quatre fois de sa flûte:

    - d'abord pour appeler Pamina, mais il ne recevra pas de réponse, pas plus que le candidat aux mystères ne peut y pénétrer par un effet de sa volonté.

    - Ensuite pour manifester sa joie, et se rendre compte que le son de cet instrument "charme" les "hommes-sauvages" (selon une précision du livret et que les metteurs en scène transgressent toujours en figurant des animaux charmés par la flûte de Tamino.

    Il est fait allusion ici à la puissance du souffle divin sur l'homme de la masse, l'homme "animal", c'est à dire "animé" par les seules forces de ce monde, et qui devient réceptif à "autre chose" que sa vie naturelle.

    - Puis, après le début de son initiation, c'est à dire après avoir acquis quelques dons spirituels, lorsqu'il appelle à nouveau Pamina au second acte et que cette fois elle vient à lui, cette nouvelle âme-Esprit réveillée mais vis à vis de laquelle il doit encore demeurer silencieux.

    - Enfin Tamino utilisera les pouvoirs de son instrument pour franchir le monde des enfers, mais nous y reviendrons.

    Papageno, lui, reçoit des clochettes et chaque fois qu'il s'en servira, ce sera pour résoudre un problème lié à l'aspect naturel de la personnalité du chercheur qu'il symbolise:

    - pour "apprivoiser" Monostatos au 1er acte et échapper à sa colère. Donc, imposer sa volonté à l'être aural qui pressentant sa défaite veut punir Pamina et Papageno.

    - pour "appeler" sa Papagena, son double au féminin. Le chercheur, sur son chemin, ne doit pas faire appel qu'à ses possibilité martiennes naturelles (Papageno), sa volonté supérieure, mais aussi posséder des qualités de coeur symbolisées par l'aspect vénusien de Papagena, l'amour véritable.

    Ainsi donc tout est prêt pour le grand voyage initiatique.

    Tamino a pris conscience de sa mission.

    Il a dans son coeur la flamme de l'amour qui le pousse, le désir de l'accomplissement divin.

    Il possède le moyen de vaincre, grâce à la magie gnostique: la flûte enchantée, dont il ne sait pas encore se servir.

    Papageno, l'aspect naturel du candidat est naturellement du voyage.

    Il ne manque qu'une indication au chercheur débutant: où aller ?

    Où est le domaine de l'Esprit ?

    Comment ne pas se perdre ?

    Tamino ne peut se tourner vers ses pouvoirs naturels pour le guider: Dans l'opéra, les trois dames se voilent la face et disparaissent.

    Alors apparaissent, comme venant du ciel, trois jeunes garçons qui symbolisent trois nouveaux pouvoirs en croissance.

    Expliquons ceci.

    La clé de cette situation nouvelle nous la voyons ainsi:

    La première initiation fondamentale place le candidat devant le plan lumineux de Dieu par rapport à lui, l'homme (phase esquissée au début de la Flûte par les pérégrinations de Tamino, l'épisode du dragon, la rencontre avec Papageno ) .

    La deuxième initiation fondamentale lui donne mission et aussi la possibilité d'entreprendre le processus de régénération ( ici Tamino reçoit des trois dames et de la Reine de la Nuit sa mission: délivrer Pamina, et l'instrument de sa nouvelle liaison avec le divin, la flûte magique ).

    Le candidat réfléchit alors à la troisième initiation, l'initiation de Mercure...le Messager des Dieux qui, d'après l'antique savoir, fut toujours relié au penser supérieur, compris selon la nature comme selon l'esprit.

    Ainsi pouvons-nous témoigner d'un ancien Mercure et d'un nouveau Mercure, le Mercure de la nature terrestre ( les trois dames messagère de la Reine de la nuit ) et le Mercure à venir de l'homme céleste ( esquissé par l'apparition des trois enfants qui guideront Tamino ).

    Le grand voyage commence donc pour Tamino et Papageno guidés par les nouvelles forces qui les animent.

    L'opéra nous montre maintenant Pamina échappant à la convoitise de Monostatos,qui la veut pour lui seul, en invoquant le nom de Sarastro.

    Elle se réfugie dans un bois de palmiers, ce qui dans la langue des mystères, signifie arriver à la limite au-delà de laquelle le champ de la résurrection de l'âme-esprit, lui est ouvert.

    Les textes gnostiques du début du christianisme montrent Jésus enseignant ses secrets dans un bois de palmiers.

    La rencontre qui survient alors, permet à Papageno de préparer Pamina à l'arrivée du prince Tamino qui vient pour la délivrer.

    Rappelons-nous que ce sont les fluides porteurs de l'âme naturelle (le sang, les sécrétions internes, le fluide nerveux, le feu du serpent, la conscience ), donc l'aspect naturel de la personnalité (Papegeno ) qui véhiculent dans tout le système de la personnalité du candidat les forces nouvelles qui conduisent le processus de re-naissance de l'âme-esprit.

    Il est donc cohérent que ce soit l'aspect naturel de la personnalité qui prenne conscience en premier de la possibilité de renaissance endormi en nous.

    Le récit nous montre ensuite Tamino arrivant, conduit par les trois enfants, et nous avons vu quel sens donner à ce symbole.

    Des conseils de comportement sont donnés à Tamino: "Sois ferme...constant...silencieux".

    Tant il est vrai que le candidat aux mystères a besoin d'être exhorté fermement: "Sois un homme et tu vaincras en homme ".

    Le chemin de l'initiation passe obligatoirement par une véritable connaissance de soi.

    Rappelez-vous ce qui était inscrit au fronton du temple de Delphes: "Homme, connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les dieux ".

    Et pour cela, on est seul.

    Il y a une décision à prendre.

    Quel temple choisir, se demande Tamino? Le temple de la Nature, ou celui de la Raison ou bien encore celui de la Sagesse ?

    Mais pour lui, il n'est qu'une voie possible: celle du coeur et au prêtre qui l'accueille et lui demande ce qu'il "cherche dans ce lieu saint ", il répond "l'Amour et la Vertu ".

    Et notez bien qu'il ne répond pas "Pamina " !

    C'est à cet endroit précis du récit que pour le spectateur non averti, l'histoire de l'opéra de Mozart "déraille".

    On était confortablement installé dans une histoire naturelle d'amour et tout à coup le ton change, la musique change elle aussi de tonalité, elle se fait solennelle.

    On pénètre dans un récit d'une haute portée spirituelle.

    Nous espérons que les explications qui ont précédées vous ont préparé à suivre maintenant Tamino, l'aspect le plus noble du chercheur de vérité, sur la voie des mystères.

    Dans le dialogue que Tamino engage avec un prêtre (l'Orateur), sur le seuil du temple de la Sagesse, une partie de la vérité lui est dévoilée.

    Oui, Sarastro règne sur le monde de l'Esprit. Non, Sarastro n'a pas enlevée Pamina. Oui, la Reine de la Nuit a abusé Tamino.

    Pourquoi ce mystère ? Impossible de le révéler à qui n'a pas apporté la preuve qu'il en est digne.

    Désespoir du candidat aux mystères, de Tamino, qui ne reçoit aucune assurance sur sa recherche.

    Et la scène se termine sur ces paroles:

    "Quand cette nuit éternelle finira-t-elle ?

    Quand mes yeux seront-ils touchés par la lumière ? "

    Notons qu'ici, on ne prononce pas non plus le nom de Pamina mais on invoque la force qu'elle représente.

    Ainsi le candidat est maintenant introduit dans le mystère de l'âme-esprit. Pamina, l'âme-esprit, n'a été soustraite aux desseins du monde naturel que pour être protégée et attendre d'être délivrée par l'amour d'une personnalité qui se voue à sa recherche.

    Et le chercheur qui invoque alors l'aide divine, reçoit une première réponse.

    Tamino joue de sa flûte magique et c'est Pamina court vers lui, toujours accompagnée de Papageno.

    Mais c'était sans compter avec l'ennemi intérieur de toujours, Monostatos, celui qui veut que rien ne change, qui va se saisir des deux fugitifs quand brusquement, il est neutralisé par le son des clochettes que Papageno a l'heureuse idée de faire sonner, et qui, le dialogue le précise, symbolisent l'harmonie.

    Entre alors, Sarastro en cortège solennel. C'est là, sa première apparition.

    Non seulement il excuse la fuite de Pamina mais il lui révèle seulement maintenant, que c'est à dessein et pour son bien, qu'il la retient loin de sa mère.

    Tamino, conduit par Monostatos, se trouve pour la première fois en présence de Pamina.

    Il y a "reconnaissance" mutuelle et un premier lien s'établit entre eux.

    En d'autres termes, on retrouve ici l'instant de la première liaison entre les deux centres de conscience:

    -de la tête: jusqu'ici la recherche de Tamino était en effet encore très "théorique",

    -et du coeur siège l'âme esprit en devenir.

    Le temps des épreuves va maintenant commencer et Sarastro ordonne de voiler la tête des deux héros, Tamino et Papageno et de les conduire au Temple.

     

    Fin du premier acte.

     

    Le décor du second acte de la "Flûte enchantée" représente une palmeraie: nous sommes donc à l'orée du champ de la résurrection de l'âme-esprit.

    Rappelons-nous que la tradition ésotérique chrétienne symbolise toujours par des arbres feuillus les domaines de la félicité éternelle, et mieux ici, les palmes sont d'or, pour bien marquer que ces domaines sont ceux de l'Esprit universel.

    Dix-huit sièges sont disposés, chacun surmonté d'une pyramide et d'un cor. Le nombre dix-huit, nous le retrouverons puisqu'il fera plus tard référence au grade de frère "Rose-Croix" dans les hauts grades de la franc-maçonnerie.

    C'est aussi 1+8=9, le nombre de l'homme: les trois centres triplement renouvelés !

    Nous sommes à cet instant au coeur du mystère qui va se dérouler ici.

    L'action débute par la marche solennelle des prêtres, serviteurs d'Isis et d'Osiris, dont nous avons déjà parlé dans la première partie de notre entretien.

    Suit alors une délibération des frères initiés et Sarastro, qui connait les mystères va nous donner maintenant la clé de l'opéra:

    Tamino s'il triomphe des épreuves initiatiques, sera uni à Pamina et tous deux régneront et protégeront le Temple de la sagesse.

    On ne peut s'empêcher de voir ici dévoilé, le but sublime assigné par Dieu à chaque homme: réaliser en lui les "Noces Alchymiques", vouer totalement la personnalité à l'âme-esprit, et avoir ainsi part à la sagesse qui procède de l'Esprit-Saint.

    Tamino, jugé digne de l'initiation, va maintenant courir de grands dangers et il est vrai que le candidat sur le chemin doit purifier, et non sans risques sa tête, son coeur, et son bassin, siège de sa psyché la plus profonde et de sa volonté.

    Sa tête d'abord et c'est pourquoi symboliquement Tamino est laissé seul (avec Papageno cependant) dans une obscurité qui doit lui rappeler la nuit de l'ignorance dans laquelle il est encore.

    Une réflexion de Papageno est significative: "C'est tout de même étrange, chaque fois que ces messieurs nous quittent, on a beau écarquiller les yeux, on n'y voit rien ! " .

    Il est possible de comprendre ceci comme une allusion au rôle important (ce n'est pas le seul), des École des Mystères, représentée ici par le collège des prêtres, en tant que corps de l'enseignement .

    Être relié à une source spirituelle, est assimilé ici à l'idée d'être exposé à la Lumière.

    Mais dans cette première épreuve de la re-connaissance des mystères, les tentations sont nombreuses.

    Elle sont symbolisées dans la "Flûte" par les trois dames qui réapparaissent et tentent de détourner Tamino et Papageno de leur mission.

    Mais elles échouent et son chassées par les prêtres.

    Entre-temps la puissance de l'être aural, de Monostatos, aura essayé de corrompre Pamina, "cette fleur (la Rose) transplantée sur un sol étranger (l'étincelle divine appartenant à l'autre royaume et incarnée en ce monde de la chute) ".

    Il est interrompu par la Reine de la nuit qui a fomenté le projet de récupérer "le soleil aux sept auréoles " dont Sarastro est le gardien depuis la mort du père de Pamina.

    La Reine brûle du désir de posséder l'Esprit-Saint septuple elle aussi.

    Et il est vrai que le monde brûle d'un désir de perfection naturelle, d'une soif d'idéalité.

    L'Enseignement Universel nous répète pourtant constamment que cet "ici-bas" est le monde de la dualité, des antagonismes, du chaud et du froid, de l'amour naturel et de la haine, du bien et du mal.

    Notre monde est, et restera toujours étranger au monde de l'Esprit.

    La Reine de la nuit sait bien cela et cet état lui inspire de la vengeance.

    Elle ordonne à Pamina de tuer Sarastro et de lui dérober ce fameux cercle solaire aux étranges pouvoirs qu'elle convoite.

    Ce sera évidemment chose impossible pour Pamina que de commettre un meurtre aussi horrible.

    Car elle est du royaume où règne l'Esprit-Saint septuple.

    D'où son désespoir car elle espérait tout, de Tamino, le soi supérieur qui devait se consacrer à lui redonner ses pouvoirs de reconstruction.

    Son désespoir est exploité par Monostatos qui, à son tour, se livre à un odieux chantage et menace de la dénoncer à Sarastro.

    Mais ce dernier, serviteur de la Fraternité, veillait.

    Il a tout compris et le chasse à son tour, tout en révélant à Pamina le projet que la fraternité a formé pour elle et Tamino ( si celui-ci parcourt victorieusement le chemin de l'initiation): les Noces alchymiques du corps et de l'Esprit.

    Alors Tamino, toujours accompagné de Papageno, est introduit dans la seconde épreuve: celle du silence.

    Après la purification du mental se présente maintenant au candidat aux mystères , la phase de l'initiation qui concerne l'émotionnel de l'homme et qui se passe au niveau du foyer du coeur.

    Rien ne pourra jamais pénétrer de la lumière des mystères en nous, si l'agitation de nos sens, si nos désirs égocentriques, dominent encore notre personnalité.

    Un chemin spirituel se fait aujourd'hui à l'aide de la personnalité toute entière et comme le dit l'Evangile: "Jésus, le fils de Dieu s'est incarné (en nous, si nous rendons la chose possible), pour nous sauver " , c'est à dire permettre à notre microcosme de retourner au royaume de son créateur.

    Apaiser son corps émotionnel, c'est entrer dans le silence et le respecter.

    C'est exactement ce qui est demandé à Tamino, dont le travail est constamment perturbé par le comportement futile de Papageno qui jacasse avec une créature.

    Et pourtant Tamino pour respecter son voeux, ira même jusqu'à feindre d'ignorer Pamina qui apparaît devant lui, au grand désespoir de cette dernière.

    Ceci montre que sur le chemin, le candidat doit être silencieux, même devant une première manifestation de son âme en devenir, tant qu'il n'a pas été ennobli à travailler avec elle.

    Notons au passage que Pamina a été attirée par le son de la flûte qui a été rendue à Tamino par les trois jeunes garçons apparus " dans une machine volante couverte de roses ", selon le livret de l'opéra.

    Et l'épreuve se poursuit car Tamino, même en présence de Sarastro doit encore ignorer Pamina une seconde fois avant gagner le lieux de sa troisième initiation.

    Il reste encore maintenant au candidat, à parvenir au renouvellement du centre de sa volonté.

    Mais maintenant, le candidat possède la conscience de l'âme.

    C'est la raison pour laquelle nous voyons Pamina rejoindre Tamino et c'est ensemble qu'il vivront la troisième épreuve.

    Entre-temps, Papageno aura été présenté à sa future Papagena encore déguisée en vieille femme.

    Et les trois jeunes garçons auront persuadé Pamina qu'elle est aimée et qu'ils vont la mener vers Tamino.

    On peut encore dire ceci en d'autres termes.

    Avec le nouveau penser, et lisant le plan divin, le candidat participe déjà aux lois de l'Ordre de l'Esprit.

    Mais en possession du nouveau sentir, " la Force divine l'accompagne dans son voyage aux pays étrangers, au service de la Lumière ", nous précise le livret.

    Pamina accompagnera Tamino dans la traversée des flammes qui symbolise l'ultime voyage initiatique: celui de la purification du troisième centre animateur de la personnalité, le centre du subconscient, qui doit absolument être débarrasser de tout son passé et purifié karmiquement.

    C'est la victoire sur le dragon, le gardien du seuil, le très ancien, l'être aural.

    Pamina, l'âme nouvelle, guidera les pas de Tamino.

    " C'est moi qui te conduit,

    l'amour me guidera !

    Il parsèmera notre chemin des roses,....".

    Une aide supplémentaire apparaît sous l'aspect de deux hommes revêtus d'une armure noire qui vont servir de guide.

    Ceci semble nous indiquer que maintenant, le candidat qui va courir de grands dangers sera protégé par la double armure de sa foi et de sa détermination nouvelle.

    Les deux hommes lisent une inscription gravée sur une plaque, et qui reproduit, dit-on, celle gravée sur le tombeau d'Hiram Abiff, le maître constructeur du Temple de Salomon, et qui se termine par cette adresse au candidat: " ...L'esprit éclairé, il pourra alors se vouer entièrement aux mystères d'Isis ".

    Autrement dit, ayant laissé pénétrer en lui la Lumière divine, il pourra se consacrer entièrement à sa tache de transfiguration du corps, de l'âme et de l'Esprit.

    On comprend mieux alors maintenant pourquoi c'est au son de la flûte magique, l'instrument de l'Esprit-Saint sur le chemin, que le couple spirituel Tamino-Pamina, va pénétrer d'abord dans la réalité de sa psyché, domaine des extrêmes, des opposés, de la lutte qui est très bien symbolisé à la fois par l'eau et par le feu, et telle que nous l'a si bien décrit Dante dans la divine comédie .

    Dans le même temps, Papageno aura enfin trouvé la paix, et sa Papagena, et les forces du monde naturel se seront effacées devant la puissance du monde de l'Esprit.

    Une dernière apparition de Monostatos avec ses sbires, guidant la Reine de la Nuit et ses trois Dames vers le Temple, nous indique que jusqu'à la fin du processus de libération, la nature essaye de s'y opposer en s'appuyant l'être aural, le gardien du seuil

    Mais ils disparaissent tous: " Notre pouvoir est écrasé, anéanti, nous sommes plongés dans la nuit éternelle".

    L'opéra se termine sur un final des prêtres et la victoire des Noces Alchymiques:

    " Gloire à vous, initiés !

    Vous avez traversé les ténèbres. "

     

    Mesdames, messieurs,

    Notre intention était de vous apporter, ce soir, non pas un argumentaire de plus, une explication nouvelle mais un témoignage: comment un chercheur de vérité comprend, ressent et vit cet opéra merveilleux qu'est la "Flûte enchantée".

    Et nous n'avons rien dit de l'essentiel: de cette musique sublime que Mozart, comme par un don des dieux, a accordé à son récit.

    Nous ne résistons pas à l'envie de vous citer ces quelques mots de Goethe à propos de la "Flûte enchantée" de Mozart:

    "Il faut plus de savoir pour reconnaître la valeur de ce livret que pour la nier.(...) Il suffit que la foule prenne plaisir à la vision du spectacle: aux initiés n'échappera pas, dans le même temps, sa haute signification."

     

    Si nous avons pu ce soir, vous faire un peu mieux comprendre que parcourir un chemin spirituel, ce n'est pas "croire" en quelque théologie, adhérer à un mouvement ou une église, mais que c'est vivre soi-même une grande aventure, nous aurions rempli une mission essentielle: enseigner ce chemin .

    Cette quête, dont nous avons retrouvé quelques aspects, grâce au symbolisme des personnages, des paroles, de l'action et de la musique de la "Flûte enchantée", est la mission assigné à tout homme.

    Nous allons vous laisser maintenant, munis de ces quelques clés regarder peut-être d'un oeil nouveau ce magnifique film qu'I.Gergman a tiré de l'opéra de W.A.Mozart: « La flûte enchantée ».

     

    Mesdames, messieurs,

    nous vous remercions pour votre bienveillante attention.




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