• LES DEUX MARIAGES EN ALCHIMIE


    Par Emmanuel LE BOUTER



    Le but de cet article est d’essayer d’éclaircir un point de l’oeuvre alchimique assez complexe de prime abord : le concept des deux mariages. Une définition personnelle des termes les plus importants en alchimie et nécessaires à la bonne compréhension de l’article est tout d’abord fournie. Puis les deux mariages alchimiques sont traités de manière systématique en mettant en parallèle les notions de laboratoire et d’oratoire.
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    The Two Marriages in Alchemy
    Emmanuel Le Bouter
    9, rue de Chatou 78800 Houilles, France
    Abstract
    The purpose of this article is to try to shed some light on an aspect of the alchemical work, which at first seems very complex: the concept of the two marriages. A personal definition of the most important terms in alchemy, which are necessary to understand the article, is first given. Then, the two alchemical marriages are covered in a systematical manner, putting in parallel the notions of laboratory and oratory.
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    Las Dos Bodas en la Alquimia
    Emmanuel Le Bouter
    9, rue de Chatou 78800 Houilles, France
    Extracto
    El objeto de este artículo es el de tratar de aclarar un punto de la obra alquímica, el cual a primera vista, parece ser muy complejo: el concepto de dos bodas. Primeramente se da una definición personal de los más importantes términos en la alquimia, lo cual es necesario para poder entender el artículo. Después en forma sistemática se tratan las dos bodas alquímicas, exponiendo en paralelo las nociones del laboratorio y de la oratoria.
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    As Duas Uniões em Alquimia
    Emmanuel Le Bouter
    9, rue de Chatou 78800 Houilles, France
    Sumário
    O objetivo deste artigo é tentar esclarecer um ponto sobre um aspecto no trabalho alquímico, que no início parece muito complexo: o conceito das duas uniões. Uma definição pessoal dos termos mais importantes em alquimia, que são necessários para compreender o artigo, é fornecida em primeiro lugar. Depois, as duas uniões alquímicas são cobertas em uma maneira sistemática, pondo em paralelo as noções de laboratório e oratório.
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 73 www.rosecroixjournal.org
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    Die Zwei Hochzeiten in der Alchemie
    Emmanuel Le Bouter
    9, rue de Chatou 78800 Houilles, France
    Zusammenfassung
    Die Absicht dieses Artikels is die Erlaeuterung eines Aspekts der Alchemie, dass auf den ersten Blick sehr kompliziert erscheint: Der Begriff der zwei Hochzeiten. Am Anfang ist eine persoenliche Definition der wichtigsten Begriffe der Alchemie gegeben die zum Verstehen des Artikels notwendig sind. Dann sind die zwei alchemischen Hochzeiten auf systmatische Weise behandelt, wobei die Ideen von Labor und Redekunst parallel gestellt sind.
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    Introduction
    Voici ce que dit de manière synthétique Jean D’Espagnet dans le paragraphe 58 de son Oeuvre secret de la philosophie d'Hermès à propos des deux mariages alchimiques : «Prenez la Vierge ailée après qu’elle aura été bien lavée, purifiée et engrossée de la semence spirituelle d’un premier mâle, restant néanmoins encore vierge et impolluée, bien qu’elle soit enceinte. Tu la découvriras à ses joues teintes d’une couleur vermeille ; allie la, et accouple la à un second mâle (sans que pour autant elle doive être soupçonnée d’adultère) de la semence corporelle duquel elle concevra à nouveau. Ensuite elle enfantera une lignée vénérable, qui sera de l’un et de l’autre sexe, et où prendra son origine une race immortelle de Rois très puissants ».
    Pour cela, après avoir défini certains termes alchimiques, nous allons aborder cette notion de deux points de vue : celui du laboratoire et celui de l’oratoire.
    Les citations sont toutes extraites du livre "L'Oeuvre secret de la philosophie d'Hermès" de Jean D'Espagnet. Une partie des définitions de certains termes est basée sur le dictionnaire mytho-hermétique de Don Antoine-Joseph Pernety.
    1. Termes utilisés
    Pour commencer, débroussaillons la signification de certains termes alchimiques.
    Il existe en alchimie cinq protagonistes principaux :
    1.1.
    La Prima Materia
    La Prima Materia est la première inconnue du Magistère.
    Le premier travail consiste à distinguer Prima Materia de Materia Prima. En effet, même si linguistiquement ces deux termes semblent être synonymes, ce n’est pas le cas. La Materia Prima (matière première en français) est ce qui a été utilisé par Le Un pour la création. C’est les Eaux de la Genèse. Ces Eaux sont le principe Mercure à son plus haut
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    degré de pureté et donc totalement spirituel. Il est le prélude à la génération du Chaos. Le Chaos lui-même étant la source de la création de la matière.
    On comprend donc la vision du Monde des alchimistes qui précise que l’Esprit est en toute chose. En effet, l’Esprit est associé au principe Mercure. Le principe Mercure étant à l’origine du chaos qui est lui-même l’origine de toute matière, il est donc présent en toute chose. Pour faire simple, on peut dire que la Materia Prima, le principe Mercure spirituel, l’Esprit, est contenu en toute chose et en est la plus pure partie. C’est en quelque sorte leur Divinité. C’est cette graine d’Esprit que les alchimistes cherchent à extraire et à exalter de leur matière de travail. Le Haut étant comme le Bas, ils s’attirent. Le fait de manifester cet Esprit en l’extrayant de la matière permet alors d’attirer à soi l’Esprit universel. Le microcosme appelle le macrocosme.
    La Prima Materia est, quant à elle, la matière de base sur laquelle l’alchimiste va travailler. Au contraire de la Materia Prima, elle n’est pas pure et est physique, matérielle. Il est donc nécessaire de la purifier afin d’en extraire l’Esprit et de le rendre manifeste. La Prima Materia est composée de trois principes :
    - Le principe mercure qui est la partie volatile, féminine, passive.
    - Le principe soufre qui est la partie fixe, masculine, active.
    - Le principe sel qui est la partie stable, neutre (voire légèrement masculine), coordinatrice.
    On peut dire que le principe mercure, que l’on extrait de la Prima Materia lors du Grand OEuvre, est l’équivalent matériel de l’Esprit spirituel.
    Les alchimistes s’accordent à dire que le mercure peut suffire à réaliser le Grand oeuvre en entier. C’est vrai. Mais la difficulté est accrue dans ce cas, car il faut réussir à coaguler, fixer et stabiliser le principe mercure sans utiliser d’adjuvants comme le principe soufre et le principe sel dont les qualités sont intéressantes. Cette manière de faire est l’apanage des Adeptes de haut niveau et nécessite un niveau spirituel très élevé.
    Dans le cas classique, c’est le principe soufre qui fixe le principe mercure. Il agit comme le souffle (soufre…) divin sur les Eaux de la Genèse. Mais l’action du soufre sur le mercure est souvent décrite comme un combat, un mariage houleux par les alchimistes. En effet ces deux principes étant antithétiques, il est difficile de les harmoniser. C’est là le rôle du principe sel. Il tempère les ardeurs du principe soufre et ouvre le mercure (le réincrude, c’est à dire rend sa nature très proche de celle qu’il avait à l’origine de la création, donc plus ouvert et apte à être le terreau d’une future création qui prend ici la forme d’une génération). De plus, il stabilise les réactions en captant l’énergie en trop plein avant de la restituer plus tard dans l’oeuvre, quand les deux protagonistes sont calmés. On peut prendre l’homme et la femme comme comparaison. Ils sont tellement différents dans leur nature (tout en étant complémentaires), qu’ils ont des difficultés à s’entendre.
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 75 www.rosecroixjournal.org
    Mais lorsqu’un médiateur est présent (et pas n’importe lequel, ce n’est pas pour rien que le principe sel est associé à l’Amour), c’est-à-dire l’Amour, les deux peuvent ne faire qu’un et engendrer un enfant.
    C’est la même chose en alchimie. Le mariage des principes soufre et mercure par le biais du principe sel donne naissance au roitelet, l’androgyne, l’enfant royal.
    En partant de cette constatation, laquelle nous dit que l’Esprit que l’on recherche est contenu en toute chose, il nous paraît logique de dire que toute matière peut servir de base au travail alchimique. Il est vrai que certaines matières s’y prêtent plus que d’autres. Depuis l’apparition de l’alchimie, beaucoup de matières ont été utilisées pour mener à bien le Grand OEuvre. On en recense environ une trentaine et donc le même nombre de « voies alchimiques ».
    Certaines Prima Materia ont été dévoilées, d’autres restent secrètes. Voici une présentation des deux voies alchimiques les plus connues :
    - La voie de l’antimoine et du fer.
    Dans celle-ci, le principe soufre est extrait du fer et le principe mercure est extrait de la stibine. En effet, stibine et antimoine ont souvent été confondus. La stibine est un sulfure d’antimoine. L’antimoine est un métalloïde. Le régule dont parlent certains auteurs est en fait le métalloïde antimoine extrait de la stibine par une réaction d’oxydoréduction à chaud (nommée coupellation) avec le fer. Le principe sel est composé de deux sels : le nitre et le tartre. - La voie du cinabre.
    Dans cette voie, le principe soufre et le principe mercure sont extraits d’un minerai de mercure Hg nommé le cinabre. Le principe sel est la potasse KOH.
    Il y a une subtilité que ne relève pas cette brève description. Car en fait le mercure et le soufre vulgaires contenus dans le minerai naturel ne sont pas les principes soufre et mercure de cette voie. Il reste à découvrir comment fabriquer « Notre » Cinabre. Et c’est de lui que sont extraits les véritables principes soufre et mercure qui serviront à l’oeuvre. Ce ne sont plus alors les mêmes éléments que ceux qui ont permis de fabriquer notre cinabre. On peut donc dire que l’appellation « voie du cinabre » est un abus de langage.
    Il existe de nombreuses matières, plus ou moins connues, plus ou moins surprenantes, qui servent à réaliser le Grand OEuvre : eau, terre, argile, charbon, pyrite, marcassite, galène… A chacun de trouver sa matière miroir, son révélateur personnel.
    1.2.
    Le principe Mercure
    Ce principe est le principe originel. Il est féminin de nature, mais androgyne en puissance. C’est le principe qui existe depuis le début. Il est le véritable sens de l’Unité. Avant la création du monde, il était le seul. Tout et Rien en même temps. Dieu en puissance mais non créateur. Puis de lui est « sorti » le principe créateur, c’est à dire fixateur. Ce dernier est le principe Soufre. Dès le moment où la dualité Soufre/Mercure est apparue, le
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    Mercure est alors « définissable » : ce sont les Eaux originelles dont parle la Génèse. Le principe Soufre est alors le souffle divin.
    Comme nous l’avons vu dans précédemment dans le paragraphe sur la Prima Materia, le principe mercure est l’un des trois composants de la matière.
    Ses caractéristiques les plus connues sont sa volatilité, sa passivité et son association avec le principe féminin.
    Le principe mercure correspond à l’Esprit du point de vue interne. Nous ne parlons pas ici de l’esprit assimilé au mental, à l’intellect ou à la raison. Nous faisons référence à l’Esprit en tant que parcelle de la divinité.
    Du point de vue matériel, le principe mercure correspond à ce qui est volatil dans la matière. On peut, de manière simplifiée, parler de ce qui est liquide dans la matière, mais aussi de ce qui s’en échappe le plus rapidement lors de la cuisson de celle-ci. Les Philosophes sont parfois envieux tout en paraissant charitables. Dans certaines voies en effet, la matière obtenue après la conjonction des principes soufre et mercure peut se liquéfier. Les Adeptes sont alors tout à fait logiques lorsqu’ils appellent ce liquide « mercure ». Mais ce n’est pas le principe mercure.
    Le jeu sur les mots est un sport apprécié chez les alchimistes. Et le mot mercure est employé plus que de raison afin de perdre les néophytes. Mercure, mercure des Sages, mercure philosophique… sont autant de termes paraissant synonymes et qui pourtant sont loin de signifier la même chose.
    Pour simplifier un peu, nous allons expliquer de manière succincte à quoi correspondent certains termes employant le vocable « mercure » en nous basant sur des termes donnés dans le dictionnaire mytho-hermétique de Don Pernety :
    - Mercure (sans adjectif) : principe mercure
    - Mercure dissolvant : dissolvant universel, alkaest
    - Mercure blanc des Sages : Pierre au Blanc obtenue à la fin du 2ème OEuvre
    - Mercure au rouge : Pierre Philosophale
    - Mercure universel : principe mercure spirituel, l’Esprit
    - Mercure crud : alkaest, lion vert (on dit lion vert car il n’est pas mûr, il est cru)
    - Mercure préparant : alkaest
    - Mercure du couchant : Pierre au Blanc
    - Mercure stérile : principe mercure dépouillé de toute trace de principe soufre
    - Mercure couronné : Elixir Vitae
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    - Mercure sulfuré : principe mercure juste après son extraction. Il contient encore du soufre, son « grain »
    - Mercure animé : mercure philosophique. C’est en fait l’alkaest dans lequel on a dissout le principe soufre. C’est le stade qui prélude à l’apparition de la remore, le roitelet. - Mercure double (ou deux fois né) : mercure philosophique. On le dit double ou deux fois né car il a subi les deux mariages
    - Mercure de vie : liquide permettant la transmutation à froid des métaux. C’est un sous-produit de la poudre de projection (pierre philosophale distinguée afin d’agir sur le règne métallique). - Mercure mystérieux : mercure de vie
    - Mercure cristallin : mercure Hg distillé plusieurs fois et réduit en cristaux transparents.
    - Mercure vulgaire : mercure métal, de symbole Hg
    - Mercure commun : principe mercure non purifié
    Ces définitions sont générales. Il faut savoir que tous les auteurs ne pratiquent pas la même voie, n’ont pas la même culture, ni la même religion ou les mêmes croyances. Du coup les définitions peuvent changer suivant les auteurs. Un travail rigoureux d’analyse de textes est donc toujours indispensable.
    1.3.
    Le principe Soufre
    C’est le principe actif, créateur, fixateur. Sans lui la multiplicité telle que nous la connaissons (et que nous appréhendons surtout sous la forme matérielle) n’existerait pas. Il est masculin de nature. Royal dans le sens où c’est lui qui « décide » de la forme et des qualités de chacun des éléments de la multiplicité.
    C’est le deuxième composant de la matière. Ses principales caractéristiques sont sa fixité, son activité et son association avec le principe masculin.
    Du point de vue interne, le principe soufre équivaut à l’âme. C’est ce qui est sujet à évolution chez l’être humain. Ce qui doit se purifier afin d’être digne de se fondre dans l’Unité, ou plutôt dans la parcelle d’Unité que chacun a en lui sous la forme de l’Esprit. Du point de vue matériel, le soufre peut prendre plusieurs apparences.
    Tout d’abord la couleur : blanche ou rouge. Pour mettre en relation le principe soufre et les métaux, il peut être utile de parler de la distinction entre les métaux rouges et les métaux blancs.
    Les Anciens ont distingué en deux groupes les métaux qu’ils connaissaient (ou mieux, qu’ils « reconnaissaient » car les autres métaux leur étaient connus mais ils ne les considéraient que comme secondaires) :
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    - Les métaux blancs ayant un soufre blanc, c’est-à-dire permettant de teindre les métaux en argent s’il est extrait convenablement :
    o L’argent
    o L’étain
    o Le plomb
    - Les métaux rouges ayant un soufre rouge, c’est-à-dire permettant de teindre les métaux en or s’il est extrait correctement :
    o L’or
    o Le fer
    o Le cuivre
    Le métal mercure est à part car il ne contient pas de principe soufre (ce qui explique le fait qu’il soit liquide à température ambiante).
    Le principe soufre peut apparaître sous la forme d’une huile grasse (rouge pour les métaux rouges et blanche pour les métaux blancs) ou de cristaux (plus difficiles à obtenir).
    Les alchimistes ont parfois fait des abus de langage en appelant soufre tout état de la matière lorsqu’elle est solide. Il est donc nécessaire de toujours faire attention au contexte dans lequel ce terme est employé.
    Voici quelques définitions des termes utilisant le vocable « soufre », ces termes sont issus du dictionnaire mytho-hermétique :
    - Soufre commun ou soufre vulgaire : soufre minéral de formule S.
    - Soufre blanc : principe soufre extrait des métaux blancs. Désigne aussi la matière arrivée à la fin du 2ème OEuvre et fixée.
    - Soufre rouge : principe soufre extrait des métaux rouges. Désigne aussi la matière arrivée à la fin du 3ème OEuvre et fixée. En voie du cinabre, il désigne la nourriture carnée. - Soufre vif : même chose que le soufre rouge
    - Soufre de vitriol : principe soufre extrait du vitriol romain
    - Soufre onctueux : soufre philosophique obtenu lors du 2ème oeuvre (à mettre en parallèle avec le mercure philosophique).
    - Soufre narcotique : extrait du vitriol chimique
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    - Soufre ambroisien : soufre vulgaire naturel dont la couleur tend vers le rouge
    - Soufre vert : huile de cinabre. On utilise aussi ce terme pour désigner la matière en végétation - Soufre vrai des Philosophes : grain de soufre contenu dans le mercure sulfuré, animé ou double. C’est la graine permettant la naissance du futur roitelet
    - Soufre zarnet : soufre philosophique
    - Soufre occulte : idem
    - Soufre de nature : idem
    Il est à noter qu’il existe une utilisation très particulière du terme soufre : le soufre noir. Fulcanelli en parle. C’est en fait la coagulation donnant une apparence pâteuse ou huileuse au premier mercure extrait de la Prima Materia de la voie royale (la voie la plus puissante et la plus secrète). Certains alchimistes (surtout contemporains) l’assimilent à l’antimoine. Pourtant l’antimoine (et non la stibine) n’est pas noire…
    1.4.
    Le principe Sel
    C’est le principe stabilisateur. Il permet à tout ce qui nous entoure de « vivre » en harmonie.
    Il est sans sexe et/ou androgyne. Le Sel est associé au Feu Secret car il en est le meilleur représentant. Le Sel est donc igné. Son action est donc stabilisatrice mais aussi catalysante. Il amène à l’évolution tout en facilitant l’inertie. Etrange paradoxe que cet élément…
    C’est le dernier composant de la matière. Sa mention dans les textes alchimiques est assez tardive. C’est surtout à partir de Paracelse qu’on commence à en parler. Ses principales actions sont catalysantes et harmonisantes.
    Il n’est pas rare que les alchimistes parlent de deux sels et non d’un seul. L’exemple est très flagrant dans la voie de l’antimoine et du fer où le nitre et le tartre sont utilisés tous deux comme principe sel. Le nitre est porteur d’un feu interne (feu secret contenu dans la matière) conséquent qui permet de faciliter les réactions entre les principes soufre et mercure. Il a de plus la propriété d’ouvrir les métaux (s’il est convenablement préparé). Le tartre est quant à lui un stabilisant.
    Le nitre est très important en alchimie. Il faut déjà distinguer le nitre des nitres. En fait les nitres sont une famille comprenant l’ensemble des sels de caractéristique acide. Les sels alcalins sont quant à eux nommés alkali (le tartre et la potasse en font partie). Ensuite, il faut bien différencier le nitre terrestre et le nitre céleste qui emmagasine tellement de feu spirituel qu’il est à la limite de la matière. Un exemple de nitre céleste est le sel de rosée.
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 80 www.rosecroixjournal.org
    Le principe sel est associé au corps physique de l’être humain. En effet, c’est le stabilisateur, celui qui permet à l’âme et à l’Esprit d’être incarné au même endroit. Le corps, tout comme le sel, a une certaine quantité d’énergie en lui, celle qui lui permet de vivre et de croître. Mais ce sel qu’est notre corps ne renouvelle pas cette énergie, il s’épuise et meurt.
    Voici quelques définitions de termes utilisant le vocable « sel », ces termes sont issus du dictionnaire mytho-hermétique :
    - Sel : principe sel ou terre feuillée des Sages dans certains cas.
    - Sel alkali : sel ayant des caractéristiques alcalines.
    - Sel elebrot : sel alkali ou Pierre au Blanc pour certains auteurs.
    - Sel fusible : Pierre au Blanc multipliée (elle est nommée fusible car elle fond comme la cire). - Sel des métaux : sel extrait des métaux de manière philosophique. C’est le prélude à l’extraction du dissolvant universel.
    - Sel des Indes, sel de Hongrie, sel taberzet, sel cristallin, sel de cappadoce, sel lucide, sel adrom : sel gemme.
    - Sel rouge : soufre rouge.
    - Sel anderon : nitre.
    - Sel allocaph : sel armoniac.
    - Sel amer : sel alkali.
    - Sel de Grèce : alun.
    - Sel indien : mercure des Sages.
    - Sel de pain : sel commun, NaCl.
    - Sel fou : salpêtre.
    - Sel alocaph : sel armoniac.
    - Sel rouge des Indes : anathon = sel poussant comme le salpêtre sur les murs.
    - Sel des Sages : Pierre au Blanc.
    - Sel infernal : nitre.
    - Sel solaire : sel armoniac.
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    - Sel fleuri : principe mercure.
    - Sel brûlé : matière de l’oeuvre au Noir.
    - Sel spiritualisé : mercure philosophique.
    - Sel de terre, sel de verre, sel de mer : mercure des Sages.
    - Sel armoniac : matière arrivée au Blanc à la fin du 2ème OEuvre.
    - Sel acide : mercure philosophique.
    - Sel fixé : soufre des Sages.
    - Sel végétal : sel de tartre.
    - Sel universel : mercure des Sages.
    On voit que les auteurs jouent souvent sur les mots et mélangent soufre, mercure et sel afin de perdre le néophyte. Il faut donc être très vigilant quant au contexte. En effet, suivant les voies alchimiques suivies, le sel et le feu secret sont ou ne sont pas la même chose. Personnellement, pour me simplifier la compréhension, je parle de feu secret terrestre, qui est alors bien le principe sel, et de feu secret spirituel (ou céleste) qui est le feu secret non matériel. Ce dernier agit indépendamment de l’alchimiste sur la matière.
    1.5.
    Le Feu Secret
    Le feu secret est la deuxième grande inconnue du Magistère. Les alchimistes sont on ne peut plus évasifs sur le sujet.
    Ce que nous allons donc présenter dans ce paragraphe est une vision personnelle et ne tient en aucun cas lieu de Vérité. On peut donc la considérer comme une simple somme d’hypothèses, un ensemble de jalons permettant une étude plus approfondie.
    Le feu secret est Un en essence, mais deux en application. Il est Un car du point de vue spirituel, il ne correspond qu’à l’Amour Universel. Il est double en application car l’alchimiste travaille avant tout sur Terre avec son corps incarné dans la matière, donc sujet à la dualité corps/esprit.
    La première distinction que l’on peut faire est la différence entre amour corporel et Amour spirituel. Le premier est symbolisé par Eros dieu de l’amour, le second par Eros dieu né avant tous les dieux ou encore par l’Esprit-Saint de la trinité catholique.
    La deuxième distinction est plus pragmatique, mais rejoint totalement la différence précédente. Elle considère que le feu secret a deux foyers dans la matière : le centre de la matière et le centre de l’Univers.
    Le feu secret interne de la matière est très bien décrit par Fulcanelli. Comme exemple visuel, il indique que le fer manifeste son feu interne lorsqu’on le frappe. En effet, il fait
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 82 www.rosecroixjournal.org
    jaillir des étincelles. Idem pour le sucre qui produit de la lumière lorsqu’il est brisé de manière violente dans une pièce noire.
    Le feu secret externe (ou spirituel) est porté par la lumière solaire. C’est la raison pour laquelle les cathédrales ont la propriété de transmuter les métaux lors des solstices d’été grâce à la lumière solaire.
    Henri Coton Alvart parle de ce feu secret externe comme de la lumière d’Hylée. L’alchimie permet d’attirer ce feu secret externe grâce à l’exaltation du feu secret interne de la matière travaillée. C’est pourquoi la matière travaillée de manière canonique (c’est-à-dire selon les lois alchimiques) prend le nom d’ « aimant des Sages » à un certain moment de l’oeuvre.
    Il faut savoir que le feu interne permet la transmutation, mais à très petite échelle. C’est en partie pour cela que la fusion nucléaire ne donne que de très faibles résultats dans les accélérateurs de particules. Les particuliers se basent sur le feu secret interne de la matière pour opérer des transmutations. Les résultats sont plus importants que ceux de la science actuelle du fait que la matière est travaillée un minimum en suivant les lois alchimiques. Fulcanelli a donc raison lorsqu’il préconise de travailler sur les particuliers pour bien comprendre les lois qui dirigent le Grand OEuvre.
    Le véritable agent de la transmutation est le feu secret externe. C’est pour cela que les alchimistes parlent de corporifier l’Esprit. Ils veulent en fait souligner que la Pierre Philosophale est la matière préparée très pure qui permet d’attirer à elle et de garder en elle cette formidable énergie qu’est le feu secret spirituel.
    C’est aussi de là que vient le fait que certains Adeptes disent que le Mercure seul suffit à accomplir l’oeuvre. Ils parlent du principe mercure dans ce cas, mais aussi (et surtout) de l’Esprit, c’est-à-dire du feu secret spirituel. C’est pour cela que les cathédrales ne nécessitent que la lumière solaire pour opérer des transmutations.
    Cette corporification du feu secret spirituel exige une matière pure. Mais la pureté n’est pas seulement synonyme d’absence d’impureté. Il ne faut pas oublier que les alchimistes se basent beaucoup sur la philosophie de Platon. Et la pureté pour Platon est aussi géométrique. Il faut donc que la matière ait aussi un arrangement géométrique moléculaire, atomique voire subatomique parfait. Cette géométrie parfaite se retrouve encore dans les cathédrales. Les compagnons, et surtout les Maîtres du Trait, avaient donc une très bonne connaissance des lois alchimiques.
    Dans certaines voies alchimiques, le principe sel et le feu secret sont confondus (par exemple dans la voie de l’antimoine et du fer et dans la voie du cinabre). C’est vrai, mais seulement dans le cas du feu secret interne, matériel. Le feu secret externe n’est pas matériel et n’est pas travaillé ou contrôlé par l’alchimiste. Il n’est que « capté » et confiné si l’on peut dire. Il faut toujours garder à l’esprit cette nuance.
    Pour finir sur une autre comparaison, on peut dire que le feu secret interne correspond à la Kundalini chez l’Homme et le feu secret externe au Ki qui nous entoure.
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    2. Qu’est ce qu’un mariage en alchimie?
    En alchimie, les mots sont souvent employés avec des sens différents de ceux que leur donne notre sens commun. Le mariage alchimique est en fait une conjonction de deux éléments facilitée par l’action d’un troisième la plupart du temps. Les deux « mariés » sont l’un de nature masculine, l’autre de nature féminine. Le troisième acteur est « hors sexe », il n’agit pas, mais facilite ou tempère l’action des deux autres. Souvent ce dernier est désigné par le nom d’une divinité liée à l’Amour.
    Il peut donc être Eros, qui est de tendance assez « matérielle ». Pourquoi « matérielle » ? Parce qu’il fait appel, dans notre conception de cette divinité, à une vision assez sexuelle de l’Amour. Il est le dieu faisant tomber amoureux deux êtres humains (on peut là dessus le rapprocher de l’ange de l’Amour : Cupidon). Donc cela reste sur le plan « humain », matériel. Mais il peut aussi être l’Ange Gabriel ou le Saint-Esprit. Sa dimension devient alors bien plus spirituelle. C’est l’Amour divin, et plus seulement un amour humain. Comme tel, il dépasse nos concepts de tous les jours de l’amour tel que nous le vivons. Une remarque peut être ajoutée à propos du dieu Eros. Dans leur première conception du panthéon divin, les Grecs considéraient Eros comme le Dieu primordial, le Dieu Noir, père de tous les dieux et de la création. Cela correspond tout à fait à la nature spirituelle du Feu Secret. Eros peut donc être considéré comme double, matériel et spirituel, au même titre que le Feu Secret auquel il est associé.
    3. Le premier mariage : un mariage spirituel
    Le premier mariage alchimique est en fait l’engrossement de la Vierge par le Verbe Divin. La meilleure allégorie de ce mariage est l’annonciation de la naissance de Jésus à la Vierge par l’Ange Gabriel. Ce dernier lui annonce qu’elle va enfanter du fils de Dieu. Mais ne serait-il pas en fait le vecteur de cette grossesse divine ? Marie est « fécondée » par un rayon de lumière divine contenant en lui le souffle (Soufre) divin. Joseph n’est pas le père biologique de Jésus. Donc l’amour ayant donné naissance à Jésus n’est pas un amour physique mais purement spirituel.
    Comment comprendre cette notion d’amour spirituel si l’on travaille sur une matière au laboratoire ? Qu’est ce qu’un mariage spirituel ? C’est un mariage se servant d’une matrice féminine mais n’ayant pas de sperme masculin en tant que tel. On peut donc écarter le principe Soufre classique de l’alchimie dans cette démarche… Comme Marie est une immaculée conception, la Vierge métallique ne doit pas « voir » de protagoniste masculin dans ce premier mariage… En récapitulant : un Mercure, pas de Soufre et pourtant un mariage…
    Quel élément permettrait cela ? Et y a-t-il alors réellement conception d’une quelconque matière du point de vue physique ou bien serait-ce juste une modification de la matière qui permettrait une future grossesse physique ? Nous pourrions en fait voir ce premier mariage comme l’ouverture de la Vierge à son futur mariage corporel afin que la conception d’un nouvel être ne se fasse non pas dans un simple mariage physique, mais
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    que la dimension spirituelle de son ouverture d’esprit permette à un enfant royal de naître…
    Ce premier mariage est en fait l’ouverture du principe Mercure… C’est à dire l’ouverture du minéral nous servant de matrice dans l’oeuvre. La question est maintenant de savoir comment agir pour ouvrir notre Vierge de manière spirituelle afin qu’elle soit ensuite apte à procréer une lignée royale.
    Là, on peut souligner le fait que l’annonciation se fasse par le biais de l’Ange Gabriel. Sa descente et sa présentation fait assez penser à la descente de la flammèche sur les Apôtres lors de la Pentecôte… On retrouve alors la nature spirituelle du Feu Secret, celle de l’Amour Divin. Ce serait donc l’une des deux natures du Feu Secret qui pourrait ouvrir notre Vierge/Mercure. Que dire donc d’une simple action saline (avec le protagoniste approprié et travaillé de manière canonique bien entendu) sur notre minéral féminin ? Je pense que c’est l’hypothèse la plus probable à retenir…
    Cette action saline pourrait « purifier » notre Vierge et donc la rendre apte à concevoir un enfant royal (le roitelet, le petit roi, autre nom de Jésus Christ…).
    Pour aller dans ce sens, voici ce qu’en dit Jean D’Espagnet au paragraphe 26 : « Néanmoins l’amour spirituel ne pollue point la virginité : Béia a donc pu sans crime, avant de donner sa foi à Gabritius, avoir contracté un amour spirituel, afin de devenir plus vigoureuse, plus blanche et plus propre aux choses du mariage. »
    4. Le second mariage : un mariage corporel
    Le premier mariage consommé, nous entrons dans le second. Celui-ci est corporel.
    Lisons ce que Jean D’Espagnet écrit à ce propos :
    « La procréation des enfants est la fin d’un mariage légitime. Or, afin que l’enfant naisse plus robuste et généreux, il faut que les deux époux soient nets de toute lèpre et de toute tache, avant que d’entrer dans le lit nuptial ; et il faut qu’il y ait en eux rien d’étranger ou de superflu, parce que d’une semence pure, procède une génération également pure. Par ce moyen, le chaste mariage du Soleil et de la Lune sera parfaitement bien consommé lorsqu’ils seront montés sur le lit d’amour, et qu’ils se seront mêlés. Celle-ci reçoit de son mari l’âme par ses caresses, et à l’issue de leur accouplement il naît un Roi très puissant, dont le père est le Soleil, et la Lune, la mère. » Paragraphe 27.
    Comme tel, il demande l’action d’un protagoniste masculin et d’un protagoniste féminin.
    Jean D’Espagnet parle de ce mariage comme celui du Roi et de la Reine et que ceux-ci, lors de la conception, sont allongés sur le lit d’Amour.
    Cette mention du lit d’Amour n’est pas anodine. Ne serait ce pas l’allégorie de la position à laquelle doit être notre représentant de l’amour « matériel », c’est à dire notre Eros ? On parle souvent de l’importance de la disposition en Alchimie. Ne serait ce pas un grand point de l’oeuvre ? Une sorte de couche saline au fond du creuset et nos deux mariés
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 85 www.rosecroixjournal.org
    couchés dessus. Le lit d’amour serait alors une couche saline. Ce sel serait la nature corporelle du feu secret.
    Souvent le Roi est représenté comme un vieillard sur les figures alchimiques lors de son mariage. Sa compagne quant à elle est jeune et fraîche (vierge de surcroît). Il faut donc « aiguiller » notre homme pour qu’il puisse honorer sa Reine. Là revient l’importance de la symbolique d’Eros, mais surtout de son homologue : Cupidon. Aiguillon, pointe de flèche… Drôle de coïncidence… Il agit donc comme amorce et catalyseur de la réaction qui va se produire entre nos deux amoureux.
    Que doit-on obtenir à la fin de ce second mariage?
    Et bien le fils royal, l’androgyne. Mais nous pouvons le voir sous une forme particulière : celle du Lion Vert, du Vitriol. En effet, Jean D’Espagnet indique bien que ce second mariage se déroule en trois fois, car les deux mariés ont du mal à « s’aimer ». Et comme dans notre vie de tous les jours, les passions amoureuses sont souvent soumises à des tornades de « prise de bec ». La première fois, on obtient une sorte de dépôt noir. La seconde un dépôt blanc et enfin la troisième fois, une sorte d’écume verte. C’est le vitriol, qui souvent à été comparé au nostoc (une algue verte pouvant apparaître le matin dans les champs lorsqu’elle est gorgée de rosée). Il contient le grain fixe du soufre. Mais il est nécessaire ensuite de le sustenter avec de la nourriture carnée (c’est à dire du bon soufre).
    5. La dimension spirituelle de ces deux mariages
    Essayons maintenant de voir cette allégorie des deux mariages du point de vue spirituel en alchimie. Le premier mariage est purement spirituel. Il représente le réel Amour qui ne corrompt pas celui qui l’éprouve. C’est donc le véritable Amour Divin. C’est la lumière du religio (relier à Dieu). Le véritable sens, la véritable essence de la foi est cet Amour. Nous devons aimer Dieu sans attendre de retour, tout comme il n’est pas valable de prier pour obtenir ce que l’on veut (comme pour un échange de bons procédés : je te prie, tu me donnes la santé, Dieu n’est pas un marchand…). Mais il faut savoir que l’Alchimiste est plutôt à tendance panthéiste. Il voit de la Vie en tout : minéral, végétal, animal… Mais cette vie est avant tout Lumière et cette Lumière, c’est le Divin. Le « Dieu » des Alchimistes n’est donc pas une entité distincte de sa création : il est sa création et il est plus que cela. C’est comme l’être humain : c’est un assemblage de cellules, mais c’est aussi plus que cela… Le premier mariage est donc l’atteinte à cette conscience de la véritable dimension de l’Amour. L’alchimiste se doit d’aimer tout ce qui l’entoure car cela est Dieu. Il a de la révérence pour tout ce qui représente le Grand Architecte de l’Univers. Mais cet amour n’est pas égoïste : il doit aimer pour aider et non pas aimer pour se faire aider. Si l’alchimiste va dans son laboratoire pour essayer de faire de l’or juste dans l’optique de devenir riche, il n’a pas assimilé cette notion d’amour spirituel. Il faut travailler sur les métaux en les « aimant », c’est à dire en les aidant à atteindre leur but d’évolution. Ce but est, du point de vue alchimique, l’or. Donc l’alchimiste ne vise pas à s’enrichir en transmutant les métaux « vils » en or, mais plutôt à aider ces derniers à réaliser leur chemin d’évolution qui a été stoppé lors de leur sortie de la Terre/Gaïa. Le second mariage est corporel. Il vise à réellement marier les parts masculine et féminine
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    de la matière. Mais cela a aussi sa répercussion sur l’alchimiste lui-même qui doit retrouver le juste équilibre de ses faces masculine et féminine. Il doit retrouver l’équilibre primordial de l’état d’androgyne. Cet état est celui du Premier Adam. Le premier homme avant qu’il ne soit séparer de sa moitié : la femme. La création d’Eve est en fait une métaphore. Annick de Souzennelle le soulève très bien en reprenant la traduction de la Génèse. Eve n’est pas issue d’une côte d’Adam, mais est l’un des côtés d’Adam ! Il nous faut donc retrouver notre côté latent : féminin pour les hommes, masculin pour les femmes. Dans cette dure quête un allié existe en Eros. Cet allié n’est pas le simple amour que peuvent ressentir un homme et une femme, mais plutôt l’amour général pour l’ensemble des êtres humains. Cet amour permet en effet de se « cultiver » en côtoyant autrui. Et des discussions, des confrontations d’idées…, nous pouvons, par introspection, prendre conscience de notre réelle dimension qui est androgyne dans l’acceptation la plus pure du terme. Nous entendons par-là un être complet.
    6. Symbolique plus subtile de ces mariages
    Là, nous allons utiliser un langage plus « cabalistique » qui risque de paraître incompréhensible pour certains. N’en soyez pas ennuyés, nous ne faisons ici qu’aller plus loin dans la symbolique hermétique du mariage alchimique. Mais cela n’est pas de la plus grande importance.
    Le premier mariage a lieu entre un Mercure et un Soufre de nature particulière. En effet, un mariage doit par définition avoir lieu entre un mâle et une femelle. Les alchimistes ayant la belle manie de mélanger les termes ont donc, malicieusement, utilisé l’amalgame entre mâle et Soufre afin de brouiller les pistes. Seule la nature spirituelle du Sel (Feu Secret) peut être l’actrice de ce mariage en tant que mâle. En effet, il faut un mâle qui ne corrompe pas notre Vierge, mais qui au contraire pourra la purifier. C’est aussi en partie pour cela que les Anciens disent que le Feu Secret (principe Sel) tient du Soufre. C’est qu’en fait de par son action, le Sel peut agir comme le Soufre, de manière masculine. Ce premier mariage est donc l’action d’un mâle spirituel sur une Vierge. C’est une purification afin de rendre le Mercure plus pur. « Vierge ailée » comme la nomme D’Espagnet. C’est donc le principe Mercure dont les qualités (volatilité et matrice féminine) sont exacerbées.
    Pour aller plus loin, c’est la révélation de la partie divine de l’alchimiste. Durant ce mariage, l’alchimiste prend conscience de son étincelle divine et sait qu’il doit à présent la faire croître et faire en sorte que son âme fusionne avec cette partie divine. En effet, la partie divine est l’Esprit de l’Alchimiste, c’est le principe Mercure. Son âme est quant à elle le principe Soufre. Cette âme est liée à la personnalité de l’alchimiste. C’est donc son ego. Il faut purifier cet ego afin qu’il puisse ensuite se « fondre » dans l’Esprit qui, lui, est omnipotent, omniscient et surtout qui est la véritable nature de nous même et de tout ce qui nous entoure. Cette fusion est « consommée » par le mariage corporel. Le Soufre est travaillé, assez pur (cela correspond à un nettoyage des faiblesses et défauts de la personnalité de l’Artiste) et l’Esprit est « réveillé », libéré de sa gangue qui empêchait l’alchimiste d’en avoir conscience et donc d’accorder toute son importance à la dimension divine de tout ce qui l’entoure. On a alors le mariage du Roi (âme/Soufre)
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 87 www.rosecroixjournal.org
    et de la Reine (Esprit/Mercure). Le fils de cette union est de lignée royale et est l’androgyne. On peut remarquer que cette conception du monde est plutôt antimachiste car le véritable acteur, celui qui a vraiment tous les pouvoirs et sans qui la création n’aurait jamais été possible est le principe Mercure. C’est lui qui représente l’Esprit, c’est à dire la parcelle divine de chacun et de chaque chose. Or le principe Mercure est féminin…
    7. Conclusion
    On comprend mieux le pourquoi de deux mariages et non pas d’un seul : la dimension mercurielle, féminine, divine de la matière et de l’alchimiste doit être réveillée et préparée avant d’entamer le processus de fusion dans le divin pour l’artiste, dans le principe soufre pour la matière.
    Le nom de mariage spirituel est donc plus à prendre dans le sens d’une analogie que dans un sens strict. Certes on fait appel à un Amour, mais il n’y a qu’un seul protagoniste durant ce « mariage » : la partie divine de la personne et son homologue supérieur qui ne sont qu’Un. Ce sont donc des retrouvailles, un réveil. Pour la matière, on pourrait nommer ce mariage par le simple terme de « purification » ou « réincrudation ».
    Le second, corporel, est le vrai mariage à proprement parler : deux protagonistes, un véritable amour de concorde et un « fils » androgyne. C’est une fusion de son ego dans l’étincelle divine dont nous avons tous été pourvu. Du point de vue de la matière, il en est de même : les deux principes Soufre et Mercure sont très différents, et même opposés dans leurs qualités. Il faut donc un acteur supplémentaire pouvant calmer leurs ardeurs et faciliter leur concorde. C’est le travail de la nature corporelle du Feu Secret. A la fin de la consommation de leur union apparaît un nouvel être, une nouvelle matière : le petit Roi, le Roitelet, l’Androgyne… C’est en fait la nature Christique de l’individu.
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 88 www.rosecroixjournal.org
    Références:
    Dictionnaire Mytho-hermétique Dans lequel on trouve les allégories fabuleuses des poètes, les métaphores, les énigmes et les termes barbares des philosophes hermétiques expliqués. A Paris, Chez Bauche, Libraire à Sainte Geneviève & à S. Jean dans le Désert. 1758, Bibliotheca Hermetica 1972 de Don Antoine-Joseph Pernety
    L'oeuvre Secret De La Philosophie D'Hermes, de Jean D'Espagnet Editeur : Bibliotheca Hermetica. Langue : Français. Parution : 1972
    Les Demeures Philosophales et le symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’Art sacré et l’ésotérisme du Grand OEuvre de Fulcanelli ; Editeur : Pauvert ; 2 tomes
    Les Deux Lumières d’Henri Coton Alvart ; Editeur : Dervy
    L'Alliance oubliée de Annick de Souzenelle, Frédéric Lenoir Editeur : Albin Michel (6 avril 2005) Collection : Spiritualités
    The Rose+Croix Journal 2007 – Vol 4 89 www.rosecroixjournal.org





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