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Par metanoia1 le 13 Janvier 2008 à 02:12
Ouspensky, Gurdjieff et les Fragments d'un Enseignement inconnu
I
Parler dOuspensky cest parler de Gurdjieff. Et parler de Gurdjieff et dOuspensky, cest parler de la Tradition ésotérique qui, sous forme fragmentaire, fut divulguée par lun avec une aide substantielle de lautre (1).
La grande difficulté de toucher aux problèmes ésotériques consiste en ce que notre civilisation, analytique par excellence, avec sa spécialisation étendue à linfini, est parvenue à créer une élite très cultivée, mais avec cette particularité quen général, lintellectuel ne possède quune parcelle infime de notre Savoir. Fin spécialiste dans sa branche, il na que des notions sommaires du reste. Or, comme ce reste embrasse lensemble de la vie qui devient de plus en plus complexe et fiévreuse - et quil faut affronter à tout instant - parallèlement au morcellement de la Connaissance, on a créé tout un système de « boutons » afin que les pressant, lindividu obtienne les effets voulus sans passer par létude et le travail. En payant ce quil faut, bien entendu.
Ainsi, lart de vivre se résume actuellement à lacquisition des connaissances approfondies dans un secteur étroit de lEnsemble ce qui donne déjà accès à la fortune et aux honneurs, et, pour le reste à lutilisation habile du système des « boutons » répondant à tous nos besoins. Certes, il en allait ainsi au temps même des Grecs et des Romains, mais comme le monde antique ne connaissait pas la spécialisation à outrance, le secteur des « boutons » y était minime alors que celui des connaissances approfondies embrassait la quasi-totalité du Savoir de lépoque.
Le système de spécialisation qui, dans les études comme dans la réalisation nest en fait quun partage judicieux du travail, a permis les merveilles du progrès. Mais, en contrepartie, il a déshabitué lhomme de penser en profondeur, sauf dans sa branche.
A son tour, cela conduisit à la formation déséquilibrée de lhomme délite contemporain: à côté de lesprit critique très poussé, dans son subconscient se développa une crédulité insoupçonnée en ce qui déborde sa spécialité et les domaines avoisinants.
Cependant, létude de la Tradition ésotérique et la conquête des objectifs quelle poursuit exigent, de par leur nature, une prudente circonspection et surtout une pensée en profondeur. Rien ne peut y être obtenu en pressant des « boutons ». Au contraire, cette crédulité avec laquelle, par exemple, nous composons le numéro de téléphone étant sûrs davoir aussitôt notre correspondant au bout du fil, appliquée au études ésotériques, est grosse des pires dangers.
Lesprit critique, le discernement et le sain jugement du bon sens sont requis ici encore davantage que dans les études scientifiques positives. Cest parce que dans ces dernières, somme toute, le risque nest pas grand. Il est limité par le simple insuccès, lobjet détudes étant toujours extérieur à létudiant. Par contre, dans les études ésotériques, létudiant et lobjet de ses études ne font plus quun. Alors que la philosophie positive étudie lhomme sous son aspect abstrait, la philosophie ésotérique étudie lhomme donné, notamment celui-là même qui aborde les études. La méthode de lintrospection pratiquée dans toutes les écoles ésotériques, ainsi que les exercices qui sensuivent portent immanquablement et dès le début une atteinte à la Personnalité de létudiant. Car cest sur sa propre personnalité et non pas sur celle des autres ou sur des notions théoriques, quil est appelé à porter ses efforts précisément en vue de sa transformation. Un homme méchant ou cruel peut faire, disons, une découverte scientifique. En matière ésotérique cela est impossible. Parce que, avant daborder le travail constructif, létudiant doit obligatoirement discipliner, puis équilibrer son psychisme, cest-à-dire sa propre personnalité.
Cela ne présente aucun danger si le travail se fait correctement et est mené à bien. Mais abandonné à mi-chemin ou conduit sous la direction dun professeur incompétent, ou, pire encore, intéressé, cela peut conduire à des catastrophes. Une dissolution de la Personnalité tel habituellement est le résultat. Malaise, dépression morale, pessimisme noir, manie de la persécution sont les symptômes de cette dissolution progressive. Dans des cas plus graves, cela peut conduire à un déséquilibre total allant jusquà la négation de Soi, ce qui ouvre le chemin vers le suicide.
* * *
Lanalyse critique qui constitue la méthode de base de la science positive, fait également celle des études ésotériques. De sorte que la valeur scientifique de ces deux branches du savoir est absolument égale. Toutefois, il y a une différence dapplication qui doit être signalée.
Dans la science positive, un postulat peut être exposé et démontré publiquement parce que lobjet détude du savant ne fait pas un avec lui-même. Soumis à une sévère analyse critique par dautres savants, sa thèse nest admise par la science que lorsquelle a soutenu lépreuve et na pas pu être rejetée. Dans les études ésotériques, la partie essentielle du travail se produit introspectivement dans le monde intérieur du chercheur. Et comme celui-ci et lobjet de ses recherches ne font quun, il est matériellement impossible de soumettre ses expériences intérieures à une démonstration académique.
Cependant, lorsquen matière ésotérique on propose aux étudiants des postulats, on ne leur demande nullement de les accepter sur parole. Au contraire, on les engage instamment à fuir toute tendance à la crédulité. Mais étant donné que lobjet de leurs études appartient à leur monde intérieur et comme, dautre part, la nature de ces études, en grande partie les mène vers le nouveau, cest-à-dire vers linconnu, on leur recommande de ne pas chercher demblée à démolir les postulats proposés pour les accepter ensuite, mais de chercher à sy appuyer et à les confirmer par leur propre expérience, selon les méthodes indiquées. Et si en les appliquant consciencieusement et avec assiduité, ils ne parviennent pas aux résultats énoncés, alors ils auront le droit de les rejeter.
Lesprit critique est donc requis dans les études ésotériques au même titre que dans les études positives. Mais tandis que celles-ci, partant du centre, par le rayonnement de la spécialisation cherchent à atteindre la circonférence dans tous ses points, celles-là, partant de la périphérie, tendent à gagner le centre.
Il nous semble utile dexposer ces quelques notions élémentaires afin de faciliter au lecteur qui ne serait pas familier avec cette matière, lintelligence de la présente étude ayant pour objet: Ouspensky, Gurdjieff et les Fragments dun enseignement inconnu.
Lorsque, en 1951, je reçu le volume des Fragments dun enseignement inconnu (2), jéprouvai un sentiment mélangé. Autrefois, jétais intime avec Ouspensky. Notre amitié avait pour base lesprit de recherches qui nous animait tous les deux. En 1920-21, à Constantinople, jai assisté à ses conférences publiques, et cest là quil ma mis en rapport avec G.I. Gurdjieff. Là également jai pris connaissance du système dont ce dernier était le porte-parole; avec Ouspensky, nous lavons discuté tant à Constantinople que plus tard à Paris et à Londres.
Installé depuis 1921 en Angleterre, Ouspensky rédigeait ses Fragments. Il les écrivit en russe. Plus tard, il en confia la traduction à la baronne O.A. Rausch de Traubenberg, installée à Paris, et il me demanda de la contrôler. Ce travail avançait lentement au cours des années 1924 et suivantes jusquau décès de Mme Rausch, morte de phtisie dans lété 1928. Outre le contrôle de la traduction, Ouspensky me priait de lui communiquer mes objections critiques quant au fond. Je le fis volontiers, en partie dans mes lettres, mais surtout au cours de longs échanges de vues lorsquil venait de Londres à Paris.
Si je moccupais de son manuscrit, cétait dune part pour lui rendre service, lui-même ne sachant pas bien le français; dautre part, cela me donnait loccasion de discuter avec lui tous les éléments du système. Or, nous nétions pas toujours daccord sur linterprétation de certains de ses aspects, parfois sur leur sens profond. Toutefois, cela ne portait pas atteinte à notre amitié, nos discussions étant placées sous légide du principe: Amicus Plato, sed magis arnica veritas.
* * *
Ma dernière rencontre avec Ouspensky eut lieu en mai 1937 lorsque je suis allé le voir à Londres, plus précisément au château de Lyne, non loin de la capitale, où il était installé avec ses disciples. Nous parlâmes, naturellement, des Fragments.
Jétais hostile à leur publication. Il me semblait que la doctrine ésotérique, de par sa nature même, échappe à un exposé détaillé par écrit. Cest pour cette raison sans doute que lapôtre St-Jean disait:... Si lon écrivait en détail, je pense que le monde entier ne pourrait contenir les livres quon écrirait (3).
Il faut dire quOuspensky sen rendait compte. Et il finit par partager ma manière de voir. La preuve en est quil na pas publié les Fragments bien que le texte fût achevé quelque vingt ans avant sa mort.
Il y avait encore dautres raisons à mon attitude négative. Ouspensky et à plus forte raison son entourage ne faisait pas de distinction nette entre le message et le messager. Cela ne veut pas dire quil nen ait pas eu lidée. Il en parle dans ses Fragments, quoiquen des termes qui trahissent sa faiblesse (4). Si, en 1924, après huit ans de travail avec Gurdjieff, il sétait séparé de lui, ce ne fut quune « séparation de corps », non pas un divorce en bonne et due forme. Ouspensky plaçait le messager, cest-à-dire Gurdjieff, au centre dévénements dont le tourbillon lemportait. Si bien quencore à Constantinople, en 1921, il le comparait à Socrate, laissant entendre que son rôle était celui de Platon. Or, Socrate fut un héros; et Gurdjieff était un bon-vivant.
Il ne faut toutefois pas minimiser son mérite. On noubliera pas que Gurdjieff apporta son message en nétant quun primaire, mais sans tomber dans des contradictions importantes avec lui-même. On mesurera létendue de son effort, en rappelant quOuspensky, philosophe et écrivain de talent, mit au moins une dizaine dannées pour lexposer et une décennie de plus pour les corrections et les rectifications nécessaires.
Cependant, journaliste de métier, et le premier métier laisse toujours une empreinte pour la vie , sans sen rendre compte, il communiqua aux Fragments le caractère dun reportage conçu à la mode du XXe siècle, cest-à-dire avec une forte nuance personnelle. Somme toute, les Fragments ne sont autre chose que « Gurdjieff vu par Ouspensky ».
Or, lessentiel était de transplanter le message dans le sol qui lui était propre afin quil pût étendre ses racines et porter des fruits.
Bientôt il mapparut clairement que, pour cela, il aurait fallu placer le message dans son contexte historique, et je me rendis compte que, sans cette condition, il était condamné à demeurer lettre morte. Pire encore, à engendrer de dangereuses déviations.
Ce qui empêchait Ouspensky de prendre vis-à-vis de Gurdjieff une position claire, cest-à-dire de soccuper du message en laissant le messager à son aventure, avec ses qualités et défauts, cest quil se trouvait sous une forte influence personnelle de celui-ci.
Il na pu résister à cette influence pour plusieurs raisons. Dabord à cause de son caractère. Charmant quoique sujet à des emportements aimable, très habile dans la dialectique, ce nétait pas un homme fort. Et puis cétait un autodidacte. Il navait même pas achevé son instruction secondaire. Plein didées, cur tendre, écrivain de talent, il nétait pas protégé intérieurement, par cette précieuse armure qui est la méthode scientifique. Tout en lui était flottant, donc ouvert à des influences extérieures. Et il fut très isolé dans la vie qui ne lui épargna pas les-déboires (5). Gurdjieff, par contre, quoique dhorizon limité, fut un homme de caractère ferme. Il simposa à Ouspensky.
Celui-ci aspirait au merveilleux (6), et, dans sa crédulité un peu naïve, pensait toujours que derrière les idées, les postulats et les schémas qui dans leur ensemble constituaient le message il y avait encore une réserve inépuisable de toutes sortes de merveilles quil fallait cependant, comme il disait, « savoir tirer » de Gurdjieff. Or, comme on le verra plus loin, il ny avait que du creux. Et de la « magie ».
Ouspensky aspirait aux « faits » (7). Et, malgré quelques sautes dhumeur, il attendait ces faits de Gurdjieff avec une foi toute pure, toute naïve. Ainsi il se trouvait bien préparé à des suggestions hypnotiques, ce qui permit précisément à Gurdjieff de lui fournir les « faits voulus ». Et, par là, de river Ouspensky, pour plusieurs années à sa personne et de se servir de lui. Il lui était très utile surtout pour trouver les fonds nécessaires à ses « Instituts » (8). On peut même dire sans exagération que, sans Ouspensky, la carrière de Gurdjieff en Occident neût pas dépassé probablement le stade des entretiens sans fin dans des cafés.
Lempire de Gurdjieff sur Ouspensky fut dès le début calculé et savamment établi. Ouspensky raconte dans les Fragments (9) comment il lavait attiré vers lui, puis consolidé ce lien.
On sait quun individu normal et sain, sil ne veut pas être hypnotisé, peut facilement résister aux efforts de lhypnotiseur. Cest pourquoi, les hypnotiseurs professionnels cherchent à créer dabord une « atmosphère ». Pour Gurdjieff dans le cas dOuspensky, cétait dautant plus facile que celui-ci, on le sait déjà, aspirait aux « faits » et cherchait le « merveilleux » avec toute la force virginale de sa crédulité ingénue, encore que lui-même se croyait très réaliste.
Lemprise fut établie sur lui déjà à Moscou puis en Finlande et dune façon si forte que plusieurs années après, lorsquil rédigeait les Fragments, il racontait tout bonnement comment Gurdjieff lui disait, à lui, auteur dun traité remarquable de Tertiu Organum (10) quil ne comprenait pas ce quil avait écrit (11).
On sait que lorsque la volonté de lhypnotiseur est, pour ainsi dire, embrassée par le désir du patient, il est quasi impossible à un tiers de le déshypnotiser. Si bien quil était inutile dessayer de démontrer à Ouspensky tout le ridicule dune telle affirmation, sans parler de son insolence. Lhypnose exerçait ses redoutables effets. Les arguments du simple bon sens navaient pour lui dans ce cas, aucune valeur. Il sirritait et disait que cétait moi qui ny comprenait rien... Il ne savait pas ce qui est paradoxal quaucune connaissance supérieure ne va jamais à lencontre du bon sens.
Un jour nous nous trouvions, Ouspensky et moi à dîner chez Mme O.A. Rausch. Au sortir de table, le fils de la baronne, garçonnet de douze ans, sapprocha avec son album et demanda que nous y écrivions quelque chose. Il me tendit son album en premier. Jy écrivis ceci: Quoiquil tarrive dans la vie, ne perds jamais de vue que deux fois deux font quatre. Je passai lalbum à Ouspensky. Il écrivait sous ma sentence: Quoiquil tarrive dans la vie, ne perds pas de vue que deux fois deux ne font jamais quatre...
Boutade? Certes ! Mais sous laspect qui nous intéresse pour linstant, Ouspensky sy trouve tout entier.
Il sourit et me jeta un regard malicieux. Alek lut ce que nous avions écrit, montra lalbum à sa mère, puis le ferma et se retira dans sa chambre après nous avoir souhaité une bonne nuit. Sa mère qui connaissait fort bien Ouspensky, haussa légèrement les épaules, nous regarda lun après lautre et dit:
Eh bien! dans vos maximes, je vous reconnais parfaitement tous deux.
* * *
Pour Gurdjieff, Ouspensky, comme dailleurs le système, était un moyen dattirer à lui des gens sur lesquels il exerçait ensuite son influence directe. Ouspensky nétait pas le seul; dautres personnes après lui jouaient encore le rôle de rabatteurs. Mais au temps où je faisais mes observations, Ouspensky fut sans conteste, la figure principale.
Sur les gens qui tombaient dans son orbite, Gurdjieff exerçait son influence dune manière très simple, voire brutale. Le contenu du message mis à part, ce fut ce quil appelait le Travail. Ce « travail », abstraction faite des « conversations » et des « exercices », consistait à persuader ses disciples quils étaient littéralement zéro en chiffre. Il leur disait sans ambage et en face , à chacun dentre eux quils nétaient ni plus, ni moins que de lordure. Et les gens acceptaient cela. On ma rapporté que, dans la dernière période, lorsquil avait déjà quitté Fontainebleau-Avon, pour Paris, il accentua ses expressions encore davantage, disant aux gens qui lapprochaient dans lespoir dy trouver une révélation, quils nétaient en fait quune simple « merdité ».
Il ne faut toutefois pas trop sétonner de ces faits. Sans parler de Cagliostro, lhistoire de « Maître Philippe » et celle de Raspoutine à la Cour de Russie nous fournissent des exemples encore plus frappants. Et il ne faut pas non plus croire que cétaient des phénomènes spécifiquement russes, propres à la soi-disant « âme slave ». Dailleurs, le « Maître Philippe » était un Français; et si Raspoutine fut un Russe, on noubliera pas que la famille impériale était de pur sang allemand. Les ducs de Holstein Gottorp, au cours dun siècle et demi de règne en Russie, prenaient pour impératrices des princesses allemandes; aussi la Cour de Russie leur entourage finit par être fortement germanisée. Pourtant Raspoutine, paysan peu lettré, exerça sur limpératrice, née Alice de Darmstadt, et sur Nicolas II, une influence décisive. Cette influence tenait sous son empire non seulement les courtisans, mais également plusieurs ministres, les hommes dÉtat, les députés faisant antichambre...
Quel était le but poursuivi par Gurdjieff? Personne ne la su. Il est aussi difficile de le dégager de ses actes que celui de Raspoutine. Ouspensky racontait il le dit dans les Fragments quau début il avait posé la question, à quoi Gurdjieff répondit:
Jai certainement un but, mais vous me permettez de ne pas en parler. Car mon but ne peut encore rien signifier pour vous. Pour vous, ce qui compte maintenant, cest que vous puissez définir votre propre but. Quant à lenseignement même, il ne saurait avoir un but. Il ne fait quindiquer aux hommes le meilleur moyen datteindre leur but, quel quil soit (12).
* * *
Une autre question surgit tout naturellement: où a-t-il pris le contenu du message, ce système, comme nous disions, et qui porte en lui les traces incontestables dune antique sagesse. Ouspensky, hanté par lidée des écoles ésotériques dont il se faisait une représentation très personnelle et quil allait chercher en « Orient », sans succès bien entendu, croyait que Gurdjieff savait tout à peu près, lui demanda un jour de léclairer sur ce sujet. Voici ce quil en obtint:
- Aujourdhui, lui dit Gurdjieff, en Orient vous ne trouverez que des écoles spécialisées; il ny a pas décoles générales. Chaque maître ou guru, est un spécialiste en quelque matière. Lun est astronome, lautre sculpteur, le troisième musicien, et les élèves doivent étudier avant tout la matière qui est la spécialité de leur maître, après quoi ils passent à une autre matière et ainsi de suite. Cela prendrait un millier dannées pour tout étudier.
- Mais vous, comment avez-vous étudié?
- Je nétais pas seul. Il y avait toutes sortes de spécialistes parmi nous. Chacun étudiait selon les méthodes de sa science particulière. Après quoi, lorsque nous nous réunissions, nous nous faisions part des résultats que nous avions obtenu.
- Et où sont maintenant vos compagnons?
Gurdjieff, continue le récit dOuspensky, demeura silencieux, puis, regardant au loin, il dit lentement:
- Quelques-uns sont morts, dautres poursuivent leurs travaux, dautres sont cloîtrés.
Cette expression, poursuit Ouspensky, de la langue monastique, entendue dans un moment où je my attendais si peu, me fit éprouver un sentiment de gêne étrange. Et soudain je me rendis compte que Gurdjieff menait un certain jeu avec moi, comme sil essayait délibérément de me jeter de temps à autre un mot qui pût mintéresser et orienter mes pensées dans une direction définie (13). Lorsque jessayais de lui demander plus nettement où il avait trouvé ce quil savait, à quelle source il avait puisé ses connaissances, et jusquoù elles sétendaient, il ne me donnait pas de réponse directe (14).
* * *
En matière ésotérique, le mensonge ne peut pas couvrir et, en fait, ne couvre pas la totalité des relations humaines possibles. Il y a des secteurs où personne ne peut mentir. Ou, du moins, mentir intégralement. La dernière question posée par Ouspensky appartenait à ce secteur. Mais il ne connaissait pas cette loi, et pour cela certainement, na pas su non plus poser la question comme il le fallait.
Un jour, assis avec Gurdjieff au Café de la Paix sur les Grands Boulevards à Paris, je lui ai dit, à brûle-pourpoint:
Je trouve le système à la base de la doctrine chrétienne. Que dites-vous à ce sujet ?
Cest lABC, me répondit-il. Mais eux, ils ne le comprennent point !
Ce système est-il à vous ?
Non...
Où lavez-vous trouvé ? Où lavez-vous pris?
Peut-être lai-je volé... (15).
Il faut dire pour mieux comprendre mes relations avec Gurdjieff que joccupais vis-à-vis de lui une position un peu spéciale. Jai eu des contacts avec lui à Constantinople, Fontainebleau et à Paris, mais je nai jamais fait partie de ses « Instituts »; autrement dit je ne me suis jamais trouvé sous sa dépendance, quelle quelle fût. Ainsi, je me trouvais hors de la zone de son influence personnelle qui dominait son entourage immédiat. Et il faut que le lecteur le sache linfluence hypnotique, comme toute influence de la nature, est inversement proportionnelle au carré de la distance. Distance physique et psychique ou lune ou lautre. Or, les effets de cette influence de Gurdjieff sur son entourage immédiat étaient visibles. Il pouvait proposer à ses disciples nimporte quelle absurdité, voire même monstruosité, sûr davance quelle serait acceptée avec enthousiasme comme une révélation. Dans létat psychologique ainsi créé, les gens ne raisonnaient plus. Tout était bon, parce quainsi parlait Zarathustra (16).
Ils ignoraient que cétait une méthode. Méthode bien connue partout en Orient où on cherche parfois à envelopper lenseignement tendant vers la vérité dune gaîne de scandales et des contradictions les plus choquants. Ceci dans le but final de trouver une résistance ; et dans le but immédiat de placer le disciple entre lés deux groupes de forces : dattraction et de répulsion ; de provoquer ainsi en lui une inquiétude et, par là, la lutte intérieure la plus intense possible daffirmations et de négations, ce frottement du langage technique appelé à engendrer la chaleur pour finir par allumer le feu (17). Car, dit la doctrine chrétienne, le chemin vers la vérité passe par les doutes. En faisant ainsi multiplier les doutes dans lesprit et le cur de létudiant, on lui offre loccasion de franchir plus rapidement létape préliminaire.
Cette méthode très efficace et dont les traces et les allusions se retrouvent aussi bien dans les évangiles que chez les apôtres et les docteurs de lÉglise oecuménique, a cependant cet inconvénient quappliquée avec excès, elle désaxe complètement les gens. En Orient on ne sen fait pas beaucoup de scrupules; on y considère généralement les désaxés comme une sorte de déchet de fabrication. Car, dit-on, notre vie nest pas nous-mêmes et ne nous appartient pas; elle nous est prêtée précisément pour cette expérience majeure, et si elle na pas réussi, tant pis. La parabole des talents ne le dit-elle pas explicitement ? (18).
Il faut dire aussi que tout en créant autour de lui et avec beaucoup de savoir faire une telle atmosphère, Gurdjieff lui-même donnait des avertissements. Il répétait avec malice que les gens aspirent à être dupes et quils aiment croire à des légendes fabriquées par eux-mêmes. Cependant, ces avertissements demeuraient sans effet. Les uns ny voyaient que des plaisanteries du maître ; les autres, tout en prenant ces maximes au sérieux, les appliquaient à leurs voisins; les troisièmes disaient quil fallait les prendre au sens supérieur...
On comprendra aisément que lorsquun homme du dehors, comme moi, essayait délever la voix contre lidolâtrie qui finissait par faire de Gurdjieff une sorte de Cagliostro ou de Raspoutine, on me regardait avec condescendance, voire avec compassion.
* * *
Dès le début, il ma paru évident que pour que ce système pût être apporté à Moscou et à Pétrograd, il avait fallu quil passât par un long chemin historique par des centres laïcs et religieux de lÉgypte, de la Grèce antique et de lAsie Antérieure, pour se réfugier enfin au sein de lOrthodoxie orientale sur le sol de la Russie dernière survivante du monde antique disparu. Dailleurs, telles étaient les quelques indications qui métaient parvenues des recherches faites dans ce domaine au cours des deuxième et troisième quarts du XIXe siècle par André Mouravieff qui consacra une grande partie de sa vie à des voyages dans le Proche Orient. Il fréquentait lÉgypte, les Lieux Saints, lAsie Mineure, alla jusquen Arménie, au Kurdistan à la recherche des anciens manuscrits et des anciennes traditions. Chambellan à la Cour impériale, Membre du Saint-Synode, il fonda au Mont-Athos le couvent de Saint-André avec une hôtellerie à Constantinople à lintention des pélerins. Mort à Kiev en 1874, il légua à ses disciples préférés la mission de continuer les recherches dans la région de Kars, des lacs Ourmiah et Van, pour aller ensuite dans lAzerbaidjan persan, puis en Asie Centrale (19).
Compte tenu de cela, et poursuivant mes propres recherches ainsi que des études comparatives des éléments originaux de la culture russe avec les sources de lOrthodoxie orientale, je suis finalement arrivé à placer le message apporté par Gurdjieff dans son contexte historique. Mais pour cela, jétais obligé de remonter aux anciennes croyances slaves, préchrétiennes, détablir leur rapport avec celles des Scythes, des anciens Indiens et anciens Égyptiens ; détudier des monuments tels que la Philocalie, de reprendre létude des textes des évangiles avec des clefs ainsi obtenues, enfin, le Psaume CXVIII du roi David qui, sous une forme compacte, renferme ce même système.
Résultat de ces recherches, le message ne se présentait plus, pour moi, comme un monceau de « fragments », ni comme un « enseignement inconnu ». Placé dans son cadre historique et sur le sol qui lui est propre, il perdit son caractère sensationnel et son goût « exotique » pour apparaître comme un fond de symboles, de paraboles et de diverses allusions répandues partout et connues de tous. Et, dautres part, comme base des anciennes croyances des Slaves et des Scythes qui se retrouvent dans les traditions de lOrthodoxie byzantin-russe.
Jai pu établir également que, dans le haut moyen âge, les, « fragments » avaient été connus aussi en Occident, hérités probablement, comme en Orient, des enseignements ésotériques du monde antique à travers le christianisme primitif.
Certaines traces en existent toujours; elles constituent le fil conducteur qui attend des explorateurs.
III
La mort de Katherine Mansfield à l« Institut » (20) produisit sur Ouspensky une forte impression et le détermina à rompre avec Gurdieff. Mais une impression encore plus forte lui vint de laccident dautomobile survenu à Gurdjieff au croisement des routes nationales de Paris à Fontainebleau (N° 7) et de Versailles Choisy-le-Roi (N° 168).
Gurdjieff rentrait de Paris au Prieuré tout seul en voiture, dans la nuit. On ne sait pas la cause immédiate de cet accident ; mais le fait est quà une vitesse dépassant soixante à lheure, il se jeta droit contre le tronc dun arbre et fut grièvement blessé. Instruit de cela, quelques jours après, Ouspensky vint de Londres à Paris; et, tous les deux, nous allâmes sur les lieux de la catastrophe.
Abattu, écrasé, après un silence prolongé, il me dit:
Jai peur... Cest effroyable... LInstitut de Georges Ivanovitch fut créé pour échapper à linfluence de la loi du hasard sous laquelle on passe sa vie. Eh bien, voici que lui-même est tombé sous lempire de cette même loi...
Et il poursuivit:
Je me demande encore si cest vraiment un, pur hasard? Gurdjieff faisait toujours bon marché de la probité comme de la personnalité humaine en général. Na-t-il pas dépassé la mesure? Je vous le dis, jai terriblement peur!
Silencieux, nous avons repris la route. A Fontainebleau nous nous sommes installés dans un restaurant pour déjeûner. Il ma prié de téléphoner au Prieuré (21) pour demander à lappareil sa belle-fille qui faisait partie des « philosophes de la forêt ». Mais elle nétait pas là.
Au cours du déjeûner, Ouspensky revint à plus dune reprise à la question de la valeur réelle de la probité. Visiblement, le problème constituait pour lui une sorte de point tournant. Et, à la suite dassociations, pour moi insondables, il liait la question de la probité à laccident survenu à Gurdjieff.
Cependant, nous lavons dit, Ouspensky ne rompit avec Gurdjieff que, pour ainsi dire, physiquement. Et, après cela, il naimait pas revenir, du moins dans ses conversations avec moi, à lanalyse du « phénomène Gurdjieff ». Après quelques dérobades, je lui ai posé droit la question: pourquoi évitait-il cette sorte dentretien qui, à mon avis, pouvait être instructif et doù on pourrait tirer du moins une leçon.
Cétait le soir, tard, dans un bar de Montmartre où Ouspensky avait voulu terminer la soirée après un bon dîner dans un restaurant, place Saint-Michel.
Soudain, son expression changea. Jeus limpression que devant moi se trouvait un autre homme, et non plus celui avec qui javais passé toute une soirée agréable dans des conversations très intéressantes. Il se retourna brusquement vers moi et dit dun ton étrange:
Imaginez que quelquun de la famille ait commis un délit. Dans la famille, on nen parlera pas !
Cétait mon tour dêtre effrayé. Jai senti quOuspensky ne pouvait pas traiter ces questions. Il se heurtait en lui-même à une interdiction lorsquil les touchait. Effet hypnotique? Je le répète, à ce moment jai eu le frisson dans le dos.
* * *
Il était clair que tout en se distançant de Gurdjieff, Ouspensky demeurait toujours lié à lui, et que ce lien lui avait été imposé.
Et, une fois de plus, jai pensé que ce curieux phénomène, outre les particularités de son caractère, était dû à ce quOuspensky navait pas eu en lui ce fondement solide que nous donne la formation académique. La méthode de la science positive, quelque peu différemment appliquée on la vu , demeure en pleine vigueur dans les recherches ésotériques, et constitue la seule garantie pour un intellectuel, lorsquil aborde cette sorte détudes. Ce qui précisément manquait à Ouspensky.
Son épouse type humain beaucoup plus volontaire, surtout plus autoritaire que son mari, était une fervente disciple de Gurdjieff avant et après la rupture. Elle appartenait au groupe dinstructeurs : formés par ce dernier. Ces instructeurs produisaient une étrange impression.
Jai eu le privilège de les approcher en venant du dehors, et, au surplus, à de longs intervalles, pendant lesquels ils oubliaient, certes, ce quils mavaient dit.
En matière de travail, cétait toujours le même refrain, calqué sur la formule du maître. Sans sen rendre compte, ils prenaient parfois même un peu laccent caucasien de Gurdjieff, en imitant sa manière de sexprimer, dexposer et de simposer.
Venu ici, disaient-ils, lair condescendant, vous tombez dans une ambiance qui vous rend transparent. Vous êtes là comme si, tout nu, vous étiez placé sous une cloche de verre. Nous pouvons vous observer de tous côtés et sur tous les points!
Des années après, cette histoire de la « cloche de verre » revenait toujours sur le tapis. Avec le même sourire, les mêmes expressions, les mêmes gestes. Comme des robots à lintérieur desquels tournaient des disques enregistrés une fois pour toutes (22).
Ils dormaient dun sommeil hypnotique profond tout en se croyant éveillés. Cest la volonté du maître qui agissait en eux en leur faisant prononcer la leçon apprise par cur...
Lorsque jai vu Georges Ivanovitch pour la première fois, me contait en 1937, à Lyne, Ouspenskaya peut-être pour la dixième fois depuis Constantinople (1921), je lui ai dit: « Georges Ivanovitch, je vois en vous quelque chose de grand ! »
Même phrase, mêmes intonations, mêmes gestes, même sourire toujours condescendant...
* * *
Ce qui déroutait les gens, cest que ces paroles étaient justes. Les études ésotériques correctement conduites, mettent bientôt en évidence toute la mécanicité de notre psychisme, labsence en nous du Moi stable et permanent, limpossibilité pour nous, tels que nous sommes, de faire quelque chose ; car tout nous arrive. Seulement, paroles et actes, paraître et être ce nest pas la même chose. Il faut encore, tout verbiage et « disques » mis à part, déployer des efforts considérables, permanents et surtout conscients afin de se reconnaître dabord, puis de vaincre cette mécanicité humaine pour devenir un homme consistant, maître de soi.
Or, chez Gurdjieff, ou plutôt dans son entourage, ces idées bien connues dans les écoles ésotériques, et notamment dans la Tradition ésotérique de lorthodoxie orientale, prenaient des nuances malsaines : non plus celles relatives à un objet détudes et de recherches en profondeur en vue de trouver si possible une issue à ce labyrinthe de notre personnalité, tissu de mensonges et de contradictions les plus extravagantes, mais celles dun moyen, si je puis dire, brutal. Calculé pour faire perdre aux novices le peu qui leur restait encore de libre arbitre et de reflets de la conscience, soit le simple bon sens.
Quant à Gurdjieff, il comptait seulement, avec les gens qui pouvaient lui opposer résistance. Il les estimait. Pour les autres, il nourissait un profond mépris y compris pour ses instructeurs-automates. Surtout pour ceux qui vivaient auprès de lui en qualité de « travailleurs », cest-à-dire qui étaient logés, nourris, blanchis à ses dépens. Aussi, parmi les gens que jai eu loccasion de rencontrer dans ces « Instituts » soit à Constantinople, soit à Fontainebleau, je nai pas vu de personnes qui, compte tenu de ce qui précède, fussent suffisamment préparées. Ouspensky seul fut, certes, préparé ; mais pour les raisons plus haut exposées, il fut neutralisé.
Limpression produite par Gurdjieff sur Ouspensky et lempreinte quelle laissa sur lui pour la vie est due aussi à ce quil prit connaissance du message ; nétant toutefois pas apte à le recevoir correctement. Ce message nétait pas celui de Gurdjieff qui dailleurs ne le prétendit jamais. Il faisait partie de la Tradition ésotérique qui sest conservée notamment, dans lOrthodoxie orientale et qui remonte à lancienne Égypte, et par là, à des temps immémoriaux.
Ouspensky connaissait passablement lévangile, mais il connaissait mal la Doctrine, cest-à-dire lensemble des commentaires laissés par les docteurs de lÉglise cuménique. Et autant que je sache, il na jamais été initié à la Tradition orale, autrement que par Gurdjieff. Fortement impressionné, il navait pourtant pas de point de repère autre que celui-là, ce qui le privait de la possibilité de faire des recoupements. Et il sy précipita tête baissée, le message étant confondu dans son esprit avec le messager.
Gardons-nous, toutefois, de conclusions par trop simplistes. La matière est subtile et exige un fin discernement. Rappelons-nous quune autorité telle que Jean Climaque (23) disait : Si tu vois dans ton guide, en tant quhomme, des défauts, ne taccroche pas à cela; suis ses préceptes, car autrement tu napprendras rien.
Il faut donc être prudent dans nos jugements.
* * *
Pour voir clair dans ce quon peut appeler luvre de Gurdjieff, il faut distinguer trois catégories déléments:
1) les fragments de la Tradition ésotérique chrétienne ;
2) quelques fragments de certaines traditions musulmanes ;
3) ses idées et ses créations propres.
Au point de vue ésotérique, les deux dernières catégories ne présentent pas dintérêts comme contenu, ni comme méthode dapplication. Ce qui a été apporté par lui des traditions musulmanes peut présenter un certain intérêt artistique. Quant à la troisième catégorie, son intérêt est nul. Sauf la curiosité que représente le « phénomène Gurdjieff » comme tel qui sest avéré possible dans les milieux cultivés de notre époque étant sous certains aspects analogue au « phénomène Raspoutine », encore plus incroyable, et qui pourtant fut réel.
Gurdjieff laissa un ouvrage, publié par les soins de ses disciples, dabord en anglais, puis en français, sous le titre: Récits de Belzébuth à son petit-fils » et avec le sous-titre: Critique objectivement impartiale de la vie des hommes (24). La lecture de ce « récit-fleuve » « interplanétaire » rappelle les romans de Mme Krzanowska (Rochester), couronnés par lAcadémie française, et qui étaient très goûtés de la jeunesse en Russie avant la première guerre mondiale. Il sagissait aussi de voyages interplanétaires, dexcursions dans le passé insondable ainsi que dans lavenir dépassant le XXIe siècle. Mais quelle richesse dimagination, quel métier décrivain! A côté des Mages, du Chancelier de Fer de lancienne Égypte, de la Toile daraignée et de bien dautres, le pauvre Belzébuth fait figure minable.
La lecture attentive et fatigante de ces pages sans fin nous a révélé, en somme, peut-être une cinquantaine dintéressantes, se rattachant toutes, à la première catégorie plus haut indiquée. Le reste est un amas abracadabrant avec des détails puérils, comme, par exemple, la description dappareils physiques extraordinaires ou linvention du piano à queue, bonne peut-être pour des garçonnets de dix ans.
La comparaison avec les romans de Krzanowska est intéressante encore en ceci que la romancière, bien avant lapparition de Gurdjieff à lhorizon de Moscou et de Pétrograd, utilisa dans ses romans le thème de la « lutte des Mages » comme celui des « Reflets de la Vérité », thèmes sur lesquels Gurdjieff avait voulu créer ses deux « ballets ». Tentative jamais sortie du stade des travaux et des essais préparatoires.
Deux séries duvres posthumes sont encore annoncées. Il est certes prématuré den parler.
Quant à la première catégorie déléments apportés par Gurdjieff dont la valeur est incontestable et qui constitue le contenu de ce que nous avons appelé son message, ils furent exposés par Ouspensky dans ses Fragments dun enseignement inconnu. Nous y reviendrons plus loin.
* * *
Gurdjieff est mort dhydropisie, à Paris, en octobre 1949. La version officielle est quon lui avait enlevé le liquide dune manière trop rapide quelque onze litres à la fois et que cela était la cause immédiate de sa mort. Cependant, dans ses mémoires, Mme Dorothy Caruso, veuve du célèbre ténor, parle encore dautre chose. Son témoignage est dautant plus intéressant quelle appartenait au camp dadmiratrices du feu « thaumaturge ». Son récit ne nie nullement le fait de lhydropisie, ni lenlèvement trop brusque du liquide. Mais elle parle dun accident automobile survenu relativement peu avant la mort de Gurdjieff et relate « quil avait des côtes fracturées, des blessures au visage et aux mains, de nombreuses contusions » etc.
Cétait, somme toute, à ma connaisance, au moins le troisième accident automobile survenu à Gurdjieff (25). Etait-ce le simple jeu de la loi du hassard ce qui peut arriver à tout mortel ou bien leffet de causes profondes idée qui avait mis Ouspensky dans leffroi lors du premier accident sur la route de Fontainebleau ?
On se rappellera à cette occasion les paroles de lapôtre St Paul:
- Ne vous trompez pas: on ne se moque pas de Dieu. Ce que lhomme aura semé, il le moissonnera aussi (26).
IV
Revenons à présent de Gurdjieff à Ouspensky, notamment à ses Fragments.
En travaillant à cet ouvrage, Ouspensky donna son maximum. Or, nous lavons déjà remarqué, le point faible de ce travail consiste en son caractère par trop personnel et en son style de reportage. A vrai dire, ce volume devrait être récrit en éliminant tout ce qui lui donne un aspect subjectif. Réduit de moitié, il gagnerait beaucoup. Mais ce nest pas tout.
Le message transmis par la Tradition ésotérique tel quil est exposé partiellement dans les Fragments par Ouspensky, comprend tout un système de schémas. Ces schémas furent créés - on ne sait par qui et quand - pour faciliter aux étudiants lintelligence des notions et des représentations nouvelles qui exigent, pour être saisies et assimilées, des efforts nouveaux, par définition, difficiles.
Sur cela se greffe une autre difficulté.
Les études positives sont basées sur le principe dinformation. Pour chaque matière, létudiant assimile une certaine quantité de données exigées par le programme. Le travail créateur nest pas obligatoire. Dans lenseignement ésotérique, le travail créateur est exigé dès les premiers pas. Sans efforts créateurs, efforts conscients, létudiant ne pourra jamais aller bien loin. Dans ce domaine - comme dans des Instituts de recherches - on est appelé à conquérir le savoir. Le professeur expose la matière dans les limites strictes nécessaires et suffisantes pour que létudiant puisse aller, dans chaque cas, plus loin et en profondeur par ses propres efforts créateurs.
Noublions pas quen matière ésotérique, lobjet détude et létudiant ne font quun. Par la méthode de lobservation introspective, le professeur introduit graduellement létudiant dans son monde intérieur où il doit travailler comme travaille un savant dans son laboratoire de recherches, avide de découvertes nouvelles.
Il ne suffit certes pas dy accumuler des informations. On peut, par exemple, apprendre lévangile par cur, mais on nen deviendra pas un saint. Il faut aller en profondeur. En matière ésotérique, létudiant doit apprendre à penser en vrille pour percer.
* * *
Cest pour cela que nous sommes restés perplexes devant le volume des Fragments dun enseignement inconnu.
je ne sais qui, en dernier lieu, préparait le texte de luvre posthume pour limpression. Sans entrer dans lanalyse critique dés passages dont la rédaction paraît douteuse, jai constaté que même certains des schémas qui laccompagnent sont défectueux. Dautres manquent complètement. Je ne pense pas quOuspensky lui-même les ait déformés ou omis. En tout cas, il ne men avait jamais parlé.
Le fait est important. Prenons par exemple le schéma placé ci-dessous qui, pour celui qui aborde les études ésotériques est le plus important. On verra tout de suite quil nest pas complet, et au surplus, accuse de grossières erreurs. Voici dabord le diagramme tel quil figure dans les Fragments, avec la légende qui laccompagne: (p. 289)
V ... vie.H ... un homme, pris isolément.A ... influences créées dans la vie par la vie même - première sorte dinfluences.B ... influences créées en dehors de la vie, mais jetées dans le tourbillon général de la vie seconde sorte dinfluences.Hl ... un homme relié par voie de succession au centre ésotérique, ou prétendant y être, relié.E ... centre ésotérique, situé hors des lois générales de la vie.M ... centre magnétique dans lhomme.C ... influence de lhomme H, sur lhomme H; dans le cas dun lien réel avec le centre ésotérique, que ce lien soit direct ou indirect, il sagit dune influence de troisième sorte. Cette influence est consciente et sous son action, en un point M, qui désigne le centre magnétique, un homme devient libre de la loi de laccident.H2 ... un homme qui se trompe lui-même ou qui trompe les autres, nayant aucun lien, ni direct ni indirect, avec le centre ésotérique.* * *
Rappelons en passant que les diagrammes du système, comme la plupart des textes et monuments ésotériques, sont conçus de telle sorte quils cachent en eux-mêmes le ou les moyens permettant de vérifier leur authenticité et de relever les erreurs des « scribes et traducteurs ». Sans cela, évidemment, leur transmission à travers les siècles et les civilisations éteintes serait impossible. En même temps ces moyens de contrôle offrent à létudiant attentif la possibilité daller au delà du sens apparent pour saisir le sens plus profond.
On ne doit pas sen étonner. Cette méthode se trouve à la base de tout enseignement ésotérique qui exige des étudiants une attention particulièrement accrue, attachée dans la même mesure à lensemble du monument ou texte étudié et à ses menus détails. Pour sen convaincre, il suffit de jeter un coup dil rapide, par exemple, sur le célèbre bas-relief dÉleusis, attribué à Phidias, représentant lenvoi de Triptolème, reproduit ci-contre. Dans cette scène bien connue, décrite et interprétée à maintes reprises, on nattache généralement pas dimportance au geste de Perséphone qui tient son index courbé dune manière intentionnelle, sur le sinciput de Triptolème.
Pourrait-on vraiment croire que ce nest que leffet dun simple jeu de la fantaisie de lartiste? Étant donné surtout quil ny a pas lombre dun doute que lauteur de ce chef-duvre lui-même dut être un épopte, cest-à-dire un initié aux grands mystères dÉleusis.
Au demeurant, ce geste constitue la clef permettant laccès au sens profond de cette icône. Remarquons que le terme épopte veut dire voyant ; songeons que daprès lès enseignements orientaux, la glande pinéale, située précisément au point quindique avec insistance le doigt de Perséphone, dûment développée par des exercices appropriés, constitue lorgane de la clairvoyance. Partant de cette indication, on pourra déchiffrer progressivement le sens dautres détails du tableau pour saisir enfin la signification profonde, celle qui avait été réservée au initiés de lensemble de la composition (27).
On dit que lévangile est un livre fermé par sept serrures ; cest-à-dire que, pour aller au sens intégral de ce monument, il est nécessaire de trouver les sept clefs consécutives susceptibles de louvrir. Or, la première clef est donnée pour chacun dentre eux dans les images symboliques qui accompagnent sur les icônes celles des évangélistes : Homme, Lion ailé, Taureau et Aigle. Ces mêmes images accompagnent lEnnéagramme, schéma de base exposé dans les Fragments qui renferme en lui tout le système. Enfin, on trouve les mêmes symboles sur larmure dAuguste et des premiers empereurs romains.
Quant aux nombres de 3 et 9, sur lesquels repose lEnnéagramme, ainsi que le message tout entier, ils se retrouvent dans les traditions ésotériques du monde entier. On se rappellera, par exemple, le célèbre mur à neuf dragons du palais impérial de Pékin, le plan traditionnel des habitations de certaines tribus nègres du côté de lEthiopie et dautres données encore. En ce qui concerne la Russie, il est connu que les nombres de 3 et 9 et de 3 x 9, figurent dans à peu près tous les anciens contes populaires (28). De même, la liturgie orthodoxe est conçue sur la base de neuf points fixes, entre lesquels interviennent des éléments variables selon les saisons, jours, fêtes à célébrer, saints à vénérer. La Cathédrale de St Basile le Bienheureux, érigée au Kremlin en 1550-1560 par Ivan IV le Redoutable en commémoration de sa victoire de Kazan, ce chef-duvre de larchitecture russe, création de Barma et Postnik , représente un complexe de neuf églises lune à côté de lautre, couronnées par neuf dômes en bulbes. Noublions pas non plus que les cérémonies des mystères dÉleusis duraient neuf jours, enfin quApollon Musagète présidait un ensemble de neuf Muses.
Revenons au schéma soumis à notre analyse. Voici son aspect exact:
La différence entre les deux diagrammes saute aux yeux.
Passons aux commentaires:
Ces flèches représentent les influences créées dans la vie par la vie même. Cest une première sorte dinfluences, dites influences A. On remarquera que les flèches noires couvrent dune manière à peu près égale toute la superficie du cercle de la vie. Comme dans le cas de toutes les forces rayonnantes de la nature, leur effet est inversement proportionnel au carré de la distance ; ainsi, lhomme subit surtout linfluence des flèches de son entourage immédiat, et est entraîné à chaque instant, par leur résultante du moment. Linfluence des flèches A sur lhomme extérieur est impérative ; poussé, il erre dans le cercle de sa vie depuis la naissance jusquà la mort.
Lensemble dinfluences A forme la loi du hassard, sous lempire de laquelle est placé le sort humain. Or, en examinant le schéma de plus près, on sapercevra que chaque flèche noire se neutralise étant contre-balancée quelque part par une autre, égale en force et diamétralement opposée, si bien que si on les avait laissées se neutraliser effectivement, leur résultante générale aurait été égale à zéro. Cela signifie que, dans leur ensemble, les influences A sont de nature illusoire quoique leur effet soit réel ; pour cela, généralement, lhomme les prend pour la seule réalité de la vie.
Centre ésotérique placé hors des lois générales de la vie.
Influences B. Ce sont les influences qui sont jetées dans le tourbillon de la vie du Centre ésotérique. Créées en dehors de la vie, ces influences sont représentées dans le schéma par des flèches blanches. Ces flèches sont toutes orientées dans la même direction. Dans leur ensemble, elles forment une sorte de champ magnétique.
Etant donné que les influences A se neutralisent, les influences B constituent en fait la seule réalité de la vie.
Homme, pris isolément. Il est représenté dans le schéma par un petit cercle en hachures. Cela veut dire que la nature de lhomme involutif nest pas homogène; elle est mélangée.
Si lhomme passe sa vie sans distinguer les influences A et B, il la terminera, comme il lavait commencée, cest-à-dire mécaniquement, mu par la loi du hasard. Cependant, en fonction de la nature et de la force des résultantes du moment, sous légide desquelles il sera soumis, il pourra même faire une brillante carrière, devenir député, ministre, savant, prononcer de remarquables discours, écrire des livres. Mais il parviendra à la fin sans avoir rien appris, ni compris du réel. Et « la terre reviendra à la Terre ».
Dans la vie, chaque individu est en fait soumis à une sorte dépreuve de concours. Sil discerne lexistence des influences B, sil prend le goût de les recueillir et de les absorber, sil aspire à les assimiler toujours davantage, sa nature intérieure mélangée commencera à subir petit a petit une certaine évolution. Et si ses efforts pour absorber les influences B sont constants et suffisants en force, un centre magnétique pourrait se former en lui. Ce centre magnétique est représenté dans le schéma par le petit espace blanc.
Si, une fois né en lui, et étant soigneusement développé, ce centre prend corps, il exercera à son tour une influence sur les résultantes des flèches A, toujours en fonction. De sorte quil en sortira une déviation. Cette déviation peut être violente. Elle constitue une transgression de la Loi générale de la vie, et provoque en lhomme et autour de lui des conflits. Sil perd la bataille, il en sort avec la conviction que les influences B ne sont quune illusion, et que la seule réalité qui existe est représentée par, les influences A. Petit à petit, le centre magnétique qui sétait formé en lui, se résorbera et disparaîtra. Alors sa situation nouvelle sera pire que celle dautrefois, lorsquil avait à peine discerné les influences B.
Mais sil sort vainqueur de cette première lutte, son centre magnétique, consolidé et renforcé, lattirera vers un homme dinfluence C, plus fort que lui et possédant un centre magnétique plus puissant. Ainsi, par voie de succession, celui-ci étant en rapport avec un homme dinfluence D, il sera relié au Centre ésotérique E.
Désormais, dans la vie, lhomme ne sera plus isolé. Certes, il continuera à vivre comme auparavant sous laction des influences A qui longtemps encore exerceront sur lui leur empire ; cependant, petit à petit, grâce à leffet de linfluence en chaîne B-C-D-E, son centre magnétique se développera de plus en plus, et, au fur et à mesure de sa croissance, il sortira de lempire de la loi du hassard pour entrer dans le domaine de la conscience.
Sil parvient à ce résultat avant sa mort, il pourra dire que sa vie naura par été vécue en vain.
* * *
Examinons à présent le même diagramme, mais sous un aspect différent:
Ce second schéma, avec les centres magnétiques noirs, représente le cas où lhomme se trompe, et où croyant absorber les influences B, absorbe, en faisant la sélection, celles des influences A, flèches noires, qui sont en quelque sorte parallèles aux flèches blanches des influences B.
Cela le mettra également en rapport avec des gens possédant des centres magnétiques de cette même nature qui, eux-mêmes, se trompent ou trompent les autres nayant aucun lien direct, ni indirect avec le Centre ésotérique.
* * *
Dernière remarque. Quelle est la garantie pour lhomme de ne pas se tromper et de ne pas tomber dans le deuxième cas?
La réponse est simple : la pureté du centre magnétique doit être scrupuleusement observée dès le début et tout le long de son chemin dévolution.
* * *
La description proposée du schéma en question nest pas exhaustive. Dautres commentaires sont encore possibles, - et les personnes qui étudient le Système avec assiduité sont appelées à le méditer pour pouvoir aller davantage en profondeur.
Réflexion faite, elles sapercevront que ce schéma comprend toute une série de lois de la vie humaine, exposées dans les évangiles sous forme de paraboles et dallusions.
V
La présente étude, nécessairement brève, ne prétend pas donner une analyse complète du « phénomène Gurdjieff » ainsi que de luvre dOuspensky. Lauteur sera amplement satisfait si, tombé sous les yeux des lecteurs ou disciples de lun comme de lautre, il les incite à repenser leurs impressions ou leurs expériences.
Je lai écrit également à lintention de mes propres étudiants de lUniversité de Genève qui, depuis trois ans, suivent mes cours sur la Tradition ésotérique dans lOrthodoxie orientale.
Pour ma part, jai toujours cru surtout après la catastrophe automobile de 1924 que le cas Gurdjieff était une faillite. Fut-il séduit par largent, par les femmes ou bien par le mirage du « pouvoir »? Il évoquait pour moi limage dun ange déchu. Parfois, il me semblait aussi quil cherchait la résistance et ne la trouvait point.
Gurdjieff navait pas le don de clairvoyance. Mais à Constantinople, il voulut enrichir son « Institut » en sassociant une célèbre voyante, médium très fort, épouse dun diplomate russe. Dès les premiers contacts, elle déclina péremptoirement toute collaboration avec lui.
Je crois aussi quaprès sa première catastrophe automobile sans parler dautres Gurdjieff na pas recouvré intégralement ses capacités physiques et morales. Et si lon admet que cet accident fut déjà le résultat des déviations précédentes puisquil fut suivi dautres, il faut bien conclure que jusquà la fin lesprit de déviation na pas été surmonté par lui.
Somme toute, ce nétait pas un « thaumaturge » comme Cagliostro ou Raspoutine. Les thaumaturges réels de ce genre ne meurent pas. On les tue. Gurdjieff était de moindre envergure ; il est mort, comme on le sait, dhydropisie.
Que voulez-vous? disait-il avec véhémence aux nouveaux venus. Vous voulez crever comme un chien?
Ceci pour leur dire ensuite quil existe un moyen dy échapper, et que ce moyen il le détenait.
A-t-il échappé lui-même?
Quant à Ouspensky, il est mort du fait que ses reins cessèrent de fonctionner. A quoi cela fut-il dû? Peut être à ce quil prenait trop de vin et dalcool? Dans les années vingt, lorsquil venait souvent de Londres à Paris, un dîner avec lui était obligatoirement suivi dune veillée à Montmartre accompagnée de libations.
Tels,>sont les faits. Et ces faits sont tristes.
Cest parce que les recherches ésotériques offrent un chemin particulièrement difficile, périlleux même. Au fur et à mesure que létudiant avance, surgissent devant lui des obstacles et des séductions - prélésti de la Tradition orthodoxe. Ils se produisent sur divers plans et chaque fois, dune manière inattendue. Ce sont des épreuves. Elles arrivent parfois sous forme agréable: femmes, argent, succès immérités suivis, bien entendu, dorgueil et de vanité. Parfois, si cela ne réussit pas, elle prennent une forme désagréable, principalement par le truchement des proches. Nest-il pas dit: Lhomme aura pour ennemis les gens de sa maison? (29)... Il suffit de tomber dans le piège, où lon disparaît comme dans une trappe, pour que tout soit à recommencer à zéro. Et ce sera encore plus difficile. Ou bien, si la séduction est agréable, ne serait-ce quen apparence, on quitte le droit chemin pour suivre le sentier du péril... La loi est formelle: il nexiste pas de solution intermédiaire.
* * *
Question pratique: quelle doit être lattitude des étudiants envers le « phénomène Gurdjieff » et les Fragments dOuspensky? « Le lecteur attentif trouvera facilement lui-même la réponse dans le contenu de notre exposé : il faut, dans le premier cas, séparer le message du messager, et, dans le second, aller au delà de linformation. Lexemple donné plus haut démontre quavec cela, on arrive à découvrir et à éliminer les erreurs.
Il y a une fable qui court partout en Orient. On raconte quil existe une race de cygnes particulièrement nobles, celle du Cygne Royal. Et on dit que si lon pose devant lui un récipient rempli de lait étendu dans leau, il sépare le lait, le boit, et laisse leau. Telle doit être lattitude des étudiants.
Enfin, ceux parmi eux qui ont profité ou qui profitent du message doivent être reconnaissants au messager et à son interprète. Sils savent prier, quils prient pour le salut de leur âme!
(1) Fragments dun Enseignement inconnu, par P.D. Ouspensky, Ed. Stock, 1950. Dans la Notice des Editeurs on lit les lignes suivantes: Un vaste système cosmogonique... une physiologie et une psychologie entièrement inconnues (en Occident B.M.) un ensemble de techniques permettant à lhomme dacquérir, par un travail sur soi, une véritable liberté voilà ce que le lecteur trouvera dans et ouvrage.
(2) P.D. Ouspensky, Fragments dun Enseignement inconnu, Editions Stock, Paris 1950.
(3) Jean, XXI, 25.
(4) Fragments, p. 519 et suiv.
(5) La Cinémodrame dOuspensky nest autre chose que sa propre biographie concernant la première partie de sa vie. Là on voit comment et pourquoi il na pas reçu de formation intellectuelle supérieure, ni même secondaire.
(6) Cf. Fragments, pp. 45, 369, 370.
(7) Ibid., pp. 45, 369.
(8) Ouspensky le dit lui-même. Il eut cette idée dès le début de sa rencontre avec Gurdjieff (Ibid., p. 31). Lui était-elle suggérée par celui-ci ?
(9) Op. cit., p. 31 et passim.
(10) Op. cit., p. 41. Titre prétentieux. Ouspensky lavait choisi pour placer ce travail en ligne de succession après lOrganon, dAristote, et Novum Organum, de Bacon.
(11) Ibid.
(12) Fragments, p. 149. Cest nous qui soulignons.
(13) Cest ainsi quon exerce linfluence hypnotique sans plonger le sujet en transe.
(14) Fragments, p. 35-36.
(15) Comparer à p. 83 des Fragments, deuxième alinéa, lignes 6 et 7.
(16) A comparer ce phénomène avec celui décrit au Village de Stepantchikovo par Dostojevsky.
(17) Ce feu intérieur est nécessaire pour parvenir à lalliage, à la suite de quoi le Moi de lhomme devient entier et permanent.
(18) Matthieu, XXV, 24-30
(19) Nous revenons à cela dans un ouvrage actuellement en préparation. B.M.
(20) Fragments, pp. 534, 535.
(21) Ouspensky se gardait de divulguer sa présence à Fontainebleau.
(22) Fragments, pp. 384, 385, puis 371.
(23) Docteur de lEglise, né en Palestine vers 525, mort en 605. Fut supérieur de monastère du Mont Sinaï. Son principal ouvrage est les Climaux ou Échelle. De cet ouvrage a été tiré son surnom.
(24) All and Everything, version anglaise et Ail und Alles, version allemande. Version française parue en 1956, Paris, Ed. Janus, elle comprend 1.178 pages de texte.
(25) En dehors de celui de 1924, il y en eut encore un, survenu à Paris en 1932, lorsque Gurdjieff circulait en voiture avec le Dr. L.R. de Stjiernvall.
(26) Galates, VI, 7.
(27) On prétend que la glande pinéale, dûment développée, prend une forme bulbeuse. Cest ainsi que la tradition architecturale russe donne aux dômes des églises cette forme si caractéristique.
(28) Cf. lintéressant article de J. Polivka: « Les Nombres 9 et 3 X 9 dans les Contes des Slaves de lEst », dans la Revue des Etudes Slaves, Paris, 1927, t. VII, pp. 217-223. Cf. également Afanassieff, Représentations poétiques de la Nature chez les Slaves anciens (en russe), en 3 vol., St-Pétersbourg 1865-69.
(29) Mathieu, X, 36 ; Michée, VII, 6.
CENTRE DETUDES CHRETIENNES ESOTERIQUES
34, Bd. Helvétique, GENEVEExtrait de la Revue « Synthèses », no 138, 1957
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