• Education,  Symboles et chevalerie ARTHURIENNE

     

    La progression éducative proposée dans notre ordre est  basée sur le symbolisme des légendes de la Table Ronde, c'est de lui et dans cette voie qu’il est proposé à chacun de cheminer progressivement dans la recherche toujours inachevée de la Lumiére, de celle qui vient éclairer tout homme venant en ce monde ? pourvu que les voies en soient préparées, ce à quoi s’exerce justement la chevalerie et ce depuis des temps reculés.

    La chevalerie initiatique, en effet, se veut « méthode: mise sur la voie », elle a l'ambition d'aider ceux qui s’y exposent à grandir dans leur quête d’un «principe». Visant à opérer l’échange entre les Hommes par une  communication mise au service de la Tradition, elle assume de fait le tragique de l’existence sans le nier. 

    Car la Légende arthurienne propose divers scénarii mythiques, elle met en scène de façon à les faire vivre des récits symboliques, dans des espaces qui sont lieux singuliers, multiples et vécus,  fondés sur une étendue spirituelle, lieux pour l’imagination, espaces profonds, intermédiaires entre le monde des formes immuables et le monde sensible où les choses sont vouées à périr. Réconciliant  le temps des origines celui de l'initiation avec l’imaginaire: elle nous pemet un «temps retrouvé, recommencement, qui devient, à chaque rencontre rituélique ou romanesque  récit fondateur, mythique. Comme l'écrit le sociologue Georges Balandier : « l'imaginaire emporté dans le flux ininterrompu des images et des figures qui le manifestent se nourrit encore de thèmes anciens: ceux qui le rétablissent dans une durée et l'allient aux mythes dont les significations restent vives, ceux qui resurgissent dans les vides que l'homme imaginant de ce temps ne parvient pas à combler. Et toutes les périodes de transition révèlent ce retournement vers les sources premières, vers les mythes du commencement, vers les savoirs cachés et protégés... [1]» En ce sens, elle est une pédagogie de l'Imaginaire « en actes » Et nous rejoindrons ici le philosophe René Guénon[2]: « quand les traditions se réfèrent à ces ailleurs où perdurent les mainteneurs de La Tradition, écrivait-il, elles ne font pas autre chose que d’affirmer qu’aucune entreprise humaine, culture, civilisation, ne peut apparaître ni se maintenir sans un minimum de référence à la problématique qui constitue la figure de l’homme ».

     

    Aujourd'hui, plus que jamais, semble-t-il, cette pédagogie du symbole semble une nécessité pour l'humanité toute entiére. En effet, comme l'écrivait Gilbert Durand[3]"une expérience symbolique authentique est recommandée à l'homme du 20ème siècle comme antidote, contre la marée étouffante des images passives, à une pédagogie totalitaire de type mécaniste que fournissent avec surabondance les techniques de notre temps".

    Les voies traçées par la chevalerie arthurienne  sont en effet éminemment éducatives et ce à double titre:

     - au sens le plus usuel du terme éduquer (educare := nourrir), en offrant par la richesse des contenus symboliques développées dans les Romans de la Table Ronde une véritable nourriture spirituelle qu’il appartient à chacun de s’approprier.

     - au sens plus moderne du verbe éduquer (e-ducere : = faire sortir de) soit aider les hommes à  échapper à leurs propres préjugés, à leurs allant de soi, à leurs habitudes, et, ? se sentant épris de douceur et d'amitié?, les conduire ainsi à abandonner des habitudes de penser façonnées par une société profane matérialiste érigeant le régne de la quantité en système de pensée.

    En ce sens l'éducation chevaleresque est une activité réellement symbolique qui conduit chacun à rassembler les deux parties de son être, souvent divisées. Soit symboliser avec soi, en ses parties les plus sacrées, les plus spirituelles, retrouver ce quelque chose en nous qui ne nous ressemble pas (A. Machen), notre présence ? divine ?.

    Dire celà, poser la question du rapport de la voie de la chevalerie à l'Education, c'est ainsi nous interroger à deux niveaux de sens:

    - celui de la fonction éducative du symbole et du mythe,

    -celui de leur efficacité symbolique.

     

    A) Fonction éducative du symbole et des mythes ARTHURIENS.

     

    Dans notre quête, la fonction du symbole et du mythe est incontestable et réelle car valorisée par le rituel d'intégration. De fait, les mythes fondateurs de l'ordre arthurien construisent, à l'attention de chacun, des modèles a priori, des archétypes, qui remplissent un certain nombre de fonctions visant à l'évolution individuelle et sociale des individus qui composent nos Chapitres.

    Toute société, tout systéme culturel élabore ainsi, pour se perpétuer, ses propres processus de symbolisation interne et l'étude des mythes, en fait succession de symboles agencés en récits, celle de leur évolution, nous apprendrait sans doute que  l’ordre des événements relatés (enfances de Lancelot du Lac, délivrance de la reine, quête du Graal, mort d'Arthur) n'est en aucune façon subordonnée à une régle logique ou de continuïté. Et pourtant les comparant à ceux des grandes traditions, et même à certains événements historiques, on s'aperçoit vite qu'ils reproduisent les mêmes caractères et sans doute les mêmes détails dans les diverses régions du monde et de l'histoire tant, partout où ils ont vécu, les hommes, comme l’écrivait Calude Levi-Strauss, ont aussi bien pensé, pourvu qu’ils se donnent la peine de penser.

    Les mythes mis en scène dans la Légende Arthurienne combinent ainsi plusieurs caractères. Ils se rapportent à des événements passés dans un temps merveilleux, intemporel, où régnait l'harmonie et en même temps dans un moment du temps réel (la vie d'Arthur), ils nous enseignent également que ces événements mythiques ne sont pas sans rapport avec notre propre vie.

    Ils se rapportent donc simultanément au Passé, au Présent et au Futur. Ils symbolisent avec nous, avec le temps primordial  comme avec le temps historique.

    Le fait d'entretenir chez les hommes la capacité d'une approche symbolique, en utilisant les rituels, voie d’accès à toute réflexion sur les symboles, relève bien d'une éducation, car nourrissant notre esprit en même temps qu'elle le conduit hors des voies du temps de la nécessité.

    Le repérage que nous propose la pratique chevaleresque de constellations d'images symboliques, celles la même qui structurent de tous temps l'imaginaire de l'humanité et qui nous renvoient dans le même temps à nos pratiques d'existence les plus banales reléve donc d'une pédagogie (conduite vers), nous amenant à dresser une espérance vivante devant le monde objectif de la mort, vise à la transformation euphémique du monde.

     

    B) Efficacité symbolique.

    Leur efficacité symbolique se révéle dans ce qu'elle a d'exemplaire, en permettant la structuration de contenus hétérogénes entre eux et à nos propres représentations, et l'on voit bien qu’entre les pensées du compagnon, qui vient, dans nos chapitres, emporter avec lui le tumulte du monde, les soucis du quotidien, ses luttes et ses inévitables compromissions avec la matière, la démarche qui lui est proposée intervient directement sur son développement personnel, en l'aidant à structurer, à relier entre eux des éléments épars qui, portés à la Lumière des contenus sacrés proposés à sa réflexion, vont l'aider dans une sorte de chemin obligé (chréode) à se rassembler, à recoller les deux parties de son être dans la mise en ordre, l'intégration des contenus légendaires, la conciliation des contraires. Et ce qui est vrai au niveau de chaque individu ne l’est pas moins au niveau groupal. L'Ordre (au sens de mise en ordre, d'harmonisation), permet, de fait, par la maîtrise des langages symboliques proposés, de prendre en compte nombre de significations majeures à travers lesquelles l'expérience humaine acquiert valeur et permanence. Car la démarche symbolique jette un pont, est facteur de médiation, exprimant, du fait des échanges, de la déclinaison de l'autre fondée sur l’expérience.

    Le groupe y joue un rôle certain, tiers qui permet d'échapper à la sérialité, à l'inertie du collectif du fait de la réciprocité médiante et médiatrice de chacun dans le groupe. Chacun des membres, compagnons, dames, chevaliers,  est à la fois partenaire et membre qui unifie, médié en même temps que médiateur. La relation triadique est le modèle symbolique le plus fondamental, la clef, le Chapitre étant surface de projection et incarnation des structures du mythe.

    En conclusion, on peut estimer que si trop d'hommes aujourd'hui, en ce siècle de l'éclairement, « se voient usurper leur imprescriptible droit au luxe nocturne de la fantaisie » (G Durand), la pratique symbolique proposée par l'Ordre des Chevaliers et Dames de la Table Ronde, en se référant aux manifestations du mythe, par l'enseignement du rituel et du légendaire  arthurien, permet une réflexion véritablement anthropologique sur la vocation de la subjectivité, facilite l'expresion et la communication des âmes.

    La découverte symbolique contribue, au triple niveau de l'individu, du groupe et de  la société, à redresser le déficit imaginaire par la réalisation symbolique. L'éducation dans nso chapitres est ainsi une réelle cure de réalisation symbolique car elle est un temps d'éducation au deux sens inséparables car nécessaires du terme : Instruction (educare) et capacité de Réalisation (e ducere).

     Georges Bertin.





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