• LE MYSTÈRE

    ALCHIMIQUE DE


    NOTRE-DAME DE

    PARIS


    DIALOGUE AVEC

    UN ALCHIMISTE


    JEFF LE MAT

    Carl Gustav Jung, père de la psychologie des profondeurs, est connu pour avoir relié le symbolisme hermétique de l'alchimie dans ses principes et ses opérations aux processus psychiques, par définition inconscients.
    Se référant à l’oeuvre divine de la création et au plan du salut qui lui est inhérent, on appelle le processus alchimique « Opus Magnum », le grand oeuvre qui préfigure le chemin de développement de l'âme humaine au sein des mondes de la matière. L'oeuvre alchimique est inséparable de la propre transmutation de l'opérant. Selon les principes de la table d’émeraude, ce que l'on modifie à l'extérieur modifie l'intérieur et ce qui change le microcosme modifie aussi le macrocosme (et inversement).
    L'alchimie devient, dans cette optique, une discipline de travail intérieur, d'extraction et de sublimation des éléments que sont le mercure, le soufre et le sel qui ont des correspondances symboliques avec notre psychisme. Ce travail va s’exercer sur la « materia prima », la matière première et primaire que nous sommes. Cette matière est par définition brute et imparfaite et doit subir une transformation, une transmutation pour en extraire une substance raffinée, purifiée. C’est pour cela que l’on décrit l’alchimie comme une science hermétique et secrète permettant de transformer le plomb en or, en argent ou en élixir de longue vie, représentée par la pierre philosophale.
    Cette forme d’alchimie est décrite depuis l’antiquité comme « l’Ars Magna », une philosophie visant à transformer les différents aspects de l’être humain. Cela prend sa source dans la Gnose qui a pour but la connaissance de Soi. Comme dans la psychanalyse, le cherchant va devenir l’opérant pour transformer, rectifier sa propre nature, celle dont il a hérité et dont il est constitué. Cette transformation est comme un reconditionnement de Soi où les forces en présence vont s’affronter. Nos sensations, nos sens, nos
    sentiments, nos émotions, notre raison vont devoir se rééquilibrer pour constituer une matière harmonieuse. Ce processus psychique et alchimique comporte plusieurs étapes essentielles dont la première repose sur la prise de conscience de notre matière brute. À l’instar de la formule alchimique du VITRIOL qui se traduit par « Visita Interiora Terræ Rectificando Invenies Occultum Lapidem », le cherchant doit visiter l’intérieur de sa matière en la rectifiant pour découvrir sa pierre cachée qui représente son essence, son Soi, la substance de son être qui lui permettra de transformer son microcosme intérieur comme son macrocosme qui l’entoure. Comme en alchimie, il devra appliquer le principe du « Solve Coagula », dissoudre puis rassembler les différents éléments psychiques de sa personne. C’est pour cela que cette transformation comporte plusieurs étapes. L’oeuvre va passer du noir au blanc et se terminer par l’ultime oeuvre au rouge. Pourquoi ces trois étapes? Parce que l’on ne sépare pas l’âme, le corps et l’esprit car la loi de l’Univers repose sur le ternaire et non sur le binaire qui représente la discorde. L’univers est concorde et miséricorde, à l’image de la trilogie du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.
    Alors, c’est en passant par ces étapes intérieures que le cherchant va découvrir ses symboles psychiques pour les décrypter et leurs donner un sens qui lui est propre. Comme les « Mutus Liber », les livres muets du moyen-âge constitués de symboles et d’allégories, l’alchimie psychanalytique va mettre en exergue toute la complexité de notre esprit et la représentation de notre monde intérieur et extérieur. C’est donc par phases successives que l’opérant va apprendre à maîtriser son « Athanor », son fort intérieur et le feu, la volonté qui l’anime à se transformer. Il devra prendre plusieurs voies pour y arriver: La voie humide, celle de ses sentiments et des émotions, et la voie sèche, celle de 6
    l’action et de l’accomplissement. En rectifiant et en épurant les différentes parties de lui-même, il pourra accomplir l’ultime étape initiatique du mariage symbolique du Roi et de la Reine, l’alliance du masculin et du féminin qui cohabitent en lui. De cette alliance harmonieuse, naîtra une substance précieuse qui sera le fruit de son essence et après avoir vécu cette mort symbolique à ses croyances erronées, un nouvel être apparaîtra. Le cherchant pourra alors créer son grand oeuvre, celle de sa vie. Et comme disent les alchimistes, il aura réussi « l’incarnation de l’esprit ».
    Voici donc un entretien avec un véritable alchimiste contemporain. Ce dialogue permet de découvrir non seulement une partie du symbolisme alchimique de Notre-Dame de Paris, mais aussi de comprendre l’essence de l’alchimie et la philosophie de celui qui opère.
    Vous constaterez lors de vos premières observations quelques incohérences apparentes comme l’ordre par lequel on doit lire les cartouches des vices et des vertus. On commence de droite à gauche pour le côté nord, puis pour le sud, on lit de gauche à droite. Cette manière de brouiller les cartes est typique des alchimistes. Ici, c’est un peu comme si on avait deux langues comme le latin et l’arabe qui s’écrivent dans des sens différents. Comme disait un ami rabbin, l’une est humaine et l’autre d’essence divine comme l’hébreu qui s’écrit de droite à gauche. C’est parce qu’elle doit être lue avec le miroir du coeur.
    Bonne découverte…
    Jeff Le MAT
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    La Cybèle Alchimique
    Elle tient dans sa main gauche un sceptre signe de sa royauté et de sa souveraineté. Sa tête touche le ciel ce qui atteste de sa spiritualité accomplie et de sa valeur divine. Devant elle une échelle à neuf barreaux qui symbolisent les étapes à grimper pour la réalisation de l'Opus alchimique.
    Il s'agit de la scola philosophorum qui évoque la patience que doivent posséder les alchimistes, au cours des neufs opérations successives du labeur hermétique.
    Nicolas Valois a écrit: "La patience est l'eschelle des Philosophes, et l'humilité est la porte de leur jardin; car quiconque persévérera sans orgueil et sans envie, Dieu lui fera miséricorde."
    Dans sa main droite, deux livres: L'un ouvert, l'autre fermé, qui représente les deux voies d'accès à la connaissance. Le livre ouvert représente la connaissance exotérique ou visible, le livre fermé (qui est derrière et plus discret) la connaissance ésotérique, ou connaissance invisible.
    * * *
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    Ce dialogue avec l’Alchimiste est un peu comme les deux livres de la Cybèle. Je suis l’exotérique, le profane qui questionne et lui, l’ésotériste, le gardien du secret de la matière. C’est pour cela que j’ai tenu à préserver son anonymat…mais ce n’est peut-être aussi que les deux versants d’une même montagne…MYSTÈRE ?
    J-F Le MAT.
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    VICES ET VERTUS DU PORTAIL DE NOTRE-DAME
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    Partie Nord à Gauche ( Lire de la droite vers la gauche)
    Foi & Idolâtrie
    Espérance & Désespoir
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    Charité & Avarice
    Chasteté & Luxure
    Prudence & Folie
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    Humilité & Orgueil
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    Partie Sud à Droite (Lire de la gauche vers la droite)
    Force & Lâcheté
    Patience & Colère
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    Douceur & Dureté
    Concorde & Discorde
    Obéissance & Désobéissance
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    Persévérance & Inconstance
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    J-F: Pourquoi Notre-Dame est-elle au coeur de l’Alchimie?
    AL: Bonne question... Notre-Dame est comme un livre de pierre, sans jeu de mots, qui contient l'aboutissement de l'oeuvre alchimique. C'est-à-dire que les alchimistes faisaient un pèlerinage et ils aboutissaient ce pèlerinage à Notre-Dame de Paris. C'est pour ça qu'on retrouve sur le portail du Christ, à Notre-Dame, eh bien tout l'Oeuvre. C'est une espèce de résumé, de pense-bête, qui va décrire tout l'Oeuvre.
    J-F: Est-ce qu'on en est sûr? N'est-ce pas une lecture subjective que tu ferais? Tu vois l'Oeuvre... mais pour d'autres, c'est l'entrée du Jugement, c'est le Jugement Dernier, ce sont les vices et les vertus...
    AL: Si, bien sûr que ce sont les vices et les vertus, bien sûr que c'est un regard que je porte, mais on aurait pu signifier, représenter les vices et les vertus autrement. Il ne faut pas oublier que c'est sur une église et en tant que telle, il a fallu que ce soit accepté par l'Eglise. Si on n'avait mis que des symboles alchimiques, il n'y avait aucune chance pour que ce soit accepté par l'Eglise. Donc il a fallu faire des tableaux à double entrée. Alors on a pris bien sûr les vices et les vertus, puisque là ça répondait complètement au canon, mais on a rajouté à l'intérieur des détails qui ne s'expliquent pas autrement que par une interprétation alchimique.
    J-F: Par exemple...?
    AL: Par exemple... Eh bien si l'on prend le Portail du Christ, où tout est décrit: sur la partie gauche on a la représentation philosophique de l'Oeuvre et sur la partie 17
    droite le mode d'emploi. Par exemple, sur la partie gauche, on voit un personnage qui tient un écu et sur cet écu est un corbeau. Et on se pose la question de savoir pourquoi avoir voulu mettre un corbeau là? Si on prend la partie droite, qui est plus explicable à travers les vices et les vertus, on voit un guerrier qui tient une épée qui représente la force, et dessous, on a le vice correspondant, où on voit un personnage qui s'enfuit poursuivi par un lièvre et qui laisse là son épée: C'est donc la lâcheté opposée au courage, mais on a quelques détails qui n'étaient pas nécessaires. Par exemple, le guerrier a une robe qui lui tombe sur les pieds. Là, dans le sens du courage, on ne voit pas bien. Et dans le sens de la lâcheté, il est poursuivi par un lièvre, mais derrière il y a un arbre dans lequel on voit une chouette. Pourquoi avoir rajouté ce détail qui n'apportait absolument rien de plus à l'interprétation des vices et des vertus?
    J-F: Bon, mais pourquoi avoir mis ça sur une cathédrale? Ils auraient pu se servir d'un bâtiment moins religieux. Ils se seraient moins embêtés...
    AL: Je pense qu'on a mis ça sur des bâtiments religieux et pas seulement à Notre-Dame mais ailleurs, parce que ceux qui ont fait ça voulaient sans doute une pérennité. Et je pense qu'il était plus probable que les cathédrales restent en place que des bâtiments vulgaires. En plus c'était un endroit où on pouvait se réunir, où on pouvait venir en toute impunité. Donc les gens qui venaient à l'église, venaient sur le parvis de la cathédrale et, à travers ça, avaient directement des informations dans le lieu le plus insoupçonnable possible d'hérésie. On avait le double avantage d'être sûr que ça allait rester dans le temps et de pouvoir trouver des secrets qui étaient cachés à la vue de tous.
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    J-F: Alors maintenant on va aller dans le détail. Pour la lecture, je pense que c'est de gauche à droite?
    AL: De gauche à droite, oui.
    J-F: Alors, à gauche, on a d'abord Job sur un tas de fumier. On a un médaillon carré avec Job sur un tas de fumier, et un pèlerin au-dessous, qui est avec un arbre. Alors qu'est-ce que ça veut dire?
    AL: Alors là on est sur le portail gauche. Ce qui veut dire que le portail gauche représente l'esprit, va représenter toute la philosophie de l'Oeuvre.
    J-F: Là on est sur le portail central?
    AL: Le portail central mais la partie gauche. C'est-à-dire qu'il y a: une partie gauche, la partie centrale avec une échelle (à neuf barreaux d'ailleurs), et la partie droite où on a la partie opérative de l'Oeuvre. On pourrait dire que la partie gauche, c'est la partie oratoire et la partie droite la partie labor. C'est pour ça que l'alchimiste travaille dans son labor-oratoire et qu'il a besoin d'avoir les deux pour pouvoir travailler.
    Dans cette partie oratoire, le plus à gauche qu'on va avoir -donc le premier cartouche, qui représente Job sur son tas de fumier-, va représenter la philosophie de l'Oeuvre. On voit ce personnage qui est pauvre (pauvre comme Job) et on nous dit, pour reprendre un texte biblique: heureux les pauvres en esprit (et non pas heureux les pauvres d'esprit). Ca veut dire que ceux qui sont pauvres en matière sont riches en esprit. Donc ici on va retrouver notre Job qui est sur un tas de fumier et qui dit, moi ce qui m'intéresse, c'est
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    de trouver un secret dans quelque chose que les autres rejettent comme un tas de fumier. On voit aussi qu'il a trois personnages en face de lui: ils représentent ses trois amis, et sa femme.
    Donc on nous dit: tu partiras d'une matière première que les autres rejettent comme du fumier, tu auras l'air pauvre, tu n'oublieras pas de passer par tes trois amis (il y aura donc trois étapes) et tu n'oublieras pas la partie féminine de l'Oeuvre. Plus loin on verra comment la partie féminine se traduit à l'intérieur de cet Oeuvre. Ca c'est le début de l'Oeuvre. Et au-dessous on a la fin de l'Oeuvre, où on voit notre pèlerin; il est arrivé puisqu'il y a un arbre, donc il a fini son voyage, et sous cet arbre, il y a une source qui jaillit. Bien sûr, il a remonté la rivière jusqu'à la source, la source de la Connaissance.
    Et pourquoi est-ce la Connaissance? Eh bien parce qu'il y a un arbre. L'arbre a bien sûr une signification alchimique excessivement intéressante parce qu'il va puiser à l'intérieur de la terre les choses les plus sombres, les plus noires, il les amène à la lumière, il les transforme, et il les ramène à l'intérieur de la terre. Il va donc faire le lien entre ce qui est en haut et ce qui est en bas; et on voit ici notre pèlerin qui a réussi à faire le lien entre le haut et le bas, et donc à remonter à la source de la Connaissance.
    J-F: Le premier médaillon est rond. C'est ce que le clergé nous décrit comme une colombe avec, au-dessous, un cavalier qui tombe de cheval. Et on nous dit que c'est l'humilité.
    AL (sourire): Tout à fait. Alors d'un point de vue de l'Eglise, c'est vrai. Il est curieux de remarquer qu'à ce
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    moment-là, l'Eglise représente la voie exotérique, tandis qu'on va s'apercevoir qu'il y a une représentation ésotérique à l'intérieur, cachée, qui est bien plus intéressante.
    Quand on regarde le médaillon, on s'aperçoit, si on l'examine attentivement, que ce n'est pas du tout une colombe qui est représentée; parce que si on regarde la forme du bec, on s'aperçoit bien évidemment que c'est un corbeau. Alors on va se dire, un corbeau... c'est vrai que dans une église, c'est curieux! Et on a des informations au vitrail. Il faut savoir que ces cartouches ont une correspondance directe avec la grande rosace Ouest. Cette grande rosace Ouest est partagée en vingt-quatre parties : douze inférieures et douze supérieures. Les douze inférieures représentent les douze mois de l'année, avec les travaux de la terre, et les douze supérieures représentent l'Oeuvre alchimique avec la travaux du ciel.
    Eh bien là, on voit sur ce vitrail, puisque l'avantage des vitraux, c'est qu'ils ont conservé les couleurs; il faut savoir que les bas reliefs étaient peints, mais bien sûr avec le temps ils ont perdu leurs couleurs; on retrouve donc ces informations aux vitraux, et notre vitrail..., eh bien on voit un personnage qui tient un écu avec un oiseau blanc mais à l'aile noire. Et cette aile noire est levée. Alors pour l'alchimiste, bien sûr c'est le corbeau, c'est la première étape de l'Oeuvre, qui lui permet de trouver le secret de la matière. La quête, et le but, de l'alchimie est de retrouver le fameux point comme Un. Il part du principe que tout est dans tout et qu'on peut retourner à l'Unité en partant de n'importe quoi. C'est un peu comme un arbre : de chaque feuille, je peux retourner au tronc... au tronc comme Un, bien entendu!
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    Et donc notre alchimiste, son but... bien sûr, ce n'est pas de faire de l'or, bien sûr ce n'est pas d'être éternel (peut-être qu'on en reparlera), mais c'est de trouver l'Unité. C'est ce qu'on appelle le bonheur, finalement. Le bonheur, qui est justement à la bonne heure. Et étant à la bonne heure, vous remarquerez que, pour revenir dans le temps... le seul qui est vraiment un cadeau, c'est le présent. Vous remarquerez d'ailleurs que quand on fait un cadeau à quelqu'un, on dit que c'est un présent. Et c'est pour ça que le philosophe cherchera la perfection du moment présent et de rien d'autre.
    Alors ce qu'il cherche, c'est un éternel moment présent où tout est à sa place. Et lui aussi. C'est ça, sa Quête. Il veut être dans chaque chose et que chaque chose soit en lui. Les croyants appelleront ça Dieu, qui est dans chaque chose, et chaque chose est dans lui. Le philosophe dira, eh bien je n'ai plus besoin d'autre chose puisque j'ai tout, et que tout est dans moi. Et l'initié dira, par rapport au profane... Le profane imagine qu'il est un petit point perdu dans l'univers, perdu, alors que l'initié sait que l'univers est un petit point perdu dans lui. Et la Quête, finalement, ça va être celle-là: trouver cette Unité.
    J-F: Alors le corbeau...
    AL: Oui, je reviens à mon corbeau, mais je ne peux pas expliquer le corbeau si je ne parle pas de cette Quête. Le but, c'est de retrouver quelque chose, une espèce de diapason qui va me donner la note unique de l'univers, cette vibration initiale. Et cette note unique de l'univers, elle est cachée dans chaque chose. Alors l'alchimiste, il va essayer de la retrouver, cette note unique. Il va essayer de faire un creuset, qui sera tout ce qui est en bas, et un
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    aimant (c'est pour ça que c'est toujours représenté par un beau jeune homme, parce que c'est un aimant). Cet aimant aura comme vertu d'attirer l'énergie qui est en haut. Et quand j'aurai l'énergie qui est en haut, qui est dans toute la matière qui est en bas... eh bien j'aurai réussi la conjonction des deux et j'aurai trouvé cette Unité. Donc là, on va voir comment travailler la matière qui est en bas, -c'est-à-dire ce creuset qui va être le réceptacle de cette note unique de l'univers.
    Alors comment faire?
    La première chose: on va prendre une matière (pour le moment on ne sait pas laquelle) et, pour trouver cette note unique dont je parlais... - c'est comme quand on fait une valise: quand je cherche quelque chose dedans, la première chose à faire est d'ouvrir la valise et sortir tout ce qu'il y a dedans- je commence par ouvrir la matière En alchimie on appelle ça la décomposition, ou la putréfaction, qui est d'ailleurs la même chose, ou l'Oeuvre au Noir. Pourquoi l'Oeuvre au Noir ? Parce que quand vous mettez quelque chose à décomposer, eh bien ça devient noir. En gros on peut dire qu'on volatilise la matière, qu'on la rend plus subtile. Alors, volatiliser et noir... j'ai forcément utilisé un volatile noir, donc un corbeau. Et le premier symbole de l'Oeuvre sera le corbeau, qui sera la décomposition de la matière.
    J-F: Il y a aussi le jeu de mots avec un corps beau...
    AL: Oui bien sûr, bien sûr... c'est quelque chose d'agréable à entendre.
    J-F: Et au-dessous il y a donc un cavalier qui tombe de cheval.
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    AL: Alors le cavalier qui tombe de cheval... ça, c'est la suite. C'est-à-dire qu'une fois qu'on aura décomposé la matière, on va trouver un certain nombre de principes. Ces principes sont indiqués par le nom même de la matière. Quand on entend la matière, l'alchimiste, lui, entend l'âme a tiers. Donc on considère que si l'âme a tiers, eh bien il y a deux tiers d'autre chose. Cette matière va donc être décomposée en trois parties. Et à chaque fois qu'un alchimiste va décomposer un corps, il va trouver trois principes.
    Le premier principe, dans tout corps, c'est le principe le plus dense, le plus fixe, indestructible. On prend par exemple une plante. On la calcine, on la brûle; eh bien il restera toujours quelque chose, quelque chose de très fixe, un sel. C'est d'ailleurs ce qu'en alchimie, on appelle le Sel.
    Le deuxième principe, c'est le principe animé, celui qui donne la vie, l'animation, le mouvement. Pour reprendre la plante de tout à l'heure, ce serait les huiles essentielles qui sont à l'intérieur, la partie active. Ca, c'est ce qu'en alchimie on appelle le Soufre. Et c'est toujours symboliquement représenté par un homme rouge, ou par une émotion, (h)emo, le comme le sang, contrairement à l'amour, âme, qui lui s'adresse à autre chose.
    Et enfin le troisième principe, le principe le plus subtil, le plus volatil, caché à l'intérieur de la matière, l'esprit, eh bien c'est ce qu'en alchimie, on appelle le Mercure. Pour reprendre ma plante de tout à l'heure, si je la distille (je la mets en décomposition d'abord, puis je la distille) eh bien je vais obtenir un principe, très subtil, très volatil, qu'on appelle le Mercure. Et pour bien montrer que c'est un esprit, on l'a appelé le spiritueux; parce que bien sûr c'est l'alcool caché à l'intérieur des plantes. 24
    On va donc trouver ces trois principes: Sel, Soufre, Mercure. Un corps très dense, un corps actif, et l'esprit. Eh bien, dans ma matière, ici, quand je vais la décomposer, je vais retrouver aussi ces trois principes. Et ces trois principes sont figurés justement sur les cartouches.
    Alors le cheval qui laisse tomber son cavalier... - car si on regarde bien le cartouche, on s'aperçoit que le cavalier est rejeté de son cheval, qu'il ne la maîtrise pas -, bien sûr s'il ne maîtrise pas son cheval, ce sont les émotions, c'est le Soufre. Et là on nous dit: quand tu vas décomposer la matière, la première chose qui va apparaître c'est le Soufre de cette matière, la chose qu'on n'arrive pas à maîtriser. Et au vitrail, on va avoir une information supplémentaire. On voit que le personnage assis sur son cheval est assis de dos et qu'il fait un pied de nez, pour montrer qu'il est tellement à l'aise qu'il peut se permettre de faire n'importe quoi. Et, bien sûr, lui c'est le Mercure, c'est celui qui maîtrise son cheval, celui qui maîtrise la matière.
    Et donc là on nous montre: par le corbeau, tu décomposeras le corps et tu trouveras le Soufre, représenté par le cheval qui éjecte son cavalier, et le Mercure, représenté par le cavalier qui maîtrise son cheval.
    J-F: Dans le deuxième médaillon, on a, en haut, un serpent enroulé sur un bâton et, au-dessous, ce qu'on appelle un bouffon. L'Eglise a dit que c'était la prudence, mais bon...
    AL: On ne va pas enter dans les interprétations de l'Eglise puisque ce n'est pas là notre propos... Alors le serpent qui monte sur cette verge... Qui est verge d'or puisqu'on voit exactement la même représentation au vitrail, sauf qu'au vitrail on a les couleurs, et là on s'aperçoit que le serpent
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    est vert et que la verge au-dessus est d'or. Alors le serpent, on reconnaît bien sûr le symbole de Mercure. Si on regarde un caducée, on s'aperçoit qu'on a le serpent qui monte sur une verge d'or (en réalité on a deux serpents, là on en voit un). Ce serpent représente le Mercure, c'est-à-dire l'esprit.
    Pour que l'alchimiste puisse utiliser l'esprit qui est caché à l'intérieur de la matière, il va falloir qu'il l'anime. Et il va pouvoir l'animer en faisant descendre à l'intérieur de ce Mercure, eh bien, l'énergie du soleil. Et c'est pour ça qu'on a cette verge d'or qui représente finalement un rayon de soleil. Et ce serpent qui s'enroule autour de ce rayon de soleil, va s'animer. À ce moment-là ce ne sera plus du mercure vulgaire, mais ce sera du vif-argent, c'est-à-dire de l'argent vivant. Donc il a une âme, donc il a un esprit particulier: il sera ré-animé.
    J-F: Et pourquoi est-il vert?
    AL: Alors le serpent vert... Le vert est la couleur de la connaissance des choses cachées. Ça c'est une très vieille histoire... On se souvient que dans la Genèse, on a Lucifer qui portait au front une émeraude. Cette émeraude lui donnait la connaissance de choses cachées. Et puis il s'est passé les événements que l’on connaît: Lucifer a été déçu, ou déchu, je ne sais pas (sourire), il a chu, ce qui représente en réalité la cristallisation de l'énergie. C'est-à-dire que cet ange qui est très volatil s'est densifié, il est tombé dans la terre, c'est pour ça qu'il a il a été terrassé. Vous remarquerez que chaque fois qu'il essaye de sortir, on ne le tue jamais, on le terrasse, c’est-à-dire qu'on le remet en terre, on le remet d'où il vient. À tel point que ses démons, qui sont ses acolytes, les diaboles, ceux qui fractionnent, contrairement aux symboles qui rassemblent,
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    eh bien ils ont un but, nous empêcher de rassembler, c'est-à-dire de nous élever, et c'est pour cette raison qu'ils sont ter-rifiants, puisque, bien sûr, ils nous remettent en terre. Donc Lucifer, quand il a chu, a laissé tomber son émeraude sur la terre; et on dit d'ailleurs que c'est dans cette émeraude qu'on aurait taillé le Graal... Celui qui possède cette émeraude et qui possède la couleur verte, possède la connaissance des choses cachées.
    Alors il est normal -on nous dit, il y a quelque chose de caché à l'intérieur de ce serpent, de ce Mercure - qu'on ait utilisé la couleur verte. Je vous rappelle que la couleur du diable, de tous temps, a été le vert et non pas le rouge. Tardivement, on lui a donné cette couleur rouge parce que ça allait bien avec les flammes de l'enfer, mais à l'origine il était vert, bien sûr, puisque le diable vaut vert, sans oublier que c'est le père vert, quand même... Et tardivement, donc, on a changé sa couleur parce que c'était plus allégorique. Il existe un texte qui s'appelle la Table d'Emeraude, qui aurait soi-disant été taillé sur une immense émeraude, attribué à Hermès Trismégiste, le Trois Fois Grand (qui n'existe pas puisque c'est un parchemin qu'on a retrouvé dans une tombe anonyme sur le plateau de Guizeh), et qui explique en une demi-page... tout l'Oeuvre. Et on l'a appelé la Table d'Emeraude puisque c'est la connaissance des choses cachées. Donc voilà pourquoi le vert.
    J-F: Et maintenant, pourquoi est-ce qu'à coté il y a un bouffon?
    AL: Ce n'est pas un bouffon. On voit un personnage, là... c'est un guide sur le chemin. Il tient dans une main un miroir, il a dans l'autre main une corne d'abondance, et à côté de lui est un arbre. Alors là on nous dit : regarde dans
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    le miroir, mais toi qui es capable de voir au-delà du miroir, au delà des apparences, tu auras l'abondance et la Connaissance: l'abondance donnée par la corne d'abondance et la Connaissance, bien sûr, donnée par l'arbre, qui était au début, d'où jaillit la source de la Connaissance.
    J-F: Comment est-ce qu'on sait que c'est un miroir, une vieille pierre...
    AL: Qu'il tient dans la main? Oui, c'est un miroir. Ça a la forme d'un miroir et d'ailleurs, on va le voir plus loin, il y a justement un reflet qui sort du miroir…
    Vous pouvez découvrir la suite de ce dialogue en achetant le livre dans sa version papier ou bien en format E Book, en le commandant sur mon site www.jefflemat.fr . Il est aussi disponible à a librairie du GRAAL, 15 rue Jean-Jacques ROUSSEAU 75001 Paris.
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    QUOD ERAT DEMONSTRANDUM
    “Je suis un corbeau à qui l’on ne peut crever les yeux,
    un volatil à qui l’on ne peut couper les ailes,
    je suis un Phoenix qui renaît de ses cendres.”
    Qui suis-je ?... Le MAT 29
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    PARIS – LONDON – NEW-YORK





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