• LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE ET LES SCIENCES MYSTIQUES<o:p></o:p>

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    Berthelot

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    Le monde est aujourd’hui sans mystère : la conception rationnelle prétend tout éclairer et tout comprendre ; elle s’efforce de donner de toute chose une explication positive et logique, et elle étend son déterminisme fatal jusqu’au monde moral. Je ne sais si les déductions impératives de la raison scientifique réaliseront un jour cette prescience divine, qui a soulevé autrefois tant de discussions et que l’on n’a jamais réussi à concilier avec le sentiment non moins impératif de la liberté humaine. En tout cas, l’univers matériel entier est revendiqué par la science, et personne n’ose plus résister en face à cette revendication. La notion du miracle et du surnaturel s’est évanouie comme un vain mirage, un préjugé suranné. Il n’en a pas toujours été ainsi ; cette conception purement rationnelle n’est apparue qu’au temps des Grecs ; elle ne s’est généralisée que chez les peuples européens, et seulement depuis le XVIII° siècle. Même de nos jours bien des esprits éclairés demeurent engagés dans les liens du spiritisme et du magnétisme animal.<o:p></o:p>

    Aux débuts de la civilisation, toute connaissance affectait une forme religieuse et mystique. Toute action était attribuée aux dieux, identifiés avec les astres, avec les grands phénomènes célestes et terrestres, avec toutes les forces naturelles. Nul alors n’eût osé accomplir Une œuvre politique, militaire, médicale industrielle, sans recourir à la formule sacrée, destinée à concilier la bonne volonté des puissances mystérieuses qui gouvernaient l'univers. Les opérations réfléchies et rationnelles ne- venaient qu’ensuite, toujours étroitement subordonnées.<o:p></o:p>

    Cependant ceux qui accomplissaient l'œuvre elle-même ne tardèrent pas à s’apercevoir que celle-ci se réalisait surtout par le travail efficace de la raison et de l’activité humaine. La raison introduisit. à son tour, pour ainsi dire subrepticement, ses règles précises dans les recettes d’exécution pratique, en attendant le jour où elle arriverait à' tout dominer.<o:p></o:p>

    De là une période nouvelle, demi rationaliste et demi mystique, qui a précédé la naissance de la science pure. Alors fleurirent les sciences intermédiaires, s'il est permis de parler ainsi : l'astrologie, l'alchimie, la vieille médecine des vertus des pierres et des talismans, sciences qui nous semblent aujourd'hui chimériques et charlatanesques. Leur apparition a marqué cependant un progrès immense à un certain jour et fait époque dans l'histoire de l'esprit humain. Elles ont été une transition nécessaire entre l'ancien état des esprits, livrés à la magie et aux pratiques théurgiques, et l'esprit actuel, absolument positif, mais qui, même de nos jours, semble trop dur pour beaucoup de nos contemporains.<o:p></o:p>

    L'évolution qui s'est faite à cet égard, depuis les Orientaux jusqu'aux Grecs et jusqu'à nous, n'a pas été uniforme et parallèle dans tous les ordres. Si la science pure s'est dégagée bien vite dans les mathématiques, son règne a été plus retardé dans l'astronomie, où l'astrologie a subsisté parallèlement jusqu'aux temps modernes. Le progrès a été surtout plus lent en chimie, où l'alchimie, science mixte, a conservé ses espérances merveilleuses jusqu'à la fin du siècle dernier.<o:p></o:p>

    L'étude de ces sciences équivoques, intermédiaires entre la connaissance positive des choses et leur Interprétation mystique, offre une grande importance pour le philosophe. Elle intéresse également les sauvants désireux de comprendre l'origine et la filiation des idées et des mots qu'ils manient continuellement. Les artistes, qui cherchent à reproduire les œuvres de l'antiquité, les industriels, qui appliquent à la culture matérielle les principes théoriques, veulent aussi savoir quelles étaient les pratiques des anciens, par quels procédés ont été fabriqués ces métaux, ces étoffes, ces produits souvent admirables qu'ils nous ont laissés. L'étroite connexion qui existe entre la puissance intellectuelle et la puissance matérielle de l'homme se retrouve partout dans l'histoire : c'est le sentiment secret de cette connexion qui fait comprendre les rêves d'autrefois sur la toute-puissance de la science. Nous aussi, nous croyons à cette toute-puissance, quoique nous l'atteignions par d'autres méthodes.<o:p></o:p>

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    LES SEPT METAUX ET  LES  SEPT  PLANETES<o:p></o:p>

    « Le monde est un animal unique, dont toutes les parties, quelle qu'en soit la distance, sont, liées entre elles d'une manière nécessaire. » Cette phrase de Jamblique le néoplatonicien ne serait pas désavouée par les astronomes et par les physiciens modernes, car elle exprime l'unité des lois de la nature et la connexion générale de l'univers. La première aperception de cette unité remonte au jour où les hommes reconnurent la régularité fatale des révolutions des astres; ils cherchèrent aussitôt à en étendre les conséquences à tous les phénomènes matériels et même moraux, par une généralisation mystique, qui surprend le philosophe, mais qu'il importe pourtant de connaître, si l'on veut comprendre le développement historique de l'esprit humain. C'était la chaîne d'or qui reliait tous les êtres, dans le langage des auteurs du moyen âge. Ainsi l'influence des astres parut s'étendre à toute chose, à la génération des métaux, des minéraux et des êtres vivants; aussi bien qu'à l'évolution des peuples et des individus. Il est certain que- le soleil règle, par le flux de sa lumière et de sa chaleur, les saisons de l'année et le développement de la vie végétale ; il est la source principale des énergies actuelles ou latentes à la surface de la terre. On attribuait autrefois le même rôle, quoique dans des ordres plus limités, aux divers astres, moins puissants que le soleil, mais dont la marche est assujettie à des lois aussi régulières. Tous les documents historiques prouvent que c'est à Babylone et en Chaldée que ces imaginations prirent naissance; elles ont. joué un rôle important dans le développement de l'astronomie, étroitement liée avec l'astrologie, dont elle semble sortie. L'alchimie s'y rattache également, au moins par l'assimilation établie entre les métaux et les planètes, assimilation tirée de leur éclat, de leur couleur et de leur nombre même.<o:p></o:p>

    Attachons-nous d'abord à ce dernier : c'est le nombre sept, chiffre sacré que l'on retrouve partout, dans les jours de la semaine, dans rémunération des planètes, dans celle des métaux, des couleurs, des tons musicaux.<o:p></o:p>

    L'origine de ce nombre paraît être astronomique et répondre aux phases de la lune, c'est-à-dire au nombre des jours qui représentent le quart de la révolution de cet astre. Le hasard fit que le nombre des astres errants (planètes), visibles à l'œil nu, qui circulent ou semblent circuler dans le ciel autour de la terre, s'élève précisément à sept : la Lune, le Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. A chaque jour de la semaine un astre fut attribué : les noms même des jours que nous prononçons maintenant continuent à traduire, à notre insu, cette consécration babylonienne.<o:p></o:p>

    Le nombre des couleurs fut pareillement fixé à sept ; cette classification arbitraire a été consacrée par Newton, et elle est venue jusqu'aux physiciens de notre temps. Elle remonte à une haute antiquité. Hérodote rapporte que la ville d'Ecbatane (Clio, 98) avait sept enceintes, peintes chacune d'une couleur différente. : la dernière était dorée; celle qui la précédait, argentée. C'est, je crois, la plus ancienne mention qui établisse une relation du nombre sept avec les couleurs et les métaux. La ville fabuleuse des Atlantes, dans le roman de Platon, est pareillement entourée par des murs concentriques, dont les derniers sont revêtus d'or et d'argent; maïs on n'y retrouve pas le mystique nombre sept.<o:p></o:p>

    Ce même nombre était aussi, nous l'avons dit, caractéristique des astres planétaires. D'après M. François Lenormant, les inscriptions cunéiformes mentionnent les sept pierres noires, adorées dans le principal temple d'Ouroukh en Chaldée, bétyles personnifiant les sept planètes. C'est au même symbolisme que se rapporte, sans doute, un passage du roman de Philostrate sur la vie d'Apollonius de Tyane (III, 41), passage dans lequel il est question de sept anneaux donnés à ce philosophe par le brahmane Iarchas.<o:p></o:p>

    Entre les métaux et les planètes le rapprochement résulte, non seulement de leur nombre, mais surtout de leur couleur. Les astres se manifestent à la vue avec des colorations sensiblement distinctes : Suus cuique color est,  dit Pline (II, xvi). La nature diverse de ces couleurs a fortifié le rapprochement des planètes et des métaux. C'est ainsi que l'on conçoit aisément l'assimilation de l'or, le plus éclatant et le roi des métaux, avec la lumière jaune du soleil, le dominateur du ciel. La plus ancienne indication que l'on possède à cet égard se trouve dans Pindare. La cinquième ode des Isthméennes débute par ces mots : « Mère du soleil, Thia, connue sous beaucoup de noms, c'est à toi que les hommes doivent la puissance prépondérante de l'or. »<o:p></o:p>

     

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    Dans Hésiode, Thia est une divinité, mère du soleil et de la lune, c'est-à-dire génératrice des principes de la lumière (Théogonie, 371-374). Un vieux socialiste commente ces vers en disant : « De Thia et d'Hypérion vient le soleil, et du soleil l'or. A chaque astre une matière est assignée : au Soleil For, à la Lune l'argent, à Mars le fer, à Saturne le plomb, à Jupiter l'électrum, à Hermès l'étain, à Vénus le cuivre

    1 » Cette scolie remonte à l'époque alexandrine. Elle reposait, à l'origine, sur des assimilations toutes naturelles.<o:p></o:p>

    En effet, si la couleur jaune et brillante du soleil rappelle celle de l'or :<o:p></o:p>

    orbem Per duodena régit muadi sol aureus astra 2,<o:p></o:p>

    la blanche et douée lumière de la lune a été de tout temps assimilée à la teinte de l'argent. La lumière rougeâtre de la planète Mars, igneus d'après Pline, puroeiV diaprés les alchimistes, a rappelé de bonne heure celle, du sang et celle du fer, consacrés à la divinité du même nom. C'est ainsi que Didyme, dans un extrait de son commentaire sur l'Iliade (I. V), commentaire un peu antérieur à Père chrétienne, parle de Mars, appelé l'astre du fer. L'éclat bleuâtre de Vénus, l'étoile du soir et du matin, rappelle pareillement la teinte des sels de cuivre, métal dont le nom même est tiré de celui de l'Ile de Chypre, consacrée à la déesse Cypris, nom grec de Vénus. De là le rapprochement fait par la plupart des auteurs. Entre la teinte blanche et sombre du plomb et celle de la planète Saturne, la parenté est plus étroite encore, et elle est constamment invoquée depuis l'époque alexandrine. Les couleurs et les métaux assignés à Mercure « l'étincelant » (stilbwn, radians, d'après Pline) et à Jupiter « le resplendissant » (jaeqwn) ont varié davantage, comme je le dirai tout à l'heure.<o:p></o:p>

    Toutes ces attributions sont liées étroitement à l'histoire de l'astrologie et de l'alchimie. En effet, dans l'esprit des auteurs de l'époque alexandrine, ce ne sont pas là de simples rapprochements ; mais il s'agit de la génération même des métaux, supposés produits sous l'influence des astres dans le sein de la terre.<o:p></o:p>

    Proclus, philosophe néoplatonicien du Ve siècle de notre ère, dans son commentaire sur le Timée de Platon, expose que « l'or naturel et l'argent et chacun des métaux, comme chacune des autres substances, sont engendrés dans la terre, sous l'influence des divinités célestes et de leurs effluves. Le Soleil produit l'or ; la Lune, l'argent ; Saturne, le plomb, et Mars, le fer. »<o:p></o:p>

    L'expression définitive de ces doctrines astrologico-chimiques et médicales se trouve dans l'auteur arabe Dimeschqî, cité par Chwolson (Sur les Sabéens, t. II, p. 380, 396, 411, 544). D'après cet écrivain, les sept métaux sont en relation avec les sept astres brillants, par leur couleur, leur nature et leurs propriétés : ils concourent à en former la substance. Notre auteur expose que, chez les Sabéens, héritiers des anciens Chaldéens, les sept planètes étaient adorées comme des divinités ; chacune avait son temple et, dans le temple, sa statue, faite avec le métal qui lui était dédié. Ainsi le Soleil avait une statue d'or ; la Lune, une statue d'argent; Mars, une statue de fer; Vénus, une statue de cuivre; Jupiter, une statue d'étain; Saturne, une statue de plomb. Quant à la<o:p></o:p>

    planète Mercure, sa statue était faite avec un assemblage de tous les métaux, et dans le creux ou versait une grande quantité de mercure. Ce sont là des contes arabes, qui rappellent les théories alchimiques sur les métaux et sur le mercure, regardé comme leur matière première. Mais ces contes reposent sur de vieilles traditions défigurées, relatives à l'adoration des planètes à Babylone et en Chaldée, et à leurs relations avec les métaux.<o:p></o:p>

    Il existe, en effet, une liste analogue dès le second siècle de notre ère : on la trouve dans un passage de Celse, cité par Origène (Opera, t. I, p. 646 ; Contra Celsum, I. VI, 22; édition de Paris, 1733). Celse expose la doctrine des Perses et les mystères mithriaques, et il nous apprend que ces mystères étaient exprimés par un certain symbole, représentant les révolutions célestes et le passage des âmes à travers les astres. C'était un escalier, muni de sept portes élevées, avec une huitième au sommet.<o:p></o:p>

    La première porte est de Plomb ; elle est assignée à Saturne, la lenteur de cet astre étant; exprimée par la pesanteur du métal3.<o:p></o:p>

    La seconde porte est d'étain ; elle est assignée à Vénus, dont la lumière rappelle l'éclat et la mollesse de ce corps.<o:p></o:p>

    La troisième porte est d'airain, assignée à Jupiter, à cause de la résistance du métal.<o:p></o:p>

    La quatrième porte est de fer, assignée à Hermès, parce que ce métal est utile au commerce, et se prête à toute espèce de travail.<o:p></o:p>

    La cinquième porte, assignée à Mars, est formée par un alliage de cuivre monétaire, inégal et mélangé.<o:p></o:p>

    La sixième porte est d'argent, consacrée à la Lune.<o:p></o:p>

    La septième porte est d'or, consacrée au Soleil ; ces deux métaux répondant aux couleurs des deux astres.<o:p></o:p>

    Les attributions des métaux aux planètes ne sont pas ici tout à fait les mêmes que chez les néoplatoniciens et les alchimistes. Ils semblent répondre à une tradition un peu différente et dont on retrouve ailleurs d'autres traces. En effet, d'après Lobeck (Aglaophamus, p. 936, 1829), dans certaines listes astrologiques, Jupiter est de même assigné à l'airain, et Mars au cuivre.<o:p></o:p>

    On rencontre la trace d'une diversité plus profonde et plus ancienne encore dans une vieille liste alchimique, reproduite à la fin de plusieurs manuscrits, et où le signe de chaque planète est suivi du nom du métal et des corps dérivés ou congénères.<o:p></o:p>

    La plupart des planètes répondent aux mêmes métaux que dans les énumérations ordinaires, à l'exception de la planète Hermès, à la suite du signe de laquelle se trouve le nom de l'émeraude. Or, chez les Egyptiens, d'après Lepsius, la liste des métaux comprenait, à côté de l'or, de l'argent, du cuivre et du plomb, les noms des pierres précieuses, telle que le mafek ou émeraude et le chesbet ou saphir, corps assimilés aux métaux, à cause de leur éclat et de leur valeur4. Il y a là le souvenir de rapprochements très différents des nôtres, mais que l'humanité a regardés autrefois comme naturels, et dont la connaissance est nécessaire pour bien concevoir les idées des anciens. Toutefois l'assimilation des pierres précieuses aux métaux a disparu de bonne heure, tandis que l'on a pendant longtemps continué à ranger dans une même classe les métaux purs, tels que l'or, l'argent, le cuivre et certains de leurs alliages, par exemple l'électrum et l'airain. De là des variations importantes dans les signes des métaux et des planètes.<o:p></o:p>

    Retraçons l'histoire de ces variations ; il est intéressant de la décrire pour l'intelligence des vieux textes.<o:p></o:p>

    Olympiodore, néoplatonicien du VIe siècle, attribue le plomb à Saturne; l'électrum, alliage d'or et d'argent, regardé comme un métal distinct, à Jupiter ; le fer à Mars, l'or au Soleil, l'airain ou cuivre à Vénus, l'étain à Hermès (planète Mercure), l'argent à la Lune. Ces attributions sont les mêmes que celles du scoliaste de Pindare cité plus haut; elles répondent exactement et point pour point à une liste initiale du manuscrit alchimique de Saint-Marc, écrit au xi° siècle, et qui renferme des documents très anciens.<o:p></o:p>

    Les symboles alchimiques consignes dans les manuscrits comprennent les métaux suivants, dont l'ordre et les attributions sont constants pour la plupart.<o:p></o:p>

      L'or correspondait au. Soleil, relation que j'ai exposée plus haut. Le signe de l'or est presque toujours celui du soleil, et il est déjà exprimé ainsi, dans les papyrus de Leide.<o:p></o:p>

      L'argent correspondait à la Lune et était exprimé toujours par le même signe planétaire.<o:p></o:p>

      L'électrum, alliage d'or et d'argent, était réputé un métal particulier chez les Egyptiens, qui le désignaient sous le nom d'asem, nom qui s'est confondu plus tard avec le mot grec asemon, argent non marqué. Cet alliage fournit à volonté, suivant les traitements, de For ou de l'argent. 11 est décrit par Pline, et il fut regardé jusqu'au temps des Romains comme un métal distinct. Son signe était celui de Jupiter/attribution que nous trouvons déjà dans Zosime, auteur alchimique du m6 ou IVe siècle de notre ère.<o:p></o:p>

    Quand l'électrum disparut de la liste des métaux, son signe fut affecté à l'étain, qui jusque-là répondait à la planète Mercure (Hermès). Nos listes alchimiques portent la trace de ce changement5. En effet, la liste du manuscrit de Venise porte (fol. 6) : « Jupiter, resplendissant électrum. » Et ces mots se retrouvent, toujours à côté du signe planétaire, dans le manuscrit 2327 de la Bibliothèque nationale de Paris (fol. 17 recto, ligne -16), la première lettre du mot Zeus figurant sous deux formes différentes (majuscule et minuscule). Au contraire, un peu plus loin, dans une autre liste du dernier manuscrit (fol. 18 verso, ligne 5), le signe de Jupiter est assigné à l'étain.<o:p></o:p>

    4° Le plomb correspondait à Saturne : cette attribution n'a éprouvé aucun changement, quoique le plomb ait plusieurs signes distincts dans les listes.<o:p></o:p>

    Le plomb était regardé par les alchimistes égyptiens comme le générateur des autres métaux et la matière première de la transmutation. Ce qui s'explique par ses apparences, communes à divers autres corps.<o:p></o:p>

    En effet, ce nom s'appliquait, à l'origine, à tout métal ou alliage métallique blanc et fusible; il embrassait l'étain (plomb blanc et argentin, opposé au plomb noir ou plomb proprement dit, dans Pline) et les nombreux alliages qui dérivent de ces deux métaux, associés entre eux et avec l'antimoine, le zinc, le nickel, le bismuth, etc. Les idées que nous avons aujourd'hui sur les métaux simples ou élémentaires, opposés aux métaux composés ou alliages, ne se sont dégagées que peu à peu dans le cours des siècles. On conçoit d'ailleurs qu'il en ait été ainsi, car rien n'établit à première vue une distinction absolue entre ces deux groupes de corps. .<o:p></o:p>

    5° Le fer correspondait à Mars. Cette attribution est la plus ordinaire. Cependant dans la liste de Celse le fer répond à la planète Hermès.<o:p></o:p>

    Le signe même de la planète Mars se trouve parfois donné à l'étain dans quelques-unes des listes. Ceci rappelle encore la liste de Celse qui assigne à Mars l'alliage, monétaire. Mars et le fer ont deux signes distincts, quoique communs au métal et à la planète, savoir : une flèche avec sa pointe, et un x, abréviation du mot xsuraV, nom ancien de la planète Mars, parfois même avec adjonction d'un p, abréviation de puroeiV, « l'enflammé », autre nom ou épithète de Mars.<o:p></o:p>

    6° Le cuivre correspondait à Vénus, ou Cypris, déesse de l'île de Chypre, où l'on trouvait des mines de ce métal, déesse assimilée elle-même à Hathor,1a divinité égyptienne multicolore, dont les dérivés bleus, verts, jaunes et rouges du cuivre rappellent les colorations diverses.<o:p></o:p>

    Toutefois la liste de Celse attribue le cuivre à Jupiter et l'alliage monétaire à Mars. La confusion entre le fer et le cuivre, ou plutôt l'airain, aussi attribués à la planète Mars, a existé autrefois; elle est attestée par celle de leurs noms : le mot oes, qui exprime l'airain en latin, dérive du sanscrit ayas, qui signifie le fer6. C'était sans doute, dans une haute antiquité, le nom du métal des armes et des outils, celui du métal dur par excellence.<o:p></o:p>

    7° L'étain correspondait d'abord à la planète Hermès ou Mercure. Quand Jupiter eut changé de métal et fut affecté à l'étain, le signe de la planète primitive de ce métal passa au mercure.<o:p></o:p>

    La liste de Celse attribue l'étain à Venus, ce qui rappelle aussi l'antique confusion du cuivre et du bronze (airain, alliage d'étain).<o:p></o:p>

    8° Mercure. Le mercure, ignoré, ce semble, des anciens Egyptiens; mais connu à l'époque alexandrine, fut d'abord regardé comme une sorte de contre argent et représenté par le signe de la lune retourné. Il n'en est pas question dans la liste de Celse (IIe siècle). Entre le VIe siècle (liste Olympiodore le philosophe, citée plus haut) et le VIIe siècle de notre ère (liste de Stephanus d'Alexandrie, qui sera donnée tout à l'heure), le mercure prît le signe de la planète Hermès, devenu libre par suite des changements d'affectation relatifs à Pétain.<o:p></o:p>

    Ces attributions nouvelles et ces relations astrologico-chimiques sont exprimées dans le passage suivant de Stephanus : « Le démiurge plaça d'abord Saturne, et vis-à-vis le plomb, dans la région la plus élevée et la première; en second lieu, il plaça Jupiter vis-à-vis de l'étain, dans la seconde région; il plaça Mars le troisième, vis-à-vis le fer, dans la troisième région; il plaça le Soleil le quatrième, et vis-à-vis For, dans la quatrième région; il plaça Vénus la cinquième, et vis-à-vis le cuivre, dans la cinquième région ; il plaça Mercure le sixième, et vis-à-vis le vif-argent, dans la sixième région; il plaça la Lune la septième, et vis-à-vis l'argent, dans la septième et dernière région7. » Dans le manuscrit, au-dessus de chaque planète, ou de chaque métal, se trouve son symbole. Mais, circonstance caractéristique, le symbole de la pianote Mercure et celui du métal ne sont pas encore les mêmes, malgré le rapprochement établi entre eux, le métal étant toujours exprimé par un croissant retourné. Le mercure et l'étain ont donc chacun deux signes différents dans nos listes, suivant leur époque.<o:p></o:p>

    Voilà les signes fondamentaux des corps simples ou radicaux, comme nous dirions aujourd'hui.<o:p></o:p>

    Ces signes sont le point de départ de ceux d'un certain nombre de corps, dérivés de chaque métal et répondant aux différents traitements physiques ou chimiques qui peuvent en changer Fêtât ou l'apparence.<o:p></o:p>

    Tels sont : la limaille, la feuille, le corps calciné ou fondu, la soudure, le mélange, les alliages, le minerai, la rouille ou oxyde. Chacun de ces dérivés possède dans les listes des manuscrits un signe propre, qui se combine avec le signe du métal, exactement comme on le fait dans la nomenclature chimique de nos jours.<o:p></o:p>

    Les principes généraux de ces nomenclatures on donc moins changé qu'on ne serait porté à le croire, l'esprit humain procédant suivant des règles et des systèmes de signes qui demeurent à peu près les mêmes dans la suite des temps. Mais il convient d'observer que les analogies fondées sur la nature des choses, c'est-à-dire sur la composition chimique, démontrée par la génération réelle des corps et par leurs métamorphoses réalisées dans la nature ou dans les laboratoires, ces analogies, dis-je, subsistent et demeurent le fondement de nos notations scientifiques ; tandis que les analogies chimiques d'autrefois entre les planètes et les métaux, fondées sur des idées mystiques sans base expérimentale, sont tombées dans un juste discrédit. Cependant leur connaissance conserve encore de l'intérêt pour l'intelligence des vieux textes et pour F histoire de la science.<o:p></o:p>

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    Steinheil, 1885.<o:p></o:p>

    382.<o:p></o:p>

     

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