• L'Atlantide

     

    Vers l'an 600 avant la naissance du Christ, Solon était l'homme politique le plus connu de Grèce. Il venait d'achever à Athènes une série de réformes politiques et économiques et avait sagement décidé de se retirer quelque temps pour laisser ces mesures prendre effet. Il se rendit alors en Égypte, plus particulièrement dans la ville de Sais, alors capitale administrative du pays. C'est à Sais que des prêtres lui racontèrent la fabuleuse histoire de l'Atlantide.

    La cité perdue

    Selon les prêtres, les Atlantes habitaient, il y a longtemps, un archipel dont une des îles s'appelait Atlantis. C'était un riche empire, pourvu à profusion de plantes utiles, d'animaux et de métaux. Ne se contentant pas de ces richesses naturelles, les Atlantes étaient des commerçants et des navigateurs accomplis; ils avaient doté leur ville, éloignée de cinq milles de la mer, d'un port artificiel remarquable. En outre, ils étaient d'excellents architectes et de grands artistes qui avaient élevé des constructions où le blanc, le noir et le rouge se combinaient en dessins variés. Mais les Atlantes tentèrent de s'emparer d'une partie de la Grèce et ils furent repoussés. Selon les prêtres égyptiens, Posséidon, le dieu de la mer, décida de les châtier pour être sortis de leurs îles; il provoqua des tremblements de terre et des inondations qui engloutirent l'Atlantide et les autres îles.

    Solon s'étonna de ce qu'un fait historique aussi important n'ait laissé aucun souvenir chez les Grecs. Les prêtres lui répondirent en riant: "Solon, vous autres Grecs, vous êtes perpétuellement enfants. Vieux, pas un Grec ne l'est. (...) Votre âme ne renferme aucune opinion antique de vieille tradition, ni aucun savoir blanchi par le temps."

    En effet, les pyramides égyptiennes étaient debout bien avant que les Grecs n'aient occupé la Grèce et ses îles. Lorsque Solon revint en Grèce il raconta l'histoire à ses proches et à ses enfants. Près de deux siècles passèrent, puis, le philosophe Platon écrivit l'essentiel des informations dans deux volumes présentés comme le récit d'événements s'étant réellement produit. Platon fixe à 9000 ans avant le Christ la destruction de l'Atlantide, qu'il situe dans l'Atlantique, car les prêtres égyptiens avaient précisé que les Atlantes vivaient à l'ouest de l'Égypte, au-delà du détroit de Gibraltar. Dans sa description, Platon signale que, par l'Atlantide, on pouvait passer au continent en face. Le philosophe aurait probablement donné plus d'informations, mais son dernier livre se termine brutalement, au beau milieu d'une phrase...

    Pour Platon, aucun doute, l'histoire de l'Atlantide qui "disparut sous la mer en un seul jour et une seule nuit" est vraie. Il précise: "Cette histoire, bien qu'étrange, est certainement vraie puisqu'elle a été relatée par Solon, le plus ancien des sept sages."

    A l'époque, l'opinion publique était divisée. Certains croyaient que le récit était exact dans ses moindres détails, alors que d'autres, tel Aristote, affirmaient qu'il s'agissait là de légendes. Commentant la fin brusque du livre de Platon, Aristote écrivait: "Lui qui la fit (l'Atlantide), la détruisit". Ainsi, pour Aristote, le premier d'une longue liste de sceptiques, Platon avait fait sombrer l'Atlantide dans les profondeurs de l'océan pour prévenir la critique qui aurait pu s'intéresser à la localisation actuelle de l'archipel et de l'île Atlantis. Au cours des siècles qui suivirent, la pensée d'Aristote se propagea par les chrétiens et, bientôt, seuls les érudits se rappelaient les textes de Platon.

    A la fin du Moyen-Age, les Turcs s'emparent de Constantinople chassant ainsi les savants grecs. Ces derniers remettent à la mode les textes de Platon et l'imprimerie fait le reste. A cette même époque, débute, avec Colomb, Cartier, Cabot, l'ère des grandes découvertes et on se souvient des textes de Platon. Ce dernier écrivait que, au-delà du détroit de Gibraltar, il y avait eu une grande île et, plus loin, un continent. Aussi, la découverte d'un nouveau continent, l'Amérique, cause un choc chez les savants qui y voient la preuve des écrits de Platon.

    D'autres éléments s'ajoutent peu a peu. Les légendes aztèques rapportent qu'un Dieu blanc et barbu est venu de l'Est il y a fort longtemps. On s'interrogea également sur les ressemblances étranges entre les pyramides du Mexique et celles de l'Égypte, de même que sur les momies des incas et celles des pharaons. De même, comment est-il possible que certaines plantes ne poussent qu'en Afrique et en Amérique: comme ce n'est qu'au milieu du XXe siècle qu'on accepte l'idée de la dérive des continents (l'Afrique était jadis imbriquée dans l'Amérique du sud), on suppose alors que l'Atlantide était au milieu de l'océan Atlantique avant de s'enfoncer sous les flots. Pour beaucoup d'auteurs, il devient évident que l'Atlantide a été le pont entre l'Amérique et les vieux continents.

    Mais comme on ne trouve pas de preuve concluante, l'Atlantide retombe dans l'oubli pour quelques siècles.

    En 1882, Ignatius Donelly écrit Atlantis, Myths of the Antediluvian World? Le succès du livre est phénoménal. Cinquante éditions se succèdent et l'ouvrage circule parmi tous les amateurs de mystères. Selon Donelly, l'Atlantide est le berceau de la civilisation et beaucoup de lecteurs sont d'accord. Les cultes atlantes foisonnent dans toutes les couches de la société européenne et le premier ministre de la Grande-Bretagne, Gladstone, tente même d'obtenir l'approbation du cabinet britannique pour le financement d'un navire d'exploration destiné à rechercher l'Atlantide.

    Au début du vingtième siècle, la famille Krupp, les marchands d'armes les plus riches d'Europe, dépense un demi-million de dollars pour financer une expédition dans le Matto Grosso au Brésil, à la recherche de l'Atlantide. En vain.

    En fait, on prétend toujours que l'Atlantide n'est pas là où on la cherche. On la situe au Maroc, au Sahara, dans la mer du Nord, en Sibérie et en Belgique! Paul Schliemann, petit-fils du célèbre archéologue Henrich Schliemann, le découvreur de la ville de Troie, écrit un livre en 1911, How I discovered Atlantis, the Source of all Civilizations, qui raconte que son grand-père aurait laissé peu avant sa mort, une lettre cachetée destinée a n'être ouverte que par un membre de sa famille qui consacrerait sa vie aux recherches sur l'Atlantide. Alors que le public est convaincu que la solution est à portée de la main, des experts découvrent que Paul a fabulé allègrement.

    Quelques années plus tard, un dénommé James Churchward révèle à son tour que des prêtres hindous lui ont appris qu'il y avait deux continents disparus, l'un, l'Atlantide, qui a sombré dans l'Atlantique et l'autre, le continent Mu qui a sombré dans le Pacifique. Là aussi, on constate rapidement que Churchward n'offre pas l'ombre d'une preuve.

    Lorsqu'on découvre qu'une chaîne de montagnes existe bel et bien au milieu de l'Atlantique Nord et que des îles comme les Acores et les Canaries sont les sommets émergeants de chaînes de montagnes englouties, les rumeurs repartent de plus belle, alimentées par des voyants, tel l'Américain Edgar Cayce.

    Mais depuis les années 1960, on s'est demandé si on ne cherchait pas l'Atlantide trop loin, se rappelant que les Égyptiens ne connaissaient, somme toute, rien aux choses maritimes et que pour eux le détroit de Gibraltar était une notion géographique on ne peut plus vague. La seule chose certaine est que l'Atlantide devait se trouver à l'ouest de l'Égypte. Puis, à mesure que les découvertes archéologiques se succédaient en Méditerranée, on découvrait de plus en plus l'importance d'un empire dont on savait peu de choses, celui de l'île de Crète.

    En effet, la civilisation crétoise n'avait été redécouverte qu'au début de ce siècle avec les fouilles de l'archéologue Arthur Evans. Les anciens Grecs l'avaient complètement oubliée et ne se souvenaient vaguement que de quelques mythes, celui du Minotaure, du fil d'Ariane, des combats de taureaux, etc. Or, les fouilles archéologiques ont révélé une civilisation agréable, pacifique, avec des maisons familiales à deux ou trois étages, l'eau courante et l'égoût. La civilisation crétoise était le centre d'un vaste empire qui, par son commerce et son influence, s'étendait sur une bonne partie de la Méditerranée, à une époque où les peuples craignaient la mer. En somme, tout le commerce entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique était aux mains des Crétois qui dominaient la mer. Selon les anciens Grecs, la civilisation crétoise avait été anéantie par l'invasion des Grecs.

    Mais les découvertes archéologiques montrent plutôt que la civilisation crétoise a été frappée par une mystérieuse catastrophe vers 1500 avant Jesus-Christ. Des fouilles effectuées près de la Crète sur l'île de Thera, appelée Santorin, ont montré que l'île avait subi une gigantesque inondation.

    Dans l'Antiquité, Thera était surnommée "la ronde" à cause de sa forme, mais l'éruption d'un volcan ayant détruit et englouti une partie de l'île, celle-ci a aujourd'hui la forme d'un croissant. Cette explosion, de même que les raz de marée provoqués par les secousses sismiques, ont probablement été l'une des causes du déclin de la Crète et de sa conquête ultérieure par les Grecs. Des forages ont en effet révélé la présence de cendres volcaniques sur Thera et en Crète, permettant d'imaginer l'ampleur de l'explosion.

    L'examen scientifique démontre que l'éruption de Thera atteignit une violence de beaucoup supérieure à celle du Krakatoa en 1889. Dans ce dernier cas, le bruit de l'explosion fut entendu à 4800 kilomètres de là. Un nuage de poussière s'éleva à 80 kilomètres dans les airs, plongea la ville de Djakarta, distante de 160 kilomètres, dans une obscurité totale et recouvrit celle de Bandoeng, distante de 240 kilomètres. Une partie de l'île s'effondra, la mer s'y engouffra, suscitant une vague qui dévasta tout sur son passage, atteignant encore 15 mètres de hauteur à 80 kilomètres de son point de départ! Un phénomène d'une telle envergure ne se reproduit qu'une fois tous les 10 000 ans. C'est probablement ce qui s'est produit au coeur de l'empire crétois.

    L'énigme est-elle résolue? Pas pour ceux qui veulent continuer à croire en la mythique Atlantide. Celle-ci a fait l'objet de plus de 5000 volumes et de tonnes d'articles. Elle a inspiré les classiques. Elle demeurera une partie importante de notre culture.





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