• Sainteté

     

     Le Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

    Fondateur de l'Institut Notre Dame de Vie

    1894-1967

    Fête le 27 mars

     

    Né le 2 décembre 1894 dans un modeste foyer de l'Aveyron, au Gua, en France, Henri Grialou, encore enfant, s'oriente vers le sacerdoce. Après la Première Guerre Mondiale, pèriode où il expérimentte la puissante protection de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, il reprend ses études au Séminaire, y témoignant d'une profonde vie spirituelle. La découverte de Saint Jean de la Croix   lui révèle la vocation impérative du Carmel où il entre dès son ordination sacerdotale, en février 1922. Il prend le nom de Marie-Eugène de l'Enfant Jésus.

     

    Fortement saisi par l'Absolu de Dieu et la grâce mariale qui caractérisent le Carmel, le Père Marie-Eugène servira passionnément l'Eglise et l'Ordre: fondateur de l'Insitut Séculier Notre Dame de Vie, Visiteur Apostolique des Carmélites de France, Définiteur Général et Vicaire Général de l'Ordre à Rome, Provincial du Sud de la France.

     

    Il emploie toute sa vie à diffuser l'esprit et la doctrine du Carmel pour que soit largement vécue l'union de la contemplation et de l'action. Il transmet cette doctrine carmélitaine dans la "somme théologique spirituelle qu'est Je veux voir Dieu, ce chef d'oeuvre qui met l'auteur parmi les grands maîtres de spiritualité que Dieu à donné à l'Eglise par le Carmel." (P. Général des Carmes), livrant en même temps sa propre expérience de contemplatif et d'apôtre.

     

    Appelé par Dieu à transmettre sa grâce à un grand nombre d'âme, il fonde l'Institut Notre Dame de Vie, dont les membres, laïcs et Prêtres,veulent témoigner du Dieu vivant et le révéler aux hommes de notre temps. Son désir est d'ouvrir à tous les chrétiens, en plein monde et dans la vie ordinaire, les chemins de la contemplation et de la sainteté, à la suite de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, dont il est "l'un des disciples les plus importants au XXe siècle... et pour les temps à venir". (Mgr Guy Gaucher).

     

    Toute la vie du Père Marie-Eugène fut marquée par une emprise puissante de l'Esprit Saint et de la Vierge Marie. En réponse à sa fidèlité d'amour, la Vierge Marie vint le chercher le 27 mars 1967, un lundi de Pâques, jour où lui-même aimait à célébrer la joie pascale de Marie, Mère de Vie. Sa cause de Béatification a été ouverte le 7 avril 1985 par l'Archevêque d'Avignon.

     

    Prière pour obtenir la glorification du

    Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

     

    Dieu notre Père, nous Te remercions de nous avoir donné le Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus. Sa vie est un témoignage lumineux d'union au Christ, de docilité à l'Esprit Saint et de confiance filiale en la Vierge Marie. Il nous fait connaître les profondeurs de Ton Amour et nous montre comment vivre chaque jour en Ta présence dans la Foi. Il nous apprend à persévérer dans la prière silencieuse pour être les témoins de Ta vie divine. Accorde-nous par son intercession, la grâce que nous Te demandons et si telle est Ta Volonté, permets que l'Eglise reconnaisse sa sainteté afin qu'elle porte du fruit dans le monde. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

     

    LE PERE MARIE-EUGENE DE L'ENFANT-JESUS, UN GRAND SAINT POUR L'AVEYRON ET POUR LE MONDE.

    Texte rédigé par Rémi Soulié


    Traditus gratiae Dei
    Par une grâce spéciale, le Rouergue épiphanique donna le jour au plus grand mystique carme depuis sainte Thérèse d'Avila, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, sainte Thérèse Bénédicte de la Croix: le Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, né Henri Grialou. Pourtant, pas une anthologie des Aveyronnais célèbres qui ne l'ignore, alors que sa cause de béatification a été ouverte en 1985, à l'initiative de Mgr Bouchex, archevêque
    d'Avignon. **
    Le nom qu'il s'est choisi l'indique: Eugène est bien-né, "enraciné dans son Aveyron natal", comme dit Mgr Gaucher. C'est d'ailleurs en hommage à la prieure du Carmel de Rodez Mère Marie-Eugène du Sacré-Coeur, avec qui il s'entretient longuement des maîtres du Carmel, que le Père Marie-Eugène décide de s'appeler ainsi, dès son entrée dans l'Ordre carmélitain.

    Henri Grialou naît donc au Gua, près d'Aubin, le 2 décembre 1894. Sa famille, très modeste, nombreuse - il a un frère et trois soeurs - est d'origine paysanne, comme la plupart des familles rouergates. Son père, Auguste Grialou, né en 1860, après avoir effectué son service militaire en Algérie pendant cinq ans dans une section d'infirmiers, travaille à la mine. Sa mère, née Marie Miral, tient un petit restaurant qu'elle abandonne pour se consacrer à l'éducation de ses enfants. Ses propres parents sont agriculteurs à Valzergues, à côté de Montbazens. En 1904, Auguste Grialou meurt d'une pneumonie, alors qu'Henri est à peine âgé de dix ans. La figure maternelle prend pour lui des proportions considérables, "objet (...) d'un culte d'adoration, de tendresse et de reconnaissance éperdue." D'où une dévotion particulière au mystère marial, entrevue à travers le mystère Miral. Au cours de son agonie, harcelé par le Démon, il appellera sa mère au secours. Veuve, Marie Grialou subvient aux besoins de sa famille, aidée de son fils aîné Marius, ouvrier de seize ans, sans ménager sa peine. Au Gua, on l'appelle "le granit du Rouergue"! Le voeu de pauvreté, si j'ose dire, ne coûtera pas au jeune Carme. Pour soulager sa mère,
    Henri garde des porcs, sur un crassier, et participe à sa manière à la
    "division du travail".

     


    Elève des Frères des Ecoles chrétiennes, Henri rencontre peu de temps après sa première communion un religieux missionnaire de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit envoyé au Gua, déjà terre d'évangélisation. Grâce à lui, il peut réaliser sa vocation: devenir prêtre. Après un séjour à l'étranger, Henri entre au Petit Séminaire de Graves, à côté de Villefranche-de-Rouergue, où il excelle: au palmarès du 24 juillet 1909, présidé par l'évêque de Rodez Mgr deLigonnès, il remporte six prix sur douze. A la fin des études secondaires, bac en poche, Henri entre au Grand Séminaire de Rodez le 2 octobre 1911. Le 12 décembre 1913, la guerre approchant, il interrompt ses études pour s'engager au 122° Régiment d'Infanterie de Rodez, animé par un solide esprit patriotique. Il obtient le grade de

    lieutenant et plusieurs décorations pour bravoure. Il ne reprend sa formation théologique qu'en 1919, un an après l'armistice. Cette longue expérience militaire servira à la vocation de ce soldat de Dieu, physiquement et spirituellement. Lui-même se voudrait, à la Bernanos, "un bon capitaine de l'armée du Christ". Ce versant martial de l'"athlète" paulinien perdure dans un sens profond de l'ascèse. Outre d'atroces combats menés sur le front - Verdun, Chemin des Dames _-il s'occupe des recrues du 122° R.I. à Tournemire. Souvent, il éprouve la protection spéciale de sainte Thérèse deLisieux, pour lui et pour ses hommes. Les témoignages abondent, surtout chez les anticléricaux. Quarante sept séminaristes de Rodez trouvent la mort dans ce qu'il faut bien appeler avec Léon Bloy une "guerre d'extermination.":"Ils nous aideront, plus tard, à tenir notre rôle, et permettront que nous travaillions pour eux. Plus que jamais, il y aura du travail."

     

     

    Henri Grialou anime un patronage de jeunes filles à la cathédrale de Rodez. Ses supérieurs remarquent avec admiration sa maîtrise et l'étendue de ses dons. Marie Grialou, elle, renâcle. Elle craint de perdre ce fils tant aimé. Avec ses gros sabots, on l'entend venir de loin: elle accepterait bien la prêtrise de son fils, mais à condition de finir ses jours auprès de lui, dans une paroisse rurale du département. Date capitale: le 13 décembre 1920, alors qu'Henri est en retraite de sous-diaconat, il lit un Abrégé de la vie de saint Jean de la Croix, par le P.
    Alfred Parent. Il a la certitude que Dieu le veut au Carmel: "Je crois que je deviens fou!..."
    "Au fond de mon âme, c'est avec saint Jean de la Croix que je vis."Cette conversion subite, à la suite d'une lectio divina, rappelle une autre grande âme du Carmel, sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, née Edith Stein, transformée après la lecture de la Vie de sainte Thérèse d'Avila. Henri reçoit le sacrement de l'Ordre le 4 février 1922, dans l'ancienne chapelle du Grand Séminaire de Rodez. Par dépit amoureux, madame Mère n'assiste pas à la première messe de son fils inique. Il célèbre sa deuxième messe au sanctuaire marial de Ceignac là même où Marie Grialou _ jouez ici avec les anagrammes _ l'avait emmené prier la Vierge, petit enfant, alors qu'il ne
    marchait pas, là même où, miraculeusement, il fit ses premiers pas. Le jeune prêtre célèbre peu après une messe à Valzergues, en mémoire de sa grand-mère maternelle puis, le 12 février, sa première messe en l'Eglise du Gua. Il quitte ensuite son pays et sa famille pour entrer dans l'Ordre des Carmes Déchaux, au couvent d'Avon, près de Fontainebleau.Les travaux que nous avons consultés rapportent un bref séjour du Père au Carmel de Villefranche-de-Rouergue, l'essentiel de ses périgrinations l'ayant mené partout dans le monde afin de poursuivre sa grande oeuvre, son "livre ouvert", comme il disait, la fondation de l'Institut Notre-Dame de Vie, en 1932, à Venasque, dans le Vaucluse, son "livre fermé", Je veux voir Dieu, somme de théologie mystique, en étant le deuxième volet, paru en 1949. Nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de sa publication.


    Sainte Thérèse de Lisieux, cloîtrée, patronne les Missionnaires; Marthe Robin, clouée sur son lit, fonde soixante-cinq Foyers de Charité dans le monde entier. Dieu écrit droit en lignes courbes, dit-on. "Action et contemplation bien unies", comme le Père Marie-Eugène le prescrivait une dernière fois à ses disciples avant de mourir, voilà le leitmotiv de sa pensée et de sa vie. La coïncidentia oppositorum n'effraie pas les spirituels. Ils savent que le paradoxe et l'oxymore _-je renvoie à tous les écrits mystiques, à Pascal en particulier- sont la rhétorique de Dieu dont la raison aimante échappe à la raison naturelle, plus encline à la dialectique depuis le péché originel.

     

    Fameux rouergats

    Père Marie-Eugène 2

    Avec l'aide de trois laïcs avides de contemplation dans le monde, le Père Marie-Eugène crée donc Notre-Dame de Vie, dont le rayonnement ne cessera de produire du fruit sur la terre entière: Philippines, Allemagne, Canada, Mexique, Espagne, Vietnam, Chine, U.S.A. où le Père se rend pour fonder des Instituts. Le 21 novembre 1973, six ans après la mort d'Henri Grialou (+1967), Marie Pila, fidèle de la première heure, fait approuver l'Institut par le Saint-Siège, comme un seul Institut séculier à trois branches autonomes (féminine, masculine, sacerdotale) inspiré _ au sens fort - par la doctrine mariale et prophétique du Carmel. Grâce au Père Marie-Eugène, des baptisés peuvent désormais vivre de l'oraison sans quitter le siècle.

    Le parcours ecclésiastique du Père Marie-Eugéne ne l'en a pas moins mené à d'autres fonctions: directeur de la revue Carmel, supérieur du couvent du Petit Castelet à Tarascon, prieur du couvent des Carmes à Agen, prieur du couvent de Monte-Carlo, définiteur général de l'Ordre à Rome, visiteur apostolique des Carmels de France, vicaire général de l'Ordre, Provincial d'Avignon-Aquitaine de 1957 à 1967.

     

    Schématiquement, la pensée du Père Marie-Eugène repose sur trois idées-forces:L'union de la prière et de l'action "Tout Ordre religieux ou Institut se propose de conduire ses membres à la perfection de la charité qui est l'essence même de la perfection chrétienne et religieuse. Certains les appliquent à la recherche de Dieu par l'amour: ce sont les Instituts contemplatifs. D'autres les emploient aux oeuvres de charité à l'égard du prochain: ce sont les Instituts actifs. Parce qu'il veut à la fois embrasser le double objet de la charité, Dieu et le prochain, par la contemplation et par les oeuvres de zèle, l'Institut Notre-Dame de Vie est un Institut à vie mixte."Pour le Père Marie-Eugène, le spirituel prime tout. A aucun moment l'homme ne doit perdre le sens de sa destinée surnaturelle et éternelle. Il n'aura pas de mots assez durs ni assez prophétiques pour dénoncer la ruse diabolique de l' " humanisme athée " pourvoyeur des charniers auquel il oppose la doctrine catholique de la Providence. Dans son homélie du dimanche 16 juin 1963, il commente la parabole des invités discourtois (Luc XIV, 16-24) et admoneste: "Oh certes! nous avons à soulager la misère humaine ici-bas, diminuer la faim physique, augmenter le bien-être dans une certaine mesure, faire meilleures les conditions de vie ici-bas. Nous le ferons surtout en nourrissant les âmes du divin. Notre mission est surtout de les appeler au banquet éternel, ne l'oublions pas. Ne nous laissons pas troubler par les appels qui viennent d'ailleurs, qui viennent du prince de ce monde qui voudrait faire de ce monde un paradis, y établir des conditions telles qu'elles nous fassent oublier Dieu, oublier la vie éternelle. Mettons de l'ordre en notre esprit pour savoir discerner les véritables valeurs: les valeurs temporelles qui ont leur importance certes, et les valeurs éternelles, les seules qui restent, les seules qui sont dignes d'être désirées et poursuivies de façon absolue."L'oraison constitue donc le socle inébranlable de sa doctrine; les laïcs de l'Institut, sans abandonner leur vie professionnelle, seront des orants ou, comme le dit le père lui-même, des "apôtres contemplatifs." Sans cesser d'agir, à la place sociale ou familiale qui est la leur, sans clôture, donc, ils feront du tête-à-tête entre l'âme et son Créateur le fondement mystique de leur vie.


    Action et contemplation, solitude et apostolat, désert et cité rythmeront leur vie comme diastole et systole d'un coeur unique."Il ne faudrait pas considérer l'oraison comme un exercice accessoire; il faut la mettre dans sa vie comme une activité que l'on estime, sinon aussi
    essentielle chaque jour que le sommeil ou le repos, du moins comme un exercice très utile...

    L'oraison, quand on l'insère dans sa vie, y apporte un élément d'équilibre... Le temps qui semble perdu dans l'oraison est retrouvé par l'intensité du travail que l'on fournit." "La solitude doit faire partie de toute vie contemplative. Il suffit qu'elle soit intermittente, mais d'autant plus profonde et protégée.""Les activités de l'apostolat, et la contemplation nourrie du pain quotidien de l'oraison, peuvent s'unir en un équilibre harmonieux qui les purifie, les enrichit, et les féconde mutuellement." "Cet équilibre de contemplation et d'action caractérise le prophète et fait
    l'apôtre parfait." Le Père Marie-Eugène condamne toute forme d'"activisme", cette "hérésie des oeuvres". Le contemplatif, lui, agit parfaitement dans l'exacte mesure où il obéit à la motion de l'Esprit Saint dont l'oraison est le vecteur."Marthe et Marie se ressemblent et s'unissent pour remplir le même office."Plus trivialement, selon les mots du Père Marie-Eugène: "Le Seigneur est au
    milieu des marmites."

    Père MarieLe souffle de l'Esprit Saint

    La brise légère de l'Horeb souffle sur Elie ; dans l'Evangile, l'Esprit souffle où il veut ; et pourtant, la Troisième Personne de la Trinité, n'étaient le Père Marie-Eugène et les récents développements théologiques, fait un peu figure de parent pauvre dans l'étude et la dévotion. Il revient au Père Marie-Eugène l'immense et merveilleux mérite d'avoir vécu et pensé "sous les yeux" et en parfaite communion avec l'Esprit Saint, son "grand Ami", comme il pouvait le
    dire familièrement. La spiration fut sa respiration et son inspiration:"Tout le monde a remarqué probablement que quand je parle de l'Esprit Saint,
    ordinairement, je m'enflamme assez facilement... Je l'appelle "mon ami" et je crois que j'ai des raisons pour cela. Toute ma vie a été un petit peu basée sur la connaissance, sur la découverte de l'Esprit Saint. Il en a été ainsi au début de ma vie religieuse et en plusieurs circonstances où je crois avoir été saisi par l'Esprit Saint d'une façon vigoureuse, d'une façon absolument
    certaine. Un jour même je croyais bien que j'allais mourir."

     

    Et cet aveu de taille : "Quand j'ai écrit Je veux voir Dieu, c'était pour montrer le rôle de l'Esprit
    Saint." Cela suffirait à faire de cette somme un ouvrage fondamental. Sous la motion de l'Esprit, le baptisé prie et agit dans la joie de la liberté aimante, délivré d'un légalisme stérile. Le Paraclet enseigne, vivifie, justifie par la grâce. Consumé par cette "vive flamme d'amour", le Père Marie-Eugène en partagea l'intimité."L'Esprit Saint est près de moi, il est en moi. Je puis le considérer, le regarder. Je puis avoir des relations avec lui. Et ce qu'il y a de prodigieux, c'est à moi de réaliser cette présence objective. Tant que je n'ai pas fait l'acte d'amour et l'acte de foi pour l'atteindre, ce n'est qu'une possibilité pour moi, sa présence reste d'immensité active. Il faut que je fasse un acte, il faut que je crée le lien. Voilà la présence en moi de l'Esprit Saint, voilà la présence objective."

    Le plérôme Plérôma, en grec, désigne la plénitude. Le Dr Freud eût traduit par fantasme ou par illusion, au choix. Naturellement - ou plutôt surnaturellement - il n'en est rien. Dans le Christ, la plénitude (l'absolue totalité dans l'unité) de la réalité divine et salutaire nous est communiquée, de manière à ce que nous soyons, à terme, "tout en tous" (1 Co 15, 28.) Mystique, le Père Marie-Eugène ressentait et vivait passionnément ce désir d'union à Dieu (union
    transformante) et d'unité dans le Christ total, ut sint unum. Le Corps de l'Eglise (Tête et Membres) est un, comme la vision béatifique unit les élus à la Trinité dans l'Eglise triomphante.

    "... C'est la prière
    où se résument tous mes désirs,
    c'est le but de toute ma vie:
    entraîner les âmes dans l'union et dans l'unité."Qu'ils soient un comme nous sommes un."O Jésus,
    inspirez à nos âmes ce même désir...cet unique désir...
    Nous travaillons par divers moyens
    à ce but unique
    d'entraîner les âmes vers l'union profonde avec vous."

     


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    La belle gueule du Père Grialou respire l'Aveyron. Il a tout du paysan rouergat: les traits, la stature solide, la silhouette, le caractère bourru à l'occasion, le sourire même. Ceux qui l'ont connu le décrivent comme un "homme de la terre" au discours imagé, son béret vissé sur le crâne. Selon Georges Hubert, "ses origines rurales lui avaient donné le sens du concret", d'où ses talents d'organisateur. Jeune, son "accent aveyronnais si tranché" lui causa quelques déboires; néanmoins, il n'abandonna jamais cet "accent rocailleux" et se souviendra, comme pour lui-même, que "Le saint ne monte pas les escaliers sans toucher les marches... Il monte avec ses sabots!" Un littéraire (le Père admirait Flaubert) ne manquera pas de rapprocher cet
    éternel curé de campagne aveyronnaise des personnages bernanosiens: abbé Donissan pour l'héroïsme, curé d'Ambricourt pour la sainteté. Mgr Guy Gaucher, qui s'y connaît, considère le Père Marie-Eugène comme "un grand charismatique, dans le sens où il a toujours été à l'écoute de l'Esprit Saint et (...) a obéi à ses inspirations." D'autres assurent qu'il fut "le Jean de la Croix du vingtième siècle" tant sa paternité spirituelle féconda et nourrit les coeurs.Comme Jean-Henri fabre, et très mystérieusement, son destin le mena loin de la petite patrie rouergate pour vivre et reposer, à quelques kilomètres de distance l'un de l'autre, dans un coin du Vaucluse...

    Rémi Soulié