• LE MYSTERE MARIAL (9)

    MARIE DANS LE

    MYSTERE DE DIEU

    ET DANS LA VIE

    DE L’EGLISE

     

    Pendant le mois de Juillet 2011, 795 catéchistes des cinq secteurs de l’île ont répondu à l’invitation de l’équipe diocésaine de la catéchèse pour deux journées de formation. Nous avons souhaité montrer la place de Marie dans le projet de Dieu et dans la vie de l’Eglise. A travers deux ateliers nous avons proposé des techniques d’animation pour aider les catéchistes dans leur mission auprès des enfants. Les catéchistes ont apprécié cette session qui leur ont permis d’approfondir leurs connaissances sur la Vierge Marie et sur leur manière d’être catéchiste.

    EXPOSE : LA VIERGE MARIE

     

    Marie est « celle qui occupe la place la plus élevée au-dessous du Christ, et nous est tout proche » (LG 54)(1) Il nous faut essayer de voir, nous catéchistes, quel est le rôle de la Bienheureuse Vierge Marie dans le projet d’amour du Père et dans l’Eglise, Corps du Christ.

     Le choix de Dieu L’ange lui apprend qu’elle est « comblée de grâce » (Lc 1, 28-30). La grâce, c’est le don gratuit. Mot qu’on peut aussi traduire par bénédiction, bienveillance, choix, amour, prédestination, adoption. Elle a été choisie pour être la Mère de Jésus. Le Concile Vatican II nous dit qu’elle « fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche » (LG 56)

    La réponse de Marie Elle dit à l’ange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1, 38). Au projet de Dieu, qui est le Salut, elle apporte « la liberté de sa foi et de son obéissance » (LG 56). Elle participe donc activement au projet d’amour de Dieu. Son rôle dans l’histoire du Salut est à regarder dans ses deux aspects : la grâce et la foi.

    La mère de Jésus est la mère de Dieu Elle met au monde celui qui est le Fils de Dieu depuis toute éternité et qui est Dieu lui-même, Marie est donc Mère de Dieu. Le Concile d’Ephèse l’affirme déjà au Ve siècle (431). Les chrétiens d’Orient l’appellent la « Théotokos » c’est-à-dire « celle qui engendre Dieu ».

     La virginité de Marie« L’Esprit Saint viendra sur toi et te couvrira de son ombre » (Lc 1, 35) : c’est la conception virginale de Jésus. La foi chrétienne reconnaît en Marie celle qui est « toujours vierge », c’est-à-dire la vierge par excellence. Elle affirme que la naissance de Jésus n’a pas porté atteinte à la virginité de Marie et que Marie est restée vierge pendant toute sa vie.

     Marie conçue sans péché C’est le mystère de l’Immaculée Conception. En 1854, le pape Pie IX affirme : « Au premier instant de sa conception, par la grâce et le privilège de Dieu Tout-Puissant, et en considération des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, la Vierge Marie fut préservée intacte de toute souillure du péché originel ».Elle est sainte, elle n’a commis aucun péché.

    Appartenant à la famille humaine, elle appartient, pleinement au peuple des rachetés. Elle est la première rachetée. Comme nous, elle a été libérée du péché et sauvée par le Christ. Elle est sauvée et libérée par anticipation de la mort et de la résurrection du Christ.

     A la fin de sa vie terrestre, l’Assomption Elle a été préservée de la mort spirituelle du péché et de la corruption. En 1950, le Pape Pie XII écrit : « Marie … a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste ».

    Marie coopère à l’œuvre du salut En devenant la Mère de Dieu par son « oui » elle coopère à la réalisation de notre salut. Elle est la servante du Seigneur par son obéissance aimante, sa foi, son espérance, sa charité.

     Marie et l’Eglise Nous entendons à la messe, dans les prières eucharistiques, le prêtre dire : « Nous nommons en premier lieu la Bienheureuse Marie toujours Vierge ». Elle est donc modèle et exemple pour nous.

    Elle est mère de l’Eglise c’est-à-dire des ministres ordonnés et des laïcs, donc de tous.

    1) Elle est présentée dès l’annonce de la naissance de Jésus comme une femme en prière : « Elle retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19).

    2) A la naissance de l’Eglise, à la Pentecôte, elle est en prière avec les disciples.

    Présente dans le mystère du Christ comme Mère et présente dans le mystère de l’Eglise (Pentecôte), « elle continue à être une présence maternelle » (Rédemptoris Mater 24, JP II, 1987).

    Elle est « parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante, elle guide et soutient l’espérance de son peuple encore en chemin » (Préface de l’Assomption).

     L’attitude des croyants Nous vénérons Marie c’est-à-dire nous l’honorons, la respectons, la louons. Nous ne l’adorons pas. Nous adorons Dieu seul. Nous imitons Marie : nous voulons nous ouvrir comme elle à la grâce de Dieu. Nous vivons de la foi comme elle. Nous voulons servir comme elle.

    Nous lui demandons de prier pour nous : nous nous confions à son amour maternel. Nous lui demandons son aide, son appui. Nous lui demandons d’intercéder auprès de son Fils.

    Lumen Gentium - (Concile Vatican)

    COMMENTAIRE DES TEXTES

    TEXTE 1 : Isaïe 7, 10 - 16 - La prophétie de l’Emmanuel

    7 10 Le Seigneur parla encore ainsi au roi Acaz : 11 « Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets. » 12 Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. » 13 Isaïe dit alors : « Ecoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! 14 Eh bien ! Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel, (c’est-à-dire : « Dieu avec nous »).15 De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien. 16 Avant même que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler. »

    COMMENTAIRE Isaïe fait partie des 4 grands(1) prophètes avec Jérémie, Ezéchiel, Daniel. Le prophète c’est celui qui voit et qui dit la Parole de Dieu. Il a prophétisé au 8e siècle avant J.C à Jérusalem, dans une période d’hostilités. Les Assyriens représentaient alors une menace pour le royaume de Juda. Ce texte nous fait découvrir que Dieu parle à son peuple par la voix du prophète. Assiégé par l’ennemi, Achaz, le roi de Juda, refuse d’entendre le prophète qui appelle à une plus grande foi (verset 9 : « si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas »). Dans la partie que nous étudions, Isaïe intervient pour la 2ème fois auprès du roi, pour lui proposer de demander un signe au Seigneur. En laissant le choix du signe au roi, Isaïe appelle le roi Achaz à reconnaître :
     d’une part la bonté du Seigneur, sa puissance, son amour pour l’homme.
     d’autre part la relation privilégiée qui lie le Seigneur à son peuple et donc au roi, représentant de la maison de David. Au verset 12, le roi refuse encore en faisant référence à la Loi qui dit que l’homme ne tentera pas le Seigneur (Deut 6, 16). Excédé, Isaïe annonce au roi que Dieu lui-même donnera « un signe ». Un héritier assurera la descendance de Juda. Dans la prophétie annoncée au verset 14 : « Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l’appellera " Emmanuel" », les Pères de l’Eglise(2) ont vu une pré-annonce de la naissance virginale du Fils de Dieu. Le signe est un fait visible. Pour St Jean Chrysostome (4ème siècle), il se reconnaît comme étant hors du commun. Plusieurs précisions sont données pour révéler le côté surnaturel de cette naissance : 1- l’enfant naîtra d’une « jeune femme » : plusieurs traductions du mot « femme » se sont opposées et le mot « vierge » a été retenu plus tard par la Septante(3). Nous retrouvons « la femme » annoncée en Gn 3, 15 et en Michée 5, 2-3, comme étant la nouvelle Eve associée au projet de Dieu. « L’Eglise y voit l’accomplissement de la promesse divine et reconnaît que Marie est la Mère de Dieu » dit le CEC au n°497. 2- l’enfant qui sera appelé « Emmanuel », c’est-à-dire Dieu-avec-nous, redit l’alliance entre Dieu et son peuple. En Mt 1, 23, nous retrouvons la prophétie d’Isaïe : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un Fils et on l’appellera Emmanuel ». 3- l’enfant se nourrira de « crème et de miel » qui sont des nourritures de choix, symboles d’abondance promises par Dieu au peuple, de retour d’exil (Ex 3, 8). 4- l’enfant qui « saura rejeter le mal et choisir le bien » est, pour l’Eglise, Jésus. Lui seul est capable d’accéder à la sagesse, à la connaissance du Bien. La prophétie annonce aussi la victoire prochaine du royaume de Juda car « les deux rois de Samarie et de Damas » qui oppriment le peuple de Dieu seront anéantis (verset 16). L’oracle d’Isaïe est un appel à l’espérance. Il nous fait découvrir que Dieu ne se lasse jamais de son peuple infidèle et endurci, sourd à ses appels. Au milieu des épreuves terribles, Il vient lui-même le rejoindre pour lui offrir le symbole de la vie : une naissance. De même que le péché est entré dans le monde par une femme (Eve), de même, une femme (Marie) fait entrer dans le monde le Sauveur.

    (1) Grand : Ces prophètes sont jugés grands par la taille de leurs écrits (2) Les Pères de l’Eglise : Saint Ignace d’Antioche, St Jean Chrysostome, St Irénée…(3) La Septante : traduction grecque de la Bible faite par les Juifs d’Alexandrie, à partir du 3e siècle

    TEXTE 2 : Luc 1, 39-56 - La Visitation

    1 39 En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. 41 Or, quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Elisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, 42 et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. 43 Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? 44 Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi. 45 Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »46 Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, 47 mon esprit exulte en Dieu mon sauveur. 48 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. 49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! 50 Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ; 51 Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. 52 Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. 53 Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. 54 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, 55 de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais. »56 Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.

    COMMENTAIRE Luc ami et compagnon de voyage de Paul est un médecin très cultivé. On lui attribue le troisième Evangile et les Actes des Apôtres. Luc s’adresse à un certain Théophile qui signifie « celui qui aime Dieu ». Jésus est venu apporter la Bonne Nouvelle aux hommes et celle-ci doit être annoncée jusqu’au bout du monde. Le passage de la Visitation nous parle du séjour de Marie chez sa cousine Elisabeth. Une jeune fille va rendre visite à sa cousine aînée. Toutes les deux sont enceintes et toutes les deux de manière inouïe. Elisabeth en est à son sixième mois et Marie vient juste de concevoir. La vie va naître et grandir chez la jeune fille vierge comme chez la vieille femme stérile, signe que « rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1, 37). Lors de l’Annonciation, Marie a dit « oui » à l’ange. Elle accepte de mettre au monde le Fils de Dieu. Marie se rend rapidement chez Elisabeth parce qu’elle a cru à ce qui lui a été dit. La rencontre se terminera par un chant de louange. Ce chant va susciter un échange de paroles étonnantes. Pour revenir au début du texte, c’est Marie qui prononce les premiers mots appelés « la salutation ». En réponse l’enfant se met à bouger dans le ventre d’Elisabeth : il tressaillit en elle. Poussé par l’Esprit, Elisabeth crie sa joie et sa foi. Ses lèvres confessent ce que son enfant vient d’affirmer en tressaillant, à savoir que le fils de Marie est le Christ Seigneur. Cette rencontre des deux parentes, Elisabeth et Marie est aussi l’occasion du premier contact entre le Précurseur et le Seigneur. Le cantique de Marie qu’on appelle le Magnificat est la réponse aux félicitations et aux louanges d’Elisabeth. Ce magnificat évoque d’autres textes de l’Ancien Testament : en particulier l’hymne entonnée par la mère de Samuel, Anne, après la naissance inespérée de son fils (1 Samuel 2, 1-10). Luc n’en est pas l’unique auteur.

    Le langage poétique de ce cantique exalte les merveilles de Dieu :
     merveilles envers Marie « humble servante » (versets 46-49)
     merveilles envers « les humbles » (versets 50-53)
     merveilles envers « le serviteur Israël » (versets 54-55) Dans « l’humble servante » se réalise et prend corps l’alliance entre le plus humain (l’humilité) et le plus divin (la sainteté), pour le salut de tous. On trouve en Marie, l’histoire du peuple dans ce qu’elle a de meilleur : l’écoute, la foi, la marche confiante (comme Abraham !), le dépouillement de soi-même devant le choix aimant de Dieu. Dieu choisit Marie. Marie dit oui. Dans la vie elle récapitule les drames et les joies de toutes celles qui ont bénéficié de la Miséricorde divine, permettant à la vraie vie de se répandre, depuis Sarah jusqu’à Elisabeth. Tout le cantique de Marie est une action de grâce au Dieu Père.

    TEXTE 3 : Luc 2, 41-52 - Jésus au temple

    2 41 Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de Pâque. 42 Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume. 43 Comme ils s’en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s’en aperçoivent. 44 Pensant qu’il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. 45 Ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem en continuant à le chercher. 46 C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, 47 et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. 48 En le voyant, ses parents furent stupéfaits, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » 49 Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être. » 50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. 51 Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements. 52 Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes.

    COMMENTAIRE : Le passage que nous étudions se situe à la fin du chapitre 1 de l’évangile de Luc. C’est le dernier épisode de l’évangile de l’enfance de Jésus. Pour la seconde fois, chez Luc, Jésus se retrouve dans le temple de Jérusalem. C’est là que Marie et Joseph étaient venus, pour le présenter au Seigneur, après sa naissance (Luc 2, 22). Ce texte nous apprend que « chaque année », comme tout Juif pieux, « les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. » Cette fête commémorait la sortie d’Egypte. Jésus a douze ans. C’est l’âge où le jeune Juif est considéré comme adulte et se trouve soumis aux prescriptions de la Loi. C’est l’âge où il est permis de lire publiquement la Parole de Dieu au Temple de Jérusalem ou à la synagogue. On y vient aussi pour compléter son éducation religieuse. A Jérusalem, sous les colonnades du Temple, des maîtres renommés, les docteurs de la Loi, les spécialistes des Ecritures enseignent, interrogent, répondent aux questions des pèlerins adultes et jeunes. Jésus est là, il prend part à la discussion. Les fêtes terminées ( elles duraient environ une semaine), Joseph et Marie prennent le chemin du retour. Après une journée de marche, ils s’aperçoivent de l’absence de Jésus. Inquiets, ils rebroussent chemin et reviennent à Jérusalem. Ils retrouvent Jésus « au bout de trois jours » car en période de fête, des dizaines de milliers de pèlerins sont présents dans la ville. Le chiffre 3, utilisé dans les évangiles, est un nombre symbolique, une allusion à la passion et une allusion à la résurrection de Jésus. Les docteurs de la Loi et tous ceux qui sont là sont émerveillés par l’intelligence et les connaissances de Jésus. Les parents de Jésus sont aussi étonnés que les docteurs de la Loi. Ils sont « stupéfaits » en voyant leur fils de 12 ans enseigner les docteurs de la Loi. C’est une situation inconcevable pour eux. Les rôles sont inversés. Jésus est « assis au milieu des docteurs de la Loi » (verset 46). C’est lui qui a la place de l’enseignant. Il les écoute, leur pose des questions, il fait les réponses. En fait, celui qui enseigne c’est Jésus, c’est lui le docteur de la Loi. La question de Marie traduit l’angoisse qu’ils ont ressentie, parce qu’elle dit au verset 48 : « Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! ». La réponse de Jésus à sa mère est étonnante. Pour Jésus, ses parents auraient dû savoir qu’il était au Temple. Luc donne pour la première fois la parole à Jésus. De qui parle Jésus ? Il parle de « son Père » (verset 49) : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être. » Jésus est celui qui peut dire à Dieu « mon Père ». Ainsi Jésus révèle à ses parents sa relation à son Père céleste. « C’est chez mon Père que je dois être » cette expression « je dois »... reviendra souvent dans la bouche de Jésus quand il parlera de sa passion. L’incompréhension est totale pour Joseph et Marie. Pourtant, nous nous rappelons ce que leur avaient annoncé l’ange Gabriel, les bergers et Syméon. Marie savait que Jésus était Fils de Dieu mais elle ignorait comment cela allait se réaliser . Comme nous aujourd’hui, Marie cheminait dans la foi. Son fils Jésus était d’abord le Fils de Dieu. Elle devait vivre cette double réalité dans sa vie quotidienne. C’est dans la méditation du mystère de Dieu, éclairée par l’Esprit-Saint qu’elle comprendra. « Elle gardait dans son cœur tous ces évènements. » « en en cherchant le sens », comme le dit Luc au verset 19 du chapitre 1.

    TEXTE 4 : Jean 2, 1-8 - Les noces de Cana

    2 1Trois jours plus tard, il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples. 3 Or, on manqua de vin ; la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » 4 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? » Mon heure n’est pas encore venue. » 5 Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira. » 6 or il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. 7 Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau les cuves. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. 8 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.

    COMMENTAIRE Le quatrième évangile aurait été rédigé vers la fin du 1e siècle. Jean s’adresse à la petite communauté d’Ephèse. Il veut encourager les membres de cette communauté. Il veut les exhorter dans leur foi malgré les problèmes qu’ils rencontrent. Pour cela, il leur présente des signes ou miracles accomplis par Jésus. Dans « les noces de Cana », la mère de Jésus est associée à un de ces signes. Nous allons essayer de montrer la place que l’évangéliste attribue à Marie dans son récit.

    Cana est un repas de noces. C’est une fête célébrant l’amour d’un homme et d’une femme, donc célébrant la création. Marie est présente comme toute parente qui entretient des liens familiaux, amicaux et sociaux avec son entourage. Mais elle obéit aussi à la loi judaïque : elle honore et bénit la famille et les futurs époux. Jean l’appelle toujours « mère de Jésus ». Pour lui, c’est elle qui a porté le Christ en son sein, l’a mis au monde, nourri et élevé. La Parole a été faite chair grâce à son « oui ». Sa présence aux noces est mentionnée avant même celle de son fils (versets 1-2). Jésus lui aussi est invité. Avec lui ses disciples. L’union de Marie avec son fils dans l’œuvre du salut se trouve ainsi confirmée. Marie va amener Jésus à « manifester sa gloire ». Quand le vin vient à manquer, elle sort de son silence, rôle traditionnel réservé aux femmes. Elle fait observer à son fils qu’ « ils n’ont plus de vin ». Elle s’adresse à lui sans la moindre hésitation et sans crainte. Elle fait preuve d’audace parce qu’elle a reconnu en lui le Messie attendu par Israël. Pour elle, il est temps qu’il inaugure son ministère. Elle le pousse à sa vie publique. La transformation de l’eau en vin est le premier signe qui provoque la foi des disciples. La réponse de Jésus « Que me veux-tu Femme ? » peut paraître inattendue et rude. Mais dans le 4e évangile, le Christ ne s’adresse jamais à Marie en utilisant le mot « mère ». En choisissant le mot « femme », il semble construire une distance entre lui et sa mère. Il veut marquer sa distance par rapport aux soucis qui accaparent les hommes et les femmes. Jésus et sa mère n’agissent pas sur le même plan. Si Marie participe pleinement à l’histoire concrète qu’elle vit, le Christ se situe à un autre niveau. La relation entre eux n’est pas une relation d’égalité et de réciprocité. A l’heure de l’ouverture de son ministère, Jésus devient le Révélateur et sa mère un membre de la communauté humaine appelée à recevoir cette révélation. Et c’est à ce titre qu’il l’appelle « femme » et non par manque de respect. La conduite de Jésus est dictée par une urgence autre que celle de Marie : la fidélité au Père dont il est l’envoyé. D’ailleurs, Marie comprend la réponse de son fils de façon affirmative, puisqu’elle va trouver les serviteurs et leur demande de faire tout ce qu’il dira. Elle a confiance en lui. Elle est disponible pour l’accompagner dans sa mission. Elle est associée à son projet : « Mon heure n’est pas encore venue ». L’heure dont on parle ici est l’heure de la croix. S’adressant à sa mère, le Christ répond donc indirectement à sa demande : le vin va couler à flot à Cana et la gloire de Dieu va se manifester. Le vin symbolise dans la Bible la joie que Dieu a promise à son peuple et la restauration de l’alliance (Joël 4, 18 ; Amos 9, 13). Marie est donc sûre que le Christ est en mesure de répandre l’abondance là où menace le manque.

    Jean a consacré à Marie une dizaine de versets dans son évangile : Cana 2, 1 - 12 ; la Croix 19, 25-27 ; Le Pain de vie 6, 42. Il la présente dans deux épisodes déterminants : le début et l’achèvement de la révélation. Jean souligne ainsi la proximité entre la mère et le fils. Marie a sa juste place dans le dessein de Dieu et la foi des croyants. A travers elle, le lecteur est invité à faire preuve de la même disponibilité et de la même confiance dans la parole du Christ.

    TEXTE 5 : Jean 19, 25-27 - Marie au pied de la croix

    19 25 Or, Près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. 26 Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » 27 Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

    COMMENTAIRE L’évangile de Jean met en lumière le sens de la vie, des gestes et des paroles de Jésus, Fils de Dieu. Le mystère du Christ exposé par Jean nous montre Jésus, le Verbe fait chair. Dieu devient alors Parole pour le monde grâce au « oui » de Marie. C’est Dieu qui l’a choisie depuis toujours pour être la mère de son Fils. Le texte que nous étudions se situe après celui du partage des vêtements de Jésus par les soldats au pied de la croix. Les soldats, eux, n’ont de pouvoir que sur son corps et ses vêtements. Les seuls vrais héritiers du Christ sont sa mère et « le disciple qu’il aimait ». En effet, par ses dernières paroles à sa mère « Femme, voici ton fils » et au disciple « Voici ta mère », Jésus transmet son testament. Il garde le contrôle de sa mission jusqu’au terme de sa vie. L’évangéliste nomme quelques femmes autour de Jésus, près de la croix. Comme à Cana, Jésus s’adresse à sa mère en l’appelant « Femme ». Lorsque Jésus dit à sa mère « Femme, voici ton fils », Marie reçoit la dernière volonté de son Fils. Et en disant au disciple « Voici ta mère » Jésus place sa mère sous la protection du « disciple bien-aimé », comme l’y autorise le droit familial juif. Le disciple devient alors le représentant du Fils en l’absence du Fils. Et contrairement à Marie il est investi d’une mission, celle d’un fils envers une mère : « Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (verset 27). « Le Christ fonde ici cette nouvelle famille appelée à vivre et à se développer après Pâques : l’Eglise » (Christus 206 H.S p.72). Contrairement au « disciple bien-aimé », Jésus ne donne à Marie aucune responsabilité. A la Pentecôte, nous savons cependant que Marie au Cénacle a « assisté de ses prières l’Eglise naissante » (LG 69). Elle est toujours attentive aux besoins des hommes et confiante dans l’action de son fils. L’ensemble des croyants est donc confié à sa vigilance et à son intercession. A la croix, Marie est unie au Christ, c’est-à-dire qu’elle est intimement unie à son œuvre. Et « cette union de Marie avec son Fils dans l’œuvre du Salut est manifeste dès l’heure de la conception virginale du Christ jusqu’à sa mort » (LG 57). Le CEC (Catéchisme de l’Eglise Catholique) nous dit encore que « le rôle de Marie envers l’Eglise découle directement de cette union au Christ ». Elle devient alors la Mère de l’Eglise. Du haut de la croix, le Christ semble ne plus connaître sa mère selon la chair en l’appelant « Femme ». Il reprend les appellations qu’au Paradis Adam avait données à sa compagne (Gn2,23). Jésus voit en Marie la femme originelle restaurée : elle devient « la nouvelle Eve qui reçoit son nom du nouvel Adam » nous dit St Louis Marie Grignon de Monfort. A travers la mère de Jésus, nous sommes appelés à être présents à l’histoire du Christ. Nous sommes aussi invités à partager sa solidarité de mère sans faille du début à la fin avec son fils. La croix n’est pas la fin des espérances et de la vie. Elle nous renvoie à un autre chez soi, l’Eglise (Jn 19, 27 : « Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui »). Marie prend alors par son « oui », la place qui est la sienne dans l’Eglise. « Marie nous invite à découvrir, tout d’abord dans l’histoire racontée de son fils, la Parole de Dieu ultime pour les hommes. Elle nous invite ensuite à découvrir dans l’Eglise, le lieu où l’histoire de cette Parole se poursuit, alors même que le Fils est retourné au Père » (Christus 206 H.S p. 73).