• LA LEGENDE DU GRAAL

    La Légende du Graal


    Nous allons essayer de découvrir le symbolisme de cette légende. La version la plus connue
    raconte que le Graal était le Vase dans lequel Joseph d'Arimathie avait recueilli le sang du
    Christ. Le roi Arthur et les Chevaliers de la Table Ronde avaient, dit-on, le privilège de la
    garde du Vase. On raconte aussi que le Vase avait été taillé dans l'émeraude que Lucifer
    portait au front lors de sa descente dans les mondes denses.
    Plusieurs interprétations de la légende sont envisageables, mais celles de la Qabal et de
    l'Alchimie nous semblent à la fois intéressantes et cohérentes.
    La première chose à examiner paraît être la suivante : quelles pourraient être la ou les qualités
    spécifiques du Christ ?
    En tant que Qabaliste et Alchimiste, nous n'aborderons ni l'aspect historique, ni les raisons
    qui ont incité la Chrétienté à faire de Jésus-Christ un être unique, en confondant le nom
    “Jésus” et la qualité “Christ”.
    D'un point de vue qabalistique, un être incarné sur terre ne peut, en permanence, avoir le
    niveau de conscience d'une des trois Sephiroth supérieurs.
    Tout être incarné sur cette terre possède un certain degré de réalisation intérieure, mais en
    aucun cas cette réalisation ne peut dépasser le monde qabalistique de Briah, le deuxième
    monde de la manifestation.
    Sur ce point, la Bible est très explicite. Elle dit : “Enoch vit Dieu face à face et ne revint pas”,
    ce qui signifie que Enoch était parvenu au monde divin d'Atziluth. Le voile des Abysses, qui
    sépare le monde divin (les trois Sephiroth supérieurs) du monde de Briah (les trois Sephiroth
    suivants), ne peut être franchi qu'une fois, dans chaque sens. On peut donc en conclure que
    Jésus, manifesté comme Christ, était un adepte du niveau de Tiphereth, Geburah et Chesed.
    La notion de l'équilibre, la colonne centrale de l'Arbre, a donc conduit à attribuer à Jésus la
    Sephiroth Tiphereth.
    Dans la Qabal, les attributions de cette Sephiroth sont l'or, comme métal, et le Soleil, comme
    planète. Cette dernière attribution est certainement la raison et l'origine du symbolisme
    solaire de la religion catholique. De même que l'enseignement complémentaire du
    symbolisme lunaire a été apporté ensuite, probablement par un adepte du niveau de Yesod, la
    Sephiroth lunaire. L'incompréhension, vis-à-vis des femmes, de cette religion, est
    probablement générée par la mauvaise interprétation du Sentier supérieur de Yesod, la
    Tempérance. Si les dirigeants des religions du passé avaient eu quelques notions
    d'ésotérisme, ils auraient compris que ces deux enseignements ne devaient pas s'opposer mais
    se compléter (islamisme et christianisme).
    Mais arrêtons cette digression et revenons au Graal. Dans le sentier initiatique, c'est-à-dire
    dans la remontée des niveaux de conscience, les modifications se produisent à la fois dans le
    psychisme et dans le physique de l'adepte. En particulier, les propriétés du sang changent. Il
    est dit dans la Bible que “l'Esprit est dans le sang”. Le mot Esprit ne doit pas être confondu
    avec le mot Ame. Dans les anciens textes chimiques et alchimiques, le passage des esprits
    dans la distillation est le passage du Mercure philosophique. Cet Esprit dote le sang d'un
    pouvoir régénérateur élevé qui ouvre les centres correspondant à des niveaux élevés. Ce sang
    acquiert des pouvoirs alchimiques proportionnés au niveau atteint par l'adepte. Dans le cas de
    l'adepte au niveau de Tiphereth, le sang acquiert les propriétés de la semence de l'or. La
    poudre de ce sang séché transmute les métaux cuivre, mercure, argent en or ; cependant
    l'étain, le fer et le plomb ne lui sont pas accessibles. Cette même poudre élève au niveau de
    Tiphereth tous les êtres déjà sur le Chemin qui la consomment.
    La légende du roi Arthur et de ses douze Compagnons ne concernait donc pas la garde du
    Vase mais la recherche mystique de ce même niveau de conscience. Les douze Compagnons
    du Roi symbolisent les douze phases évolutives nécessaires pour ce travail.
    Le symbolisme contenu dans la Communion de l'Eglise catholique est une occultation de la
    possibilité de rachat de l'homme par le sang transmuté.
    Une étude approfondie de cette question nous a conduit aux conclusions suivantes : la poudre
    de sang séché d'un adepte peut réaliser une transmutation, même dans des mains inexpertes,
    quelques connaissances élémentaires étant suffisantes. Par contre, nous pensons que l'éveil de
    l'adepte ne peut se faire qu'au moyen de son propre sang.
    La Société Rosicrucienne Bacstrom a publié, il y a environ deux siècles, un manuscrit qui
    décrit ce travail, avec toutes les précisions nécessaires. Avec une couveuse à oeufs, un simple
    ballon en verre, un morceau de chêne et 500 grammes de son sang, une personne peut tenter
    la réalisation de l'adeptat. En fait, nous pensons qu'il faut une assez longue préparation ainsi
    que beaucoup de soins et pas mal de patience.
    Le document en question donne les divers processus accessoires pour multiplier la Pierre en
    quantité et qualité et pour la spécifier, soit sur la guérison physique, soit sur la régénération
    spirituelle, ou encore sur la transmutation métallique. La pierre au blanc ouvre la porte du
    premier Ordre de l'Empire Invisible, le monde de Yetzirah ; la pierre au rouge ouvre la porte
    du second Ordre de l'Empire Invisible, le monde de Briah. Pour les Qabalistes, la pierre au
    blanc donne la maîtrise de Yesod, Netzach et Hod et la pierre au rouge de Tiphereth, Chesed
    et Geburah.
    Pourquoi est-il dit que ce Vase était taillé dans l'émeraude de Lucifer ? Tout d'abord, il faut
    éliminer la confusion entretenue par les religions chrétiennes entre Satan, Chef des forces
    d'opposition et des ténèbres de l'ignorance, et le porteur de la lumière de la connaissance
    ésotérique, comme l'indique son nom. Dans le domaine de l'ésotérisme occulte, aucun nom
    n'est gratuit et Lucifer = porteur de la lumière.
    Donc, du travail dans le Vase en émeraude résultera la lumière. De plus, il est probable que
    dans les temps anciens, le verre n'aurait pas eu la résistance nécessaire pour ce travail et que
    l'émeraude ou les dérivés du quartz étaient seuls satisfaisants.
    L'autre aspect symbolique de l'émeraude est son attribution séphirotique, Netzach, dont la
    couleur verte est celle de ce minéral. Le symbole essentiel de Netzach est la génération dans
    la nature, spécialement dans la nature végétale. Le travail intérieur du compost alchimique est
    analogue au travail de la Nature et n'est, en somme, que la transposition de la vitesse de
    transformation d’un règne à l’autre.
    La légende du Graal peut donc s'interpréter comme étant porteuse d’un symbolisme qui voile
    la voie alchimique, la plus simple et la moins coûteuse, bien que n'étant pas la plus facile.
    Jean DUBUIS