• L'Origine des Gnostiques

    L'origine des Gnostiques

    Gnose signifie « connaissance parfaite ». Ce qui caractérise les mouvements gnostiques n’est pas cette « connaissance », que d’autres traditions prétendent aussi posséder, mais plutôt la définition de Plotin : « Ceux qui disent que le Démiurge de ce monde est mauvais et que le Cosmos est mauvais ».

    Devant les prétentions extravagantes de certains auteurs gnostiques, les Pères de l’Eglise, suivis par les historiens anciens et modernes, ont nié l’existence d’un enseignement ésotérique pratiqué par Jésus et continué par ses disciples. Mais en pratique TOUTES les religions de cette époque avaient un enseignement ésotérique…

    Selon les témoignages des historiens anciens, c’est dans un cadre géographique allant de la vallée du Jourdain à l’Asie Mineure que les sectes se manifestent à l’époque des apôtres, avec Simon à Samarie, Nicolas à Antioche.
    Mais c’est en Babylonie, véritable lieu de rencontre des religions aux alentours du début de notre ère, que l’influence des anciennes croyances mésopotamiennes, de l’Iran, de la Grèce et de l’Ancien Testament ont jeté les bases du mouvement gnostique.
    L’influence de l’Ancien Testament se fit à travers des textes apocryphes marqués de l’hellénisme. Parmi ces livres, le Livre d’Enoch est un des rares à nous être parvenu.

    Vers 120, les sectes gagnent Alexandrie, autour de Basilide, Carpocrate et Valentin.
    Valentin se rendit à Rome, où sa gnose voila ses mythes orientaux d’une exégèse philosophique mêlée de christianisme.
    A Rome, des sectes fortement influencées par les éléments orientaux continuent d’affluer.
    Les sectes se propagent, notamment en Espagne.

    En Asie, de nouveaux inspirés surgissent : Mani qui fera une vaste synthèse des nombreux enseignements, et Audi, un chrétien qui se sépara de l’Eglise après Nicée.
    De l’Orient, le gnosticisme s’étendit jusqu’à la Chine.

    Parmi les sectes, on retrouve : les kantéens en Iran, la secte importante des séthiens disciples de Simon, les barbélognostiques, les archantiques, les ophites (ou naassènes) aux pratiques hérités des mystères grecs, les pérates, …

    Il semble qu’il y ait eu un gnosticisme à l’intérieur même du judaïsme, contemporain des sectes gnostiques traditionnelles, et dont les échos allaient se perpétuer dans la Kabbale.

    Les Sourçes

    La plupart des essais anciens ont, faute de pouvoir s’appuyer sur des documents gnostiques originaux, hérité des erreurs d’appréciation des réfutateurs chrétiens qui combattirent les sectes, aux IV et V siècles, sans connaître mieux que des lambeaux de leurs doctrines déjà décadentes et sans tenir compte des mythologies orientales sur les vestiges desquelles le gnosticisme avait proliféré.
    Les sectes gnostiques étaient ainsi considérées principalement comme de simples hérésies nées du christianisme.

    Des réfutateurs, les plus anciens témoignages datent de la bible elle-même, qui dénonce les hérésies et les faux prophètes, dont Simon de Samarie et le diacre Nicolas.

    Pour la période jusqu’au III siècle, on ne possède que les récits des hérésiologues.
    L’établissement d’une histoire précise des mouvements gnostiques est impossible à cause de ce flou, et des livres dont les titres changent d’une version à l’autre et dont les véritables auteurs restent anonymes.

    Pour la période du III au V siècles, les sectes s’étaient étendues en Egypte, où le sable conserva des écrits en copte. C’est pourquoi on retrouva, à partir de 1800, des textes dans les nécropoles égyptiennes.
    L’Evangile de Marie, le Livre Secret de Jean et la Sophia de Jésus ont été achetés en 1896 en Egypte dans un même lot de parchemin.
    En 1947, plus de 40 écrits perdus furent retrouvés dans une jarre à Nag-Hammadi, dont en premier lieu des écrits des sectes orientales, mais aussi des apocryphes mêlant christianisme et gnosticisme. Mais cette bibliothèque n’est qu’un « instantané » de la pensée gnostique de l’époque, les textes y étant constamment remaniés et modifiés.

    Très peu de monuments ou objets relatifs aux gnostiques furent retrouvés.

     

    Destin du Gnostiçisme

     

    Les condamnations de plus en plus dures de la part des églises chrétiennes obligèrent les sectes gnostiques (et les manichéens) à se cacher, puis à disparaître.
    Les bogomiles et cathares sont plus de simples résurgences suscitées par la transmission d’écrits gnostiques déguisés en apocryphes chrétiens que de vrais gnostiques.
    Des survivances plus sérieuses de la gnose la plus philosophique se cachent dans la littérature alchimique. De même il y a intercommunication entre la littérature kabbalistique et certaines doctrines du gnosticisme hellénisé.

    En Orient, l’invasion de l’islam permit aux sectes de survivre. Aux confins de la Mésopotamie et de l’Iran certaines sectes survécurent jusqu’au XII siècle. En s’associant à l’islam, le gnosticisme donna naissance à l’ismaélisme.

     

    Les Thèmes principaux

    Presque tous les thèmes mythologiques et eschatologiques mis en œuvre par les auteurs gnostiques sont antérieurs au gnosticisme. Ce qui caractérise le gnosticisme est la façon dont ces thèmes sont réinterprétés. C’est la révélation d’une « histoire secrète », c’est un mythe total : l’origine et la création du Monde ; l’origine du Mal ; le drame du Rédempteur divin descendu sur Terre afin de sauver les hommes ; la victoire finale du Dieu transcendant, conduisant à la fin de l’Histoire et l’anéantissement du Cosmos.

    On se concentrera sur les enseignements primitifs exempts d’influences chrétiennes des sectes orientales.

    Le point de départ est la considération, par l’individu, de sa situation face au monde : que suis-je, pourquoi ce monde qui me semble étranger, qu’étais-je à l’origine et comment revenir à cette situation ?
    C’est la prise de conscience d’une déchéance impliquant que le bien et le mal sont 2 inconciliables absurdement mêlés ici-bas par un accident contraire à la volonté divine. La révolte intime contre le mal est la preuve de l’appartenance au bien, à un absolu parfait extérieur à ce monde.

    L’humanité est divisée en trois catégories : ceux qui se sentent (donc, se savent) pourvus d’une perfection innée dont la nature est esprit (les pneumatiques) ; ceux qui n’ont qu’une âme et point d’esprit, mais chez qui le salut peut encore être introduit par instruction (les psychiques) ; enfin, les êtres dépourvus d’esprit et d’âme (les hyliques) uniquement constitués d’éléments charnels voués à la destruction.

    Le but premier du gnostique est la délivrance de sa parcelle divine, aliéné dans un monde matériel corrompu, et sa remontée vers les sphères célestes.

    Cette délivrance passe par la Gnose, la connaissance parfaite de la nature de l’esprit, des structures de l’univers et de son histoire passée et future.
    Le premier aspect de la gnose porte sur les origines du monde matériel et de l’homme, le mal s’expliquant par la chute accidentelle d’éléments supérieurs dans un cosmos matériel, temporel, sexué, au fond duquel ils se sont disjoints, dispersés et emprisonnés (sans pour autant perdre leur pureté).
    Le second aspect de la gnose vise la destinée de l’humanité et du cosmos, aboutissant à la dissolution finale de la matière, la libération de l’esprit, et au retour à l‘unité parfaite intemporelle dont les élus, ici-bas, gardaient le souvenir.

    Le monde supérieur ayant seul été organisé par une intelligence authentiquement créatrice, le matériel n’en est qu’une copie maladroite. De même l’homme terrestre est l’image imparfaite d’un modèle céleste. On voit l’idée de chute, puis de rédemption.
    Pour les élus, le salut peut être personnel, alors que pour les autres le rachat se fera par une eschatologie générale ayant pour terme la destruction de l’univers matériel.

     

    Du Pro-Père au Démiurge

    A l’origine de tout, un éon parfait, invisible, inconcevable et éternel, habité par un Etre Absolu immuable replié sur lui-même coexistant avec sa Pensée qui est, elle, Silence absolu.
    De cette unité primitive du Pro-Père et de sa Pensée va émaner une seconde image du Père.
    Cette première émanation est dégagée de l’isolement primordial et capable d’engendrer. Elle suscite alors l’apparition des éons hiérarchisés du Plérôme.
    On y retrouve : Monogène, Logos, Mère céleste, Homme primordial, Fils de cet Homme (ou Seth céleste), grande Génération des Fils de l’Homme primordial, Sophia (Sagesse, parfois qualifiée de lascive), … Ces éons vont par couple, féminin/masculin.

    Les éons sont, en même temps que des personnifications de concepts, des univers à part entière, infinis et éternels, reproduisant le schéma général du Plérôme tout entier et de l’Inengendré suprême.

    L’opposition entre le monde idéal de la lumière et celui, imparfait, des ténèbres et de la matière peut suivre 3 schémas.
    Les plus radicaux situent, à l’origine de la création du monde matériel, une subite agression des eaux ténébreuses préexistantes contre la Lumière d’en haut, attaque qui se déroule dans l’espace intermédiaire d’un troisième principe, air ou vide. On retrouvera ce thème chez les bogomiles et les manichéens.
    Plus fréquemment, la Lumière d’en-haut préexiste seule à toute création. Un accident survenu dans le monde supérieur engendre une puissance difforme et ignorante, Ialdabaôth, autour de qui se forme un éon ténébreux, notre bas monde. La Lumière entreprendra une œuvre salvatrice pour anéantir cet éon maléfique.
    Selon une première variante, Sabaôth le fils d’Ialdabaôth, va découvrir la Lumière et sera mis par les puissances supérieures à la place se son père pour engager le cosmos vers le salut.
    Une seconde variante montre Ialdabaôth revenant lui-même au bien.

    Les diverses divinités sont considérées comme perverses, liées au monde matériel, tel le Démiurge de la bible. Les gnostiques n’emploient pas le terme « dieu » pour désigner d’Etre Infini dont tout le monde supérieur est émané.

    Exemples :
    Sophia est prise d’égarement, elle s’éprend d’amour pour la matière vers laquelle elle descend et où elle s’enlise.
    Une autre version dit que Sophia, emportée par sa vanité, voulait de ressembler à l’Entité suprême en engendrant seule sans sa contrepartie masculine. S’ensuit l’apparition d’un être difforme, Ialdabaôth, que Sophia cacha sous un voile qui formera le ciel, limite entre les mondes supérieurs et le monde matériel. Sous ce voile, Ialdabaôth ignorait tout de la Lumière, ne disposant en son sein que d’une étincelle céleste héritée de sa mère. Sophia fut exilée du monde supérieur après sa faute.
    Du fond de l’abîme Ialdabaôth engendra la matière, il est le Démiurge. Il s’unit à sa propre Ignorance pour engendrer les archontes correspondants aux zodiaques et aux planètes. Des archanges et anges leur sont associés.
    Le repentir de Sophia touche les puissances suprêmes qui la tirent de l’abîme et l’établissent aux abords inférieurs du monde de la Lumière, purgatoire où elle attendra d’être plus complètement relevée de sa déchéance.

     

    L'Homme

    Parmi les éons, il y a l’Homme (primordial) ainsi que le Fils de l’Homme. C’est à partir de son reflet que le Démiurges et ses archontes décident de fabriquer l’homme, Adam.
    Le Père, via ses anges déguisés en archontes, suggère au Démiurge d’insuffler son esprit, la Lumière dont il s’était emparé, à Adam.
    La Lumière est ainsi passée à l’humanité. De rage, les archontes emprisonnent Adam dans l’Eden, vu comme un lieu terrible. Les puissances d’en-haut cachèrent la Gnose et la Vie dans le fruit défendu, et envoyèrent un Sauveur sous la forme du serpent pour inciter Adam et Eve à s’emparer de ces secrets.
    Les archontes installent en Adam un second esprit, le contrefacteur, qui va sans cesse combattre les mouvements de l’esprit tiré vers le haut.
    Le premier couple est expulsé de l’Eden par le Démiurge, furieux. Il souille Eve de sa lubricité, ce qui explique la génération d’Abel et Caïn. La vraie postérité d’Adam ne commencera qu’avec Seth, dont seule la descendance, les parfaits, sera promise au salut.
    Le Démiurge envoie le Déluge pour anéantir les parfaits, mais Noé s’abrite avec les siens dans l’Arche et au final c’est la race née de l’union des anges du Démiurges et des filles de la terre qui est anéantie.

    Les archontes sont liés à la voûte céleste, au mouvement des planètes.
    Chaque partie de l’homme, physique ou psychique, appartient souverainement à la puissance de la voûte céleste qui l’a façonnée. Dans ce corps assemblé descend une âme qui, traversant l’un après l’autre chacun des cieux des planètes, y reçoit, en fonction du moment de ce passage, telle ou telle disposition par laquelle l’individu restera soumis aux astres.
    Enfin, les puissances insinuent dans le fœtus l’esprit contrefacteur destiné à contrarier les pulsions éventuelles de l’homme vers le salut.
    Le mélange de tous ces facteurs entraîne des degrés de perfections fort différents qui expliquent les 3 grandes catégorisations de l’humanité (pneumatique, psychique ou hylique).

     

    L'Eschatologie

     

    Le Démiurge ne cesse d’envoyer contre les parfaits des cataclysmes et persécutions.
    Il faut éveiller les élus en leur rappelant leurs racines célestes. Pour cela, des sauveurs et des prophètes sont envoyés d’en-haut pour dispenser confidentiellement leurs révélations.

    L’acte final du salut de l’humanité est la descente d’une puissance de la Lumière jusqu’au fond des Enfers.
    L’œuvre salvatrice est associée à la descente de la Mère Céleste dans les abîmes où l’humanité est prisonnière, mythe remontant à la descente d’Ishtar aux Enfers. Seth aurait eu une incarnation céleste, et les mages (Zoroastre, etc.) sont les prophètes gardiens de l’enseignement secret de Adam et Seth.
    La figure de la Mère sera remplacée par celles de Seth puis du Christ.

    Annoncé par un signe des cieux, le Sauveur va descendre, d’abord déguisé en archonte des cieux inférieurs, puis revêtu de toute sa gloire. Les gnostiques répugnant à l’idée d’incarnation, le Sauveur est incorporel.
    Dans certaines versions du mythe le sauveur devra subir les conséquences humiliantes de l’incarnation pour transmettre son message à quelques élus avant de retourner au Ciel. Parfois il oubliera sa mission et devra être lui-même sauvé (mythe du « Sauveur sauvé »).

    L’amnésie de la condition originale est une image spécifiquement gnostique. En se tournant vers la Matière, l’âme oublie sa propre identité. C’est la mort spirituelle. Le mythe du Sauveur Sauvé tourne autour de cette notion d’amnésie, qu’illustre l’Hymne de la Perle, dans les Actes de Thomas. La découverte du principe transcendantal à l’intérieur de Soi-même constitue l’élément central de la religion gnostique. Cette redécouverte, l’anamnèse, est obtenue grâce à un messager divin, et grâce à la gnose.
    Le symbole du sommeil est également utilisé dans ces mythes. C’est un symbole archaïque universellement répandu dans la quête de l’initiation. Ne pas dormir, ce n’est pas seulement triompher de la fatigue physique, mais surtout faire preuve de force spirituelle. Rester « éveillé », être pleinement conscient, veut dire : être présent au monde de l’esprit.
    Chez les gnostiques, l’image de l’ivresse est aussi employée.

    Finalement, le rédempteur remontera aux Cieux, occasion d’un bouleversement céleste qui fixera les archontes aux planêtes, traversant la voûte céleste à l’endroit d’un X gigantesque considéré comme la Croix céleste. Ce phénomène de la crucifixion sur le X céleste est déjà attesté à Rome au moment de l’avènement du règne d’Auguste, à qui on attribue déjà l’abolition de la Fatalité astrale.
    La crucifixion céleste avait été adoptée par certains chrétiens, mais fut vite abandonnée.

    Les gnostiques se croyaient presque parvenus à la fin des temps. Les livres prétendument gardés secret venaient d’être ressortis de leurs cachettes.

    Pour les Parfaits, l’enseignement portait sur les mystères de la descente et de l’ascension du Sauveur/Christ à travers les 7 cieux habités par les anges, et sur l’eschatologie individuelle, c'est-à-dire l’itinéraire mystique de l’âme après la mort. Cette tradition prolonge l’ésotérisme juif, et d’ailleurs, sur l’ascension de l’âme et les secrets du monde céleste.

     

    L'Âme après la mort

     

    L’homme est asservi aux puissances des cieux visibles qui l’ont façonné. En employant des conjurations contenant les noms secrets de ces puissances, on pouvait réduire leur puissance.
    Des rites étaient également mis en place pour échapper aux égarements de l’esprit contrefacteur.

    Au moment de la mort, un élu muni de tous les sacrements de la gnose fait son ascension à travers les cieux sans retour : il présente les sceaux aux gardiens pour que les portes lui soient ouvertes.
    Des autres, les moins souillés étaient purifiés dans les purgatoires des espaces célestes, montant parfois d’une sphère à l’autre lors d’une conjonction astrale. Mais bien des malheureux étaient rejetés vers le bas, tourmentés en Enfer, avant d’être soumis à l’oubli de leur vie précédente et rejetés dans de nouveaux corps.

     

    La Morale

    Les gnostiques, voyant le corps charnel asservi dans ses actes et ses passions à la souveraineté des planètes, ou encore se croyant pourvus d'une grâce d'en-haut qui délivre des actes ici-bas, n'ont pas de notions de moralité individuelle très strictes.
    La gnose pouvait donc aussi bien conduire à un ascétisme rigoureux qu'à de curieuses immoralités (avec la volonté de contredire en tout la loi biblique). La chair appartenait à la matière et ne saurait participer au salut, peu importe qu'elle fût souillée. Les pratiques licencieuses de certains groupes gnostiques sont réprouvées par d’autres groupes gnostiques comme par les réfutateurs chrétiens. Mais il faut souligner que l’Egypte romaine était le foyer d’une lubricité quasi générale…
    Enfin l'héritage de certains mystères grecs (par exemple chez les naassènes) put être à l'origine de comportements immoraux en leur donnant une valeur mystique.

     

    L'Organisation des groupes

    Il y aurait eut trois grades : les « commençants », les « progressants » et les « parfaits ». L’enseignement ésotérique aux fidèles portait sur le symbolisme du baptême, de l’eucharistie, de la Croix, sur les Archanges et sur l’interprétation de l’Apocalypse.

    L'enseignement gnostique était secret. Pour éviter d'être repérée, la gnose se dissimulait, évitant d'imposer des manières de vivre voyantes.

    On connaît mal l'organisation interne des sectes. Des témoins anciens, seul Epiphane a essayé de pénétrer la vie des sectes.
    Parmi les fidèles se distinguaient les parfaits, voués au respect de tous les préceptes de la gnose et dont l'identité première s'efface devant quelque surnom mystique, et les simples fidèles qui continuaient leur existences impures en subvenant aux besoins des élus.

    Il y avait un foisonnement de groupuscules. Les premiers fondateurs, et parfois leurs successeurs; s’étaient présentés comme des prophètes ou des incarnations de puissances célestes.

    A des fins de propagande, les gnostiques se présentaient d'abord aux chrétiens comme leurs frères, ne dévoilant que les croyances les plus proches, puis en posant des questions ébranlant l'interlocuteur. De même, ils travestissaient certaines de leurs textes en leur donnant une apparence plus chrétienne.
    Enfin, la gnose attirait par l'appât de la magie et de l'astrologie, qui tiennent une place très importante dans leurs écrits.

    Les rites étaient divers. Les uns individuels, les autres collectifs, destinés aux divers échelons des initiés, et donc plus ou moins secrets. Il s'agissait principalement de baptêmes, d'onctions, d'impositions des mains, de communions, d'agapes et d'unions spirituelles plus ou moins symboliques.
    Dans certains groupes, la frontière entre la gnose et les magies gréco-orientales est très perméable.

     

    Rapports avec le Judaïsme , la Philosophie grecque et le Christianisme

     

    La Genèse, avec son imprécision quant à la création d’Adam, fut source de nombreuses exégèses dans les milieux juifs, dans lesquelles on voit naître la différentiation entre l’œuvre créatrice elle-même et l’acte créateur de Dieu.
    Cette vision était sûrement inspirée de Philon. Ce dernier distinguait la puissance de miséricorde et de bonté, en tout supérieure, et la puissance créatrice qui lui est subordonnée.

    Le gnosticisme grec se calque sur la philosophie mystique grecque qui naît à partir de Philon : on retrouve les vocabulaire technique et les procédés d’argumentation. C’est d’ailleurs en langue grecque que le gnosticisme atteignit son développement le plus complet.
    Au III siècle, les néo-platoniciens représentés par Plotin et ses disciples s’opposèrent aux sectes gnostiques locales, ce qui confirme qu’ils leur attribuaient une valeur certaine qui les rapproche.

    Le Livre d’Enoch connaissait déjà le mythe de la Fatalité vaincue par une intervention d’en-haut qui aurait enchaîné les astres, jusqu’alors maîtres des hommes et de leurs destinées, épisode situé au temps de Noé ou peu après le Déluge. Il se retrouve chez les gnostiques chrétiens, surtout Valentin.
    A côté des 4 Evangiles et des Actes circulaient d’autres textes comportant la relation d’une doctrine ésotérique, communiquée aux Apôtres par le Christ ressuscité et concernant le sens secret des événements de sa vie. Ces livres sont qualifiés d’apocryphes, car contenant des révélations restées jusqu’alors « cachées ».
    C’est de cet enseignement secret, conservé et transmis par la tradition orale, que se réclamaient les gnostiques chrétiens.

     

    Les Tendances

     

    Simon et Dosithée officiaient en Samarie.
    Ménandre, disciple de Simon, introduisit le gnosticisme à Antioche. Son héritier, Satornil, fut actif à Antioche de 100 à 130. A Antioche, également, Nicolas le diacre.

    Cérinthe, un judéo-chrétien contemporain de Jean, voit Jésus comme le fils de Joseph et de Marie. Jésus reçu en lui le Christ, mais plus tard. Cérinthe s’établit plus tard à Alexandrie. Là, Carpocrate proclama une théorie analogue concernant Jésus.

    A Alexandrie on retrouve Basilide (disciple de Ménandre), Carpocrate et Valentin. Ce dernier se rendit ensuite à Rome.

     

    Simon Le Magiçien

     

    Il est vu comme le premier hérétique et l’ancêtre de toutes les hérésies. Ses disciples sont devenus gnostiques après la catastrophe de 70, formant la secte des séthiens (?).

    Il était adoré comme le « premier Dieu », et sa compagne Hélène, découverte par Simon dans un bordel de Tyr, était considérée comme la dernière et la plus déchue incarnation de la « Pensée » de Dieu. Rachetée par Simon, elle est devenue le moyen de la rédemption universelle. L’union du magicien et de la prostituée assure le salut universel, car cette union est en réalité la réunion de Dieu et de la Sagesse divine.

    Selon la légende, Simon annonça à Rome son ascension au Ciel, mais la prière de l’apôtre Pierre le fit retomber lamentablement.

     

    Basilide

     

    Basilide exerça son activité de 125 à 155 à Alexandrie. Il fut un des premiers maîtres gnostiques. Il écrivit 24 livres d’exégèse de l’Ecriture, synthèse des doctrines enseignées par les disciples de Simon le Magicien. Mais c’est surtout par ses observations critiques qu’on connaît ses idées, reprises par son disciple et fils Isidore, puis par toute une école théologique.

    Il professait la transcendance absolue de Dieu, de qui la Pensée, puis la Parole, puis la Prudence, la Sagesse et la Force avaient émané. De là étaient sortis les anges et les puissances constituant le premier ciel, puis les 365 cieux qui séparaient Dieu du groupe des anges les plus modestes, lesquels avaient créé le monde et s’étaient réparti entre eux les peuples.
    Yahvé, l’ange d’Israël, était un personnage querelleur et autoritaire qui avait semé le désordre et dont le peuple était constamment agressif. Dieu intervint alors en envoyant dans le monde sa Pensée comme Christ.
    A tous les niveaux, sauf le plus élevé, l’ignorance conduisait chacun des êtres célestes intermédiaires à se prendre pour le Dieu Suprême.

    Le salut était apporté par la Connaissance (Gnôsis) révélée par le Christ et les maîtres inspirés. Avec cette gnose, le Mal était surmonté puisqu’il n’était que l’œuvre du méchant Yahvé. La souffrance des justes était vue comme une expiation pour les péchés de chacun des croyants.

     

    Valentin

     

    Il fut le plus important des maîtres gnostiques. Il naquit en Egypte et fut éduqué à Alexandrie. Il enseigna à Rome entre 135 et 160. L’Evangile de Vérité, ainsi que d’autres textes découvert à Nag Hammadi, se rattachent à l’école valentinienne.

    D’entre les grands gnostiques, il n’y a guère que les valentiniens qui, lorsqu’ils se réfèrent aux enseignements chrétiens, le fassent d’après les évangiles canoniques.
    Le Père, Premier principe absolu et transcendant, est invisible et incompréhensible. Il s’unit à sa compagne, la Pensée (Ennoia) et engendre les 15 couples des éons, formant le Plérôme. Le dernier des éons, Sophia, veut connaître le Père et provoque une crise qui entraînera l’apparition du mal et des passions. Sophia et ses créations sont rejetées, produisant une sagesse inférieure.
    En haut, un nouveau couple est créé, le Christ et son partenaire féminin le Saint-Esprit. Le Plérôme, de nouveau pur, engendre le Sauveur Jésus. En descendant dans les régions inférieures, le Sauveur mélange la matière, provenant de la sagesse inférieure (hylique), avec les éléments psychiques, engendrant le Démiurge, le dieu de la Genèse, qui se croit seul Dieu. Celui-ci crée le monde et le peuple de 2 catégories d’hommes, les hyliques et les psychiques. Mais des éléments venant de la Sophia supérieure s’introduisent dans le souffle du Démiurge, donnant naissance aux pneumatiques. Le Christ descend alors sur Terre pour révéler la connaissance libératrice. Les pneumatiques, réveillés par la gnose, remonteront vers le Père.
    La rédemption du dernier pneumatique sera accompagnée par l’anéantissement du Monde, de la Matière.

    La Matière a une origine spirituelle, c’est un état, une « expression externe solidifiée » de l’Etre absolu. L’ignorance (l’aveuglement de Sophia) est la cause première de l’existence du Monde. La connaissance constitue la condition originelle de l’Absolu.

     

    Marcion

    Marcion (85-160), né dans une famille chrétienne, voyagea beaucoup et s’établi à Rome vers 135. Il devint membre influant de l’église en y faisant une importante donation.
    Il n’a d’abord été qu’un paulinien extrémiste. Il publia les Antithèses, où il dit que le Dieu de Jésus n’a rien à voir avec le Yahvé de l’Ancien Testament, divinité ignorante, brutale et matérialiste. Il rejette les anciennes Ecritures, ne gardant des nouveaux écrits que l’Evangile selon Luc et les Epîtres de Paul. Exclu de l’église de Rome en 144, il se lance dans des campagnes missionnaires, fonda de nombreuses églises où l’on pratiquait une morale très austère, comportant la renonciation à la sexualité et à la vie de famille, tout en se préparant au martyre. C’est seulement après sa rupture avec Rome qu’il subit des influences gnostiques lui faisant clairement identifier deux divinités dualistes.
    Du fait de sa fidélité aux textes chrétiens canonique, bien des critiques refusèrent de considérer Marcion comme un gnostique.
    Après s’être étendu jusqu’en Mésopotamie, Perse et Arabie, à partir du milieu du III siècle, le marcionisme est en déclin et disparut en moins de 100 ans.

    Marcion partage l’essentiel du dualisme gnostique, sans inclure les implications apocalyptiques. Il oppose la Loi et la Justice, instituées par le Dieu Créateur de l’Ancien Testament, à l’amour et à l’Evangile, révélées par le Dieu Bon à travers Jésus. Par la prédication de Jésus, Yahvé apprend l’existence du Dieu Transcendant, et il se venge en livrant Jésus à ses persécuteurs. Par son sacrifice, Jésus rachète l’humanité au Dieu Créateur. Mais les fidèles continueront d’être persécutés jusqu’à la fin des temps, lorsque le Dieu Bon se fera connaître, qu’Il les recevra dans son royaume, et qu’Il anéantira la matière et le créateur.

    L’une des forces principales du marcionisme est le fait qu’il possédait des écritures saintes beaucoup plus accessibles et plus facile à expliquer que celles des églises catholiques.

     

    Annexes

     

    La Femme

     

    Le principe féminin a un rôle important dans les éons, des figures féminines vont jouer des rôles prophétiques, les gnostiques ne semblent donc pas considérer la femme comme inférieure à l’homme. Mais le retour de l’élément féminin à sa contrepartie masculine reste une condition indispensable à l’accès à la perfection céleste, et Sophia est responsable de l’erreur qui a conduit la chute vers la matière.

     

    L'Evangile selon Thomas

    L’Evangile selon Thomas est très difficile à dater, et reproduit pour l’essentiel des « paroles secrètes de Jésus » transmises par une tradition autonome remontant assez haut dans le I siècle.
    Son texte intégral ne nous a été connu que depuis la découverte de la bibliothèque gnostique de Nag-Hammadi.

    Son contenu, bien que remarquablement propre à inspirer des spéculations gnostiques, n’offre que peu de traces d’un gnosticisme authentique. Il s’agit de la collection intégrale des logia dont des fragments grecs précédemment retrouvés n’avaient offert que des lambeaux mal compréhensibles.
    On retrouve de très nombreux de ces logia dans la littérature patristique la plus orthodoxe des premiers siècles. C’est donc l’utilisation qu’ont fait les gnostiques de ce livre plus que son contenu qui fut responsable du rejet de ce texte pas l’Eglise.

    Le royaume de Dieu y est non eschatologique, le rejet des pratiques juives de piété (jeûne, prière et aumône) y est absolu, comme celui de la circoncision.

    L’Evangile selon Thomas est très difficile à dater, et reproduit pour l’essentiel des « paroles secrètes de Jésus » transmises par une tradition autonome remontant assez haut dans le I siècle.
    Son texte intégral ne nous a été connu que depuis la découverte de la bibliothèque gnostique de Nag-Hammadi.

    Son contenu, bien que remarquablement propre à inspirer des spéculations gnostiques, n’offre que peu de traces d’un gnosticisme authentique. Il s’agit de la collection intégrale des logia dont des fragments grecs précédemment retrouvés n’avaient offert que des lambeaux mal compréhensibles.
    On retrouve de très nombreux de ces logia dans la littérature patristique la plus orthodoxe des premiers siècles. C’est donc l’utilisation qu’ont fait les gnostiques de ce livre plus que son contenu qui fut responsable du rejet de ce texte pas l’Eglise.

    Le royaume de Dieu y est non eschatologique, le rejet des pratiques juives de piété (jeûne, prière et aumône) y est absolu, comme celui de la circoncision.