• SECRET ET FRATERNITE INITIATIQUE

     

     

    Tout F :.M :. a sa propre définition du secret et sa perception de la fraternité. Ce sont même des questions couramment posées le jour du bandeau. Aussi, je vous épargnerai la définition d’un dictionnaire quel qu’il soit. Mon propos a été d’essayer d’établir d’une manière simple et aussi claire que possible, un lien entre ces 2 mots, SECRET et FRATERNITE INITIATIQUE en Franc Maçonnerie je précise, par une réflexion consécutive à mon expérience au bout des quelques années que j’ai passées sur ces colonnes. Conformément à mon habitude, je n’ai pas cherché à apporter un quelconque savoir mais à partager un vécu et un ressenti, qui, je l’espère, déclanchera, chez certains d’entre vous, le même désir. Oui, il y a bien un secret qui nous lie et qui existe car nous le partageons.

    Qu’est ce qui nous motive et nous rassemble à chaque tenue en ce lieu ?
    Nous pouvons répondre avec assurance et peut être une certaine fierté que nous essayons avec les moyens qui nous sont proposés, en l’occurrence, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, de devenir des hommes libres et responsables, conception que nous voulons maintenir et consolider dans le sens de la justice et de l’équité.

    Je cite l’instruction au 1er degré : « Qu’avez-vous fait après avoir subi les épreuves ? » « J’ai prêté serment de garder les secrets de l’Ordre Maçonnique et d’agir en toutes circonstances en bon et loyal F :.M :. » .
    Ce temple dans lequel nous sommes réunis n’est pas un lieu sacré en lui même, c’est une bâtisse qui n’est véritablement consacrée que par la présence d’hommes qui recréent, à chaque réunion, une forme d’univers, un endroit privilégié hors de l’espace, dans un temps symbolique qui se situe en marge du temps profane et de nos préoccupations quotidiennes. « C’est le lieu secret qui sert d’abri aux F :.M :. pour couvrir leur travaux » dit le Rituel.
    Ici, nous travaillons de « midi à minuit » sur ces colonnes dont l’accès n’est autorisé qu’aux initiés F :.M :. seulement, c’est à dire à ceux qui sont sur le chemin de la Franc Maçonnerie.
    Comment un profane pourrait-il comprendre cela ?
    L’un des griefs adressé à la Franc-maçonnerie par les esprits chagrins et ignorants, c’est d’être une société secrète. Ils disent de nous : « Si leurs buts sont honorables, pourquoi se cachent-ils ? ». La F :.M :. étant un sujet particulièrement récurrent, il y a matière pour le profane curieux à trouver dans une littérature riche, dans la presse, à la télé et surtout sur Internet ce qu’est la F :.M :. . Sur ces « plates formes », qu’y voit-on ou entend-on ?
    La F :.M :. veut développer la connaissance de soi et du monde, du monde et de l’Univers, faire coïncider la parole avec le geste, l’intention avec l’acte, le « dire » avec le « faire ».
    Ceci, d’ailleurs, est en partie vrai.
    Si l’on ajoute les nombreuses conférences et tenues blanches ouvertes, il est aisé de savoir qui est F :.M :. et comment peut se dérouler une tenue.

    Ce qui intéresse nos détracteurs, ce serait plutôt connaître un secret, une connaissance, un savoir qui serait en notre possession. Ce Secret serait la base de notre « pouvoir », mot à mettre entre guillemets. Ces 2 termes sont souvent liés d’ailleurs : celui qui sait est supposé dominer celui qui ne sait pas.
    Je ferai une brève référence aux Templiers, qui au XIII ème siècle furent soupçonnés d’hérésie, de pratiquer l’alchimie, science apparentée à la magie, d’avoir pactisé avec l’Islam, et de propager secrètement des doctrines opposées à celle de l’église. Avec 9000 commanderies dont 2000 en France, ils furent à la tête d’un immense patrimoine et de fabuleuses richesses très convoitées car mystérieuses, voire suspectes.
    Si l’on ajoute à cela la règle du secret et du silence, on comprend qu’ils aient pu susciter méfiance et convoitise. Je ne fais pas là un parallèle avec nous, mais il est vrai que beaucoup de profanes fantasment sur notre discrétion et notre ésotérisme, que l’on peut définir comme un « enseignement secret ». Pourquoi secret ? Car il est indicible tout simplement.
    « La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache » a dit MALRAUX.
    Le seul secret qui nous est révélé, progressivement (j’insiste sur ce terme), depuis l’Initiation n’est pas une nouvelle religion ou un nouveau Dieu blanc, noir ou jaune mais que nous sommes plus qu’un être matériel et individualiste au-delà de toutes croyances ; nous développons une spiritualité en prenant conscience de notre appartenance à un tout appelé Univers et le seul pouvoir qui nous est donné est celui d’essayer de faire partager cela à nos proches. Tout ce que nous découvrons et apprenons ici, ce sont les outils symboliques et les techniques pour les utiliser afin de progresser dans cette voie. Au XVIII ème siècle, le F :. CASANOVA s’exprimait ainsi : « le secret maçonnique est inviolable par sa propre nature, puisque le maçon qui le sait ne le sait que pour l’avoir deviné. Il l’a découvert à force d’aller en loge, d’observer, de raisonner et de déduire ».Une mise au point est nécessaire : comment appréhender la connaissance de ce secret ?


    C’est d’abord l’apprentissage puis la mise en oeuvre d’une technique, d’un langage et d’une méthode. Oswald WIRTH a dit : « Nous n’avons rien à redouter à révéler la vérité, personne ne la croit ». Les F :.M :. sont en quête de vérité, de justice et d’Amour. Nous sommes des cherchants, et, à ce titre, le secret nous est inconnu.

    Toutefois, il y a plusieurs approches du secret :
    La Tradition d’abord : La tradition des Métiers des bâtisseurs de cathédrales nous impose de prendre en compte les données élémentaires du secret opératif, pour, ensuite, sur le plan spéculatif, acquérir le savoir faire de la connaissance des choses, la maîtrise d’une technique au travers d’outils symboliques destinés à l’édification du Chef d’œuvre. Dans ce cas, le secret, c’est la richesse de celui qui sait et qui va le transmettre.
    La communication ensuite : le savoir et la connaissance ne sont pas des objets mais des aptitudes acquises, des moyens d’action, des relations entre le monde et l’esprit, relations perçues et comprises. Je ferai une brève parenthèse concernant la spiritualité qui est avant tout le résultat d’un ressenti qui nous est propre. Or, comment définir par des mots un ressenti ? Ce qui est difficilement exprimable est difficilement communicable. On n’acquiert pas la connaissance toute faite dans les livres. Si nous voulons savoir, il faudra le vouloir et mériter ce savoir par l’effort face aux épreuves.
    Nous devrons apprendre à nous servir de nos outils spéculatifs pour que les ténèbres s’éclairent peu à peu. C’est une conquête personnelle, c’est notre secret destiné à apporter notre contribution à l’édification du temple de l’humanité. Nous avons droit à la vérité à condition d’œuvrer à sa découverte.
    Le secret est aussi la constatation d’une relation entre la vérité et nous-mêmes, entre soi-même et les autres. A la page 59 du mémento de l’A :., il est dit en gros caractères : « En aucun cas, le F :.M :. ne doit dévoiler ou même laisser soupçonner la qualité Maçonnique d’un F :. à quelque profane que ce soit. ».
    Si le caractère impératif de cette phrase puisait sa source dans les persécutions dont notre Ordre a été victime dans le passé, aujourd’hui le risque est nettement moindre si ce n’est le jugement hâtif et négatif de quelques profanes ignorants. Il s’agit surtout de règles élémentaires de savoir vivre et de discrétion envers des personnes de toutes origines qui ont fait le choix d’un cheminement initiatique
    et personnel qui ne regarde qu’eux.

     

    Je cite ST EXPUPERY : « Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ».
    Justement, pourquoi des gens de milieux si différents font-ils le choix de cette démarche qui fait d’eux des Frères ? Nous y voilà ! Quel est le secret de cette Fraternité rêvée et si rare dans notre vie quotidienne ? Sans être naïf, lequel d’entre nous ne s’est jamais posé cette question avant son Initiation?

    Pourtant, au regard de l’Histoire, passée et présente, parler de fraternité, c’est faire un douloureux constat d’échec.
    Au temps de la commune de Paris, des F :.M :. versaillais n’ont-ils pas fusillés des F :.M :. communards ? Sous l’Occupation, des F :.M :. n’ont-ils pas voté les pleins pouvoirs à Pétain ? Comment pourrai-je oublier que les organisateurs du génocide arménien, le gouvernement des « Jeunes Turcs », était composé de nombreux F :.M :. ?
    Et puis, évitons toute ambiguïté, et même toute hypocrisie sur ce terme : Si nous nous engageons par serment à exercer notre devoir de fraternité en aidant tous les FF :. en toutes circonstances, combien d’entre nous tiennent parole ? Ne serait-ce qu’en prenant des nouvelles de FF :.âgés, malades ou dans le besoin. La G :.L :.D :.F :. a ses bonnes œuvres (l’Entraide Fraternelle, Mathusalem, la Poignée de mains), dont les responsables se dévouent, mais ont-ils les moyens d’être efficaces ? Je vous rassure, nous sommes tous concernés, et, à ce titre, la Fraternité Initiatique n’est pas seulement une histoire de cœur, car si c’était le cas, elle n’existerait pas.
    Pourtant, elle est notre maître mot. Elle figure dans la déclaration de principes de la G :.L :.D :.F :. qui pose la F :.M :. comme un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité. Dire que la Maçonnerie prétend à l’universel et se fonde sur la fraternité constitue un engagement conscient et réfléchi.
    Réfléchi car pour être agissante, il lui faut de l’intelligence et de la culture. La loge n’est-elle pas le lieu où « des hommes éprouvés et choisis se consacrent à l’étude et au travail » ?
    « La vérité commence à deux » a dit NIETZSCHE, ce qui veut dire que notre vérité se construit et parfois se détruit avec celle des autres. Il est difficile de se dépasser pour s’ouvrir à la fraternité. L’homme est constamment confronté à 2 ennemis : l’autre et lui-même.


    Il ne suffit pas de se réconcilier avec soi-même car nous pouvons devenir égoïstes et indifférent, mais il faut commencer par cela. Tout Franc-Maçon est passé par le cabinet de réflexion où il a écrit son testament philosophique. Cette « mort du Vieil homme », nous l’avons tous vécue et cela nous lie. Je pense que ce lien est fondamental car c’est un acte volontaire donc libre et que nous partageons tous. Liberté du choix, égalité dans les épreuves et fraternité future dans la démarche.
    Le nouvel initié, dernier maillon de notre chaîne, en est le plus important et le plus fragile. Pour lui d’abord, car il s’attend peut être à découvrir le secret de cette fraternité qui n’est pas innée et qu’il ignore encore comment intégrer ; il n’est pas évident de dire « Mes Frères » d’une manière réfléchie à des inconnus. Pour nous ensuite, dont le rôle initial est de le guider dans cette intégration.
    La Fraternité Initiatique nécessite un apprentissage dont la loge est le cocon. Il ne s’agit pas d’indiquer une quelconque philosophie comme manière de vivre, chacun a la sienne mais à l’aide d’outils symboliques, pratiquer ce que Pierre HADOT nomme des « exercices spirituels » progressifs pour nous aider à nous transcender.
    L’Amour Fraternel se construit pour être donné et reçu. L’A :. le connaitra s’il s’en donne les moyens et si nous réussissons à lui transmettre le notre. Dans la plupart de nos travaux, le mot Transmission est cité car il est le fondement même de notre progression sur ces colonnes. Ce cheminement sur la Voie Initiatique, nous le partagerons à travers chaque degré de notre rite que nous gravirons. Il ne s’arrêtera que le jour du passage à l’Orient Eternel, avec l’espoir secret et commun d’avoir donné un sens à notre vie.
    Tout le secret maçonnique se trouve là : si le R :.E :.A :.A :. n’impose pas au nom de la liberté de conscience une forme particulière de spiritualité, il permet à notre ordre initiatique et traditionnel de nous apporter l’épanouissement d’une spiritualité personnelle. Celle-ci, pour exister réellement, a besoin de s’incarner dans une relation avec son prochain. C’est à travers cette fraternité que ce que nous appelons TRADITION devient véritablement filiation par la transmission dans le temps d’une connaissance fondée sur des mythes (celui d’HIRAM notamment), qui traduisent l’immanence de la nature humaine malgré le progrès et l’évolution. Il n’est pas simple de mettre cela en pratique, et c’est justement là que notre secret trouve peut être sa source.
    Bien qu’en ayant fréquenté une, peu de temps il est vrai, j’ai volontairement écarté de ce travail tout ce qui concerne les « Fraternelles », associations de F :.M :. regroupés par centre d’intérêts professionnels ou autres, car ce n’était pas mon propos.

    Pour terminer cette planche et non conclure car il ne saurait y avoir de conclusion sur un tel sujet, je citerai quelques vers très simples de René Pierre AMSELLE que chacun d’entre nous devrait souvent avoir en mémoire :

    « Toi qui dans ce temple entreras,
    Le vrai Secret n’est pas là,
    Plonge dans la fange de ton être,
    Alors, après, tu pourras renaître. »