• Lieux sacrés de France (2)

    SYMBOLIQUE DE LA CATHÉDRALE GOTHIQUE DE CHARTRES

     

    PROLÉGOMÈNES

     

    Traditionnellement, on appelle «.Siècle des Cathédrales.» la période allant de 1130 à 1280. Mais en 1130, la plus royale des Églises n’est pas une cathédrale, mais un monastère.: Saint-Denis en France. Et c’est à Saint-Denis, sous l’impulsion de l’abbé Suger, conseiller du Roi Louis VII, que naîtra cet art nouveau qui sera plus tard surnommé «.gothique.». Suger apporta, en effet, une conception nouvelle du sanctuaire. Au lieu de délimiter un espace soigneusement clos, le sanctuaire dut accueillir la lumière que Suger considérait comme le lien parfait entre l’Homme et Dieu. Il ne devait plus être replié sur lui-même, mais au contraire, largement ouvert sur le monde profane. C’est là, la théorie fondamentale de cet art que la Renaissance qualifia de «.gothique.» c’est-à-dire de «.barbare.». Cet art nouveau fut reconnu par ses contemporains comme «.l’Art de France.», car c’est au cours du domaine capétien qu’il trouva la perfection de ses formes et à Paris qu’il fixe le foyer de son rayonnement.

     

    Le gothique est un système de construction reposant sur ce que l’on nomme.: la croisée d’ogives qui est apparue partout dans l’Occident chrétien.; et toujours dans des abbayes bénédictines ou cisterciennes surtout. Le gothique apparaît après la première Croisade et, plus spécialement, après le retour en 1128, des neufs premiers chevaliers du Temple. Et, à partir de ce moment, on construit partout.; églises abbatiales ou églises laïques, surtout en Île-de-France et en Champagne. Le gothique ne succède pas au roman, les deux ont existé en même temps et les deux écoles ne se mélangent pas. Les constructeurs romans ont continué à faire du roman pendant que les constructeurs gothiques faisaient du gothique. Quand l’école romane s’essaie au gothique, elle n’aboutit, la plupart du temps, qu’à un système un peu bâtard, que l’on a nommé, plus tard, courtoisement.: «.gothique de transition.». Les constructeurs gothiques eux ne tâtonnent pas. Les constructeurs de Senlis, en 1154, connaissent parfaitement leur métier…

     

    Si entre les XVIII° et XIX° siècles, se réalise, en Europe, la révolution intellectuelle qui l’a mené à l’univers déraciné de la modernité, c’est entre les XII° et XIII° siècles qu’une véritable révolution de la foi éclaire d’une dimension nouvelle les Arts et les Sciences qui deviennent serviteurs de l’Esprit. C’est alors que naît le fameux «.Siècle des Cathédrales.», période d’intense créativité intellectuelle et artistique, dont le rayonnement s’étend sur toute l’Europe.

    Véritables montagnes sacrées au cœur des cités médiévales, les cathédrales constituent une liaison magique entre les trois plans de l’Univers, le Ciel, la Terre et le monde souterrain. La Cathédrale est en effet une image réduite de la création et les lois qui président à sa construction paraissent identiques à celles qui ont permis à l’univers de se manifester.

     

    De ce fait, la Symbolique des Cathédrales est consacrée à l’étude des lois fondamentales de l’Architecture sacrée. Le Nombre qualifie l’esprit, la Géométrie l’Âme et l’Architecture le corps. Ce sont ces trois sciences divines qui ordonnent la Cathédrale, comme l’Univers tout entier. Mais, la Cathédrale n’est pas seulement une représentation statique de l’univers.; par les rites qui se déroulent en son sein, elle est l’espace de transfiguration, permettant au fidèle, au pèlerin, de transmuter sa nature profane en vertu spirituelle. Le pèlerinage vers l’intérieur de la Cathédrale est alors un véritable cheminement alchimique, comme en témoignent les labyrinthes dessinés sur le sol ou encore les médaillons alchimiques, gravés sur le sol ou encore les médaillons alchimiques, gravés sur les façades de plusieurs Cathédrales.

     

    Les Bâtisseurs ont ainsi concrètement incarné les principes de l’Architecture sacrée dans la pierre, faisant de chaque cathédrale un espace privilégié de communion entre l’homme et sa réalité cosmique. Recréateur des formes célestes sur terre, le Bâtisseur se place humblement dans une chaîne multidimensionnelle de transmission de sagesse. Une unité spirituelle et pratique anime une multitude de mains, de cœurs et de voix, du maître d’œuvre qui établit les plans de la Cathédrale et dirige le chantier jusqu’au compagnon qui taille de pierre.

     

    Pendant ce «.Siècle des cathédrales.», l’homme occidental s’est montré capable de vivre l’expérience du Sacré et de se relier au Divin, à l’Univers, à ses semblables et à lui-même. Les Cathédrales sont le témoignage le plus éblouissant de ce mariage sacré entre le visible et l’invisible.

     

    Toutes les cathédrales de France furent dédiées à NOTRE-DAME, la Vierge s’introduit dans la piété du XII° siècle.: elle évoque la souveraineté, la victoire, mais aussi l’idée d’incarnation. Elle symbolise la Nature. Vers elle se porte naturellement la dévotion des foules, mais aussi les effusions mystiques des moines. Les théologiens qui créèrent l’art gothique ne se représentaient pas le Christ comme un enfant, mais comme un Roi, souverain du monde.; monté sur le trône, il couronne la Vierge, sa mère, mais aussi son épouse, l’Église. C’est aussi au XII° siècle que l’on commence à exalter la femme dans les cours chevaleresques des Pays de Loire et du Poitou. La France de ce temps découvre l’amour courtois et l’amour de Marie.

     

    L’homme gothique, représenté dans l’iconographie des Cathédrales, est à l’image du Christ.: de la pensée divine, il naît adulte. Les harmonies rationnelles qui l’unissent à la création doivent transparaître en son effigie. Les humains sont donc des êtres responsables de leurs actes, conscients, affranchis des forces aveugles, maîtres d’eux-mêmes.



    1. — LA CATHÉDRALE IMAGE DU MONDE

     

    «.Le Temple n’est pas seulement une image réaliste du monde, mais bien plus encore, une image structurale, c’est-à-dire qu’il reproduit la structure intime et mathématique de l’Univers..»

     

    Ces quelques lignes, extraites du livre de Jean Hani «.La Symbolique du temple chrétien.» résument la position de l’homme face à la cathédrale. La dimension de l’univers ne permet pas d’emblée une approche globale et chaque civilisation s’est appliquée à reformuler un espace, de dimension humaine, reproduisant une image réduite de la Création. La cathédrale est à considérer comme une recréation du monde et les lois gouvernent sa construction, depuis le plan jusqu’au choix de la date de la première pierre, sont identiques à celles qui ont permis à l’univers de se manifester. Ainsi, s’établit une relation trivalente entre l’Homme, le Temple et le Monde. Véritable pont spirituel, la cathédrale occupe une position intermédiaire et agit comme médiatrice entre Dieu et l’Homme.

    1.1.— LA CATHÉDRALE SYNTHÈSE DES TROIS MONDES

     

    Ce rôle médiateur n’est possible que parce que la cathédrale reproduit les trois niveaux qui composent l’Univers, c’est-à-dire.: le Ciel, la Terre et le Monde souterrain. Selon la Tradition, l’Homme est aussi un Univers en miniature, composé de trois niveaux.: l’Esprit, l’Âme et le Corps. Le Monde, le Temple et l’Homme ont donc été créés avec le même modèle.; la liaison entre l’Homme et son Créateur est donc réalisable par la cathédrale. Cette partition ternaire du temple s’exprime à la fois dans le plan vertical et horizontal de l’édifice. Au sol.: le chœur, le transept et la nef, pour l’élévation.: les voûtes, le sol et la crypte, enfin, pour les façades.: les flèches, les rosaces et vitraux et les portes reproduisent le même modèle structural (figure 1 et 1 bis).

     

    1.2.— LE MONDE SOUTERRAIN

     

    Il ne faut pas le confondre avec l’Enfer. Il s’agit plutôt du ciel à l’envers, c’est-à-dire du ciel nocturne, qui représente la voûte céleste au-delà du système solaire. Le monde de sous-terre est à la fois le siège des puissances chtoniennes et stellaires qui préexistent à notre monde terrestre. Ce milieu ténébreux, qui permit à la lumière de naître, réagit à l’émergence de la vie, c’est-là que se nourrissent les racines des êtres. La graine plantée sous terre germe grâce à l’énergie tellurique qui lui est donnée. Ces forces invisibles sont représentées par la Vierge noire, à qui sont attribuées toutes les qualités du monde souterrain. Ces Vierges sont généralement vénérées dans la crypte des églises, comme au Puy ou à Chartres pour ne citer que deux exemples. La crypte, milieu sombre et humide, est liée aux mystères de la résurrection et de la transmutation. Elle représente la matrice de la vie et rappelle la fonction des grottes sacrées des religions primitives, vouées au culte de la Déesse Mère. Bien que l’usage des cryptes dans la liturgie judéo-chrétienne soit peu connu, on lui attribue des fonctions initiatiques. Il faut tout de même se rappeler les baptistères des premiers sanctuaires chrétiens qui occupaient justement cet endroit. La crypte est propice à une deuxième gestation de l’homme dans le sein même de la Terre. La sortie de la crypte à la lumière du jour est alors assimilable à la naissance dans la vie spirituelle. C’est aussi le monde des morts ou des ancêtres qui détiennent le secret du passage de la vie vers la mort ou de la mort vers la vie.

    1.3.— LA TERRE ET L’ATMOSPHÈRE

     

    Les anciens appelaient Terre le milieu de réalisation de la vie «.terrestre.», c’est-à-dire, les montagnes, les fleuves, le vent, la pluie, en fait la Nature, dans un ensemble avec les éléments. Il s’agit donc de l’habitat humain pour le séjour terrestre. Il est nécessaire de préciser que les trois mondes sont en fait trois habitats différents pour l’homme. La matière première du corps humain est sous la Terre, c’est là que sont les métaux, les sels minéraux.; c’est là aussi que le corps physique de l’homme retourne après son séjour sur Terre. La surface du sol, habitat de la vie terrestre, est le siège de l’âme. Ce milieu donne les aliments et les énergies nécessaire à l’animation et au mouvement. Enfin, le Ciel régit le monde des principes et c’est le séjour de l’Esprit. Dans la cathédrale, le Ciel donne la verticale, le monde du milieu ou la Terre le plan horizontal, et le Monde souterrain la profondeur, la crypte. C’est du sol de la cathédrale que les colonnes sortent, poussent et fleurissent sous la forme des vitraux et rosaces. Cet espace est celui du culte ou de la culture du jardin cosmique, le Paradis des écritures. Monde de la dualité, de l’alternance et des contraires, il est symbolisé par les dalles noires et blanches qui composent le damier du sol. C’est là que l’homme se confronte à la collectivité et à l’adversité de la vie. Si la crypte représente ce qui est avant le temps, le sol et l’atmosphère, c’est-à-dire le Monde du milieu, de l’Âme, est gouverné par le rythme des saisons et des heures du jour. Ainsi, l’homme parcourt le plan horizontal depuis la nef, réplique de la fonction de la crypte, en passant par la croisée qui manifeste le monde du milieu et enfin atteint le chœur, seule partie courbe du plan au sol qui reproduit l’image de la voûte céleste.

     

    1.4.— LE CIEL

     

    Siège de la lumière, des puissances solaires et de la divinité, il évoque la Jérusalem céleste. Monde diurne qu régit l’accomplissement spirituel, il s’incarne dans la voûte, le Ciel de la Cathédrale. C’est là que se noue la cohésion de la construction, par les clefs qu concentrent et diffusent les forces dans les colonnes à l’image du Ciel qui répand ses principes sur la Terre. Comme une barque renversée, comme l’Arche en quête du Mont Ararat, la nef navigue sans le Ciel. C’est le Christ-Soleil qui est maître de ce monde.

     

     

    2. — L’ESPACE SACRÉ

     

    C’est le choix du lieu qui est déterminant pour que la construction remplisse son office. Que ce soit sur une colline, une île sur un fleuve, ou tout simplement un lieu ancestral de culte, l’espace choisi possède déjà les qualifications requises pour la cohabitation des trois régions de l’univers. Il n’est donc pas surprenant que la majorité des cathédrales soit implantée sur des sites de cultes ancestraux. L’endroit idéal est déjà un sanctuaire naturel. La délimitation de l’espace, sacré qui constituera le plan au sol de la cathédrale, est réalisée par le Maître d’œuvre ou architecte. Au Moyen-Âge, l’architecte dirige tous les corps de métiers.: charpentiers, tailleurs de pierre, maçons et verriers, entre autres. La construction est une vaste entreprise spirituelle et collective, qui mobilise toute la population.

    Les différentes étapes, qui préparent l’espace à recevoir l’Esprit, constituent en fait un modèle rituel. Depuis le choix de l’emplacement jusqu’à la consécration, il faut associer chaque stade aux six jours de la Création.: 1. choix du site — 2. Détermination de l’axe vertical — 3. Orientation de l’espace ou carré du Ciel — 4. Quadrature du cercle primitif ou carré de la Terre — 5. Construction — 6. Consécration.

     

    2.1. — L’AXE VERTICAL

     

    Pour établir le contact avec les puissances ordonnatrices du Ciel, il faut un lien qui unisse et scelle la fonction des trois régions de l’Univers. C’est de l’existence de cet axe vertical que découle la fonction médiatrice du temple. Comme l’esprit gouverne la Matière, l’axe vertical organise l’espace horizontal. C’est une colonne ou un mât, planté au sol, dans le site choisi, qui va revitaliser les caractéristiques du lieu, à l’image des aiguilles de l’acupuncture. L’acte liturgique de l’incarnation consiste donc dans l’édification de la colonne réalisée par le Maître d’œuvre qui agit comme prêtre.

       

    2.2. — LE CARRÉ DU CIEL OU L’ORIENTATION DE L’ESPACE

     

    Sur la base du centre incarné par la colonne, le maître d’ouvre trace un cercle qui manifeste l’horizontal. Par définition, le cercle ne possède pas d’orientation. Au lever du Soleil et à son coucher, l’ombre de la colonne qui se projette sur le cercle marquera deux points qui déterminent le premier axe du Temple (figure 2). Cet axe primitif qui oriente le cercle à l’Est et à l’Ouest est appelé Decumanus. En fonction de la date choisie pour ce rite, il est possible de décliner cet axe par rapport aux cardinaux magnétiques. La date retenue dans le cycle saisonnier marquera la dédicace de la cathédrale (Par exemple, le 15 août pour Notre Dame de Paris). La position zénithale du Soleil marquera, par l’ombre du mât, le Cardo ou axe Nord-Sud. Cette opération simple fait intervenir la main du Ciel pour orienter l’espace. La croix cardinale reconstitue les diagonales du carré du Ciel, l’espace est qualifié. 

     

    2.3. — LA QUADRATURE DU CERCLE PRIMITIF OU LE CARRÉ DE LA TERRE

    La quatrième opération vise à établir un deuxième carré, inscrit dans un cercle primitif, qui fixera, par ses angles, la position où seront édifiés les grands piliers de croisée du transept. Ce carré, en opposition au carré du Ciel, réalise l’espace de sustentation matériel de la cathédrale. Le carré de la Terre est le complémentaire de celui du Ciel (figure 3). Il faut donc inscrire dans le cercle primitif un espace quadrangulaire qui donnera le module géométrique de l’édifice, c’est-à-dire la largeur de la nef et du transept. Ce module, ou rapport, sera translaté dans les deux axes est-ouest et nord-sud donnant toutes les proportions de la cathédrale. Le premier carré, celui du ciel, donne l’orientation fixe, et dédicace la volonté du Ciel. Le carré de la Terre est celui de l’incarnation du principe céleste. Le module, une fois fixé, est tracé à l’aide de deux cercles de même diamètre centré sur les points d’intersection de l’axe est-ouest avec le cercle primitif (figure 4). L’espace orienté devient le centre des six directions de l’univers, dont le point de concours est matérialisé par la colonne au centre du cercle primitif. Le tracé de base terminé, la colonne sera détruite mais sa fonction d’axe du monde sera assurée par la flèche, au centre de la croisée, véritable antenne de la cathédrale. le mariage des deux carrés du Ciel et de la Terre produit un octogone que l’on retrouve dans la forme des anciens Baptistères ou des clochers des églises romanes. Si le tracé débute à la croisée avec la colonne, la construction par contre, commence par l’abside, c’est-à-dire par l’Est qui est la naissance du monde.

    2.4. — LE TEMPS MET EN MOUVEMENT L’ESPACE

     

    Le plan au sol de la cathédrale est donc une projection horizontale ordonnée de l’univers. En raison de l’orientation solaire, chaque point cardinal indique une position extrême du cycle saisonnier et journalier. Le parcours de la cathédrale reproduit l’année solaire, rythmée par les façades. C’est le chemin qui conduit des ténèbres à la lumière. L’automne ou crépuscule est à l’Ouest.; l’hiver ou minuit, au Nord.; le printemps ou aube, à l’est.; enfin l’été, ou midi, au sud (figure 5). Le calendrier liturgique utilise la dynamique de l’espace.; ainsi, en fonction du moment de l’année rituelle, certaines portes seront ouvertes et les autres fermées. Par exemple à Saint-Jacques de Compostelle, les pèlerins entrent au mois de Juillet par la façade sud.

    2.5. — LE NORD

     

    L’endroit le moins éclairé de la cathédrale est au Nord. C’est le froid, les ténèbres, le monde invisible qui représente le monde souterrain. Toute la symbolique, du portail Nord, est généralement consacrée aux origines stellaires, à l’étoile Polaire. La couleur symbolique est le bleu nuit que l’on retrouve en principe comme tonalité de base de la rosace Nord. Le thème de cette rosace est d’ailleurs consacré à la mère du monde et nombre qui gouverne la croissance géométrique de la roue Nord est le 8, image de l’éternité et de l’infini. À ce stade, la graine de la Création n’est pas encore sortie de sa matrice cosmique. Tout est encore dans la grande nuit. Le Nord indique le Nadir ou Soleil de Minuit.

     

    2.6. — L’EST

     

    Printemps du monde, c’est là que le Soleil s’est levé la première fois. L’Est est associé à l’aube de la Vie. Sa couleur symbolique est le vert qui, dans l’arc-en-ciel, partage le jaune du bleu, comme l’Est partage le Sud du Nord. Cette région de la cathédrale est aussi celle de l’autel qui reçoit le premier rayon du soleil le matin. La graine de la Création a germé et le jardin d’Eden est vert de tiges et de feuilles. L’Est indique la direction de Jérusalem, surtout la Jérusalem céleste. Unique espace courbe de la cathédrale, il focalise la puissance du soleil naissant et la répand dans l’édifice.

     

    2.7. — LE SUD

     

    C’est le zénith solaire, l’apogée de la Création et sa fructification. C’est l’Été, la Nature est mûre et harmonisée. Le Sud représente le jour éternel comme le Nord, la nuit éternelle. Le Christ en gloire siège au Sud, en tant que Roi du Ciel et de la Terre, le Sud est associé à la royauté. La couleur symbolique associée est le jaune et le nombre qui gouverne ici est le 4, image de l’ordre, de l’harmonie et de la stabilité du monde organisé.

     

    2.8. — L’OUEST

     

    Lieu du couchant, de la chute du Soleil dans les ténèbres, point de contact entre le jour et la nuit, la Vie et la mort, le visible et l’invisible mais aussi le profane et les Sacré, l’Ouest est l’Automne du monde, la fin des temps. La graine va retrouver le sous-terre pour son long séjour dans la nuit qui la préparera à une nouvelle naissance. Lieu consacré au Jugement dernier et à l’Apocalypse, sa couleur est le rouge comme le soleil couchant. Le nombre de l’Ouest est le 12, comme le parcours achevé du soleil dans le Zodiaque.

     

    2.9. — LA PORTE DU TEMPS

     

    Le Soleil parcourt la nef d’Est en Ouest, mettant en mouvement le temps dans la cathédrale. Le Decumanus détermine l’axe humain de l’édifice, c’est-à-dire celui du devenir, de la naissance à la mort respectivement associés à l’Est et à l’Ouest. L’entrée par la façade ouest permet donc de remonter le temps de la mort vers la vie, c’est-à-dire du profane, situé hors de l’enceinte sacrée, vers l’Est, les origines. Le Cardo représente l’axe de l’éternité et le croisement du temps et de l’éternité a lieu sous la clef de voûte.

     

    2.10. — LE MODÈLE DE L’HOMME COSMIQUE ET LE PLAN DE LA CATHÉDRALE

     

    Le plan au sol de l’édifice représenta avant tout, le corps de l’Homme cosmique. Il est important de préciser que le modèle est absolument indépendant du choix de la croix. Cette assimilation de temple de l’homme n’est pas spécifique au Christianisme.; elle gouverne également le mode architectural du temple en Inde et en Égypte, pour ne citer que deux exemples (figure 6). Cette disposition crée un état de «.sympathie vibratoire.» entre l’homme et le cosmos. L’entrée dans le temple représente l’entrée dans corps de l’Homme, c’est-à-dire une introspection. Il s’agit en fait, de la tradition judéo-chrétienne du «.Connais toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux.» citation récupérée à Thalès de Milet et qui figurait sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes. Chaque partie de la cathédrale possède les qualités assimilables aux parties du corps humain. Le Cercle absidial représente la tête, la croisée de la nef et du transept, le cœur, c’est-à-dire la vie qui bat dans l’édifice. Quant à la façade ouest, elle représente les pieds de l’homme cosmique (figure 7). Selon l’acupuncture (branche réflexologie) la plante des pieds donne une image réduite des fonctions et organes du corps humains. Dans la cathédrale, la façade ouest reproduit les fonctions principales de toute construction. Les pieds de l’Homme cosmique rappellent aussi ceux du pèlerin. Toute doctrine spirituelle s’oppose aux manipulations et le néophyte doit connaître le parcours qu’il devra réaliser, avant d’entrer dans la Voie. À la lecture de la façade ouest, le profane est informé du contenu spirituel du parcours initiatique qu’il devra effectuer dans la cathédrale. 

    3. — NOMBRE, GÉOMÉTRIE, ARCHITECTURE ET MUSIQUE

     

    À l’image des trois niveaux de l’Univers, trois sciences divines ordonnent le monde. Le Nombre qualifie l’Esprit, la géométrie, l’Âme, l’architecture le corps. La cathédrale image réduite du monde, existe par la synthèse de ses trois ordres donnant un mariage harmonieux d’Idée, de forme et de substance.

     

    3.1. — LE NOMBRE

     

    Alors que les chiffres expriment des dimensions, des quantités, le nombre qui est limité, donne une image qualitative. Chaque Nombre, parmi ceux que les pythagoriciens appelaient la Décade, représente un principe un ordonnateur, une Idée.; la Création naît des rapports interactifs de ces dix modèles. Dans la cathédrale, aucune mesure n’est à considérer comme un critère, en raison de l’énorme difficulté du Moyen-Âge pour obtenir une unité de mesure étalon. Il s’agit plutôt de lire le Nombre qui a été choisi pour donner la mesure dans une quelconque unité, et les rapports des dimensions des différentes parties de l’Édifice. Les modèles sont des proportions et ce sont des rapports entre Nombres qui déterminent les choix de la mesure. Le même canon règle les proportions de l’homme et de l’Édifice. Ainsi, parmi les modèles utilisés, apparaît un rapport particulier qui gouverne les êtres vivants dans leur ensemble. Ce nombre qui s’exprime sous la forme d’une proportion régit l’équilibre architectural du corps humain.; il s’agit du Nombre d’Or ou section dorée qui partage l’homme de la tête au nombril et du nombril aux pieds (figure 8). La construction de ce rapport sous forme géométrique émane des propriétés du cercle et carré comme les figures primitives de la cathédrale (figure 9).

    3.2. — GÉOMÉTRIE SACRÉE

     

    le Nombre porte l’Idée. Il est le Père. La Géométrie est la Mère de la Création, elle génère les formes. Chaque Nombre peut habiter une forme qui lui est «.consacrée.», comme une Idée habite un mot qui lui sert de véhicule. Ainsi l’abstraction métaphysique du Nombre se concrétise dans la géométrie. Le mariage des formes, orchestré par les règles de proportion, va déterminer le tracé du plan primitif de la cathédrale. Au sol ou dans l’élévation, c’est l’Âme géométrique de l’édifice qui se coule dans la pierre. Les trois modèles géométriques de base sont comme les trois couleurs primaires, le Cercle, le Triangle et le Carré. Le Cercle représente la totalité à l’état indifférencié, mais aussi l’unité qui est le point de son centre sans lequel il ne peut pas exister. Toute la géométrie s’inscrit dans le Cercle. Le Triangle, première figure fermée, explicite la convergence. C’est l’angle qui permet la conciliation des contraires par leur rencontre dans le point. Quant au Carré, il est l’image de la concrétisation, de la stabilité et de la perfection dans la matière. Le mariage de ces trois modèles fait naître toutes les autres formes géométriques.

     

    3.3. — ARCHITECTURE ET MUSIQUE

     

    Dernier stade de la conception, l’architecture réalise la fusion magique de la substance et de la forme.Pour respecter le tracé géométrique et concilier les énormes efforts mécaniques dus à la masse des pierres, le maître d’œuvre devra marier le plein et le vide pour donner sa stabilité à l’édifice. Le choix, de la pierre et sa découpe, permettra ensuite le plus délicat, c’est-à-dire de domestiquer la substance pour imposer l’Idée de forme. Cette contrainte subie par la pierre, va donner un état de tension extrême aux colonnes et aux voûtes. La cathédrale est donc assimilable à un gigantesque instrument de musique dans lequel chaque colonne est une corde tendue. Caisse de résonance accordée par ses proportions, le Temple vibre de chaque pierre à la moindre stimulation cosmique ou humaine, en reproduisant les premières notes de la symphonie de l’Univers. Les données de base de la musique énoncées par Pythagore, font état des relations géométriques, de proportions, pour établir les intervalles musicaux. Chaque note peut s’exprimer sous la forme du rapport des longueurs nées du partage de la corde. Ainsi, la genèse des notes apparaît sous forme géométrique dans chaque cathédrale qui possède sa clef musicale.

    3.4. — VITRAUX ET ROSACES

     

    Formes géométriques, vibrations sonores et lumineuses, s’accordent pour reproduire le modèle de l’univers. Comme le prisme qui décompose la lumière blanche, les vitraux reconstituent l’arc-en-ciel et ses sept tonalités fondamentales. La lumière solaire, image de l’unité incréée, va se différencier dans la multiplicité des couleurs qui représentent la création. Le vitrail apparaît avec l’art gothique, remplaçant les murs peints des églises romanes par des murs de lumière en rapport avec ceux de la Jérusalem céleste. Le traitement du verre prend une importance considérable, notamment à Chartres où résidaient les plus grands maîtres verriers. Les techniques de colorations utilisaient les connaissances alchimiques des maîtres qui, à l’aide d’oxydes métalliques ou d’éléments organiques, formulaient les couleurs de base. La grande pureté du sable du Bassin de l’Eure, alliée à l’inclusion, d’éléments métalliques comme l’or, conférait aux verres des qualités optiques même encore aujourd’hui difficilement accessibles. Par leur position dans la cathédrale, les vitraux et les rosaces déterminent un éclairage qualifié dans chaque moment du jour et de l’année. Il est courant de remarquer une utilisation particulière de la lumière filtrée par les vitraux. Ainsi le traitement spécifique de l’un des verres permet, le jour de l’équinoxe de Printemps de projeter un rayon vert sur la chaire. Le phénomène ne dure que quelques minutes de part et d’autre de Midi. Il faut aussi mentionner, au sol de Notre Dame de Chartres, «.le clou.» éclairé par une tache de lumière projetée d’un vitrail ou encore la fameuse verrière du Zodiaque que le soleil levant balaye signe après signe. Tous ces «.indices.», placés par le maître d’œuvre, sont autant de repères pour le calendrier rituel et permettent encore une fois au cycle solaire, image du temps, de revitaliser l’espace. À la fois roue de la vie et roses de lumière, les rosaces incarnent les principes naturels de croissance dirigés par le Nombre. Le 8 et ses multiples, image de l’infini et de l’éternité, gouverne généralement l’expansion de la rosace nord. Le 4 et ses multiples produit le 3, représentent dans la rosace sud, la fécondation de l’Esprit dans la matière et l’équilibre harmonieux de la Création. Enfin le 12, principe stellaire associé au Zodiaque, aux tribus d’Israël, indique la fin du cycle de la rosace ouest.

     

    Dans le cadre réduit de cette synthèse, nous n’avons pas pu intégrer des thèmes comme.: Rituel et Liturgie (temps sacré et temps profane — le rite — le sens de la messe — l’autel, table du sacrifice).; la cathédrale, espace de transmutation.; la cathédrale image du monde. Nous dirons simplement que les Bâtisseurs ont incarné ces principes dans la pierre, faisant de chaque cathédrale une véritable image du monde et un espace transfigurateur. Toutefois chaque cathédrale aura sa spécificité.: CHARTRES, la musique et la géométrie.; NOTRE DAME DE PARIS, l’Alchimie.; TROYES, le Nombre d’Or et REIMS, la Royauté.

     

     

    4. — CHARTRES.: MUSIQUE ET GÉOMÉTRIE

     

    4.1. — LES ORIGINES

     

    La cathédrale de Chartres n’est, pour les visiteurs, qu’un monument gothique parmi d’autres monuments gothiques… Moins mystérieux que tant d’autres puisqu’il ne recèle presque aucun de ces médaillons ou images dont l’Adepte Fulcanelli a si doctement révélé le sens alchimique. Pourtant, que de mystères.! d’autant plus difficiles à éclaircir qu’entre les hommes de ces temps et nous a existé une brisure qui fit basculer toute une forme de civilisation.; qui fit éclater ce qui était une civilisation en poussière d’individualités. La distance est plus grande, malgré les trompeurs espaces de temps, entre constructeurs de cathédrales et les hommes de la Renaissance qu’entre ces derniers et nous. La plupart des mystères de la cathédrale de Chartres ne sont mystères que pour nous, hommes du XXI° siècle, qui ne disposons sur les hommes d’autrefois que vues préfabriquées, scolairement préfabriquées à l’image de nos constructions actuelles.

     

    La cathédrale est érigée sur un tertre dont l’histoire, à bien des égards, demeure mystérieuse. Aux temps chrétiens, ce fut l’un des lieux de pèlerinage les plus courus de France.; mais bien avant l’ère chrétienne, les Celtes, puis les Gaulois, se rendaient à Chartres pour honorer la Vierge Noire, appelée «.Notre Dame de Dessous Terre.». Ils descendaient dans la crypte par la galerie Nord, allaient en procession jusqu’à la grotte où se trouvait la statue, y pratiquaient la prière de leur choix, buvaient l’eau du puits qui était situé sous la crypte, y faisaient éventuellement leurs ablutions, puis ressortaient par la galerie Sud. La statue vénérée aurait été sculptée par des Druides Carnutes, a qui, un ange avait annoncé que d’une vierge naîtrait un Dieu. Croyants plus que crédules ou superstitieux, ils avaient fidèlement respecté ce message, et lui avaient obéi en tous points.

     

    Les premiers Chrétiens (La Beauce fut évangélisée au III° siècle par Saint-Altin) avaient pris, tout naturellement, le même chemin. Ils s’émerveillaient à la vue de la même statue, l’honoraient dans la même grotte, dite «.druidique.», là où se trouvait le fameux puits, dit «.Puits des Forts.», réputer pour régénérer ceux qui buvaient son eau. Ils y venaient nombreux. Il y a des lieux où souffle l’esprit écrivait Barrès. Sans aucun doute, Chartres est de ceux-là, depuis la nuit des temps. Dès le III° siècle, le temple qui fut élevé près du puits fut progressivement transformé en église chrétienne. La Vierge Noire y était honorée. Chartres était et est depuis toujours un site marial, comparable à ce qu’est devenu Lourdes aujourd’hui. Dès l’origine chrétienne, de très nombreux malades étaient hospitalisés dans l’un des immenses bras de la crypte, dans lequel ils passaient parfois plusieurs semaines. On mentionne bon nombre de guérisons miraculeuses attribuées à la Vierge. Le culte de la mère du Christ était très important et la cathédrale souvent remplie, servait de dortoir la nuit venue.

     

    Chartres était le siège d’un évêché, dont le premier titulaire connu s’appelait Adventus. La première véritable église remonte selon les archives de l’évêché, au IV° siècle. La vie de Saint Bethaire, évêque de Chartres au VI° siècle, mentionne la présence d’un autel de la Vierge, sans préciser si l’édifice lui était consacré. C’est un manuscrit du VII° siècle qui fait apparaître la première fois le nom d’église Sainte Marie de Chartres. À partir du VIII° siècle, Chartres, lieu prédestiné pour le culte marial, connut une histoire très contrastée, faite d’alternance de foi, de catastrophes (naturelles ou humaines), et de résurgences). Ce qui est extraordinaire, c’est que toujours, tel le Phénix, l’église renaquit de ses cendres, et fut toujours reconstruite plus belle et plus grandiose qu’auparavant. Devenue basilique vers 350, l’église fut détruite en 743 par Hunald, duc d’Aquitaine. Reconstruite, elle fut ravagée par les Danois en 858. Reconstruite par l’évêque Gislebert (qui construisit auparavant une crypte carolingienne quasi cyclopéenne), elle reçut, en 876, de l’Empereur Charles le Chauve, la tunique de la Vierge. Les pèlerins affluaient, de plus en plus nombreux, les dons abondaient. L’école théologique et épiscopale, fondée par l’évêque Fulbert (960-1028), connaissait une renommée grandissante. La basilique devint vite trop petite. Grâce au travail acharné de toute la population et de toutes les corporations, qui mettaient un point d’honneur à payer et à dédicacer telle ou telle partie, l’édifice fut réalisé en seulement huit ans. L’architecte Béranger, utilisant les bases somptueuses de l’époque carolingienne, édifia une très grande crypte et une grande nef (105 m. de long, 34 m. de large), sans aucun transept, couverte en berceau continu de charpente. L’ensemble fut dédicacé en 1037. L’incendie de la ville en 1134 endommagea la cathédrale, mais les travaux de remise en état furent achevés en 1150. La nuit du 10 juin 1194, un incendie dévora la basilique de Fulbert dont il ne resta que les cryptes, les tours et la façade. Les travaux de reconstruction s’échelonnèrent jusqu’en 1220, année de pose des voûtes. La cathédrale actuelle ne fut achevée qu’en 1260, année de la dédicace en présence de Saint Louis. Au cours des dernières années du XIII° siècle, un étage fut ajouté à la tour Nord de la façade Ouest, deux chapelles furent adjointes en 1326 et 1413. Jean Texier termina la flèche Nord en 1513. en 1836, un incendie détruisit la célèbre forêt de la charpente, mais l’édifice et les verrières furent miraculeusement épargnés.

     

    4.2. — ORIENTATION

     

    la cathédrale de Chartres fait partie des édifices dont l’axe est le plus éloigné par rapport à l’axe Est-Ouest. En effet, l’orientation générale de la cathédrale présente une déviation de 47° par rapport à l’Est (figure 10). Cette particularité de la cathédrale permet au carré du ciel (celui dont les angles sont aux quatre points cardinaux) de se superposer au carré de la terre (formé par les quatre piliers du transept) (figure 11). Au lieu donc d’avoir à Chartres comme dans la majorité des cathédrales un octogone, il n’y a que deux carrés superposés. Il y a eu de la part du maître d’œuvre une volonté préméditée de faire de Chartres un sanctuaire du Ciel plutôt que de la Terre.

    4.3. — LE MODULE GÉOMÉTRIQUE

     

    «.Que nul n’entre ici, s’il n’est géomètre.» Pythagore.

     

    Le rapport arithmétique des diamètres du cercle directeur et des cercles du Decumanus est exactement proportionné à 7 et 6 c’est-à-dire 7 unités pour le cercle directeur, 6 pour les cercles du decumanus. Le rapport 6 - 7 se retrouve donc dans la cathédrale sous la forme de 7.: largeur de la nef.; 6.: largeur du transept. De nombreux documents du Moyen Âge font apparaître des constructions géométriques à base du carré, du triangle et du cercle. Or, cette figure particulière où se mêlent les trois principes majeurs de géométrie fait apparaître un rectangle dont les côtés sont dans la proportion 6 – 7 (figure 12). Un bon nombre de coïncidences se cumulent d’autant plus que le rapport 6 – 7 apparaît dans la valeur du côté des deux hexagones inscrits et circonscrits à un même cercle (figure 13). L’hexagone serait donc le modèle géométrique de base du tracé.

     

    4.4. — LE RAPPORT RÉGULATEUR

     

    Pour les anciens, chaque nombre était porteur d’une idée/principe qui se manifestait avant tout dans les polygones réguliers. Le module géométrique de la cathédrale devait naître du rapport entre deux nombres. Ce couple devait être formé par un nombre pair et un nombre impair. Selon la tradition pythagoricienne utilisée par les maîtres d’œuvres, le nombre impair représente les puissances actives masculines en rapport avec la volonté créatrice. Les nombres pairs sont, eux, associés à la fonction féminine, à la substance. Le mariage entre les deux nombres choisis pour créer le module indiquait le rapport entre la pensée divine et la substance primordiale. La cathédrale, dans son ensemble, sera le résultat, c’est-à-dire l’enfant produit par ce rapport. On a pu établir qu’en ce qui concerne les cathédrales en France, les rapports régulateurs choisis par les maîtres d’œuvres étaient soit le rapport 5 à 6 , soit le rapport 6 à 7. Le rapport 5 à 6 est manifesté à Reims par exemple et le rapport 6 à 7 à Chartres. Le temple chrétien épouse les rapports 7 à 8 ou 8 à 9 dans les cas les plus spécifiques, comme dans l’architecture byzantine et les constructions templières.

     

    4.5. — SYMBOLIQUE DES NOMBRES

     

    Le facteur commun des rapports choisis par les bâtisseurs est le nombre 6. Il représente les six directions de l’espace et le principe de croissance naturel de tout ce qui vit dans l’ensemble des règnes, y compris le minéral. Par rapport à la Tradition biblique, il manifeste les six jours de la Création. C’est enfin l’hexagone, la substance structurée devenue un réceptacle en attente de fécondation. Le 6 est, par l’hexagone, l’image féminine par excellence. Le nombre 5 est associé au pentagramme qui est la base des proportions du corps humain (quatre doigts plus un pouce, 4 membres plus une tête). Il s’exprime surtout par l’homme pentacle, la perfection à l’état humain. 5 est le nombre de l’homme réalisé. Le rapport 5 à 6 permet donc d’exprimer les relations entre l’homme spirituel et la nature. Cet état de communion incarne la capacité de l’homme à recréer la cité sur Terre à l’image de la Jérusalem céleste. Il s’agit, par ce rapport, de donner le modèle de l’incarnation à l’échelle humaine et temporelle des bienfaits spirituels avec l’aide de la nature. Ceci est parfaitement clair à Reims dont la cathédrale a pour fonction de permettre le sacre du Roi-prêtre, le maître de la Cité. Le nombre 7 est le nombre du centre, il indique les lois de la vie, les principes qui animent la création (les 7 notes de la gamme, les 7 couleurs de l’arc-en-ciel…). Alors que le nombre 10 est Dieu, le 7 personnifie Dieu dans son action créatrice et lui donne la capacité fécondante. Le rapport 6 à 7 est donc celui de Dieu et de la nature dans son ensemble. Ce rapport représente la Sagesse de la création. Le module géométrique qui guide la construction de la cathédrale de Chartres, manifeste cette réalité. C’est donc un temple élevé à la Sagesse naturelle, comme l’exprime l’école de Chartres qui a introduit en Europe les connaissances des anciennes écoles pythagoriciennes. Si le premier rapport 5 à 6 s’incarnait dans le Temps l’autre rapport 6 à 7 permet le détachement du monde temporel par la voie de la contemplation et permet une réintégration à l’unité.

     

    4.6. — LE PLAN PRIMITIF

     

    Il faut noter que le maître d’œuvre de l’édifice actuel a dû tenir compte des fondations précédentes, les premières cathédrales ayant été successivement détruites. Nous avons mis en évidence les qualités hexagonales du rapport 6-7 et c’est effectivement l’hexagone qui gouverne le tracé du plan primitif (figure 14) Le rectangle du rapport 6-7 détermine donc les quatre piliers maîtres. Deux cercles concentriques de rayons respectifs proportionnés à 6-7 déterminent les premiers hexagones base des piliers de la nef et du transept. Une croissance hexagonale de module 6 et 7 déterminera tous les autres piliers ainsi que les limites du sanctuaire.

    4.7. — MUSIQUE ET GÉOMÉTRIE

     

    Comme le montre la figure 14, la cathédrale émet une onde géométrique sur la Terre, comme une goutte sur une surface d’eau calme. Cette capacité vibratoire existe également sur le plan d’élévation dont les caractéristiques géométriques ont été calculées pour reproduire les intervalles musicaux (figure 15).

     

     

    5. — CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

     

    En conclusion de cette première partie, nous reprendrons un concept véhiculé par la recherche avancée. Les cathédrales médiévales sont comparables à des broyeurs atomiques où sont concentrées des puissances bénéfiques dont la permanence est entretenue par les rites. La même analyse a été faite par des égyptologues à propos des temples pharaoniques. Là encore, même science, même tradition. De fait la cathédrale reçoit l’énergie cosmique et la redistribue. C’est par elle que la création devient perceptible sur Terre. Découverte fondamentale.: il n’y a aucune différence entre l’énergie spirituelle et les autres énergies, celles qui produisent la lumière visible, font pousser les arbres, animent les eaux. Cette énergie que l’on trouve également dans le labyrinthe de Chartres. C’est un dessin en pierres incrustées dans la dalle, en deux couleurs gris blanches et d’un noir verdâtre. Le public ne le discerne pas toujours, car dès l’entrée principale il y a une marée de chaises qui recouvre une bonne part de cette ronde. Pour parcourir ce chemin encastré dans le sol il y avait un rite, celui de le parcourir à genoux. Tout autour du labyrinthe, on trouve une vibration de 6500 unités, ce qui n’est rien de spécial, mais dès l’entrée dans les lignes de celui-ci on est baigné dans une vibration équilibrante de 8000. À l’intérieur de la boucle, où le champ magnétique local pouvait amplifier le rythme de la marche, on est porté à l’échelon vibratoire du corps éthérique à 13.500 unités. Le but était de pénétrer dans le centre du labyrinthe, chargé au maximum d’une sorte d’électricité statique que le mouvement avait accumulé par frottement Et là, au dernier pas avant le centre, quel étonnement de voir tomber les vibrations brusquement à 2000. Ce passage vous coupe les genoux. Mais ne faut-il pas savoir tomber, s’abaisser pour comprendre ensuite plus loin le saut dans la joie?

    Livres traitant du sujet et des connaissances périphériques.:

     

    • La Géométrie Évangélique — André Deghaye — Dervy

    • Géométrie du Nombre d’Or — Robert Vincent — Chalagam Éditeur

    • Aperçus sur la Géométrie Sacrée — Pierre Marçais et Denise Rey — Guy Trédaniel Éditeur

    • Le message des constructeurs de cathédrales — Christian Jacq — J’ai Lu

    • la Tradition cachée des cathédrales — Jean-Pierre Bayard — Éditions Dangles

    • Les mystères de la cathédrale de Chartres — Louis Charpentier — Robert Laffont.

    • L’Âme du Lieu — Blanche Merz — Dervy

    • Hauts Lieux Cosmo-Telluriques — Blanche Merz — Dervy

    • Le Mystère des Cathédrales — Fulcanelli — Jean-Jacques Pauvert

    • Essai de radiesthésie vibratoire — L. Chaumery et A. de Bélizal — Desforges

    • Traité pratique du Feng-Shui (géobiologie) — Guy-Charles Ravier — Sciences et Tradition Éditions de l’Aire.

    • La symbolique des cathédrales — Collection homo religiosis — études pour la redécouverte du sacré

     

     

     

    À l’origine de la Cathédrale, il y a le lieu qui est un don de la Terre. Puis viennent trois hommes.

    • Le premier est l’inspiré de Dieu. Il profère la dédicace qui est, en langue sacrée, cabalistique, comme le reflet du Verbe en ce lieu.

    • Le second est un savant. Il résout en Nombres, qui sont des rapports, les lettres et les mots de la dédicace. Il donne le Nombre de ce lieu, qui est le rapport du lieu au Monde, et qui est la mesure.

    • Le troisième est le maître d’œuvre. Par lui les Nombres deviennent droites et courbes de matière, figures et proportions de pierre.; poids et lancées d’ogives.

     

    Aux sages.: le Verbe.; aux savants.: le Nombre.; aux œuvriers.: l’Harmonie résolue en matière. À qui ne sait, il reste l’analyse, l’hypothèse, le jeu d’esprit… Les questions.

     

     

    6. — LA CATHÉDRALE.: ESPACE DE TRANSMUTATION

     

    6.1. — L’ALCHIMIE

     

    Comme nous avons essayé de le décrire dans notre première partie, la Cathédrale a été construite pour refléter l’harmonie du cosmos où tout est soigneusement ordonné. Elle est construite d’après la Divine Proportion, qui a également présidé à la formation du corps de l’homme. Or, toute église est le corps du Christ, considéré non comme un individu, mais comme l’homme à la mesure de l’univers qui rassemble en lui toutes les expressions de la création. Chaque lieu saint est un laboratoire d’énergie universelle exprimé (décrits dans la première partie) par divers langages.: la Cathédrale synthèse des 3 mondes (souterrain, terre et atmosphère, ciel) — l’espace sacré (l’axe vertical, le carré du ciel ou l’orientation de l’espace, la quadrature du cercle ou le carré de la terre, le temps met en mouvement l’espace, le modèle de l’homme cosmique et le plan de la cathédrale) — nombre, géométrie sacrée, architecture et musique, vitraux et rosaces.

     

    Néanmoins, la Cathédrale n’est pas qu’une simple représentation de l’Univers, mais, par le rite qui s’effectue autour de l’autel, elle devient un espace de communication entre l’homme et les principes cosmiques. Parce qu’elle est comparable à un broyeur atomique ou sont concentrées des puissances bénéfiques dont la permanence est entretenue par des rites. La même analyse a été faite par des égyptologues à propos des temples pharaoniques. De fait, la Cathédrale, de par tous les paramètres utilisés, reçoit l’énergie cosmique et la redistribue Mais elle est aussi un espace de transfiguration puisqu’elle est capable de transformer le profane en sacré. L’itinéraire du fidèle en est un exemple, partant de l’Ouest, c’est-à-dire du monde de l’ignorance et de l’obscurité, vers l’Est, le monde de la lumière, séjour des origines. Ainsi, la Cathédrale met en évidence un parcours de transmutation de l’être, c’est-à-dire qu’elle lui donne la possibilité de transmuter sa nature profane en vertu spirituelle. Ce pèlerinage vers l’intérieur de la Cathédrale est une véritable opération alchimique. Avec la Cathédrale gothique disparaît le narthex. L’ogive du portail fait le «.travail.».

     

    La Cathédrale gothique n’écrase pas l’homme.: elle lui parle car le monde cosmique a pénétré la pierre. Au contraire, elle redresse l’homme et, par cela même, lui fait prendre conscience de lui-même. Ce n’est plus un mouton qui pénétrera dans l’église mais, bon ou mauvais, un homme. Après l’involution, l’évolution est en route.

     

    L’ALCHIMIE du Moyen-Âge était considérée comme la science des transmutations. Celles-ci pouvaient s’opérer tant au niveau physique que psychique ou spirituel… illustrées par le vieil adage de transmutation du plomb en or. Un certain nombre de cathédrales présentent dans des médaillons les signes de connaissance alchimique, en particulier la Cathédrale Notre-Dame de Paris. La recherche alchimique dépasse largement l’investigation matérielle et répond plutôt à la croyance selon laquelle tout provient d’une seule substance dont nous sommes actuellement un des aspects différenciés et que le but de l’évolution serait le retour conscient de ces entités particulières à l’unité originelle. Ainsi, l’Alchimie serait-elle la pratique à travers laquelle la matière, la psyché et l’esprit pourraient retourner à l’unité primordiale, c’est-à-dire à Dieu. La vocation de l’Alchimie, comme celle de l’Architecture sacrée, qui au Moyen-Âge, étaient toutes deux appelées «.Art Royal.», était avant tout de permettre à l’être de se transfigurer et de se libérer de sa prison matérielle, c’est-à-dire d’opérer une véritable mutation intérieure, et non seulement un changement extérieur.

     

    Cette technique d’ascèse matérielle et spirituelle se réalisait à travers trois œuvres.:

     

    La première est appelée Œuvre au Noir.: elle consiste à dissoudre la matière première (que ce soit un métal, une pensée, une sensation ou un défaut), afin que celle-ci récupère son état grossier et impur du départ La matière première peut être d’ordre physique, psychique ou spirituel.: c’est ainsi que certains psychologues, comme Jung, ont repris ce cheminement de l’œuvre pour expliquer le fonctionnement de la psyché. L’Œuvre au noir représente, dans le discours spirituel, la descente aux enfers, où l’être recherche la cause de la douleur. C’est la traversée du désert de Jésus, la Caverne de Platon, le Cabinet de Réflexion dans les Ordres traditionnels, etc.

     

    L’Œuvre au Blanc permet de sortir de cet état infernal par la capacité de créer un élan vertical et ascensionnel, c’est un mouvement de purification, ouvrant le passage à la troisième de l’Œuvre qui, elle, permet à l’esprit de s’incarner vers la phase suivante.:

     

    L’Œuvre au Rouge permet de transmuter la matière, de lui faire dépasser sa nature particulière, en la reliant à l’universel.

     

    Si l’Ascension peut être associée à l’Œuvre au Blanc, la Pentecôte correspond à l’Œuvre au Rouge. Ces trois parties, de l’Œuvre (qui en fait est un), s’associent également aux trois parties de l’être humain.: le corps, l’âme et l’esprit. Dans une tradition du Moyen-Âge, elles sont reliées dans la Cathédrale à la coupe du Graal, chaudron magique permettant d’obtenir l’élixir de longue vie, mais aussi élixir alchimique par excellence.

     

    6.2. — LE GRAAL

     

    Selon les textes, le Graal est représenté par une coupe ou un vase sacré, ou une pierre précieuse, mais aussi par un plat creux porté par une vierge, ou encore une sorte de talisman. Selon René Guénon, dans son ouvrage le «.Roi du Monde.» et dans la mouture chrétienne des Romans de la Table ronde.: Le Graal est un vase sacré et un breuvage d’immortalité, car il servit à Jésus-Christ lors de la Cène et fut ensuite utilisé par Joseph d’Arimathie pour y recueillir le sang et l’eau qui coulaient de la blessure faite au flanc du Christ, par la lance du centurion Longin. Cette coupe aurait été, toujours d’après la légende, transportée en Grande-Bretagne par le même Joseph d’Arimathie et Nicodème, ces deux personnages représentant respectivement le pouvoir royal et le pouvoir sacerdotal.

     

    La légende dit également que cette coupe aurait été taillée par les anges, dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute (avant sa chute, Lucifer était l’ange de la Couronne, c’est-à-dire Kether, la première Sephira de l’Arbre Séphirotique). L’émeraude rappelle la perle frontale qui, dans le symbolisme hindou, tient souvent la place du troisième œil. Il est dit ensuite que le Graal fut confié à Adam dans le Paradis mais que, lors de sa chute, Adam, le perdit à son tour, car il ne put l’emporter avec lui lorsqu’il fut chassé de l’Éden. L’homme, écarté de son centre originel, se trouvait dès lors enfermé dans la sphère temporelle.; il ne pouvait plus rejoindre le point unique, d’où toutes choses sont contemplées sous l’aspect de l’éternité. Seth obtint de rentrer dans le paradis terrestre, le centre du monde, et put ainsi recouvrer le précieux vase. Le nom de Seth exprime les idées de fondement et de stabilité et, par suite, il indique la restauration de l’ordre primordial détruit par la chute de l’homme.

     

    La perte du Graal, par l’humanité adamique, peut symboliser l’éloignement de celle-ci vis-à-vis de la tradition primordiale. Mais cette tradition primordiale existe.; elle est conservée dans les hauts lieux spirituels, insensibles aux modes et changements des sociétés.

     

    La quête des chevaliers de la Table Ronde est celle de ce vase gardé, conte la légende, dans le Château Aventureux du Roi pêcheur (nous sommes à l’ère des Poissons).

     

    Par ailleurs, l’histoire des Croisades révèle que, après la prise d’Ascalon, un vase sacré échut aux Génois, un vase de forme octogonale, en or, et c’est de ce vase que serait née la légende du Graal…

     

    Seulement, la légende chrétienne du Graal n’est qu’une adaptation d’une légende celte bien antérieure. Et le mot.: Graal est, lui-même, un vocable celte. Cependant, son origine est encore bien antérieure aux Celtes. Il semble que le mot est dérivé de la racine «.Car.» ou «.Gar.», qui a la signification de «.pierre.». Le Gar-Al, ou Gar-El, pourrait être soit le vase qui contient la pierre ou le vase de pierre (Gar-Al), soit la Pierre de Dieu (Gar-El).

     

    Les deux étymologies sont d’ailleurs, très proches. Dans les deux premiers cas, il s’agirait du vase où se fait la «.Pierre.».; dans le second, il serait question de la «.Pierre.» elle-même. Il est indubitable que le symbole est alchimique.

     

    On ne peut, en effet, séparer le mot Graal de celui de «.Chaudron.». Au temps du celtisme primitif, c’était le chaudron (caldron) de Lug que, sur un feu très particulier, on faisait cuire les «.médecines universelles.». Sous quelque nom que ce soit, il désigne, avec constance, un vase dont le contenu se divinise.; est pénétré par la Divinité.; est, de ce fait, transmuté. Il s’agit d’alchimie, qui est l’art et la science de recueillir, fixer et concentrer le courant vital qui baigne les mondes et est responsable de toute vie. La concentration que parviennent à obtenir les Adeptes et qu’ils fixent sur un soutien est ce que l’on nomme la Pierre philosophale.

     

    Au plan spirituel, le Graal désigne une voie d’approche vers le divin, vers une participation telle, que ce n’est plus l’homme qui cherche à appréhender Dieu, mais Dieu qui se voit dans l’homme. Le Graal c’est l’accession au secret de la vie universelle, c’est une réalité divine, une présence permanente.; c’est la révélation totale et absolue de la sagesse universelle, c’est la suprême initiation… C’est encore l’expression de l’immortalité ou de la connaissance obtenue au prix de la mort à l’état présent, donc de la renaissance initiatique ou supra humaine. La légende est universelle, car elle contient l’univers et chaque mystique, quels que soient son, état, son origine, sa voie et ses bases religieuses, qu’il vive en Occident ou en Orient, qu’il soit chrétien, musulman ou juif, aspire en dernière analyse à parvenir, par les étapes initiatiques qu’il franchit, à la royauté du Graal, au secret des secrets… La conquête du Graal est une voie active qui renferme la parole, la lumière et la vie. Cette voie qu’empruntent les chevaliers de la Table Ronde, c’est-à-dire, ceux qui sur terre ont été admis à traverser les épreuves initiatiques d’une tradition authentique et reconnus pour accéder en fin de compte, à la chevalerie céleste.

     

    L’œuvre divine, dans sa réalité permanente, est le sacerdoce éternel et l’Ordre du Graal, c’est l’expression de l’Ordre de Melchisédech. Cette Ordre demeure, à jamais, dans la vérité, permanence et universalité. Il est le but ultime à atteindre. Il est invisible et présent. En lui, sont cachés le Graal et la parole…

     

    Le Graal a son origine dans la Tradition primordiale et il est directement lié au symbolisme des hauts lieux, «.des centres spirituels.» avec leur centre suprême qui est représenté par la Terre Sainte de l’ésotérisme chrétien, juif et islamique, dont les racines profondes plongent dans Abraham, lui-même investi et béni par Melchisédech, et dont Saint Paul dit «.Il est sans père, sans mère, sans généalogie. Il n’a ni commencement, ni fin de vie, mais il est fait ainsi, semblable au fils de Dieu, et demeure prêtre à perpétuité.».

     

    Où qu’il vous soit donné d’en prendre le cours, la lente remontée vous conduit au même sommet.; La source est unique qui a donné vie au celtisme, au judaïsme, à l’islam et au christianisme. Dans la «.cité.», dans le centre spirituel, le Graal à jamais demeure.

     

    6.3. — LES TROIS TABLES DU GRAAL

     

    Trois tables ont porté le Graal.: une table ronde, une table carrée et une table rectangulaire. Toutes les trois ont la même surface et leur Nombre est 21. Or la table rectangulaire, c’est celle de la Cène. La table mystique, chrétienne, celle qui est appelée à supporter l’autel et, effectivement, les chœurs d’églises chrétiennes sont généralement rectangulaires, Chartres est sans conteste dans cette catégorie. Il nous reste à déchiffrer la signification de 21. En fait, c’est d’une simplicité biblique, il ne faut pas lire 21, mais 2 et 1. Il s’agit en fait d’une table rectangulaire de longueur double de celle de la largeur, bien connue des ordres traditionnels (carré long). Cette proportion de 2 et 1 est utilisée dans les temples égyptiens et grecs.; celle aussi du Temple de Salomon jusqu’au Saint des Saints. La figure jouit aussi de quelques propriétés géométriques assez intéressantes. En effet, le rectangle de proportion 2/1 à une diagonale égale à √ 5. Si, à cette diagonale, on ajoute la largeur du rectangle et qu’on divise cette nouvelle longueur par 2 on obtient une longueur égale à (√ 5 +1)/2.= 1,618, qui est le nombre d’Or, limite de la série de Fibonacci. Outre diverses propriétés dont jouit ce Nombre — qui est le rapport à l’unité — et sur lesquelles ont été écrits de forts savants ouvrages, il possède celle-ci.:

    1,618.= (1 + 1,618).= (1,618 X 1,618).= 2,618

    0,618

     

    Or, 2,618 x 12/10.= 3,1416.= Pi 3,1416, c’est la constante qui permet de trouver le périmètre et la surface d’un cercle dont on connaît le diamètre. Et 12/10 c’est l’intervalle musical de tierce.; l’intervalle entre la gamme majeure et la gamme mineure… Nous retrouvons cet intervalle à propos de l’élévation de la cathédrale, mais l’important, actuellement, est que la Table rectangulaire 2/1 contienne la racine de la transformation d’une surface angulaire en surface circulaire.; d’où la possibilité de déduire la surface de la Table ronde de celle de la surface rectangulaire. Il s’agit de la quadrature du cercle.; non point sur le plan des mathématiques de laboratoire, mais sur celui de la géométrie de construction.

     

    Porte spirituelle pour accéder à l’éternité, la cathédrale possède trois clés. La première clé ou table ronde, impose à l’homme de se transformer en Thésée et de descendre au plus profond de sa nature ténébreuse pour y affronter son Minotaure, son instinct encore animal, et le maîtriser. Dans l’alchimie, c’est aussi l’Œuvre au Noir, la descente aux enfers, première étape de la transmutation.

     

    La deuxième clé, ou table carrée, permet de transformer l’instinct maîtrisé en intelligence et donne accès aux lois de la Nature, c’est l’Œuvre au Blanc, la purification.

     

    La troisième clé, étape finale ou table rectangulaire, porte de l’éternité, est représentée par l’autel, lieu du sacrifice, du don de soi, au profit de l’humanité, c’est l’Œuvre au Rouge.

     

    Ce parcours initiatique est réalisé dans la cathédrale de l’Ouest vers l’Est, c’est-à-dire en remontant le temps vers les origines, vers le lieu de la naissance spirituelle. La mise en situation de l’homme dans la cathédrale ouvre la voie de l’Alchimie spirituelle. Il s’agit de comprendre cet espace comme un outil de communication avec l’invisible, qui offre en même temps les règles de sagesse à acquérir par le néophyte.; C’est par une transmutation profonde que l’homme de fer (matériel) deviendra un homme d’or (spirituel).

     

    L’homme devenant, en quelque sorte, le «vase», le «.Graal.» et son contenu, trois voies d’accès à la «.mutation.» lui sont offertes, qui sont représentées et conditionnées par les trois tables.: la ronde, la carrée et la rectangulaire ou, pour s’exprimer de façon moins allégorique.; l’Intuition, l’Intelligence et la mystique. Il va sans dire qu’il s’agit de trois manifestations évidentes, mais non préhensibles par les sens, de la personnalité humaine. Quels rapports existent entre ces trois facultés et les tables rondes, carrées et rectangulaires.?

     

    6.3.1. La table ronde

     

    La table ronde a été manifestée très tôt dans l’histoire de l’humanité. Les Cromlechs, les Ronds de Fées sont des tables rondes. On la retrouve dans la représentation de la croix celtique qui est entourée d’un cercle. Elle est très souvent située sur certaines émergences des courants telluriques et semblait servir de piste de danses pour des rondes rituelles en trois phases et trois cercles. L’homme qui tourne s’évade dans l’espace. Mais s’évader de l’espace, c’est également s’évader hors du temps. Il est permis de se demander jusqu’à quel point l’homme qui tourne dans certaines conditions ne devient pas visionnaire.? Nous devons penser aux dons prophétiques des Druidesses qui se manifestaient dans une sorte de délire pendant la danse.; David dansant devant l’Arche en prophétisant, les derviches tourneurs, les rondes menées par l’évêque lui-même dans la cathédrale de Chartres en période pascale, etc., en sont des exemples. Dans ces cas de danses, n’y aurait-il pas la recherche d’un état s’approchant de l’état médiumnique et permettant une incorporation dans les rythmes naturels.? La table ronde était représentée, devant le Temple de Salomon, par la Mer d’Airain qui contenait de l’eau et dont les proportions déterminées étaient en rapport avec le poids de la Terre. Les Templiers — et pas seulement eux — ont fait de la table ronde, le centre de leurs églises. C’est en ce centre qu’ils plaçaient l’autel.

     

    6.3.2. La table carrée

     

    La table carrée demande, à expliquer, plus de subtilité. Elle est la «.quadrature.» de la table ronde. Elle doit permettre le passage à la conscience des connaissances instinctives.; c’est une table d’initiation intellectuelle. Sa présentation la plus fréquente est l’échiquier.; c’est aussi la primitive marelle devenue jeu d’enfants, mais qui à l’origine était table d’abaques, table de Nombres. C’est encore la table de Pythagore, qui n’est pas seulement une table de multiplication. Le symbole le plus «.parlant.» de cette table est, naturellement, l’échiquier que seuls peuvent parcourir, dans tous les sens, la Dame et le Cavalier, montant la cavale, la «.cabale.», la connaissance. On remarquera que le jeu du Cavalier utilise le cercle dans le carré, alors que Tours et Fous sont réduits à demeurer dans leurs verticales ou diagonales. L’indication est précieuse, car on ne se promène pas dans les Nombres par la seule vertu du cerveau (seulement dans les chiffres), pas plus qu’on ne fait de musique en additionnant des notes. Il y faut une initiation, au moins instinctive, aux lois de l’harmonie, aux lois naturelles.

     

    C’est une table piège dans le parcours de laquelle l’intellect, livré à lui-même, s’illusionne sur ses propres créations et se trouve aussi «.piégé.», dans ses illusions, que le Fou ou la Tour dans leurs lignes. Réaliser la quadrature du cercle, c’est transformer l’initiation instinctive en initiation consciente, raisonnée, active. Il y faut «.monter la cavale.» c’est-à-dire la cabale. En poussant plus loin l’analyse, on pourrait dire que la table carrée n’est pas une table de vie, mais une table d’organisation.; seulement, elle suppose une connaissance réelle de la matière.; la table carrée se retrouve dans la pyramide, dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, etc. Il y a aussi des relations décimales qui unissent la table carrée de Chartres avec la table de la grande pyramide de Kheops.

     

    6.3.3. La table rectangulaire

     

    La table rectangulaire est une table mystique, une table de révélation. Elle n’a pas d’explication ni même d’approche intellectuelle possible. Elle est la table de la Cène, la Table du Sacrifice de Dieu.

     

    6.3.4. La coudée de Chartres

     

    L’analyse des dimensions de l’immense vaisseau, qu’est la Cathédrale de Chartres, permet facilement de l’approcher. Et les chiffres imposent, eux-mêmes, une première constatation. En mètres, les mesures les plus «.notables.» de la cathédrale intérieure sont proches des nombres.: 37, 74, 148. Le chœur a, environ 37 mètres de long et 14, 80 m de large.; la nef, de même largeur, a environ, 74 mètres de long. La voûte a 37 mètres de haut… Une première hypothèse de travail peut être fondée sur ces dimensions — ou des dimensions très proches. Par exemple, la nef à une longueur double de celle du chœur, et la longueur totale du vaisseau central, du rond-point du chœur (compris) aux portes, est de 110,76 m.; Divisé par trois, cela donne 36,92 m. D’autre part, les piliers du vaisseau central, si l’on fait abstraction des colonnettes qui les cantonnent, ayant un diamètre de 1,60 m, le «.vide.», la largeur à vide du chœur est de 14,78 m, ce qui fait, à très peu près, quatre fois 3,69 m. Il semble donc qu’une mesure très proche de 0,369 m ait été employée ou, plus probablement, en ce qui concerne le plan au sol, une longueur double de celle-ci, plus facile à utiliser.: 0,378 m, que nous pourrions appeler, faute d’autre terme.: la «.Coudée de Chartres.». Et l’on peut relever en coudées les dimensions suivantes.:

     

    Chœur.: Largeur.: 20, longueur.: 50 — longueur de la nef.: 100 — longueur des transepts.: 90 — hauteur de la voûte.: 50.

     

    Cette coudée se retrouve, par ailleurs, dans l’épaisseur des piliers octogonaux (2 fois), dans la largeur des tours (20 fois), dans le rayon de construction des chapelles rondes de l’abside (5 fois), etc. On ne peut parler de coïncidences devant un emploi aussi systématique. Et nous pouvons retrouver cette coudée, ou ses multiples, ou des fractions simples, dans bien d’autres mensurations. Mais, qu’est donc cette coudée de 0,378 m.? Eh bien, c’est, tout simplement, LA CENT MILLIÈME PARTIE DU DEGRÉ DU PARALLÈLE DE CHARTRES. S’agit-il d’une coïncidence.? Elle ne serait pas alors la seule. Par exemple Reims est situ à 49° 14’ de latitude Nord, ce qui donne un degré de parallèle de 71 km, environ. La mesure de la «.coudée.» de Reims, devrait donc être de 0,71 m. Or, la longueur de la cathédrale de Reims est de 142 mètres, et la longueur intérieure des transepts est très proche de la moyenne géométrique entre 71 et 35,5. les calculs sont identiques pour Amiens qui est situé à la latitude de 49°52’, ce qui donnerait une coudée de 0,70 environ. La hauteur de la voûte est de soixante fois 0,70, et la longueur des transepts, de 70 mètres.

     

    Il est évidemment, très désolant de retirer aux gens d’aujourd’hui l’illusion qu’ils ont découvert la Lune, alors que leurs ancêtres, les yeux obstinément fixés sur le sol, à la recherche des silex, ne l’avaient pas remarquée. On m’opposera, probablement, que la valeur du degré du parallèle de Chartres, n’est pas de 73,80 Km mais plus proche de 73,699 Km.; mais ce chiffre même n’est pas exact car nous n’avons, du rayon terrestre, que des approximations, et nous ignorons la forme exacte de la Terre. De plus, les mensurations de la cathédrale n’ont pas été faites au millimètre et les différents métreurs ne sont pas parfaitement d’accord entre eux. Il est probable, sinon certain (ou ce serait, alors, une coïncidence.!), que la mesure absolument exacte employée à Chartres n’a pas été 0,738, mais il est sûr qu’elle est très proche de cette valeur.

     

    Il est impossible en 10 pages d’énumérer et étayer toutes les sciences et mesures et d’apporter de surcroît des éléments corrélatifs, mais à mon niveau de recherche, je peux néanmoins dire que la cathédrale est un instrument musical jouant sur des résonances et c’est bien pourquoi sa partie principale est le vide, qui est sa caisse de résonance. Tout l’art et toute la science du maître d’œuvre ont été d’accorder musicalement ce vide, en qualité, volume et tension, la pierre qui le délimite. Analyser la cathédrale sous cet angle serait affaire de luthier. On avait, d’ailleurs, remarqué que certaines proportions au sol avaient leurs équivalents dans les intervalles de la gamme et que l’on y retrouvait aisément les proportions chères à Platon. Ainsi avait-on remarqué que la longueur des transepts était en relation de quinte avec la longueur du vaisseau central.; que la longueur de la nef était en relation d’octave avec la longueur du chœur.; que la largeur de la nef était, également, en relation d’octave avec la largeur des bas-côtés. Ce sont des proportions qui se retrouvent, nettement marquées, dans les plans d’élévation. À ce plan de vide, ce plan de résonance, imbriqué dans le plan de construction, devaient normalement correspondre trois tables nouvelles qui, sans doute, se trouvaient en rapport harmonique avec les dimensions numériques du vide. Ces tables, dans les grandes églises des XII° et XIII° siècles, étaient marquées sur le sol par des dessins de dallage qui ont actuellement, presque tous disparus. Aucune table rectangulaire ne demeure, à ma connaissance. Un dallage, qui a disparu, devait marquer, dans le chœur de Chartres, les limites de cette table. Il est probable que l’autel primitif en occupait le centre confondu avec le centre sacré.

     

    Je ne parlerais pas, dans le cadre de cet exposé, du mystère musical de construction et du mystère de la lumière.

     

     

    6.4. — LA TROISIÈME MESURE

     

    Il y a trois tables dans Chartres.

    Il y a, également, trois plans.

     

    Le premier plan est celui de l’enclôture du lieu.; c’est le plan des limites de la surface, le plan de l’emprise. Il est à deux dimensions et facilement analysable. Sa mesure — son «.module.» — est de 0,82 m.

     

    Le second plan est celui du «.vide.» et il comporte l’architecture de l’élévation, c’est pourquoi la mesure utilisée pour la construction est celle de ce second plan. Il ne concerne que le vaisseau central. Les bas-côtés, comme le déambulatoire, ne sont que des lieux de passage, non des lieux de voyage initiatique. C’est le plan de l’harmonie réalisée entre les lignes géographiques, les sons musicaux et les couleurs de la lumière. Il est lié à la position de Chartres sur le globe terrestre, et il s’agit d’une organisation des volumes. Il est à trois dimensions et sa mesure est de 0,738 m.

     

    Je ne suis pas parvenu jusqu’à la connaissance du troisième plan, mais seulement à la conviction de son existence. Il n’a peut-être pas de mesure exprimable en termes de longueur, car s’il est «.imbriqué.» dans les deux autres, il dépasse l’apparente inertie de la matière. Il ne peut concerner que la matière vivante, en mouvement. Logiquement, ce doit être un plan à quatre dimensions, dans lequel intervient le temps. C’est un plan «.de mouvement.» car tout, dans la cathédrale, est mouvement.: mouvements antagonistes des pierres tendues comme des ressorts et neutralisant les unes les autres, dans l’instant, leur propre mouvement. Comme il se devait, j’ai déjà mentionné, dans la première partie, l’aspect dynamique de la croisée d’ogives. Son apparence statique ne peut celer qu’elle constitue une voûte vibrante qui se situe dans le temps et dans un espace temporel. La cathédrale vibre au moindre son et, bien que ceci ne soit pas perceptible par nos sens, aux moindres impulsions du courant tellurique dont elle est l’aboutissement. On doit s’imprégner également plus loin s’étend ce rapport dimensionnel de l’église et de l’écoulement du temps puisque la longueur du vaisseau «.vide.» de la cathédrale était la dix millième partie de son déplacement en une heure, par suite de la rotation de la terre autour de son axe. Et tout ceci procède d’un plan qui a, aussi, sa mesure… Mais il n’est pas aisément déchiffrable, bien que le maître d’œuvre en ait certainement laissé les «.clés.» apparentes, comme il le fit pour les autres. Peut-être même «.crèvent-elles les yeux.»… Ce sont sans doute, ces «.clés.» qui permettent d’ouvrir les ports de ce royaume de l’harmonie essentielle de la terre et du cosmos en mouvement.; harmonie dont la loi est peut-être la solution de cette «.Équation de l’Univers.» que la science actuelle recherche en pesant des épiphénomènes, ce qui la limite à n’être la science que des épiphénomènes.

     

    Il va de soi que cette «.dissection.» en trois plans n’est qu’un moyen d’analyse et que ces trois aspects de la construction partent d’une unique donnée, comme la cathédrale part d’un point et la plante d’un germe, s’accroissant en se matérialisant selon une loi d’harmonie impérieuse.

     

    6.5. — CONCLUSION

     

    «.L’espace entre le Ciel et la Terre ne ressemble-t-il pas à un soufflet de forge.? Bien que vide intérieurement, il ne s’épuise jamais. Plus on le meut, plus il exhale, plus on en parle, plus vite on aboutit à l’impasse. Mieux vaut s’insérer en son intérieur..» Tao Te King — chapitre V

     

    Le maître d’œuvre de la cathédrale de Chartres cherchait bien autre chose qu’une réalisation esthétique. Il ne faisait pas de l’art, il faisait une cathédrale.? Il a réussi à construire un instrument d’action religieuse, un instrument direct, possédant par lui-même, un pouvoir sur les hommes, un pouvoir de transformation, de mutation de l’homme, par le truchement de différentes disciplines et sciences physiques et métaphysiques ainsi que de la science des nombres, etc. C’est l’instrument de passage d’un monde à un autre.; un pont entre deux mondes, qui géométriquement, s’expriment différemment.: c’est un passage du droit au courbe, aussi difficile à réaliser que le mariage de l’eau et du feu. Et il semble que ce soit ce passage réussi du plan au courbe, cet «.envoûtement.» dans la négation du poids par le poids, cette tension, des pierres, génératrice d’énergie, cette subtile projection d’une harmonie céleste animant la matière, qui soient responsables, à la fois par les sens les plus grossiers et les sens les plus subtils de l’homme, de cette action. C’est en ce lieu, à la croisée des transepts, que tous les Nombres de la cathédrale deviennent sensibles.; là où ils peuvent être appréhendés par les sens. Là concourent toutes les lignes.; là s’affirment toutes les proportions. C’est là que les nombres chantent et alors la cathédrale vivre au moindre son, et, bien que ceci ne soit pas perceptible par nos sens, aux moindres impulsions du courant tellurique dont elle est l’aboutissement.

     

    Par conséquent, l’homme médiéval participait à une harmonie collective dont la cathédrale est le reflet, dans ce creuset (cet athanor), l’homme se régénérait comme il avait pu le faire dans la caverne, au sein de la terre. Il vivait une époque riche et tumultueuse et contrairement à ce qui a été trop souvent écrit, ces hommes n’ont pas vécu dans un siècle d’obscurantisme. Au contraire le siècle voulait mettre l’homme debout, dans l’orgueil de sa qualité d’homme, mais un orgueil qui ne saurait exclure l’humilité devant le monde divin. L’humilité de l’homme est lâcheté, le manque d’humilité devant l’univers est sottise. Pour entrer dans l’église gothique, l’homme ne se courbe pas, il se redresse car Dieu l’a voulu debout.

     

    Il entre.

     

    Et le voici soudain dans un autre aspect de son propre monde. Le voici en un lieu où plus la pierre pèse et moins elle est lourde.; où le poids est à lui-même sa propre négation ; où ce qui pesait s’envole.; où nulle ligne ne courbe l’homme mais, au contraire, l’exalte.; où tout lui conte la terre, dans son aspect le plus dur, mais où tout lui révèle en même temps l’Esprit de cette terre, son harmonie, son chant, son essence divine. Le voici cet homme, oublieux de son propre poids, redressé, allégé par la puissance évocatrice, mimétique de ces lancées de pierres.; le voici dans ce lieu de forces telluriques et cosmiques où il entend vibrer en lui le «.La.» de son accord intime avec le monde entier, peut-être même l’univers visible et invisible. Où il voit, selon l’expression traditionnelle, Dieu «.face à face.»… L’Univers entier compris dans un atome tout autant que l’atome est compris dans l’Univers. L’homme est debout, qui marche vers l’autel, remontant le cours du courant tellurique, l’ineffable don de la Terre Mère, de la Vierge Noire, de la Sainte Anne, de Notre-Dame. Et le voici devant la table ronde, devant le labyrinthe. Mener l’homme à ce point, sinon de compréhension, du moins de «.communion.» avec le Monde, c’est là le sens et le but de la cathédrale.

    Pendant tout son voyage, l’homme qui pénétrait dans la cathédrale était baigné d’effluves telluriques, sonores, visuels, lumineux dans lesquels les effets magiques du rite — car le rite est magique, quel que soit le nom qu’on veuille bien lui donner — devaient prendre une ampleur et une puissance extraordinaires, et l’homme devait s’en trouver marqué profondément…

    Mais, si le rite, abâtardi, a perdu beaucoup sa puissance, si la disparition de nombre de vitraux protecteurs rend la lumière solaire destructrice, si les hauts parleurs résonnent étrangement faux, et les cantiques plus encore dans ce lieu qui se voulait d’une harmonie sans faille, l’harmonie architecturale est demeurée intacte — ou peut s’en faut — et nul ne peut se vanter, même actuellement, de sortir de la cathédrale de Chartres identique à ce qu’il était avant d’y pénétrer. La cathédrale entraînait donc vers la quintessence du bien-être physique et spirituel.

     

    «.Beaucoup de ceux qui cherchent le bonheur spirituel ignorent leur santé physique. Beaucoup de ceux qui cherchent la santé du corps négligent leur développement spirituel. Tous recherchent le fruit sans planter la graine.; ni les uns ni les autres n’obtiennent ce qu’ils cherchent.».

     

     

    Livres traitant du sujet et des connaissances périphériques.:

     

    • La Géométrie Évangélique — André Deghaye — Dervy

    • Géométrie du Nombre d’Or — Robert Vincent — Chalagam Éditeur

    • Aperçus sur la Géométrie Sacrée — Pierre Marçais & Denise Rey — Guy Trédaniel Éditeur

    • Le message des constructeurs de cathédrales — Christian Jacq — J’ai Lu

    • la Tradition cachée des cathédrales — Jean-Pierre Bayard — Éditions Dangles

    • Les mystères de la cathédrale de Chartres — Louis Charpentier — Robert Laffont.

    • L’Âme du Lieu — Blanche Merz — Dervy

    • Hauts Lieux Cosmo-Telluriques — Blanche Merz — Dervy

    • Le Mystère des Cathédrales — Fulcanelli — Jean-Jacques Pauvert

    • Essai de radiesthésie vibratoire — L. Chaumery et A. de Bélizal — Desforges

    • Traité pratique du Feng-Shui (géobiologie) — Guy-Charles Ravier — Sciences et Tradition Éditions de l’Aire.

    • La symbolique des cathédrales — Collection homo religiosis — études pour la redécouverte du sacré.