• Cérémonies initiatiques en Egypte

    Cérémonies initiatiques en Egypte

     

    Jorge Angel Livraga  
    On sait très peu de choses des cérémonies initiatiques en Egypte, et le peu qu'on en connaît se rapporte presque exclusivement à la partie la plus externe des rites, si bien que le caractère secret qu'assumaient les cérémonies les plus internes nous prive totalement de leur connaissance même.

    Nous allons en résumer ici quelques-unes.

     
    La Fête de Sed

     

    Aux trente ans du couronnement d'un pharaon, on célébrait une mystérieuse cérémonie appelée Sed ; cette fête mystique est très ancienne, puisqu'elle figure déjà dans les représentations de la première dynastie. Elle coïncide avec l'érection des colonnes symboliques Djed, et leur relation avec le Khoi - "retour en arrière" - semble due à la décrue du Nil. Certains auteurs veulent voir dans cette cérémonie l'immolation rituelle du vieux roi pour laisser place à un autre, mais cette sorte de sacrifice humain n'est étayée par aucune documentation dans l'histoire de l'Egypte. Cette théorie se fonde sur l'interprétation contemporaine des représentations du jubilé d'Aménophis III.

    D'une manière certaine, on comprend cette cérémonie comme un "rajeunissement" ou une résurrection spirituelle destinée à marquer la pleine initiation de Pharaon, ce qui lui aurait permis de participer plus consciemment aux directives générales qu'ont toujours reçues ces apparents seigneurs de l'Egypte des véritables directeurs de leur destinée que furent les prêtres.

    On dit qu'après les purifications, Pharaon lui-même honorait les dieux dans les différentes dépendances du temple de sa capitale. Ensuite, siègeant sur son trône, il assistait au défilé des porte-étendards, des symboles des nomes (provinces) et des Grands de son gouvernement. On transportait aussi devant lui de grandes statues de dieux. Cela durait plusieurs jours.

    Puis il se lavait cérémonieusement les pieds, avant d'entrer dans ce qu'on appelle aujourd'hui le "vestiaire sacré", probablement une chambre secrète du temple, dans laquelle le pharaon était revêtu d'habits spécialement confectionnés, pliés et parfumés. La traduction littérale pour cette chambre se lirait comme "palais pour se vêtir". Il montait ensuite sur un double trône, s'asseyant alternativement sur chacun des deux sièges, symbole de son gouvernement sur la Basse et la Haute Egypte, ainsi que de son pouvoir dans les deux mondes : physique et spirituel.

    Ensuite, à pas cérémoniels, il traversait le vaste patio du temple, appelé "champ", en symbole de son pouvoir de voyager sur toutes ses terres et de ne se laisser arrêter par rien. Porté sur une magnifique litière (dont les détails varient selon les époques) et précédé d'un étendard à la forme Oupouaut d'Anubis, il arrivait à la chapelle d'Horus lybien, où il recevait un sceptre, le fouet et le crochet. Ayant pris rituellement ces objets, il s'enveloppait de sa cape et était proclamé quatre fois. Il semble qu'ensuite, après avoir entendu les louanges des Grands Prêtres comme les lointaines acclamations que son peuple - qui l'idolâtrait - lui faisait parvenir d'au-delà des pylônes, il ôtait sa cape et entamait quatre courses symboliques, paré de son seul pagne et des sceptres. Ces "courses" devaient être des marches cérémonielles pour faire des offrandes aux dieux des éléments, des quatre points cardinaux, mais les chercheurs modernes ne les voient que comme de simples "courses".

    Dans son dos, pendait à sa ceinture la queue d'un animal qu'on ne peut préciser mais qui, selon les circonstances, pouvait être celle d'un léopard ou d'un chacal. Il semble que le cas ne se présentait qu'en Haute-Egypte. Après tout cela, il offrait ses insignes à l'Oupouaut, et visitait les chapelles d'Horus et de Seth, d'où il décochait (tel Anubis-archer ?) des flèches de victoire dans les quatre directions. Il existe une version selon laquelle la queue zoomorphe pendant à la ceinture de Pharaon en ces occasions était celle d'un taureau, ce qui pourrait s'apparenter à la mort rituelle du boeuf Apis et de l'âme osirienne, comme "Taureau de l'Amenti" ; mais rien de cela n'est prouvé, car les représentations sont très confuses.

    La formule textuelle qui clôturait la Fête de Sed était la suivante : "Commence ton renouvellement, commence à fleurir de nouveau comme l'enfant fils de la Lune, tu es jeune à nouveau, année après année ; comme Noun au début des temps, tu es né une nouvelle fois au retour de la Fête de Sed."

     
    La Fête de Min

     

    Min de Koptos, très ancienne déité de la fécondation, recevait aussi le nom d'"Ouvreur des Nuées", et le pharaon s'identifiait souvent à lui. Lors des festivités, le pharaon était accompagné d'un serviteur du temple qui l'aidait à semer les graines dans le limon du Nil car la fête était célébrée au premier mois de l'été, le neuvième mois de l'année, ce qui correspond à notre mois de septembre.

    Pharaon et son épouse officielle marchaient devant la statue du dieu Min ityphallique, précédés d'un taureau entièrement blanc, symbole du dieu. Le cortège arrivé au champ choisi, on y érigeait une chapelle démontable, et on y installait, sous un dais, la représentation d'un taureau auquel on faisait des offrandes compliquées. A l'aide d'un instrument rituel, le pharaon fauchait une botte d'herbe et l'offrait au taureau blanc. Dans le temple de Mediret Habu, Ramsès III apparaît avec la faucille cérémonielle ; le professeur Gardiner pense qu'il est représenté ainsi pour évoquer Horus fauchant l'orge de son père Osiris, pour évoquer ses pouvoirs générateurs en tant que Min-Horus, le Puissant. De même que dans les rites de couronnement, on symbolisait les quatre fils d'Horus, en lançant des canards dans les quatre directions.

    Ensuite le prêtre proclamait : "Salut dieu Min, qui féconde sa Mère (la Nature) ! Combien est mystérieux ce que tu as fait dans l'obscurité !" Bien que cela ait été interprété assez facilement, nous pensons que l'union symbolique du roi et de la reine représentait la symbiose entre la nature spirituelle et la nature matérielle ; un renouvellement de cette fécondation mystique qui fait que l'univers continue d'être vivant et justifie son existence.

     
    La Fête de Khoiak

     

    Cette fête était annuelle et se tenait le premier jour du premier mois de l'hiver, ou tout au moins y avait son temps fort. Le Nil atteignait à cette époque son niveau le plus haut, et cela coïncidait avec des honneurs rendus à Osiris qui équivalaient à des sortes de funérailles.

    Selon ce qui est inscrit sur les murs du temple de Dendérah, cela commençait par une cérémonie de labours et de semailles le douzième jour du mois de Khoiak ; puis, jusqu'au 21, on couvrait d'orge et d'avoine une représentation en or de la momie d'Osiris, on l'enveloppait dans des nattes, et on la maintenait immergée dans un bassin peu profond, que l'on arrosait également tous les jours rituellement. Le 22 (neuvième jour de la fête), on l'exposait au soleil juste avant le crépuscule, puis on l'expédiait en voyage, avec des représentations du même dieu et d'autres, sur des barques couronnées de flambeaux ; cela durait jusqu'au 24. Ensuite, on le mettait dans un cercueil en bois de mûrier, et on l'enterrait. C'était le même endroit où l'on avait mis la représentation de l'année précédente, que l'on déterrait alors et que l'on plaçait à l'intérieur d'un sycomore, ou du moins qu'on appuyait contre lui. Le 30, quand la crue du Nil s'atténuait, on faisait des cérémonies se rapportant à l'inhumation d'Osiris dans une chambre souterraine et on plaçait un cercueil avec son image sur un lit de sable.

    Voilà ce que nous avons tiré, jusqu'à présent, de ces inscriptions murales déjà très tardives et des récits des Grecs qui, généralement - sauf ceux qui furent initiés en Egypte - ne voyaient que la plastique et la mise en scène des festivités, et s'efforçaient d'autant plus de les mettre en relation avec les Petits Mystères que ceux-ci, en Grèce, étaient pratiquement publics. De tout cela on déduira, en prenant en compte la mentalité particulièrement matérialiste de nos traducteurs, le peu de chose qu'on est parvenu à recueillir de ces festivités.