Oh ! passer sur cette terre sans avoir déchiffré l’énigme, sans avoir pénétré le secret inexsupérable que certains, parmi nos aïeux, connurent, le pourrais-tu, toi qui as déjà quémandé la Sapience auprès de tant d’hommes qui ne la possédaient pas ?
Le Grand OEuvre ! Le Grand OEuvre ! Vocable prestigieux ! Fulgurante splendeur ! D’aucuns, dans les âges écoulés, auraient donc contemplé cette merveille, l’auraient possédée intégralement, et toi, tu la laisserais, inexpliquée, dans les livres !
Et dans l’au-delà, doué alors de la plénitude de ta lucidité perceptive, tu verrais la phalange triomphale des Sapients, inondés d’une joie radieuse, éperdus de bonheur et d’allégresse, se délecter de la Pierre des Philosophes, s’en nourrir pour l’éternité et tu n’aurais aucune part à ce festin !
Je rappelle pour mémoire, ce que j'ai expliqué lors du précédent article sur ce sujet dans l'académie d'Hermès Trismégiste à savoir : que les méditations de Grillot de Givry s'adressent à son disciple, et que ce disciple n'est personne d'autre que le lecteur de ces méditations sur le Grand Oeuvre.
Volontairement, l'auteur de ce texte admirable de profondeur, d'intelligence et de réelle érudition, utilise des expressions désuètes d'un Français ancien, dans le but avéré, me semble-t-il, d'inscrire dans une longue continuité historique l'héritage des richesses qu'il transmet à son disciple. Le terme : inexsupérable, est de ceux-là, il signifie qui ne peut-être surpassé, ce que je pourrais parfaitement traduire par l'expression que j'utilise régulièrement : ce qui s'est le plus approché de la Vérité Absolue, et qui est permis à l'entendement humain d'atteindre. Formulation qui se trouve indubitablement enfermée dans : inexsupérable.
Oh ! passer sur cette terre sans avoir déchiffré l’énigme... Voilà bien l'une des premières questions d'une grandissime importance qui se pose à la Conscience qui s'éveille. Quel est donc le véritable but (sens) d'une incarnation terrestre qui s'annonce dès son origine comme inéluctablement périssable et, au regard de ce qui l'entoure tant sur terre que dans le ciel, infiniment courte ? Ne pas se poser cette question durant la durée de cette incarnation, cela revient à faire un tour de manège pour rien ; sachant que les cycles dans cette sphère temporelle sont infinis, rater une incarnation peut paraître sans conséquence, sauf si l'absence d'évolution, voire l'accentuation d'une involution, induit une prochaine réincarnation sur un arc du cycle inférieur au précédent. Naître pauvre dans un pays riche (richesse s'entend ici sur le plan matériel, intellectuel et spirituel) et mourir dans le même état de pauvreté, ou pire, encore plus pauvre, condamne inéluctablement à renaître pauvre, mais cette fois dans un pays pauvre... Ce n'est ici que la conséquence de la Justice Divine qui veut que chacun reçoive selon ses mérites. Nous retrouvons d'ailleurs ce principe universel exprimé dans la parabole des cinq talents que nous retrouvons dans l'Évangile de Matthieu :
25.15 Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il partit.
25.16 Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents.
25.17 De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres.
25.18 Celui qui n'en avait reçu qu'un alla faire un creux dans la terre, et cacha l'argent de son maître.
25.19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte.
25.20 Celui qui avait reçu les cinq talents s'approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit: Seigneur, tu m'as remis cinq talents; voici, j'en ai gagné cinq autres.
25.21 Son maître lui dit: C'est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître.
25.22 Celui qui avait reçu les deux talents s'approcha aussi, et il dit: Seigneur, tu m'as remis deux talents; voici, j'en ai gagné deux autres.
25.23 Son maître lui dit: C'est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître.
25.24 Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approcha ensuite, et il dit: Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n'as pas semé, et qui amasses où tu n'as pas vanné;
25.25 j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi.
25.26 Son maître lui répondit: Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé, et que j'amasse où je n'ai pas vanné;
25.27 il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j'aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt.
25.28 Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents.
25.29 Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a.
25.30 Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Le redoutable Sphinx veille, il ne laisse passer que ceux qui parviennent à déchiffrer l'énigme, les autres doivent inévitablement retourner au labeur et la souffrance, (à ne pas confondre avec la douleur qui, elle, est physique) ; cette souffrance est ici le salutaire protecteur des âmes-de-vie s'enfonçant dans les ténèbres de l'ignorance et qui se recouvre de son voile noir. La souffrance de ces Consciences , n'assumant pas leur mission terrestre, est comme le thermomètre qui indique l'état de fièvre ; cette fièvre on peut temporairement l'occulter par des artifices, mais tant qu'il n'y est pas sérieusement porté remède à ce qui en est réellement la cause, elle ne disparaîtra pas, bien au contraire, elle rebondira de plus belle. Il en est de même pour la souffrance des âmes-de-vie, on peut tenter de la contourner par des artifices de drogues,
(médicamenteuses ou hallucinogènes) ou encore par la plonger dans les turpitudes des vices de toutes natures, elle continuera malgré tout à se manifester avec une insistance proportionnelle aux efforts qui seront faits pour l'occulter artificiellement. Cette souffrance est simplement un signal de l'état de maladie de la Conscience ( de mal être), qui s'évertue à fuir les responsabilités de l'exercice de son libre arbitre et de sa volonté. Traiter ce type de maladie avec des remèdes de la sphère du Destin, - qu'ils soient médicamenteux, ou lors de longues, coûteuses et dérisoires analyses sur le divan d'un psy -, cela revient à vouloir résoudre un problème de programmation informatique avec un marteau et un burin... Les remèdes de la sphère du Destin qui s'appliquent aux maladies physiques, ont hélas souvent un caractère plus maléfique que bénéfique, et ne sont, dans l'immense majorité des cas, que des soulagements temporaires, et rarement à l'origine de guérisons définitives. Les diagnostics médicaux ne tiennent que très exceptionnellement compte des véritables causes, pour ne traiter que la manifestation des effets. Nombre de maladies corporelles ont d'ailleurs pour origine ces maladies de l'âme-de-vie, qui sont presque totalement ignorées du thérapeute.
Déchiffrer l'énigme, c'est donc, comme l'indique notre cher Grillot de Givry, avoir pénétré le secret inexsupérable, et il précise, afin que son disciple qui fera l'effort d'une méditation sérieuse de son enseignement ne puisse s'égarer, que certains, parmi nos aïeux sont parvenus à la connaissance de ce secret. Alors, il ne suffit pas d'avoir la volonté de vouloir déchiffrer l'énigme, encore faut-il se mettre à l'ouvrage pour y parvenir, et après la question : pourquoi ? Il faudra répondre à la question: comment? Rester planté là, après ce modeste éveil de la Conscience, en implorant dans une prière si pleine d'ignorance qu'elle n'a aucune chance de recevoir la moindre satisfaction, que la Sapience nous tombe toute rôtie dans le bec, c'est avoir répondu à la première question, mais pas à la deuxième... Et le déchiffrement de l'énigme est dans la réponse à la deuxième question : Comment ? Grillot de Givry, qui tient à guider, autant qu'il lui est possible, son disciple, lui indique la marche à suivre : certains de nos aïeux connurent ce secret. Et si ce secret est inexsupérable, alors il est nécessairement universel et intemporel... C'est d'ailleurs le sens qu'il convient de donner au paragraphe suivant dans l'extrait en exergue :
Le Grand OEuvre ! Le Grand OEuvre ! Vocable prestigieux ! Fulgurante splendeur ! D’aucuns, dans les âges écoulés, auraient donc contemplé cette merveille, l’auraient possédée intégralement, et toi, tu la laisserais, inexpliquée, dans les livres !
Ce secret est donc le Grand Oeuvre que doit parvenir à réaliser celui qui veut déchiffrer l'énigme ; les qualificatifs qu'emploie l'auteur ne laissent aucun doute sur ce qui permettra d'identifier cette Fulgurante splendeur lorsque son disciple parviendra à pénétrer le secret. Cette merveille est aussi ce que les alchimistes appellent l'élixir de longue vie, la panacée thérapeutique, celle qui redonne à l'âme-de-vie son immortalité lumineuse qui s'est trouvée assombrie par la chute dans l'ignorance qui est si contraire à la santé de la Conscience. La suite de ce texte confirme s'il en était besoin le bien-fondé du sens Cachant que je donne à cet extrait.
Et dans l’au-delà, doué alors de la plénitude de ta lucidité perceptive... Dans l'au-delà doit ici ne pas être interprété comme un ailleurs illusoire et chimérique, mais comme ce qui se distingue de l'en-deçà. Cet au-delà n'est pas un lieu proprement dit, comme j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en aborder le sujet dans la dernière étude de l'extrait de l'Évangile de Thomas, mais un changement d'état qui permet de sortir de la prison étriquée de l'ego, de son intellect raisonneur et de ses cinq sens organiques. La santé de la Conscience ne s'acquiert que par la plénitude, et il ne peut pas y avoir de plénitude sans une parfaite harmonisation vibratoire de cette Conscience avec les Lois de la Divine Providence ; cette harmonie lui confère toute sa puissance et sa beauté rayonnante. Cette plénitude passe donc obligatoirement par une complète lucidité perceptive, cette fameuse tonalité d'une pensée juste en Vertus, qui est ce qui permet de parvenir au terme terrestre de la Connaissance éprouvée.
Pour retrouver la phalange triomphale des Sapients (ces sages en véritable science et en vertus), il faut d'abord parvenir à en faire partie. Et si ces sages sont ceux qui ont pénétré le secret inexsupérable, alors la condition d'admission dans cette phalange n'est pas autre chose que l'accession à cette Connaissance universelle et intemporelle...
Mais avant de participer aux festins et aux réjouissances, que nous promet l'auteur de ces méditations, il va falloir que le disciple retourne à ses livres pour y découvrir l'étendue, la réalité et les moyens qu'il devra mettre en oeuvre pour obtenir cette merveille délectable et lumineuse qu'est la Pierre des Philosophes.